Dans le cadre du travail sur le redressement de la justice, nous avons, pour l’essentiel, trouvé des accords – ils concernent notamment le financement et l’organisation –, mais aussi mis en lumière des points de discussion, qui relèvent toutefois du détail.
Notre souhait en tant que corapporteurs est de vous donner, madame la ministre, la possibilité de vous battre, au sein du Gouvernement, pour avoir les moyens de redresser la justice. Je le sais, tous les gardes des sceaux l’ont dit, c’est une tâche difficile ! Elle est néanmoins indispensable. Il suffit, comme vous le faites, d’écouter les magistrats et les personnels pour se rendre compte qu’ils sont au bord du burn-out. Il est urgent d’avoir de nouveau des magistrats et des greffiers en nombre, ainsi que des conditions d’incarcération conformes à celles d’un État de droit digne de ce nom.
Le financement évoqué par MM. Bas et Buffet doit faire l’objet d’une programmation pluriannuelle et être accompagné d’une réforme organisationnelle. Cette dernière ne relève pas, pour l’essentiel, de la loi, mais des domaines administratifs et réglementaires. L’ensemble des réformes nécessaires a été décrit dans le rapport et repris de manière synthétique dans l’annexe à la proposition de loi.
Si les dispositions prévues par les deux textes sont importantes, elles demeurent toutefois insuffisantes. S’agissant du numérique, l’évolution envisagée est relativement légère et plutôt protectrice, notamment à l’égard des officines qui pourraient se créer. Bien qu’importantes, ces dispositions n’amélioreront pas le fonctionnement, car vous le savez, mes chers collègues, si la justice est en retard pour ce qui concerne le numérique, les efforts à réaliser sont essentiellement organisationnels.
La création du tribunal de première instance apparaît à nos yeux comme une formule organisationnelle souhaitable. D’abord, il faut abolir les distinctions de compétences entre tribunal d’instance et tribunal de grande instance, les tribunaux d’instance ayant vu la compétence du tribunal de police transférée vers le tribunal de grande instance. Par ailleurs, le juge des tutelles est dorénavant le juge aux affaires familiales, lequel appartient lui-même au tribunal de grande instance. À un moment donné, il est plus simple, pour les justiciables, d’arriver à une organisation de type tribunal de première instance, comme cela se fait dans d’autres pays européens.
En revanche, les problèmes relatifs au nombre de tribunaux par département perdureront. Nous souhaitons qu’il y ait un tribunal de première instance par département, tout en conservant à l’esprit l’idée selon laquelle tous les lieux de justice n’ont pas besoin d’être regroupés. Au demeurant, ces questions relèvent plus de l’organisation que des principes.
Pour notre part, nous posons le principe, dans la loi, d’un tribunal de première instance, principe qui fait consensus.
S’agissant de la conciliation, il est important, dans le droit fil de la réforme de modernisation de la justice du XXIe siècle, ou J21, de poursuivre les évolutions.
Pour ce qui concerne la question pénale, nous avons été très étonnés, François-Noël Buffet et moi-même, de l’insuffisance des liens entre justice et administration pénitentiaire. Il n’est plus possible que des magistrats, dans des tribunaux correctionnels, prononcent des peines en se déchargeant – de par la loi ! – de la question de l’application de la peine sur le juge de l’application des peines, sans se préoccuper de savoir comment les maisons d’arrêt peuvent fonctionner. Les responsables des prisons doivent pouvoir dire qu’il est impossible, pour des raisons de sécurité, d’accepter davantage de détenus. Les articles 27 et 28 de la proposition de loi permettent d’ouvrir, sur cette question, un débat, à mes yeux urgent, qui sera approfondi par la discussion des amendements déposés sur ces articles.
Nous avons souhaité ajouter un article additionnel pour prévoir, madame la ministre, la rédaction d’un rapport par les chefs de juridiction sur la situation de l’exécution des peines au regard de celle des maisons d’arrêt du ressort.
S’agissant de la proposition de loi organique, nous avons été sensibles, au cours de nos visites, à la question du turn-over, trop fort dans certaines juridictions, des magistrats. Nous souhaitons que ceux-ci restent au moins trois ans, quatre ans si ce sont des juges spécialisés, en poste et au maximum dix ans. Nous savons que c’est une pratique du CSM, le Conseil supérieur de la magistrature, mais nous pensons qu’il faut l’inscrire dans la loi organique.
En guise de conclusion, je rappelle que nous avons eu un vrai débat, qui demeure, sur la possibilité d’avoir des magistrats entourés et aidés qui ne statuent pas seuls. Tel est le sens d’une réforme qui a choqué la magistrature, mais pas le Sénat, puisqu’il y reviendra au cours de l’examen des amendements.