Commission des affaires sociales

Réunion du 18 octobre 2017 à 9h30

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous accueillons ce matin M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), accompagné de MM. Daniel Lenoir, directeur général, Frédéric Marinacce, directeur des prestations légales et sociales, Bernard Tapie, directeur des statistiques, des études et de la recherche et de Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires. Cette audition s'inscrit dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 sur lequel le conseil d'administration de la Cnaf a émis le 4 octobre dernier un avis majoritairement défavorable.

Le PLFSS comprend deux mesures sur la branche famille, l'une augmentant le complément de mode de garde pour les familles monoparentales, l'autre révisant le barème de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE). Après neuf années de déficit, la branche revient à l'équilibre en 2017, avec des perspectives d'excédents croissants à compter de 2018. Ce résultat est en partie lié à des mesures d'économies sur certaines prestations.

Au-delà des mesures du PLFSS et de la trajectoire financière, nous souhaitons faire le point sur les perspectives d'évolution de la branche. Il y a quelques semaines, la ministre des solidarités et de la santé a présenté devant le conseil d'administration de la Cnaf les orientations gouvernementales en matière de politique familiale, alors qu'une nouvelle convention d'objectifs doit être établie avec l'État. Elle aurait insisté sur la lutte contre la pauvreté et les solutions d'accueil pour les jeunes enfants. Vous nous direz, monsieur le président, votre perception de ces orientations.

Le rapport annuel que nous a présenté le Premier président de la Cour des comptes comporte un volet consacré à la branche famille. Il souligne l'orientation redistributrice suivie ces dernières années et appelle à clarifier les objectifs de la politique familiale, à un moment où notre démographie donne des signes de fléchissement.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales

Merci de nous recevoir. Notre conseil d'administration a émis un vote majoritairement défavorable sur le PLFSS, au regard de l'examen des articles concernant la branche famille de la sécurité sociale. Les organisations patronales ont voté en faveur de ce projet, estimant qu'il fallait laisser la porte ouverte aux propositions du Gouvernement lors de la présentation du premier PLFSS de la mandature.

Après dix ans de déficit, la branche famille retrouve l'équilibre. À mon arrivée à la tête de la Cnaf en 2007, elle était excédentaire. Pour une bonne part, les déficits ultérieurs résultent de transferts de charges à la branche famille, comme les majorations pour enfants des pensions de retraite.

Nous avons les mêmes interrogations que vous sur l'effet redistributif de la politique familiale. Les familles aisées ont été mises à contribution à plusieurs reprises par des mesures fiscales de plafonnement du quotient familial, la fin de l'universalité des allocations familiales par l'introduction d'une modulation, et la modification des plafonds d'ouverture des droits à différentes prestations comme la PAJE. À l'inverse, 400 000 familles modestes bénéficient de la majoration du complément familial, 745 000 foyers séparés de l'allocation de soutien familial, sans compter l'accès au revenu de solidarité active (RSA), et désormais à la prime d'activité. Il y a donc un effet redistributif. Nous avons étudié l'impact sur les familles des réformes intervenues en 2014 et 2015 en matière de politiques sociales et familiales. 3,2 millions de familles auraient perdu en moyenne 67 euros par mois, alors que 2,1 millions de familles auraient vu leurs revenus augmenter de 67 euros. Il y a donc eu plus de perdants que de gagnants et cela a engendré environ 860 millions d'euros d'économies.

Mme Buzyn nous a présenté, lors de notre conseil d'administration en septembre, les axes du PLFSS et sa politique familiale notamment en faveur des familles défavorisées, pour lutter contre la pauvreté des enfants - hier se tenait la journée mondiale du refus de la misère. Près de 70 000 familles monoparentales qui confient leur enfant dans une structure d'accueil voient leur complément de libre choix de mode de garde (CMG) augmenter significativement. En cas d'accueil individuel, la totalité des cotisations salariales est prise en charge, le reste à charge étant diminué du fait de l'augmentation de la prestation avec un montant plafond majoré de 30 %. En année pleine, cela coûtera 40 millions d'euros. La mise en oeuvre en octobre 2018 coûtera 10 millions d'euros à la branche famille.

Le plafond de l'allocation de base de la PAJE sera aligné plus rapidement que prévu sur la base du complément familial, soit une économie de 70 millions d'euros en 2018. En 2015, notre conseil s'était ému que le versement de la prime à la naissance de 923 euros, au départ prévu avant la naissance pour aider à l'accueil du nourrisson, ait été décalé au deuxième mois de l'enfant. Ce décalage était difficilement supportable pour les familles, et les fonds locaux d'action sociale des caisses d'allocations familiales ont attribué des prêts pour corriger le dispositif.

Quel est l'avenir de la politique familiale ? Nous espérons que les négociations pour la nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) s'ouvriront le plus rapidement possible en 2018. Triste expérience, la précédente COG n'avait été signée qu'en juillet, retardant en septembre la déclinaison opérationnelle et l'obtention des fonds nécessaires par les organismes locaux. Cela a décalé les investissements prévus avec les collectivités. Ainsi, le Fonds national d'action sociale (Fnas) n'a pas été totalement consommé la première année, entraînant son rebasage. Nos concitoyens attendent une politique familiale composée autant de prestations que de services, comme l'accueil du jeune enfant ou l'aide à la parentalité.

Debut de section - Permalien
Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales

C'est la dernière fois que je m'adresse à vous en tant que directeur général de la Cnaf, je partirai avant notre président... J'interviendrai en tant que gestionnaire des finances publiques, qui gère un budget de plus de 90 milliards d'euros, dont la moitié correspond à la branche famille au sens de la sécurité sociale et relève donc du PLFSS. Nous sommes aussi concernés par le projet de loi de finances (PLF) : la totalité des allocations logement sont désormais intégrées dans le budget de l'État, alors qu'auparavant l'allocation de logement familiale figurait dans le PLFSS.

La Cour des comptes a repris, dans son rapport, une étude conduite par les services de la Cnaf dirigés par M. Tapie, qui montrait le caractère redistributif en fonction de l'ensemble du système socio-fiscal -incluant donc la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) non prises en charge par la branche famille, et l'effet fiscal du quotient familial...

Dans les années 1980, l'Insee décrivait la « courbe en U de la politique familiale » aux effets très redistributifs pour les premiers déciles et antiredistributifs pour les derniers. Depuis la réforme de 2012, la deuxième partie de la courbe s'est aplatie, il n'y a plus d'effet antiredistributif. Selon une enquête du Credoc que nous avons commandée, 80 % des Français approuvent la modulation des allocations familiales, de même que 78 % des personnes qui subissent cette modulation. Voyez l'acceptabilité sociale de cette mesure, principale source d'économies de la branche - près de 800 millions d'euros. Nous avons tous apprécié le rapport de la Cour des comptes et les comparaisons avec les autres pays européens.

M. Deroussen a détaillé la modification du plafond du CMG, prévue par le PLFSS. Je ne commenterai pas le choix politique de réaliser des économies qui aboutit à modifier des paramètres et à les harmoniser avec d'autres. Quant au décalage de deux mois du versement de la prime à la naissance, il ne s'agissait pas une mesure d'économies, mais d'une mesure de trésorerie qui a permis des économies la première année.

