Nous examinons aujourd'hui la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Le projet de loi de finances fournit chaque année une évaluation du prélèvement opéré sur les recettes nationales, afin de financer les programmes européens. Pour 2018, le montant du prélèvement sur recettes européen est estimé à 20,2 milliards d'euros, contre 17,9 milliards d'euros en 2017. À ce montant s'ajoutera environ 1,7 milliard d'euros de droits de douane, versé directement au budget de l'Union, ce qui porte la contribution totale de la France à près de 22 milliards d'euros. Si l'on assimile le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à une dépense, il s'agirait donc du quatrième poste du budget de l'État. Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une forte augmentation du prélèvement sur recettes : celui-ci s'élèverait à 23,3 milliards d'euros en 2019 et 24,1 milliards d'euros en 2020. Il progresserait donc de 35 % entre 2017 et 2020.
Au regard des données fournies par la Commission européenne et la direction du budget, la prévision de prélèvement sur recettes européen pour 2018 semble correctement calibrée. Cette prévision se fonde principalement sur le besoin de financement de l'Union, qui est estimé par la Commission européenne. Il est difficile d'appréhender la justesse de cette évaluation. Cependant, il nous est indiqué que le besoin de financement devrait augmenter d'environ 11 milliards d'euros en crédits de paiement par rapport à 2017. Le projet de budget présenté par la Commission européenne s'établit ainsi à 145 milliards d'euros en paiements, en hausse de 8 % par rapport au précédent budget. Après une phase de démarrage très lente entre 2014 et 2017, les programmes de la politique de cohésion devraient en principe atteindre leur vitesse de croisière en 2018.
Ensuite, les prévisions de ressources en matière de TVA, estimées à 4,4 milliards d'euros, et celles relatives à la contribution de la France au « chèque britannique », évaluée à 1,3 milliard d'euros, sont cohérentes avec les montants constatés les années précédentes.
Nous avons observé une sous-exécution du prélèvement sur recettes de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2015 et 2016. En 2017, le montant effectivement reversé à l'Union devrait être inférieur d'environ 800 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale. D'après les données de la Commission européenne, il ne serait cependant pas prudent d'anticiper une nouvelle sous-exécution en 2018, dans la mesure où une montée en charge des programmes européens est prévisible.
Il faut souligner que les évaluations budgétaires s'inscrivent dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 qui fixe des plafonds de dépenses pour sept ans, plafonds juridiquement contraignants. Le cadre financier a fait l'objet d'une révision en juin 2017, qui n'a pas remis en question les plafonds de dépenses. La révision a néanmoins permis de réaffecter 3,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires entre 2017 et 2020 en faveur de l'emploi des jeunes, de l'investissement, ou encore pour répondre à la crise migratoire.
Pour résumer, la forte hausse du prélèvement sur recettes européen prévue entre 2018 et 2020 s'explique essentiellement par l'accumulation des demandes de paiement que l'on constate en règle générale en fin de cadre financier, ce qui provoque un effet « boule de neige » sur les contributions nationales.
Deuxièmement, je souhaiterais souligner le caractère préoccupant des retards de mise en oeuvre de la politique de cohésion. Le constat est sans appel : en effet, à la mi-2017, c'est-à-dire à la moitié de la période de programmation 2014-2020, moins de 10 % des crédits d'engagement de la politique de cohésion avaient donné lieu à des paiements.
Ces retards concernent l'ensemble des États membres. Ils s'expliquent par différents facteurs : l'adoption tardive des bases juridiques des différents programmes, la lourdeur des procédures de contrôle et d'audit qui ralentit le processus de désignation des autorités de gestion, ou encore l'extension du dégagement d'office de deux à trois ans, qui a donné davantage de temps aux États membres pour procéder aux paiements.
S'agissant de la France, un facteur supplémentaire tient vraisemblablement au transfert des autorités de gestion des fonds européens aux régions, sans qu'il soit possible d'en mesurer précisément les effets à ce stade. Quoi qu'il en soit, nous accusons un sérieux retard dans la transmission de nos demandes de paiement. Fin 2016, le taux d'exécution des paiements était de 8,2 % en France contre 9,2 % en moyenne dans l'Union européenne. En 2016, seul 1 milliard d'euros a été payé au titre de la politique de cohésion dans notre pays, bien en deçà des 2,7 milliards d'euros constatés en 2015, à la fin de la période de programmation précédente.
