Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Philippe Bonnecarrère de m’avoir donné un peu de son temps de parole.
À ce stade du débat, je vous ferai part de quelques observations, madame la ministre.
J’étais la première dans cette maison en juin 2014 à demander la création d’une commission d’enquête sur les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes. Malheureusement, ces travaux ont été utiles, tellement utiles qu’on a adopté bon nombre de lois depuis lors. Notre arsenal juridique est extrêmement complet, et on le complète encore aujourd'hui. Mais sera-t-il suffisant pour venir à bout du terrorisme aux mille entailles qui atteint aujourd'hui l’Europe ? Je n’en suis pas certaine.
En effet, nous sommes dans une guerre de l’obus et du blindage. Nous sommes dans la réaction systématique. Aujourd'hui, nous multiplions les contrôles, les textes sur le renseignement. Au passage, j’indique que les décrets d’application de la loi relative au renseignement ne sont toujours pas parus. Nous avons voté en urgence un texte dont une partie des décrets ne sont toujours pas en application.
Vous multipliez – nous multiplions – les ingérences dans la vie privée, mais vous privez, madame la ministre, les communes d’un élément essentiel en matière de contrôle de leur population, à savoir l’élaboration des cartes nationales d’identité, ainsi que les autorisations de sortie du territoire, et vous vous opposez systématiquement aux demandes de nos collègues alsaciens d’étendre à tout le territoire national le certificat domiciliaire. Cela permettrait aux élus de connaître les personnes qui sont sur leur territoire. On nous demande plus de sécurité, mais avec moins de moyens.
Vous surveillez les mosquées, mais aucune mesure n’est prise aujourd'hui pour former les imams et les aumôniers en France. Tout le travail réalisé par Bernard Cazeneuve avec l’instance de dialogue n’a eu à ce jour aucun écho ; nous n’avons absolument pas avancé. Tous les spécialistes le savent, la radicalisation ne se fait pas dans les mosquées. Ils savent également qu’il faut fermer les lieux de culte quand les imams et les aumôniers profèrent des discours contraires aux lois de la République. Où en est-on du travail fondamental de la formation des imams et des aumôniers en France ?
Vous le comprenez bien, tous les imams détachés des pays d’origine constituent autant de risques. Certes, le Maroc est l’islam du juste milieu, mais vous avez bien vu la part jouée par cet imam marocain dans l’attentat de Barcelone. Qu’en serait-il aujourd'hui si une chose pareille arrivait en France ?
Madame la ministre, nous devons absolument avancer sur ces éléments.
Oui, je partage les propos d’Éliane Assassi : il faut absolument travailler sur le volet de la prévention. Que va-t-on faire des 12 000 personnes radicalisées signalées à l’UCLAT, l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste ?
Que va-t-on faire des officines de formation ou de prévention de la radicalisation, même si celles-ci sont tout de même un peu mieux surveillées en vertu de l’article 4 ter B que nous avons introduit grâce à Catherine Troendlé et moi-même au moyen d’un amendement, certes quelque peu modifié par l'Assemblée nationale ?
Aujourd'hui, il faut de l’argent pour Europol, pour l’agence FRONTEX. Il faut mettre en place un PNR efficace. Il faut former les imams et les aumôniers en France. Il faut maintenir l’UCLAT dans son identité : elle est tellement efficace et travaille tellement bien.
En réalité, nous verrons les éléments essentiels de la lutte contre le terrorisme dans quelques semaines, lors de l’examen du budget. Notre collègue François-Noël Buffet l’a très bien dit, ce sont les moyens qui seront importants. Il faut mettre des moyens au service de la police et du renseignement, en hommes et en matériels. Il faut absolument se saisir de la question de la lutte contre la radicalisation et de la prévention, sauf à continuer à nourrir ces gens.
Pour terminer, permettez-moi de vous faire une proposition qui est sans doute un peu iconoclaste, encore que… – nous sommes entre nous.
Que va-t-on faire des djihadistes qui vont revenir de Raqqa, maintenant que cette ville est libérée ? Il faut réfléchir à une instance qui pourrait ressembler à un tribunal pénal international. Il y a là de nombreux djihadistes européens. Nous ne pouvons pas les ramener sur nos territoires, nous devons les juger. En parlant d’élimination ciblée, Florence Parly a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Au lieu de prôner les valeurs de la République, on serait bien inspiré d’instaurer un tribunal pénal international afin de pouvoir juger ces terroristes.