L'année dernière, vous m'aviez interrogé sur les difficultés de financement du RSA par des départements connaissant des retards de paiement. Le problème n'est toujours pas réglé, même si des mesures ont été prises pour que les départements s'acquittent de leurs dettes. Il est anormal que la branche famille fasse cette avance de trésorerie, soutenable encore avec de faibles taux d'intérêt, mais qui ne l'est plus s'ils se redressent ou si un doute s'instaure sur la capacité du département à payer : il s'agirait d'une provision sur les comptes de la branche famille. Nous avons fait diligence avec l'agent comptable, avec « tact et mesure », mais aussi avec fermeté. Ainsi, le département du Nord connaît un plan d'apurement de la dette. Le problème est en cours de règlement dans presque tous les départements, dans des conditions satisfaisantes. Parallèlement nous mettons en place des téléprocédures pour l'accès au RSA, et nous avons refait toutes les conventions avec les départements pour insérer la clause de neutralité financière prévue par la loi. L'avance de la branche famille doit être couverte par les départements ; les retards de paiement atteignaient parfois plusieurs années ! Or nous sommes tenus d'appliquer la loi.

Nous nous félicitons du retour à l'équilibre de la branche famille. D'un point de vue maastrichien, c'est-à-dire de l'ensemble des finances publiques, la branche famille couvre le déficit d'autres branches. C'était le choix du Gouvernement : continuer à faire des économies conformément au plan présenté par M. Darmanin cet été.

La prochaine COG sera signée pour 2018-2022, or j'aurai 65 ans au milieu de cette convention. On ne peut diriger un établissement public au-delà de 65 ans et le Gouvernement a préféré que la même personne élabore le COG et la mette en oeuvre sur l'ensemble de sa durée. Un autre choix eut été possible, celui-ci retardera un peu les négociations de la COG. Depuis deux ans, nous travaillons avec le conseil d'administration sur les priorités de la future COG, à savoir quels seront les moyens de la branche, l'accueil de la petite enfance, l'avenir de la branche famille. Nous avons travaillé sur certaines orientations politiques validées par le conseil d'administration et voulons les transformer en projet stratégique. Les premières COG duraient trois ans, j'aurais souhaité une future COG de cinq ans, pour l'aligner sur le quinquennat, avec une dernière année de bilan et de préparation de la nouvelle COG, plus stratégique que la précédente - et ce n'est pas une critique de l'ancienne.

Pour la future COG, nous prévoyons trois projets stratégiques. Nous voulons généraliser un nouveau modèle de production et de relations de service de la branche famille, pour l'ensemble des prestations. J'ai ainsi mis en partie en place une sorte de Sesam-Vitale pour la branche famille, avec une transmission directe des données de la part des allocataires. Nous avons commencé avec la prime d'activité et la téléprocédure RSA ouverte depuis avant-hier dans une vingtaine de départements, et nous l'envisageons pour les allocations logement dans le cadre de leur réforme. Nous voulons une approche 100 % dématérialisée mais aussi 100 % personnalisée pour régler trois problèmes. Il faut simplifier les prestations - nous avons jusqu'alors échoué - notamment grâce au numérique. Nous avons un taux de recours à la prime d'activité deux fois supérieur à celui du RSA activité. Le numérique n'est pas un obstacle à l'accès aux droits, si l'on s'en donne les moyens. Il peut même être un facteur d'accès aux droits et nous travaillons à l'inclusion numérique avec Emmaüs-Connect pour développer un réseau de points d'accueil numériques. Deuxième enjeu, il faut assurer la sécurité des paiements - la Cour des comptes certifie nos comptes. C'est l'un de nos talons d'Achille : le risque financier résiduel, au bout de deux ans, est d'un milliard d'euros de dépenses non récupérées. Seules 30 à 40 % constituent de la fraude contre laquelle nous luttons. Le reste consiste en des indus liés à diverses erreurs.

Le nouveau modèle de production et de relations de services s'appuiera sur un système d'acquisition directe de données auprès du payeur - l'employeur, l'assurance maladie, Pôle emploi... Cela assurera le prérenseignement de la feuille de télédéclaration simplifiant la démarche mais aussi donnant des données quasi certaines sur le montant des prestations. C'est un enjeu de productivité - je n'ai pas honte de le dire ; le service public de qualité doit être rendu au meilleur coût. Cela avait été expérimenté sur la prime d'activité, pour développer la liquidation automatique. Les données transitent du producteur à la machine sans passer par le technicien - même si tout ne peut pas être informatisé. C'est aussi un modèle de relations et de services, et nous avons réalisé d'énormes progrès dans cette convention d'objectifs et de gestion. Nous nous étions engagés à recevoir 100 000 personnes par an, en réalité 270 000 personnes sont reçues en face-à-face pour l'étude de leurs droits. C'est une révolution silencieuse - on parle plus souvent de ce qui ne marche pas... Nous avons modernisé le site internet caf.fr, dont les flux ont été multipliés par deux. Nous sommes désormais le principal service public et allons dépasser Pôle emploi. Plus de 90 % des bassins de vie sont couverts par au moins un accueil numérique, par exemple dans les maisons de service public.

Nous dressons un bilan en demi-teinte de l'accueil de la petite enfance. Il faudra repenser totalement le système de régulation et de création des places de crèche et d'assistant maternel. Il faudrait aussi prendre en compte l'accueil parental, première forme d'accueil. Une lettre ouverte m'a accusé de rendre 523 millions d'euros à l'État mais cet argent n'a pas été dépensé, il accélère le retour à l'équilibre de la branche. Sur cette somme, 220 millions d'euros sont dus à une sous-exécution, la moitié pour la petite enfance, l'autre pour l'accompagnement des nouveaux rythmes éducatifs. Nous avions eu des échanges vigoureux lors de la préparation du rapport sénatorial de Mme Cartron. Ces sommes ont été surbudgétées à cause d'une demande surestimée. Depuis, de nombreuses communes sont revenues à la semaine de quatre jours. Aujourd'hui, 60 % des enfants à l'école publique ont accès à une activité périscolaire, soit bien plus qu'au début de la dernière COG. Au moment où 110 millions d'euros de moins sont prévus pour le FNAS, 25 000 places de crèche - pas forcément au bon endroit - ont été créées à l'insu de notre plein gré, financées par le Fonds national des prestations familiales (FNPF) sur le CMG. Les schémas départementaux de service aux familles sont très utiles, il ne faudrait pas les rendre prescriptibles - comme le proposait Mme Bertinotti - mais opposables. N'imposons pas de nouvelles places de micro crèche qui déstabiliseraient l'offre existante, mais lançons plutôt des appels à projet dans les zones en manque. J'aimerais que le législateur soit saisi de ce vrai sujet dont nous avons débattu avec les think tanks Terra Nova, l'Institut Montaigne ou France Stratégie. La branche devrait se doter d'un outil de financement de l'évaluation du rendement de la dépense sociale, afin de maîtriser les dépenses. Le conseil d'administration est très proche de ma position.

