Nous examinons aujourd'hui la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Le projet de loi de finances fournit chaque année une évaluation du prélèvement opéré sur les recettes nationales, afin de financer les programmes européens. Pour 2018, le montant du prélèvement sur recettes européen est estimé à 20,2 milliards d'euros, contre 17,9 milliards d'euros en 2017. À ce montant s'ajoutera environ 1,7 milliard d'euros de droits de douane, versé directement au budget de l'Union, ce qui porte la contribution totale de la France à près de 22 milliards d'euros. Si l'on assimile le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à une dépense, il s'agirait donc du quatrième poste du budget de l'État. Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une forte augmentation du prélèvement sur recettes : celui-ci s'élèverait à 23,3 milliards d'euros en 2019 et 24,1 milliards d'euros en 2020. Il progresserait donc de 35 % entre 2017 et 2020.
Au regard des données fournies par la Commission européenne et la direction du budget, la prévision de prélèvement sur recettes européen pour 2018 semble correctement calibrée. Cette prévision se fonde principalement sur le besoin de financement de l'Union, qui est estimé par la Commission européenne. Il est difficile d'appréhender la justesse de cette évaluation. Cependant, il nous est indiqué que le besoin de financement devrait augmenter d'environ 11 milliards d'euros en crédits de paiement par rapport à 2017. Le projet de budget présenté par la Commission européenne s'établit ainsi à 145 milliards d'euros en paiements, en hausse de 8 % par rapport au précédent budget. Après une phase de démarrage très lente entre 2014 et 2017, les programmes de la politique de cohésion devraient en principe atteindre leur vitesse de croisière en 2018.
Ensuite, les prévisions de ressources en matière de TVA, estimées à 4,4 milliards d'euros, et celles relatives à la contribution de la France au « chèque britannique », évaluée à 1,3 milliard d'euros, sont cohérentes avec les montants constatés les années précédentes.
Nous avons observé une sous-exécution du prélèvement sur recettes de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2015 et 2016. En 2017, le montant effectivement reversé à l'Union devrait être inférieur d'environ 800 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale. D'après les données de la Commission européenne, il ne serait cependant pas prudent d'anticiper une nouvelle sous-exécution en 2018, dans la mesure où une montée en charge des programmes européens est prévisible.
Il faut souligner que les évaluations budgétaires s'inscrivent dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 qui fixe des plafonds de dépenses pour sept ans, plafonds juridiquement contraignants. Le cadre financier a fait l'objet d'une révision en juin 2017, qui n'a pas remis en question les plafonds de dépenses. La révision a néanmoins permis de réaffecter 3,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires entre 2017 et 2020 en faveur de l'emploi des jeunes, de l'investissement, ou encore pour répondre à la crise migratoire.
Pour résumer, la forte hausse du prélèvement sur recettes européen prévue entre 2018 et 2020 s'explique essentiellement par l'accumulation des demandes de paiement que l'on constate en règle générale en fin de cadre financier, ce qui provoque un effet « boule de neige » sur les contributions nationales.
Deuxièmement, je souhaiterais souligner le caractère préoccupant des retards de mise en oeuvre de la politique de cohésion. Le constat est sans appel : en effet, à la mi-2017, c'est-à-dire à la moitié de la période de programmation 2014-2020, moins de 10 % des crédits d'engagement de la politique de cohésion avaient donné lieu à des paiements.
Ces retards concernent l'ensemble des États membres. Ils s'expliquent par différents facteurs : l'adoption tardive des bases juridiques des différents programmes, la lourdeur des procédures de contrôle et d'audit qui ralentit le processus de désignation des autorités de gestion, ou encore l'extension du dégagement d'office de deux à trois ans, qui a donné davantage de temps aux États membres pour procéder aux paiements.
S'agissant de la France, un facteur supplémentaire tient vraisemblablement au transfert des autorités de gestion des fonds européens aux régions, sans qu'il soit possible d'en mesurer précisément les effets à ce stade. Quoi qu'il en soit, nous accusons un sérieux retard dans la transmission de nos demandes de paiement. Fin 2016, le taux d'exécution des paiements était de 8,2 % en France contre 9,2 % en moyenne dans l'Union européenne. En 2016, seul 1 milliard d'euros a été payé au titre de la politique de cohésion dans notre pays, bien en deçà des 2,7 milliards d'euros constatés en 2015, à la fin de la période de programmation précédente.
