Intervention de François Pillet

Réunion du 17 octobre 2017 à 14h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Article 15

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Madame la garde des sceaux, nous sommes entièrement d’accord sur la portée que doit avoir l’article 9, mais nous pensons que cette portée pourrait donner lieu à certaines discussions jurisprudentielles. C’est pourquoi la commission a voulu conforter l’interprétation que nous partageons avec vous.

La question de l’application de l’ordonnance aux contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur est particulièrement débattue. La position la plus simple, la plus largement partagée et qui est aussi celle qui a été retenue par la commission est de protéger l’intention des parties au moment où elles ont conclu le contrat.

En d’autres termes, nous sommes d’accord pour dire que la loi ancienne dans toute son intégrité doit continuer à régir les contrats anciens, au nom de la liberté contractuelle, de la sécurité juridique, de la loyauté et de la prévisibilité du droit ; au nom également de la protection constitutionnelle des contrats légalement conclus, qui ne peuvent être remis en cause, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que pour des motifs d’intérêt général, motifs que l’on ne distingue pas ici.

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation laissent penser que celle-ci voudrait bien appliquer de larges pans de la loi nouvelle aux contrats anciens, ce qui serait, pour moi comme pour vous, une dénaturation de l’intention du législateur, par ailleurs très discutable d’un point de vue constitutionnel. Vous pensez que la rédaction du Gouvernement nous évite ce risque ; je ne le crois pas.

D’une part, dans un arrêt du 17 novembre 2016, la Cour de cassation a écarté un article, rédigé de façon parfaitement similaire, à l’article 9 de l’ordonnance, prévoyant le maintien de la loi ancienne, sauf exceptions expressément et limitativement énumérées, dans une affaire de bail d’habitation. C’est la preuve que la rédaction du Gouvernement ne suffit pas.

D’autre part, dans deux arrêts beaucoup plus récents, des 24 février et 21 septembre 2017, qui font donc application de l’ordonnance, la Cour interprète les règles anciennes du code civil en matière de contrat au regard de la loi nouvelle en changeant en réalité leur portée, ce qui n’est pas satisfaisant.

La rédaction de la commission n’est sans doute pas parfaite, mais elle indique clairement l’intention du législateur : les contrats anciens doivent toujours être régis par la loi ancienne, conformément à l’intention des parties, qui, sinon, n’auraient peut-être pas conclu. Nos travaux préparatoires ont une valeur, qui doit complètement éclairer les magistrats.

Madame la ministre, j’y insiste, nous visons exactement le même objectif, mais nous ne sommes pas tout à fait d’accord sur la rédaction du texte. Vous pensez que le texte suffit ; pour ma part, je pense qu’il faut ajouter une garantie.

Dans le même esprit que celui que j’ai manifesté depuis le début des débats qui s’achèvent ce soir avec cet amendement, il me semble que le Gouvernement, estimant que la protection supplémentaire apportée par la commission va tout à fait dans le sens de ses propres préoccupations, pourrait retirer cet amendement. S’il ne le faisait pas, j’émettrais un avis défavorable.

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