La budgétisation existe déjà de facto puisque nous versons 31 milliards d'euros de prestations légales pour la branche famille, 42 milliards pour l'État et les départements, 6 milliards pour le FNAS, une dizaine de milliards pour les droits à retraite auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. La partie versée pour le compte de tiers est perçue par le public comme des prestations familiales et sociales. Avoir un seul compte pour toutes les prestations versées serait plus transparent. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout budgétiser, des ressources propres étant nécessaires, mais il faudrait une dotation budgétaire pour une image plus claire des dépenses de la branche.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Merci de vos points de vue différenciés. Au travers des caisses d'allocations familiales, vous êtes un partenaire essentiel des élus locaux, qu'ils soient départementaux ou intercommunaux, avec lesquels vous travaillez sur des projets de territoire. Je me réjouissais, devant les ministres, du retour à l'équilibre de la branche famille après 10 ans d'exercices déficitaires. Cela résulte notamment d'économies successives sur la politique familiale qui représentent 1,5 milliard d'euros en 2018, avec des conséquences sur une natalité en baisse. N'y a-t-il pas un changement de paradigme ? On passe d'une politique familiale objet d'un large consensus à une politique essentiellement sociale - certes importante - mais non plus purement familiale.

Nous nous réjouissons que le PLFSS relève le plafond de l'aide aux familles monoparentales dont le nombre augmente sur nos territoires avec des difficultés pour les femmes de trouver un travail et de faire garder leurs enfants.

Une partie de ces familles sont concernées par la réduction du plafond de l'allocation de base de la PAJE et la prime à la naissance. Leur effet combiné aboutit à des économies de plus de 100 millions d'euros. On réalise davantage d'économies d'un côté qu'on n'en distribue de l'autre. Disposez-vous d'une estimation du nombre de gagnants et de perdants, et de l'ampleur des pertes ? Comment conciliez-vous les règles et un regard humain dans la masse des prestations ?

Votre objectif était d'augmenter le nombre de solutions d'accueil des jeunes enfants. Le chiffre de 275 000 places n'a pas été atteint, seulement un cinquième ont été créées. Il faut repenser cette politique et le système de régulation. L'accueil parental pourrait être une solution, mais voyez le nombre de femmes qui travaillent en France, ce sera compliqué ! Il faut plutôt concilier vie familiale et vie professionnelle.

Nous ne disposons pas d'évaluation des schémas départementaux des services aux familles, probablement un bon outil. En quoi ont-ils réalisé un travail partenarial sur les territoires pour améliorer l'accueil des jeunes enfants ?

On constate des disparités importantes entre les territoires et selon les revenus. Quelles offres de garde faut-il prévoir et à quel coût ?

La Cour des comptes propose dans son rapport de réfléchir à une budgétisation totale des aides familiales, ce qui supprimerait la branche famille. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales

Les administrateurs de la Cnaf et les conseils locaux ont souligné l'évolution d'une politique familiale vers une politique sociale. Cette politique familiale va au-delà des prestations financières, puisque les familles ont besoin de services comme les places en crèche, l'aide à la parentalité... Certes, un accent plus important est mis sur les situations les plus difficiles - les familles sont monoparentales à la suite d'un décès ou d'une séparation... Regardons les familles dans leur évolution. Nous n'avons pas de données sur les gagnants et les perdants.

Sur les moyens humains et financiers, nous serons plus efficaces demain sur la qualité du service rendu et la dématérialisation, pour éviter les queues au guichet. Mais le face-à-face avec le travailleur social doit être privilégié. Si la COG pointe les réductions de poste, nous devons maintenir des moyens humains suffisants.

Une analyse précise des schémas départementaux de service aux familles montre qu'ils ont rencontrés un grand succès, bien que construits sans cadre commun. Nous devons les reprendre et les affiner. Certains dispositifs d'accueil sont situés dans des localités qui n'en ont pas besoin. Améliorons l'offre tout en travaillant avec les élus, d'autant que les communautés de communes prendront peut-être une autre dimension. Travaillons à la situation la plus pertinente.

Il serait dommage de se priver de la branche famille et de tout ce qui a été construit au nom du bénévolat. Si nous fêtons les 50 ans de la Cnaf, les caisses sont plus anciennes et ont tenté de répondre toujours mieux aux familles.

Debut de section - Permalien
Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales

Nous n'avons pas le nombre de gagnants ni de perdants à la réforme, faute de base pour l'évaluer - malgré notre importante capacité de prévision. Nous avons été saisis trop tard.

Vous évoquez le fait qu'un cinquième seulement des 275 000 solutions d'accueil prévues dans la COG ont été créées. Il y a là un glissement sémantique. En réalité, étaient prévues par nos calculs 66 000 places en crèche, devenues 100 000 solutions d'accueil, brandies comme une pierre philosophale. J'ai contesté ce calcul. Retenez l'objectif de 66 000 créations nettes. Étaient prévues également 100 000 places chez des assistants maternels et 75 000 places dans des classes passerelle ou préscolaires. Nous n'avons aucune capacité d'agir sur ces dernières et donc aucune responsabilité sur le fait que les objectifs n'aient pas été atteints.

Une note de l'Observatoire national de la petite enfance montre que le recours aux assistants maternels - et non leur nombre - a plutôt diminué. Lorsqu'on créée des places de crèche, cela déplace l'accueil des assistants maternels vers les crèches. Nous voulons améliorer l'accueil par les assistants maternels, et avons généralisé les relais d'assistants maternels, à hauteur de ce que prévoyait la COG et appuyé le développement de maisons d'assistants maternels. Le nombre d'assistants maternels n'a pas augmenté mais cela a amélioré la qualité de l'accueil, quasiment au niveau de celui des micro-crèches. Ce sont les parents qui choisissent leur mode de garde ; souvent ils privilégient l'accueil collectif. Les micro-crèches répondent à ce besoin mais pas à celui de mixité sociale en raison de leur coût.

Debut de section - Permalien
Bernard Tapie, directeur des statistiques, des études et de la recherche de la Cnaf

Le calcul est extrêmement complexe. La lettre de l'Observatoire mentionne des chiffres approuvés par tous les acteurs du secteur et conclut la polémique. De 54 à 58 000 places en crèche nettes ont été créées entre 2013 et 2017, soit 85 % de l'objectif de 66 000 places. En 2016, un taux similaire a été atteint, soit 87 à 88 %.

Debut de section - Permalien
Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales

Cela intègre-t-il les places créées par le FNPF ?

Debut de section - Permalien
Bernard Tapie, directeur des statistiques, des études et de la recherche de la Cnaf

Il faut prendre le nombre de places créées par le FNAS et y soustraire 30 000 places de micro-crèches en 2017 et 25 000 en 2016.

Debut de section - Permalien
Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales

Le phénomène des micro-crèches est massif.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Alors que l'argent public est rare, on parle peu de l'avenir. Or les investissements d'aujourd'hui nous permettront de limiter les difficultés de demain.

Les collectivités doivent mettre en place des plans de santé publique locaux et utiliser toutes les armes possibles pour lutter contre les grands problèmes que sont l'échec scolaire, la radicalisation, les difficultés intrafamiliales. Or elles rencontrent aujourd'hui de très grandes difficultés pour investir dans des équipements publics. Les CAF ont toujours été les partenaires efficaces des élus locaux mais les orientations gouvernementales leur permettront-elles toujours d'aider les élus locaux à investir ?