C'est d'ailleurs l'une des raisons de la forte dégradation du solde net de la France en 2016. Selon les chiffres de la Commission européenne, notre solde s'établit à - 9,2 milliards d'euros, principalement sous l'effet du faible montant des dépenses exécutées sur notre territoire. La France redevient ainsi le deuxième contributeur net après l'Allemagne et avant le Royaume-Uni.
Les retards de mise en oeuvre de la politique de cohésion sont non seulement dommageables pour les porteurs de projet et les bénéficiaires de fonds européens, mais ils font aussi peser un risque sur la bonne exécution des dernières années de mise en oeuvre du cadre financier 2014-2020. Ainsi, les « restes à liquider » ont atteint le niveau record de 238 milliards d'euros fin 2016 et s'élèveraient à 290 milliards d'euros fin 2020 selon les estimations dont nous disposons. Or ces engagements devront nécessairement donner lieu à des paiements et risquent de préempter fortement le début du prochain cadre financier.
Ceci m'amène à évoquer les défis du prochain cadre financier pluriannuel de l'après 2020. En mai 2018, la Commission européenne présentera une proposition de cadre financier pluriannuel pour la période postérieure à 2020. Cette négociation s'annonce très difficile et dépendra dans une large mesure de l'issue du règlement financier du Brexit.
Or, comme vous le savez, les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sont actuellement dans « l'impasse », pour reprendre les termes de Michel Barnier, négociateur chargé de ce dossier. Le noeud de la discorde est la facture du Brexit, puisque les vingt-sept États membres exigent que le Royaume-Uni honore l'ensemble de ses engagements financiers, y compris une part des restes à liquider évoqués précédemment et les pensions de retraite des fonctionnaires, soit environ 60 milliards à 80 milliards d'euros au total.
Surtout, le départ des Britanniques entraînera une perte nette de recettes de 10 milliards d'euros par an pour le budget de l'Union européenne, alors même que de nouvelles priorités politiques ont émergé ces dernières années : la lutte contre le terrorisme, la gestion des flux migratoires, la défense, qui s'ajoutent aux enjeux liés à la transition environnementale et énergétique.
La réduction des dépenses de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de cohésion, qui représentent environ 70 % des dépenses de l'Union, est d'ores et déjà évoquée par la Commission européenne. Il s'agit d'un sujet majeur pour la France qui reste le premier pays bénéficiaire de la PAC en volume. Un autre enjeu important sera d'obtenir la prise en compte de territoires homogènes au regard de leur richesse dans le cadre de la nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS), retenue pour définir la nouvelle politique de cohésion.
S'agissant des recettes, le groupe de haut niveau présidé par Mario Monti a présenté des propositions pour réformer le système de ressources propres de l'Union. Cette réforme doit être l'occasion de faire avancer l'harmonisation fiscale en Europe et de lutter contre la concurrence déloyale entre États membres. Je pense en particulier au projet d'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et à la proposition de taxation des géants du numérique, les fameux Google, Apple, Facebook ou Microsoft, surnommés GAFA. Pour être mises en oeuvre, ces propositions nécessiteront une volonté politique forte.
Enfin, la perspective avancée par certains pays, dont la France, de créer un budget de la zone euro fera sans doute l'objet de débats de fond lors du prochain cadre financier. Il s'agirait de disposer d'un outil de stabilisation macroéconomique, même si sa pertinence et les modalités de sa mise en oeuvre restent discutées.
Je m'arrête ici car nous aurons l'occasion de débattre plus avant de l'avenir du budget européen en séance publique, le 23 novembre prochain. Ces questions mériteront également des travaux plus approfondis au sein de notre commission et de la commission des affaires européennes dans les prochains mois.
En l'état des données disponibles et compte tenu de l'ajustement qui aura lieu en cours de session budgétaire, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 27 du projet de loi de finances pour 2018.