Intervention de Jean-Louis Deroussen

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 octobre 2017 à 9h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Audition de M. Jean-Louis deRoussen président du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales

Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales :

Merci de nous recevoir. Notre conseil d'administration a émis un vote majoritairement défavorable sur le PLFSS, au regard de l'examen des articles concernant la branche famille de la sécurité sociale. Les organisations patronales ont voté en faveur de ce projet, estimant qu'il fallait laisser la porte ouverte aux propositions du Gouvernement lors de la présentation du premier PLFSS de la mandature.

Après dix ans de déficit, la branche famille retrouve l'équilibre. À mon arrivée à la tête de la Cnaf en 2007, elle était excédentaire. Pour une bonne part, les déficits ultérieurs résultent de transferts de charges à la branche famille, comme les majorations pour enfants des pensions de retraite.

Nous avons les mêmes interrogations que vous sur l'effet redistributif de la politique familiale. Les familles aisées ont été mises à contribution à plusieurs reprises par des mesures fiscales de plafonnement du quotient familial, la fin de l'universalité des allocations familiales par l'introduction d'une modulation, et la modification des plafonds d'ouverture des droits à différentes prestations comme la PAJE. À l'inverse, 400 000 familles modestes bénéficient de la majoration du complément familial, 745 000 foyers séparés de l'allocation de soutien familial, sans compter l'accès au revenu de solidarité active (RSA), et désormais à la prime d'activité. Il y a donc un effet redistributif. Nous avons étudié l'impact sur les familles des réformes intervenues en 2014 et 2015 en matière de politiques sociales et familiales. 3,2 millions de familles auraient perdu en moyenne 67 euros par mois, alors que 2,1 millions de familles auraient vu leurs revenus augmenter de 67 euros. Il y a donc eu plus de perdants que de gagnants et cela a engendré environ 860 millions d'euros d'économies.

Mme Buzyn nous a présenté, lors de notre conseil d'administration en septembre, les axes du PLFSS et sa politique familiale notamment en faveur des familles défavorisées, pour lutter contre la pauvreté des enfants - hier se tenait la journée mondiale du refus de la misère. Près de 70 000 familles monoparentales qui confient leur enfant dans une structure d'accueil voient leur complément de libre choix de mode de garde (CMG) augmenter significativement. En cas d'accueil individuel, la totalité des cotisations salariales est prise en charge, le reste à charge étant diminué du fait de l'augmentation de la prestation avec un montant plafond majoré de 30 %. En année pleine, cela coûtera 40 millions d'euros. La mise en oeuvre en octobre 2018 coûtera 10 millions d'euros à la branche famille.

Le plafond de l'allocation de base de la PAJE sera aligné plus rapidement que prévu sur la base du complément familial, soit une économie de 70 millions d'euros en 2018. En 2015, notre conseil s'était ému que le versement de la prime à la naissance de 923 euros, au départ prévu avant la naissance pour aider à l'accueil du nourrisson, ait été décalé au deuxième mois de l'enfant. Ce décalage était difficilement supportable pour les familles, et les fonds locaux d'action sociale des caisses d'allocations familiales ont attribué des prêts pour corriger le dispositif.

Quel est l'avenir de la politique familiale ? Nous espérons que les négociations pour la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) s'ouvriront le plus rapidement possible en 2018. Triste expérience, la précédente COG n'avait été signée qu'en juillet, retardant en septembre la déclinaison opérationnelle et l'obtention des fonds nécessaires par les organismes locaux. Cela a décalé les investissements prévus avec les collectivités. Ainsi, le Fonds national d'action sociale (Fnas) n'a pas été totalement consommé la première année, entraînant son rebasage. Nos concitoyens attendent une politique familiale composée autant de prestations que de services, comme l'accueil du jeune enfant ou l'aide à la parentalité.

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