La politique de la ville ne s'arrête pas aux quartiers prioritaires. Nous nous soucions de l'ensemble des populations et proposons ainsi différents modes de garde adaptés aux divers types de familles, qu'elles soient monoparentales ou non. Je rappelle qu'une place de crèche dans une collectivité moyenne coûte environ 14 000 euros par an. Nombre d'élus n'ont plus les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Je vous remercie, monsieur président, de votre franchise et d'avoir en particulier rappelé l'aberration que constitue le versement de la prime de naissance deux mois après la naissance !

Personne ne peut se satisfaire que l'on passe insidieusement d'un système de solidarité à un système d'assistance. On dénature la mission de la politique familiale.

Les politiques de ciblage peuvent être trompeuses. Ainsi, nous sommes bien sûr favorables à la réévaluation des aides aux familles monoparentales, mais une étude a montré que les familles biparentales ayant un seul enfant rencontraient parfois autant de difficultés, parfois plus, que les familles monoparentales.

On assiste à une fuite en avant concernant les plafonds de ressources. Cette année, 10 % de familles supplémentaires seront exclues de l'allocation de base de la Paje. Quelle dérive ! N'appliquera-t-on pas ce système à d'autres branches demain ?

Comme Mme le rapporteur, je m'inquiète d'une certaine dénaturation de la politique familiale. Je rappelle que la politique familiale ne vise pas uniquement à aider les plus défavorisés. Elle a aussi pour but de développer les capacités dès l'enfance, une telle politique produisant des effets à long terme, de permettre de concilier vie professionnelle et vie familiale, d'assurer la cohésion sociale et de prévenir les comportements à risques. Elle favorise également l'égalité entre les femmes et les hommes.

Les 860 millions d'euros d'économies sont inacceptables.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Vous avez évoqué le bilan en demi-teinte de l'accueil dans le domaine de l'enfance et de la petite enfance. Le constat est juste, mais il me semble que nous n'accompagnons pas suffisamment les innovations dans ce domaine, pourtant nombreuses. Je pense notamment aux micro-crèches et aux maisons d'assistants maternels, qui répondent parfaitement à la demande d'accueil collectif, offrent une forme de souplesse et permettent de minorer les coûts, les normes applicables à ces structures étant différentes de celles des crèches collectives. Il me semble que l'on pourrait mieux accompagner ces innovations, les développer plus rapidement et atteindre les objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

M. Lenoir a évoqué la mise en place des appels à projets pour la création des crèches. Dans le domaine du handicap, les appels à projets ont accru la complexité administrative. Les crédits alloués, souvent peu suffisants, ne sont pas utilisés en raison des délais prévus dans les appels à projets.

Ma question porte sur la prime d'activité. Les outils numériques, en offrant un accès plus large aux bénéficiaires, ont permis d'améliorer le taux de recours. Les objectifs annoncés en matière de taux de recours pour 2017 ont-ils été atteints ? Si oui, quelles sont les incidences financières ? Quels sont les objectifs pour 2018 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Je pense qu'on mélange parfois les objectifs et les moyens de les atteindre. Ainsi, le numérique est non pas un objectif, mais un moyen de rendre un service afin d'atteindre un objectif social.

La France est le deuxième pays industrialisé en termes de déterminisme social. Un petit Français a moins de chances qu'un petit Grec de sortir du milieu populaire dans lequel il est né. Un enfant qui redouble son CP n'a aucune chance de faire des études supérieures car il n'a pas le vocabulaire nécessaire pour apprendre à lire.

Alors que nous parlons d'accueil des enfants, nous ne raisonnons que du point de vue des parents ! Nous voulons des crèches pour que les deux parents puissent travailler. Les crèches sont extrêmement coûteuses pour les communes. Quand 20 enfants sont accueillis en crèche, 300 bénéficient d'un autre mode de garde. Qu'est-ce qui justifie que 20 enfants bénéficient de l'argent public et pas les 300 autres ?

La crèche ne devrait-elle pas permettre d'essayer de compenser des carences éducatives par une intervention extérieure ?

Notre pays est de plus en plus divisé entre ceux qui sont favorisés, pourront suivre des études, réussir leur vie, et ceux qui, parce qu'ils sont nés au mauvais moment dans un mauvais environnement, ont un destin négatif tracé d'avance. Ne faudrait-il pas travailler sur l'affectation des différents modes de garde ? Pourquoi deux parents qui travaillent et sont de bons éducateurs n'auraient-ils pas recours à un assistant maternel ? Leurs enfants ne subiraient aucun préjudice. Pourquoi ne réserverait-on pas une grande partie des places en crèche à des enfants dont les parents ne travaillent pas afin de leur permettre de disposer des outils nécessaires pour réussir leur scolarité et leur vie ? À titre d'exemple, le département d'Ille-et-Vilaine avait constaté que les crèches n'accueillaient que 1 % d'enfants issus des milieux populaires. Il s'est fixé pour objectif d'atteindre le taux de 40 %. Aujourd'hui, 80 % des crèches de ce département ont atteint cet objectif.

Je souhaite que nous ayons une réflexion approfondie sur l'attribution des différents modes de garde. Le raisonnement selon lequel les parents devraient pouvoir choisir me paraît fallacieux. S'ils veulent choisir, qu'ils paient !

Enfin, pourrait-on cesser de stigmatiser les familles monoparentales ? Un enfant a peu de chances de réussir, non parce qu'il est issu d'une famille monoparentale, mais parce que les conditions économiques privent son parent des moyens matériels de l'élever le mieux possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Des budgets sont-ils fléchés sur les contrats « enfance et jeunesse » et sur les contrats locaux d'accompagnement à la scolarité ?

Que pensez-vous des modes de garde au sein des entreprises ? Pourriez-vous accompagner ce genre de projets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Concrètement, quel sera l'impact des économies demandées à la branche sur les familles ? Avez-vous effectué des simulations ?

Le Fonds national d'action sociale totalise 523 millions d'euros de crédits non exécutés. N'y a-t-il pas là un paradoxe si l'on pense aux besoins constatés des familles, des associations et des collectivités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Ma question portera sur la garde des enfants dans les secteurs transfrontaliers, notamment dans le secteur franco-luxembourgeois.

L'État luxembourgeois a étendu aux familles des travailleurs transfrontaliers le bénéficie d'une prestation d'accueil pour celles d'entre elles qui font garder leurs enfants au Luxembourg. Cette aide pourrait désormais également être versée aux crèches publiques ou privées situées sur le territoire français pour les enfants des travailleurs frontaliers. Pour prétendre à ces aides, les crèches françaises doivent répondre à certains critères, le critère majeur étant l'environnement multilingue de la crèche. Concrètement, est-il possible d'accompagner les crèches françaises afin qu'elles puissent percevoir la prestation luxembourgeoise ?

Plus généralement, sachant que le jeune âge est la période où les enfants apprennent le plus rapidement les langues, notre pays ne pourrait-il pas, à l'exemple de nos voisins luxembourgeois, instaurer un multilinguisme dans les crèches ? Ce serait une bonne chose pour les enfants, en particulier pour ceux d'entre eux qui sont issus des milieux défavorisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Dans une crèche, le ratio est d'une personne pour neuf enfants de dix-huit mois.

