Intervention de Philippe Bas

Réunion du 18 octobre 2017 à 14h30
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Ces propositions sont malheureusement restées sans réponse. Nous nous sommes donc mis au travail, afin d’élaborer une proposition de loi pour renforcer la lutte contre le terrorisme, déposée en décembre 2015. Après les attentats du mois de novembre 2015, le Gouvernement a annoncé un certain nombre de décisions, notamment qu’il mettait enfin en chantier une loi pour renforcer la lutte contre le terrorisme.

Cette loi était prête, puisque nous avions voté notre proposition de loi le 2 février 2016. Mais il a fallu attendre que le Gouvernement, suivant son rythme, nous saisisse de son propre texte, reprenant l’essentiel des dispositions que nous avions déjà débattues et adoptées, pour que ces dispositions deviennent la loi du 3 juin 2016, suivie après l’attentat de Nice d’une nouvelle loi qui, d’un côté prorogeait l’état d’urgence, et, de l’autre, prévoyait l’entrée en vigueur de celles des mesures que nous avions prévues et qui n’avaient pas été adoptées dans la loi du 3 juin.

Ainsi, l’ensemble de l’arsenal renforçant la lutte contre le terrorisme au cours des dernières années résulte en réalité de propositions du Sénat de la République. C’est dire que, sur le chapitre de la lutte contre le terrorisme, nous pouvons témoigner, face à l’opinion publique, que le Sénat a à cœur de renforcer les moyens de la sécurité.

Nous ne pouvons donc par principe récuser aujourd’hui l’idée d’un nouveau renforcement des moyens de l’État proposé dans ce texte, bien au contraire. Ce que nous récusons, c’est seulement l’idée que celui-ci pourrait se substituer à l’état d’urgence en incitant l’État à baisser la garde, en quelque sorte, puisque la loi permanente ne peut pas mobiliser les mêmes moyens que la loi d’exception pour assurer la sécurité des Français. Il appartient au Gouvernement de prendre sur ce point ses responsabilités. Ce que nous récusons, c’est l’idée qu’une telle législation puisse rendre caduc l’état d’urgence.

Rapporteur du projet de loi en première lecture, notre éminent collègue Michel Mercier, avec sa longue expérience de ces questions et son discernement de grand juriste et d’ancien garde des sceaux, s’était évertué avec efficacité à sauver ce texte sécuritaire en cantonnant les restrictions qu’il implique pour les libertés individuelles et les libertés publiques au strict nécessaire, afin d’éviter le risque d’une censure constitutionnelle.

Tel est bien l’exercice auquel nous devons nous soumettre : aller le plus loin possible dans le renforcement de notre arsenal sécuritaire de droit commun, sans franchir la ligne rouge à partir de laquelle nos libertés seraient durablement atteintes.

Il s’agit de donner sa pleine efficacité à la lutte contre le terrorisme, dans le respect de notre État de droit et de nos traditions républicaines. C’est une gageure ! Le rapporteur que je suis, au pied levé, n’est pas en mesure d’apporter la garantie que toutes les dispositions du texte du Gouvernement, même amendé par le Sénat et rediscuté en commission mixte paritaire, pourront franchir le cap d’un examen éventuel par le Conseil constitutionnel.

Pourtant, nous nous sommes donné du mal ! Nous avons inventé au mois de juillet dernier une « clause d’autodestruction ». Il s’agit d’une clause par laquelle les dispositions de ce projet de loi les plus restrictives pour les libertés publiques tomberont d’elles-mêmes au bout d’un certain délai. Si le Gouvernement estime à ce moment-là qu’il est nécessaire de les reconduire, il devra revenir devant nous.

C’est ainsi que nous donnons un caractère temporaire à la loi permanente, même si cette temporalité est plus longue que celle que nous avons l’habitude d’accepter quand il s’agit de l’état d’urgence. La temporalité est plus longue, mais les mesures sont moins restrictives pour les libertés. Sans doute le Conseil constitutionnel pourrait-il accepter un tel équilibre.

Toutefois, qu’il s’agisse demain d’assignations à résidence ou de perquisitions administratives – quel que soit le nom que le Gouvernement a voulu donner dans son texte à ces mesures, leur nature ne change pas –, de la fermeture de lieux de culte ou de la mise en place de périmètres de sécurité à l’intérieur desquels on n’entre pas sans montrer patte blanche, sans être invité à subir des fouilles et à prouver son identité, toutes ces mesures restrictives de libertés ne dureront que trois ans et ne pourront être reconduites qu’après un nouveau débat parlementaire. Celui-ci sera précédé – sur l’initiative de l’Assemblée nationale, je dois le dire – de la transmission au Parlement de tous les éléments factuels d’information sur la mise en œuvre de ces mesures, sur la manière dont le juge les aura appréciées et sur leur utilité pour la lutte contre le terrorisme.

Le Sénat a par ailleurs encadré la mise en œuvre de chacune des principales mesures prévues par le projet de loi. Il a renforcé le pouvoir du juge et a strictement cantonné, par application d’un principe de proportionnalité des mesures prises aux objectifs du projet du Gouvernement.

Ainsi, je ne peux pas assurer que le dispositif adopté sera à la hauteur de celui que prévoit l’état d’urgence, qui permet d’aller le plus loin possible dans la mise en œuvre des dispositions administratives pour assurer la sécurité des Français.

Je puis néanmoins assurer que, si le Gouvernement persiste dans son intention de ne pas nous demander la prorogation de l’état d’urgence, le dispositif que nous aurons adopté aujourd’hui nous permettra à la fois de renforcer nos armes dans la lutte contre le terrorisme, sans pour autant mettre en péril nos libertés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion