Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée se trouve devant une interrogation politique douloureuse, comme nous en rencontrons parfois. Face à un péril resté intense et que nous sommes obligés de juger durable, comment pouvons-nous adapter notre législation aux enjeux de sécurité qui persistent ?
Le Président de la République a annoncé le choix de mettre fin à l’état d’urgence. C’est un choix que beaucoup peuvent partager, puisque l’état d’urgence est caractérisé par son caractère exceptionnel et temporaire.
Avant de prendre les décisions qui sont aujourd’hui en jeu, il était normal, selon moi, de faire un bilan des actions menées à l’aide des prérogatives conférées à l’État par l’état d’urgence et d’en tirer les leçons, de manière à faire face à ce péril que nous savons durable.
Dans le projet de loi que nous examinons, deux mesures sont en réalité des mesures de police administrative établies, mais clarifiées par la loi : la fermeture de lieux de culte et le périmètre de protection. Ces mesures-là ne sont pas spécifiquement attentatoires aux libertés, elles pouvaient être prises depuis bien longtemps, sur la base du droit commun de la sauvegarde de l’ordre public. Le projet de loi les encadre mieux et les place de façon précise à l’intérieur de procédures législatives. C’est un progrès.
Deux autres mesures, en revanche, m’apparaissent comme des mesures actives de prévention pour faire obstacle aux préparatifs d’actions terroristes : la limitation des mouvements de personnes sous le contrôle du juge administratif et la visite et saisie domiciliaire avec l’accord du juge des libertés et de la détention. Ces dispositions sont en effet plus intrusives. Toutefois, ceux d’entre nous qui ont, en particulier, participé à la commission de suivi de l’état d’urgence depuis deux ans et ont donc dialogué avec les représentants des autorités publiques et des forces de sécurité conviennent qu’il faut garder ces outils d’interruption des préparatifs terroristes, même de façon plus épisodique.
Cela se fera sous le contrôle du juge administratif, dont on ne peut contester en la matière ni l’indépendance ni la vigilance, comme l’ont montré les multiples décisions critiquant et mettant fin à des actes de police administrative pendant l’état d’urgence.
J’ajoute, pour répondre à la collègue qui m’a précédé, qu’en complétant son information elle pourrait être assurée de la capacité technique du juge administratif à faire face à ces questions, notamment depuis qu’a été créée une formation spécifique au sein du Conseil d’État.
Ces mesures sont complétées, ainsi qu’il en a été décidé par les deux assemblées, par un retour devant le législateur à l’expiration d’une période de trois ans.
Voilà qui nous conduit à considérer que l’équilibre et la pertinence de ces mesures nouvelles sont satisfaisants et que nous devons les soutenir.
L’enjeu, en effet, c’est l’efficacité de la prévention, laquelle va rester indispensable. Le risque d’attentat, les tentatives, les préparatifs, les mouvements transfrontaliers avec les retours de la zone de combat continueront à faire apparaître des risques imminents face auxquels il faut des mesures adaptées. Une partie d’entre elles, je pense en particulier à celle qui permet la limitation des mouvements, est une réponse à la surcharge des services compétents, même si l’on augmente leurs effectifs.
Lorsque l’on a des motifs sérieux de penser que les contacts d’un individu facilitent des préparatifs de terrorisme, une surveillance active avec des moyens humains de ce personnage requiert entre dix et quinze officiers de police. La limitation des mouvements de l’intéressé, évidemment sous le contrôle du juge et pour une durée limitée, est un moyen de soulager la pression sur les services actifs de renseignement et, par conséquent, de leur permettre de mieux cibler leurs actions.
Les capacités sont donc mieux utilisées et nous adaptons les outils de la police administrative à une menace qui est maintenant mieux connue.
Chaque groupe, chaque sénateur, est placé face à ses responsabilités dans ce choix. Nous avons le devoir impérieux de montrer notre détermination à lutter contre un péril qui menace la République et ses citoyens au quotidien et d’exprimer notre vigilance dans la protection des libertés individuelles.
À l’issue de cette appréciation, notre groupe approuve le projet de loi, comme, je crois, une large majorité d’entre nous.