Dans le secteur frontalier, les crèches accueillent surtout les enfants des parents ayant les moyens, peu les enfants des parents en difficulté. Ces derniers restent au chômage.

Par ailleurs, le service public ne pourrait-il pas trouver de solution pour prendre en charge les enfants lorsqu'ils sont malades ?

Les personnels des crèches sont sous-payés, alors qu'ils ont pourtant fait des études et qu'ils exercent des responsabilités. En conséquence, le turn-over est important.

Les crèches ont des horaires très restreints et contraignants. Elles ouvrent rarement à six heures du matin.

Les municipalités ont tendance à supprimer des places de crèches. Ainsi, ma commune, qui avait réservé des places dans une crèche d'entreprise, les a supprimées arguant qu'elle créait des MAM. Or ces structures n'ont pas du tout la même vocation que les crèches.

Il faut revoir l'ensemble du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Les familles sont pénalisées à hauteur de 450 millions d'euros alors que la branche est à l'équilibre et qu'elle sera excédentaire l'année prochaine.

Vous l'avez dit, une révolution silencieuse est à l'oeuvre, l'informatisation réduisant les contacts humains. On ferme des permanences et on ouvre des maisons de services au public, qu'il conviendrait d'ailleurs d'évaluer car on n'en voit pas pour l'instant le côté positif.

Enfin, les communautés de communes ont parfois pris la compétence scolaire, de la garderie au périscolaire, en passant par les centres de loisirs. Les caisses pourraient-elles être des partenaires dans ces domaines et investir, au moment où l'État se désengage ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Je souligne les excellentes relations entre les collectivités et les caisses d'allocations familiales.

Ne devrions-nous pas également parler de bloc départemental, intégrant à la fois les départements et la caisse d'allocations familiales, et pas seulement du bloc communal, afin de travailler davantage sur les droits et devoirs des allocataires ? En matière de droits, les agents des caisses d'allocations familiales devraient être plus présents auprès des agents du département sur l'intégralité des territoires. En matière de devoirs, ne pourrait-on pas faciliter la lutte contre la fraude en permettant une plus grande fluidité : des agents ne pourraient-ils passer d'une entité à l'autre ? Des fichiers ne pourraient-ils pas être partagés de façon plus simple ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

Les crèches proposant des horaires adaptés aux besoins des parents ayant des horaires atypiques coûtent très cher à la collectivité. Ces parents peuvent-ils bénéficier d'aides, sachant qu'ils sont en grandes difficultés en termes d'emploi ?

Qu'en est-il de l'accueil des enfants handicapés, reconnus ou non, dont les parents travaillent ? Les aides de la CAF sont modestes lorsque le handicap est reconnu. L'accueil de ces enfants requiert une vigilance et une attention des personnels qui ne sont pas valorisés dans les coûts de la structure.

J'évoquerai également les relations humaines. En termes d'accueil, il y a certainement des choses à revoir. Le numérique ne résout pas tout. Certaines familles modestes n'ont pas d'équipement informatique à domicile. Quant aux personnes âgées, elles sont très en difficulté face à l'outil informatique. La formation et le soutien pour ces publics doivent être renforcés.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales

Je vous remercie d'avoir salué la collaboration entre les CAF et vos territoires. Ce travail doit se poursuivre. Les CAF doivent vous associer à ses expérimentations, recueillir vos avis afin d'enrichir l'offre de services en direction des citoyens.

On l'a vu, certaines choses n'avaient pas été prévues dans la convention d'objectifs et de gestion qui s'achève, comme la question de la radicalisation. En 2013, on n'imaginait pas que notre pays serait confronté aux drames que nous avons connus et que nous devrions porter un regard plus attentif sur les jeunes.

Nous allons réclamer des moyens et l'utilisation des fonds d'action sociale. Vous avez souligné la sous-exécution importante. Nous aurions souhaité dépasser certains objectifs dans certains cas, mais nous n'avons pas obtenu la fongibilité qui nous aurait permis de mieux exécuter certains budgets.

À titre personnel, je ne vois pas pourquoi on devrait pénaliser une famille biparentale. Nous n'avons pas à privilégier un type de famille en particulier. On aura l'occasion d'en discuter dans le cadre des schémas départementaux des services aux familles.

Il faut également éviter les quotas - de familles pauvres, d'enfants porteurs de handicap. Il faut s'adapter à la demande pour répondre au mieux aux situations et aux attentes des familles, pour le bien-être de tous les enfants.

Les CAF apporteront les réponses les plus pertinentes aux travailleurs transfrontaliers.

Debut de section - Permalien
Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales

Je me focaliserai sur quatre points car il ne me sera pas possible de répondre à toutes les questions.

Premièrement, une place de crèche, c'est une cellule de prison en moins : c'est un investissement social. À cet égard, je partage le point de vue de M. Tourenne mais pas ses conclusions.

Un outil d'évaluation de cet investissement social est nécessaire. Nous avons développé des méthodes d'évaluation du rendement social de la dépense. C'est très important pour la représentation nationale et pour le Gouvernement, pas seulement pour la branche.

En termes de mixité, les résultats d'une enquête montrent que nous sommes très au-dessus du taux de 10 % prévu dans le COG : en moyenne, 20 % d'enfants de familles précaires sont accueillis dans les crèches.

Vous avez raison, monsieur Tourenne, toutes les familles monoparentales ne sont pas précaires, mais 60 % des familles précaires sont des familles monoparentales. La mise en place de l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires est à cet égard un motif de fierté. On n'en parle pas suffisamment alors que cela a été une très belle réforme.

Deuxièmement, vous m'avez interrogé sur l'accès aux droits et la prime d'activité. Soyons clairs : je n'ai jamais dit que j'étais favorable au tout-numérique. J'ai toujours dit : « 100 % dématérialisé, 100 % personnalisé ». Même si nous avons encore des progrès à faire, nous avons su articuler l'accueil physique et l'accès numérique. A contrario, les travaux que nous avons menés avec Emmaüs Connect sur l'inclusion numérique montrent que ne pas aider les familles précaires à s'inclure numériquement, c'est les préparer à des lendemains difficiles. Il s'agit donc d'éviter un facteur d'exclusion supplémentaire.

La densité des points d'accueil numérique est très supérieure à celle des permanences d'autrefois.

Troisièmement, je rappelle que la fraude ne représente qu'une partie des indus et pas la plus importante. En matière de lutte contre la fraude, nous avons développé un nouvel outil redoutablement efficace, avec l'autorisation de la CNIL, et qui respecte le droit à l'erreur.

Quatrièmement, en matière de coopération transfrontalière, il y aurait beaucoup à dire. Nous avons un programme de travail de plusieurs années avec les Allemands sur le recouvrement des pensions alimentaires, sur le développement des crèches.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Nous vous remercions. Vous pourrez répondre par écrit aux questions auxquelles vous n'avez pas pu répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je souhaite la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et à M. Renaud Villard, directeur.

