Intervention de Jean-Louis Tourenne

Commission des affaires sociales — Réunion du 18 octobre 2017 à 9h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Audition de M. Jean-Louis deRoussen président du conseil d'administration de la caisse nationale d'allocations familiales

Photo de Jean-Louis TourenneJean-Louis Tourenne :

Je pense qu'on mélange parfois les objectifs et les moyens de les atteindre. Ainsi, le numérique est non pas un objectif, mais un moyen de rendre un service afin d'atteindre un objectif social.

La France est le deuxième pays industrialisé en termes de déterminisme social. Un petit Français a moins de chances qu'un petit Grec de sortir du milieu populaire dans lequel il est né. Un enfant qui redouble son CP n'a aucune chance de faire des études supérieures car il n'a pas le vocabulaire nécessaire pour apprendre à lire.

Alors que nous parlons d'accueil des enfants, nous ne raisonnons que du point de vue des parents ! Nous voulons des crèches pour que les deux parents puissent travailler. Les crèches sont extrêmement coûteuses pour les communes. Quand 20 enfants sont accueillis en crèche, 300 bénéficient d'un autre mode de garde. Qu'est-ce qui justifie que 20 enfants bénéficient de l'argent public et pas les 300 autres ?

La crèche ne devrait-elle pas permettre d'essayer de compenser des carences éducatives par une intervention extérieure ?

Notre pays est de plus en plus divisé entre ceux qui sont favorisés, pourront suivre des études, réussir leur vie, et ceux qui, parce qu'ils sont nés au mauvais moment dans un mauvais environnement, ont un destin négatif tracé d'avance. Ne faudrait-il pas travailler sur l'affectation des différents modes de garde ? Pourquoi deux parents qui travaillent et sont de bons éducateurs n'auraient-ils pas recours à un assistant maternel ? Leurs enfants ne subiraient aucun préjudice. Pourquoi ne réserverait-on pas une grande partie des places en crèche à des enfants dont les parents ne travaillent pas afin de leur permettre de disposer des outils nécessaires pour réussir leur scolarité et leur vie ? À titre d'exemple, le département d'Ille-et-Vilaine avait constaté que les crèches n'accueillaient que 1 % d'enfants issus des milieux populaires. Il s'est fixé pour objectif d'atteindre le taux de 40 %. Aujourd'hui, 80 % des crèches de ce département ont atteint cet objectif.

Je souhaite que nous ayons une réflexion approfondie sur l'attribution des différents modes de garde. Le raisonnement selon lequel les parents devraient pouvoir choisir me paraît fallacieux. S'ils veulent choisir, qu'ils paient !

Enfin, pourrait-on cesser de stigmatiser les familles monoparentales ? Un enfant a peu de chances de réussir, non parce qu'il est issu d'une famille monoparentale, mais parce que les conditions économiques privent son parent des moyens matériels de l'élever le mieux possible.

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