Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 18 octobre 2017 à 14h30
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a tout juste trois mois, jour pour jour, nous évoquions ici la pilule empoisonnée du terrorisme. Le principe de réalité nous oblige à constater que la menace perdure, comme nous l’ont hélas rappelé les événements de ces dernières semaines.

Nous avons une pensée cet après-midi pour les victimes de l’attaque à la voiture bélier contre les militaires de l’opération Sentinelle à Levallois-Perret, le 9 août, de l’attaque au couteau dans une station de métro à Paris, le 15 septembre, et de l’attentat de la gare Saint-Charles à Marseille, le 1er octobre.

Dans le même temps, ainsi que nous l’avons appris très récemment, plusieurs attentats ont été déjoués grâce aux missions ciblées et continues de nos forces de renseignement, que je tiens, en votre nom, à saluer tout particulièrement.

Bien sûr, l’état d’urgence a vocation à rester exceptionnel et temporaire, car il est justifié par la persistance d’un péril imminent au caractère diffus et violent. Le Gouvernement, madame la ministre, ne semble pas considérer que les conditions sont aujourd’hui réunies pour proroger de nouveau l’état d’urgence décrété au lendemain de l’attentat du Bataclan. Je ne saurais vous cacher, mes chers collègues, que notre groupe s’interroge profondément sur ce choix, mais – il faut le dire – celui-ci relève de la responsabilité de l’exécutif.

Vous avez décidé de présenter un projet de loi qui renforcera, dans quelques instants, le droit commun, puisé très majoritairement dans le travail qui a déjà été fait, notamment avec le texte de 2016, lequel a, parmi bien d’autres dispositions, renforcé les moyens donnés à nos services de police. La majorité sénatoriale, dont le groupe auquel j’appartiens, ne le rejette pas. Elle l’accepte, mais avec les convictions qui lui sont propres : le droit commun ne peut pas déroger, par définition, au principe auquel nous sommes attachés, celui de la liberté individuelle et des libertés publiques. Il faut donc que ce droit commun, aussi exceptionnel soit-il, soit cadré et tenu. C’est à ce travail que s’est attelé le Sénat et singulièrement notre rapporteur, que je tiens à saluer.

Nous allons voter cette loi, car elle consolide le droit contre le terrorisme. Notre groupe a d’ailleurs eu une grande part dans ces évolutions, notamment à l’occasion du vote de la loi du 3 juin 2016, laquelle reprenait, pour l’essentiel, la proposition de loi que M. Philippe Bas avait déposée dès le mois de février de la même année. Nous tenions effectivement à apporter des outils juridiques et techniques permettant de répondre au manque manifeste de moyens et de procédures qui avait été constaté après les attentats de 2015.

À cet égard, je souhaite évoquer plus particulièrement sept points.

Pour plus d’efficacité dans la répression des actes terroristes et de la grande délinquance, nous avons créé deux nouveaux délits terroristes : le délit d’entrave au blocage des sites incitant à la commission d’actes terroristes et le délit de consultation habituelle de tels sites.

Nous avons assuré l’exécution plus rigoureuse des peines en allongeant la période de sûreté de vingt-deux à trente ans.

Nous avons amélioré la détection et la prise en charge de la radicalisation en imposant le suivi socio-judiciaire.

Nous avons renforcé l’efficacité des investigations judiciaires en adaptant les techniques d’enquête existantes.

Nous avons augmenté les pouvoirs de police administrative et du parquet en élargissant les possibilités de perquisitions nocturnes dès le stade de l’enquête préliminaire ou en cas de procédure de flagrance.

Pour élargir au parquet les facultés de recours à de nouvelles techniques d’enquête, qui étaient jusqu’alors réservées aux juges d’instruction, nous avons permis la saisie de courriels à l’insu de la personne, l’utilisation d’IMSI-catchers, la sonorisation des lieux privés et la captation à distance de données informatiques.

Nous avons renforcé les règles de contrôle d’identité en autorisant la retenue de quatre heures de la personne contrôlée.

Le groupe au nom duquel je m’exprime cet après-midi continue de soutenir les textes qui visent à doter l’État de pouvoirs supplémentaires dans la lutte contre le terrorisme et la grande délinquance, notamment ce projet de loi, lequel va créer de nouveaux pouvoirs de police permanents dans le droit commun, afin de répondre à l’exigence impérieuse de sécurité et de protection de nos concitoyens.

Certaines de ces dispositions sont inspirées de l’état d’urgence : l’instauration de périmètres de protection, la fermeture administrative des lieux de culte, la création de mesures individuelles de surveillance, ainsi que les visites de domiciles et les saisies.

Avec ce texte, l’État sera doté de moyens forts au profit de nos forces de sécurité et de nos services de renseignement. Cela permettra, je l’espère comme vous tous, j’en suis convaincu, un niveau élevé de protection contre le terrorisme.

Cette loi consacre également le fait que le Sénat a voulu rester le garant des libertés fondamentales. Je souhaite d’ailleurs saluer le travail réalisé par le rapporteur, ainsi que par la commission des lois, mais aussi par la commission mixte paritaire, que j’ai eu l’honneur de présider.

En limitant le champ d’application de cette loi aux fins de prévenir des actes terroristes, notre législation de droit commun diffère de l’état d’urgence, lequel peut être instauré pour tout motif de sécurité publique.

En ajoutant au texte cette fameuse « clause d’autodestruction » imposant une limite de validité, au 31 décembre 2020, des quatre mesures emblématiques du texte, le Sénat a programmé l’obsolescence d’un droit nécessaire à un moment donné de l’histoire.

Enfin, en accroissant le contrôle parlementaire au moyen d’une information sans délai du Parlement ainsi que de la remise annuelle au Parlement d’un rapport détaillé sur l’application des dispositions les plus attentatoires aux libertés, cette loi renforce notre démocratie.

En renforçant le contrôle du juge pour la mise en œuvre des dispositions importantes, nous rappelons le rôle primordial de garant des libertés individuelles du juge judiciaire.

En introduisant des mesures de prévention au respect du droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, comme l’accès indirect aux fichiers PNR – Passenger Name Record – ou la limitation des contrôles aux frontières, le Sénat s’impose comme le gardien d’un équilibre démocratique précieux dans un État de droit auquel nous sommes attachés, sans pour autant abandonner des outils absolument nécessaires pour lutter contre le fléau du terrorisme.

Vous l’avez compris, notre groupe votera bien sûr ce texte.

Cet après-midi, le Président de la République doit s’exprimer sur les moyens qu’il souhaite donner à la sécurité de notre pays, gageons qu’ils sont à la hauteur des enjeux !

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