Le 4 octobre, le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis majoritairement favorable sur le PLFSS. Nous souhaitons aujourd'hui évoquer avec vous les mesures qui concernent les prestations vieillesse et l'organisation de la branche, notamment l'intégration du régime social des indépendants au régime général.

Nous souhaitons aussi connaître votre sentiment sur la mise en place d'un régime universel de retraites, objectif auquel va désormais se consacrer le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, nommé par le Président de la République, et René-Paul Savary, pour notre commission.

Enfin, quelle que soit l'organisation de notre système, elle n'apportera pas nécessairement de réponse à la question du financement des retraites. Nous savons bien, dans cette commission, que le retour à l'équilibre de la branche vieillesse annoncé l'an dernier n'est qu'apparent puisque le Fonds de solidarité vieillesse concentre l'essentiel des déficits. Cette situation n'aura par ailleurs été que très provisoire, le PLFSS prévoyant des déficits croissants à compter de 2019. Ne devra-t-on pas procéder à des mesures d'ajustement sans attendre une future réforme systémique ?

Monsieur le président, je vous laisse la parole pour un propos introductif.

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Merci, monsieur le président. Je dirai tout d'abord quelques mots sur les comptes de la Cnav, les projections financières, le Fonds de solidarité vieillesse, et sur la question d'un régime universel.

Depuis une douzaine d'années, le régime général était déficitaire. La réforme des retraites, le décret du 12 juillet 2012 et la loi du 20 janvier 2014 ont modifié l'âge légal de départ en retraite, allongé la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein et apporté des cotisations nouvelles à la branche. Ces diverses mesures ont permis un retour à l'équilibre. La Cnav était excédentaire de 0,9 milliard d'euros en 2016 et de 1,1 milliard en 2017. Cet excédent aurait pu être supérieur s'il n'avait pas été décidé de retransférer le financement du minimum contributif à la branche vieillesse, lequel avait été transféré au Fonds de solidarité vieillesse en 2010 afin de diminuer le déficit facial de la Cnav. En 2016, la Cnav revenant à l'équilibre, on a fait le mouvement inverse car le Fonds de solidarité vieillesse est toujours lourdement déficitaire !

À partir de 2018, la Cnav sera en très léger déficit de 0,7 milliard d'euros. Le déficit atteindrait 3,06 milliards d'euros en 2020, soit 0,1 point de PIB.

La facilité, c'est de globaliser les comptes de la Cnav et du Fonds de solidarité vieillesse et de dire que le régime général est toujours lourdement déficitaire. Je rappelle que, en 1994, la décision du gouvernement de l'époque de créer un Fonds de solidarité vieillesse avait été unanimement approuvée. Il s'agissait de faire financer par la solidarité nationale toutes les périodes non contributives validées par nos régimes de retraite, essentiellement les périodes de chômage. Sans prise en charge de ces périodes, le niveau des retraites ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui, notamment pour les salariés du privé, dont les fins de carrière sont particulièrement difficiles. Les périodes de maladie et les congés de maternité sont désormais financés respectivement par l'assurance maladie et par la Cnaf. Ces financements ont été clarifiés, ce dont tout le monde se réjouit.

Reste le problème du financement du Fonds de solidarité vieillesse. Ce fonds est en déficit de 3,8 milliards d'euros. Il sera à l'équilibre en 2020.

Sous l'effet de l'amélioration projetée de la situation de l'emploi, le FSV deviendrait ainsi excédentaire dans les années 2020. J'ai volontairement limité les projections de déficit de la branche vieillesse à 2020, même si le Conseil d'orientation des retraites a pris la mauvaise habitude de faire des prévisions à 2040, voire à 2070. En effet, d'ici à 2040, il y aura quatre élections présidentielles et autant d'élections législatives. Si toutes ces échéances démocratiques ne permettent pas de prendre les mesures susceptibles de redresser la situation, c'est à désespérer de tout...

En outre, comment projeter l'augmentation du PIB sur 55 ans ? Cela aboutit à un déficit projeté de 64,5 milliards en 2070, et ni vous ni moi ne serons plus là pour le vérifier. Une échéance fixée à 2030 permet de se projeter et de prendre les mesures nécessaires car le déficit de la Cnav représenterait tout de même 14,5 milliards d'euros, soit 0,5 % de PIB.

Des mesures doivent donc être prises car je ne me satisfais pas d'un déficit, fût-il léger. La sécurité sociale n'a en effet pas vocation à engranger des déficits année après année. L'amortissement de la dette sociale est en vue puisque, toutes choses égales par ailleurs, la Cades devrait avoir terminé le remboursement de la dette d'ici à 2024 ou à 2025. Je rappelle que 16,5 milliards d'euros sont consacrés chaque année au remboursement de la dette sociale, au travers principalement de la CSG et de la CRDS. L'année 2024 n'est pas demain mais c'est après-demain. Alors, ces 16,5 milliards d'euros seront disponibles pour financer d'autres besoins, pas forcément au sein de la branche vieillesse d'ailleurs.

Sur la réforme systémique, je n'ai pas plus de renseignements que vous. Comme électeur attentif et citoyen informé, je connais le souhait du candidat Macron, devenu Président de la République : faire en sorte qu'un euro de cotisation procure les mêmes droits à la retraite, quel que soit le statut de celui qui cotise. Dès lors, toutes les pistes d'atterrissage sont possibles. On peut considérer que trente-cinq régimes de base et complémentaires peuvent perdurer et s'organiser dans ce but mais on peut aussi considérer qu'une seule caisse de retraite de base et complémentaire unique et universelle est plus adaptée. Tout est possible.

Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, va entamer des concertations à ce sujet, je le rencontre la semaine prochaine. En modeste connaisseur du système de retraite, je pense que la piste d'atterrissage la plus probable devrait vraisemblablement se trouver au milieu, entre les deux extrêmes ; en tout cas, cela me semble souhaitable car le maintien de régimes de base et complémentaires par répartition me semble adapté au modèle social républicain français.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Il faudra un pilote automatique car, s'il y a sans doute beaucoup de pistes d'atterrissage ouvertes, il y a aussi beaucoup de brouillard...

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Mais Jean-Paul Delevoye est un homme d'une grande sagesse.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

En ce qui concerne les projections, l'échéance de 2050 paraît effectivement lointaine, mais l'échéance de 2030 semble adaptée. On a aussi évoqué, lors d'auditions antérieures, une période de projection de quinze années glissantes, ce qui semble intéressant. Qu'en pensez-vous ?

Pourriez-vous tirer un premier bilan, après six mois, de la LURA, la liquidation unique des régimes alignés ?

Où en est-on de l'intégration du FSV au sein de la Cnav ? C'était prévu pour le 1er octobre 2015 mais il existe toujours une entité.

Comment voyez-vous le défi de la reprise du RSI en deux ans ?

Enfin, il faut que l'on examine toutes les pistes de réforme systémique pour trouver une solution. Nous rencontrons prochainement M. Delevoye à ce sujet, toutes les pistes devront être examinées sans a priori.

Par ailleurs, le système de vases communicants du FSV est inacceptable, ce système de tuyauterie me semble volontairement opaque, pour que le parlementaire ne s'y retrouve pas. Quel est votre avis sur le fait que certaines prestations, par exemple le minimum vieillesse, sont financées par le déficit ? Ce déficit, au travers de l'Acoss, qui emprunte à court terme à des taux négatifs, permet de générer des bénéfices !

