Intervention de Alain Richard

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 octobre 2017 à 10h05
Proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice — Proposition de loi organique pour le redressement de la justice - examen du rapport et des textes de la commission

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Je rejoins les approbations portées sur le travail qui a conduit à ces textes et à l'état d'esprit constructif et partenarial que nous observons aujourd'hui.

Devant la dureté des défis auxquels l'appareil judiciaire est confronté, je veux insister sur une dimension qui n'est ni dans la sensibilité du législateur ni dans les habitudes de pensée du monde de la justice : le management judiciaire. Beaucoup de pays comparables au nôtre ont introduit dans le fonctionnement de leurs juridictions une préoccupation touchant à l'efficacité dans l'utilisation des moyens. Les choses évoluent, certes, avec l'arrivée de nouvelles générations de magistrats, mais nous avons encore beaucoup de progrès à faire. À part dans le corps de l'inspection, c'est un mode de pensée, disons-le, qui est absent de la place Vendôme. Or, une quantité de conditions sont à remplir, même avec davantage de moyens, pour que le système fonctionne mieux.

Je rejoins Jacques Bigot sur le constat des difficultés de contact entre le « juge jugeant » et ceux qui sont en amont et en aval. En amont, car la concertation avec les barreaux sur le fonctionnement quotidien du déroulement des audiences, les rapports avec les experts, les choix en matière de durée d'instruction ne sont en rien collégiaux et ne font l'objet d'aucun retour d'expérience évalué au niveau national, pour développer les bonnes pratiques. Ceux qui font cet effort de management sont isolés, et personne ne profite de leur expérience. Quant à l'aval, le problème de l'exécution des peines et du rapport avec l'administration pénitentiaire est récurrent, alors que l'exécution effective des peines est nécessaire.

Il faudra, par conséquent, y insister auprès de la garde des sceaux : sans esprit d'efficacité ni bonne utilisation de ressources humaines - qui seront toujours rares -, la meilleure réforme du monde ne saurait produire ses effets.

Nous n'en sommes qu'au début de la déjudiciarisation. En matière pénale, en particulier, le volume d'énergie et de temps consacré à la plus modeste action de répression est devenu disproportionné et provoque une autre déjudiciarisation : il ne se passe rien, concrètement, après le constat des faits, on ne poursuit pas. C'est un sujet difficile sur le plan légal et constitutionnel, mais si l'on n'augmente pas la part de la matière contraventionnelle, dont l'initiative revient à l'officier de police judiciaire, on échouera durablement dans la répression de la délinquance.

Il est de la responsabilité du législateur de faire la chasse à tout ce qui contribue à faire que celui qui a intérêt à jouer la montre gagne toujours. Du fait que les magistrats eux-mêmes sont sous la vague, si bien que s'ils contraignaient les parties à abandonner les manoeuvres dilatoires, ils provoqueraient une nouvelle vague de volume à absorber, il y a aujourd'hui consensus entre la partie qui y a intérêt et l'appareil judiciaire, pour favoriser toutes les procédures dilatoires. Il faut y remédier, car c'est l'une des choses qui alimente le plus le sentiment d'inégalité devant la justice.

Enfin, se pose la question de la durée de formation des nouveaux magistrats. Mme Taubira disait qu'il fallait 31 mois. Si l'on dispose de moyens supplémentaires, il faudra inévitablement en venir à une question sur laquelle le Parlement et le Gouvernement se sont affrontés à plusieurs reprises au cours des dernières décennies, et augmenter les recrutements latéraux de magistrats en cours de carrière, venant des professions juridiques, plutôt que provenant de la seule voie des concours d'entrée à l'École nationale de la magistrature, puisque lorsque l'on augmente substantiellement le nombre d'admis, on baisse fortement le taux de sélection, qui, parfois, peut varier de 1 à 5. Cela revient au final à amoindrir le niveau universitaire des candidats à l'entrée à l'École.

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