Nous ne pouvons pas donner à l’État les mêmes moyens dans une loi permanente que dans une loi d’exception.
Si l’état d’urgence permet à l’État d’utiliser des dispositifs conférant une efficacité maximale à la lutte contre le terrorisme, c’est parce que ces mesures sont temporaires, qu’elles donnent lieu à un contrôle parlementaire – elles ne peuvent être prorogées au-delà de quelques mois sans un nouveau vote du Parlement – et qu’elles sont soumises à un contrôle de proportionnalité du juge administratif.
Dans le respect de ces conditions, les mesures de l’état d’urgence sont acceptables, malgré les restrictions qu’elles apportent aux libertés publiques, dont le Sénat est historiquement un défenseur, tout en ayant à cœur de donner à l’État les moyens de la lutte contre l’insécurité.
À l’aune des libertés fondamentales, la loi permanente ne peut donner à l’État les mêmes pouvoirs que la loi d’exception. La loi d’exception peut déroger au droit commun ; le droit commun ne peut déroger à l’État de droit.
Nous pouvons donc interroger le Gouvernement : celui-ci a-t-il réellement des raisons de penser que la menace terroriste se serait récemment atténuée, au point que l’État pourrait substituer à l’état d’urgence sa réplique, dans une version atténuée, pour ne pas dire dégradée ? Cette version, qui figure dans le texte que nous avons à approuver, présente deux caractéristiques : elle donne moins d’armes à l’État que l’état d’urgence pour lutter contre le terrorisme, mais elle est plus contestable du point de vue des libertés, à partir du moment où il s’agit de modifier le droit permanent et non de mettre en œuvre des mesures d’exception.
Madame la ministre, vous le savez mieux que quiconque, le Sénat a su prendre à plusieurs reprises l’initiative de renforcer la loi permanente pour améliorer nos moyens d’action. C’est dire que nous ne sommes nullement hostiles, par principe, à un certain durcissement de la loi répressive et à un certain renforcement des pouvoirs de l’autorité administrative.
Nous l’avons fait lors de l’examen de la loi sur le renseignement. Nous l’avons fait dès le mois de février 2015, après les terribles attentats de janvier, lorsque j’ai proposé au nom de la majorité sénatoriale, au Premier ministre de l’époque, des mesures ayant une portée législative.