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Pour ce qui concerne les projections sur quinze ans glissants, tout dépendra de la réforme que l'on mènera.

À propos des tuyauteries que vous évoquez, je partage votre sentiment. D'ailleurs, je l'ai dit à la commission des comptes de la sécurité sociale, le 28 septembre dernier, et le secrétaire général de cette commission comme la Cour des comptes vont dans le même sens : il faut mettre un terme à ces financements opaques ; personne ne s'y retrouve, pas même les initiateurs. Depuis plus de vingt ans, j'observe ces transferts d'une année sur l'autre pour boucher des trous en en creusant d'autres ; c'est une politique digne du sapeur Camember... On doit cesser ces pratiques.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard

À propos des quinze ans glissants, je ne sais pas s'il y a une temporalité idéale. L'échéance de 2070 avait vocation à rassurer les jeunes générations - je ne suis pas sûr que l'objectif soit atteint - mais, en 2002, avant les réformes de 2003, de 2008, de 2010 et de 2014, on projetait un déficit de 60 milliards d'euros pour le régime général en 2020, alors que l'on sera en réalité en léger déficit. L'horizon de 15 ou 20 ans est donc déjà très long au regard du temps démocratique, mais aussi de la capacité de notre système de protection sociale à s'ajuster. Cela montre en outre l'effet des réformes, qui corrigent peu à peu ce déficit ; sans elles, nous aurions été en très grande difficulté.

La liquidation unique des régimes alignés revient à un guichet unique pour trois régimes - régime général, salariés agricoles et RSI -, non seulement pour l'accueil mais aussi pour la gestion des pensions des personnes qui ont cotisé dans plusieurs régimes. Un seul des régimes est donc l'interlocuteur unique de ces retraités et il agrège tous leurs droits au travers d'un versement unique.

C'était un défi énorme pour l'organisation et pour la conception même du régime, mais cela s'est très bien passé, il n'y a eu aucun incident notable car les différents régimes impliqués ont accepté de ne plus être « propriétaires » de leurs cotisants. Certes, certains assurés ne comprennent toujours pas cette évolution mais il y a globalement une grande satisfaction qui se traduit par un très faible taux de recours.

En outre, le travail sur le guichet unique nous a préparés à l'adossement ou à la fusion du volet retraite du RSI car nous entretenons déjà un cousinage très proche. Nous avons rapproché nos règles et nos organisations. Néanmoins, il ne s'agit pas d'une fusion simple, c'est un grand défi, et notre priorité demeure la qualité de service. Si l'on fait un jardin à la française technocratique, on aura fait beaucoup de travail pour rien, c'est pourquoi nous y travaillons d'arrache-pied.

Vous avez mentionné l'adossement en gestion du FSV à la Cnav ; ce projet est un peu avorté. Il s'agissait de mutualiser la gestion du FSV avec celle de la Cnav, mais en réalité, la gestion du FSV est assez limitée. Cela ne posait donc pas de difficulté, mais les tutelles y ont renoncé. Cela dit, nous sommes toujours prêts à le faire ; par rapport au RSI, par exemple, l'activité à absorber est mince, trois ou quatre personnes pourraient s'en charger, tout en conservant une indépendance pour la traçabilité des fonds. Cela pourrait donc être mis en oeuvre très rapidement à la convenance de la tutelle.

J'en viens à la question des taux d'intérêt négatifs, pour les emprunts de la branche retraite. Effectivement, nous empruntons entre huit et dix milliards d'euros à court terme, sur six jours tous les mois, et nous empruntons à des taux négatifs, donc nous gagnons de l'argent. Cela dit, cela est possible parce que la banque de la sécurité sociale qu'est l'Acoss est notée AAA, elle est considérée comme très robuste, ce qui montre la solidité financière de la sécurité sociale. En outre, la dette sociale diminue, puisque nous avons franchi le sommet et nous redescendons avec une fin de parcours prévue en 2024 ou en 2025.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Merci de ces explications à la fois concises et claires.

On peut se réjouir de la réduction du déficit, mais nous savons que cela passe par l'augmentation des recettes - cela ne dépend pas de vous, je le sais, mais des gouvernements successifs -, et mon groupe désapprouve ces choix. Je suis notamment inquiète de la hausse de la CSG, qui va peser sur les retraités. Il y a eu une grogne importante chez ces derniers et, malgré les mises au point du Gouvernement, je suis très dubitative sur la compensation promise. D'ailleurs, selon Les Échos, 2,5 millions de retraités n'en bénéficieront pas.

Par ailleurs, l'augmentation de l'allocation de solidarité aux personnes âgées passe de 803 à 903 euros ; on est encore très largement sous le seuil de pauvreté.

Cela dit, ces deux remarques liminaires ne vous concernent pas directement.

Ma question, que j'ai déjà posée à la ministre de la santé, porte sur le retard de paiement de certaines pensions par l'assurance retraite d'Île-de-France. 4 000 nouveaux retraités attendraient toujours le paiement de leur pension depuis juin dernier ; cela signifie que 20 000 retraités franciliens perçoivent leurs pensions avec plusieurs moins de retard.

Quelles mesures avez-vous prises pour remédier à ce problème ? Mon ancienne collègue Michelle Demessine était intervenue auprès du précédent gouvernement pour un problème similaire dans la région des Hauts-de-France. Cela est sans doute lié aux faibles moyens des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), qui sont en flux tendus ; il faudrait donc cesser de leur confier plus de missions en leur donnant moins de moyens et sortir du dogme du non-remplacement d'un agent sur deux.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard

Je botterai en touche sur les deux premières remarques ; il ne m'appartient pas de commenter ces choix. Sachez simplement que l'augmentation de la CSG est extrêmement simple à mettre en oeuvre pour nous.

Il en va de même pour la revalorisation de l'Aspa, si ce n'est qu'il nous faudra accompagner les bénéficiaires, et contacter les nouveaux bénéficiaires potentiels. Cela dit, ce qui explique le taux de pauvreté assez faible des retraités en France, c'est justement le minimum vieillesse, qui, couplé avec les APL, dépasse le seuil de pauvreté.

Sur les difficultés de gestion soulevées par L'Humanité, j'aurai une réponse en demi-teinte. Les chiffres que vous évoquez ne sont pas parfaitement exacts, ils émanent d'une section syndicale représentative de la Cnav, qui ne s'exprime évidemment pas en notre nom.

Il est vrai que la gestion est actuellement tendue ; nous avons, en 2017, 50 000 dossiers de plus à traiter par rapport à 2016. Cela a donc mis l'appareil de production en surchauffe. Nous avons pris des mesures exceptionnelles de renfort grâce au mécanisme d'entraide du réseau en faveur de l'Île-de-France, qui était plutôt une caisse aidante jusqu'alors. Nous avons aussi mobilisé des ressources exceptionnelles et des techniciens qui ne liquident pas habituellement des dossiers. Cela a permis de réduire la surchauffe.

Nous avons un indicateur important, la garantie de versement. Elle a été créée après le problème rencontré par la Carsat des Hauts-de-France et elle consiste à s'engager, lorsqu'un assuré verse son dossier complet avant l'échéance, à lui verser sa pension dans les temps. On se situe en général entre 98 % et 99 %, mais on est descendu à 96,5 % au début de l'été. Nous avons donc pris la situation à bras-le-corps et nous étions à 98,1 % en septembre.

Il y a effectivement un afflux important de dossiers, lié au phénomène de « papy-boom » dense, mais nous sommes pleinement mobilisés pour éviter que cet afflux ne se traduise par des retards de paiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Combien de dossiers et de personnes cela représente-t-il ? Derrière les pourcentages, il y a des situations humaines concrètes.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard

Je n'ai pas de données spécifiquement pour l'Île-de-France, je n'ai que des chiffres relatifs à la France entière. La branche retraite liquide environ 700 000 dossiers par an. Sur ce total, 20 000 dossiers sont traités en retard chaque année ; 14 000 le sont parce que le dossier a été déposé après la date de cessation d'activité - on est donc forcément en retard, quel que soit le temps de traitement - et 5 000 à 6 000 dossiers sont traités en retard en raison de la difficulté qu'ils représentent (échanges avec une caisse étrangère avec laquelle nous n'entretenons pas de relation étroite,...).

Au début de l'été, ce stock est monté à 27 000 dossiers, mais nous sommes redescendus sous 25 000 dossiers. Lors des tensions observées dans les Hauts-de-France et à Montpellier, on dépassait 40 000 dossiers en retard. Néanmoins, nous sommes revenus à une situation normale, et nous continuons de communiquer beaucoup pour que les retraités déposent leur dossier dans les temps.

Je tiens à votre disposition les chiffres précis concernant l'Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

J'ai été interpellée au sujet de l'articulation entre les caisses de retraite et les dispositifs de prise en charge du handicap. Lorsque des personnes handicapées se retrouvent à la retraite, elles ne relèvent plus des mêmes dispositifs d'aide financière et de soutien. Elles peuvent alors se retrouver en grande difficulté. Il s'agit souvent de très jeunes retraités, qui doivent alors entrer dans un Ehpad, dont on connaît la situation, ou rester à domicile avec une prise en charge lourde.

Debut de section - Permalien
Renaud Villard

Ce problème concerne les personnes touchant l'allocation adulte handicapé (AAH) et éventuellement d'autres prestations, comme la prestation de compensation du handicap (PCH), qui favorisent le maintien à domicile. Lorsque l'on passe à la retraite, le minimum vieillesse est exactement du même montant que l'AAH, il n'y a donc pas de perte financière, mais les mécanismes d'accompagnement ne sont pas les mêmes. Des mécanismes d'accompagnement existent mais leur articulation n'est pas toujours simple, cela peut se révéler inquiétant pour les assurés et entraîner des variations de revenu, alors qu'ils peuvent pourtant bénéficier de la majoration tierce personne, qui est très supérieure à la PCH.

Je vous rejoins toutefois pour affirmer que mieux on articule le suivi des assurés entre la branche famille (pour l'AAH) et la branche retraite (la retraite et l'Aspa), plus cela rassure les assurés ; l'articulation entre les dispositifs visant à accompagner la perte d'autonomie pourrait être clarifiée, affinée, même s'il y a déjà eu d'importants travaux sur l'articulation entre les minima sociaux.

En tant que gestionnaire, nous veillons toujours, lors de la bascule de l'AAH vers le minimum vieillesse, à ce qu'il n'y ait pas de rupture, mais cela peut arriver, ce qui est inadmissible. C'est pourquoi le conseil d'administration de la Cnav préconise un renforcement de la bascule automatique de l'AAH vers la retraite. Plus cela est automatisé, c'est-à-dire plus la complexité est prise en charge par les caisses plutôt que par les assurés, mieux cela vaudra. Au-delà, il y a aussi des questions de normes réglementaires et législatives mais cela nous échappe à nous, gestionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le Premier président de la Cour des comptes, M. Migaud, que nous avons auditionné la semaine dernière, a mis en exergue des paiements indus à des retraités vivant à l'étranger et âgés de 117 ans...

Debut de section - Permalien
Renaud Villard

J'ai lu ce rapport, le résumé est exact mais la présentation en est trop synthétique. La Cour des comptes a demandé à deux régimes, le régime général et un autre régime de retraite, de lui présenter les cent assurés les plus âgés en Algérie et dans d'autres pays. Or les personnes plus âgées n'étaient pas les mêmes dans les deux régimes et, en l'espèce, l'assuré de 117 ans n'appartient pas au régime général - notre assuré le plus vieux a 106 ans. Nous referons ce croisement de fichiers car il est très instructif ; si un assuré est mort pour un régime, il doit l'être pour l'autre...

Debut de section - Permalien
Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

La Cour des comptes a raison d'être vigilante mais nous gérons tout de même 14 millions de retraités ; il peut arriver qu'un assuré passe à travers les mailles du filet. Nous contrôlons chaque année l'existence de nos assurés à l'étranger - je rappelle qu'il s'agit d'assurés qui ont cotisé au régime français. Ils doivent nous retourner l'attestation de vie certifiée par une autorité locale, faute de quoi nous supprimons le versement de la prestation.

Il peut toutefois y avoir des faux. Nous souhaitons donc mutualiser les contrôles d'existence. Un retraité à l'étranger peut percevoir des pensions de plusieurs régimes. Aujourd'hui, chaque régime demande cette attestation d'existence à l'assuré, ce qui n'est pas simple pour lui, d'autant que le service postal n'est pas partout aussi performant qu'en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

On a appelé mon attention sur la situation de personnes âgées issues de l'immigration, qui ont rejoint leur enfant en France au titre du regroupement familial tout en touchant une retraite. De quoi s'agit-il ? D'une retraite française, d'une retraite d'un autre pays ou du minimum vieillesse ?

Debut de section - Permalien
Renaud Villard

Les règles sont très claires. Un étranger qui a cotisé en France touche la retraite française. Pour pouvoir toucher l'ASPA, un étranger doit avoir résidé régulièrement depuis dix ans en France avec un titre de séjour l'autorisant à travailler. Une personne qui arriverait à 65 ans en France au titre du regroupement familial ne pourrait pas toucher le minimum vieillesse. En revanche, il y a environ 70 000 personnes qui n'ont jamais travaillé mais qui touchent le minimum vieillesse, ce sont souvent des conjoints survivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

J'ajoute que cette durée de résidence régulière de dix ans a été introduite par le gouvernement Fillon en 2011. Le Sénat l'avait rejetée mais le précédent gouvernement l'a maintenue et elle est toujours en vigueur.

Je vous remercie de votre intervention, messieurs.

Sont désignés :

Bruno Gilles, pour la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ;

Chantal Deseyne, pour l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ;

Jean-Marie Morisset, pour le programme « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires »;

Nassimah Dindar, pour la mission « Outre-mer » ;

René-Paul Savary, pour la mission « Régimes sociaux et de retraite » ;

Corinne Imbert, pour la mission « Santé » ;

Philippe Mouiller, pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ;

Michel Forissier, pour la mission « Travail et emploi ».

La réunion est close à 12 h 10.