C'est d'ailleurs l'une des raisons de la forte dégradation du solde net de la France en 2016. Selon les chiffres de la Commission européenne, notre solde s'établit à - 9,2 milliards d'euros, principalement sous l'effet du faible montant des dépenses exécutées sur notre territoire. La France redevient ainsi le deuxième contributeur net après l'Allemagne et avant le Royaume-Uni.
Les retards de mise en oeuvre de la politique de cohésion sont non seulement dommageables pour les porteurs de projet et les bénéficiaires de fonds européens, mais ils font aussi peser un risque sur la bonne exécution des dernières années de mise en oeuvre du cadre financier 2014-2020. Ainsi, les « restes à liquider » ont atteint le niveau record de 238 milliards d'euros fin 2016 et s'élèveraient à 290 milliards d'euros fin 2020 selon les estimations dont nous disposons. Or ces engagements devront nécessairement donner lieu à des paiements et risquent de préempter fortement le début du prochain cadre financier.
Ceci m'amène à évoquer les défis du prochain cadre financier pluriannuel de l'après 2020. En mai 2018, la Commission européenne présentera une proposition de cadre financier pluriannuel pour la période postérieure à 2020. Cette négociation s'annonce très difficile et dépendra dans une large mesure de l'issue du règlement financier du Brexit.
Or, comme vous le savez, les négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sont actuellement dans « l'impasse », pour reprendre les termes de Michel Barnier, négociateur chargé de ce dossier. Le noeud de la discorde est la facture du Brexit, puisque les vingt-sept États membres exigent que le Royaume-Uni honore l'ensemble de ses engagements financiers, y compris une part des restes à liquider évoqués précédemment et les pensions de retraite des fonctionnaires, soit environ 60 milliards à 80 milliards d'euros au total.
Surtout, le départ des Britanniques entraînera une perte nette de recettes de 10 milliards d'euros par an pour le budget de l'Union européenne, alors même que de nouvelles priorités politiques ont émergé ces dernières années : la lutte contre le terrorisme, la gestion des flux migratoires, la défense, qui s'ajoutent aux enjeux liés à la transition environnementale et énergétique.
La réduction des dépenses de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de cohésion, qui représentent environ 70 % des dépenses de l'Union, est d'ores et déjà évoquée par la Commission européenne. Il s'agit d'un sujet majeur pour la France qui reste le premier pays bénéficiaire de la PAC en volume. Un autre enjeu important sera d'obtenir la prise en compte de territoires homogènes au regard de leur richesse dans le cadre de la nomenclature des unités territoriales statistiques (NUTS), retenue pour définir la nouvelle politique de cohésion.
S'agissant des recettes, le groupe de haut niveau présidé par Mario Monti a présenté des propositions pour réformer le système de ressources propres de l'Union. Cette réforme doit être l'occasion de faire avancer l'harmonisation fiscale en Europe et de lutter contre la concurrence déloyale entre États membres. Je pense en particulier au projet d'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et à la proposition de taxation des géants du numérique, les fameux Google, Apple, Facebook ou Microsoft, surnommés GAFA. Pour être mises en oeuvre, ces propositions nécessiteront une volonté politique forte.
Enfin, la perspective avancée par certains pays, dont la France, de créer un budget de la zone euro fera sans doute l'objet de débats de fond lors du prochain cadre financier. Il s'agirait de disposer d'un outil de stabilisation macroéconomique, même si sa pertinence et les modalités de sa mise en oeuvre restent discutées.
Je m'arrête ici car nous aurons l'occasion de débattre plus avant de l'avenir du budget européen en séance publique, le 23 novembre prochain. Ces questions mériteront également des travaux plus approfondis au sein de notre commission et de la commission des affaires européennes dans les prochains mois.
En l'état des données disponibles et compte tenu de l'ajustement qui aura lieu en cours de session budgétaire, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 27 du projet de loi de finances pour 2018.
Ce rapport prend cette année une tournure particulière en raison du Brexit. Est-on en mesure aujourd'hui de tirer les conclusions du discours prononcé à Florence par Mme Theresa May sur le montant du versement britannique ?
Ma seconde question porte sur un sujet de préoccupation majeur pour notre commission, la fraude à la TVA. En matière fiscale, les décisions sont prises à l'unanimité des États membres à l'échelon européen. Cela étant, la TVA est également une ressource propre pour l'Union européenne. Dès lors, ne pourrait-on pas envisager que l'Union intervienne directement pour recouvrer les produits de TVA, sans plus attendre l'accord de l'ensemble des États membres ? Il s'agirait d'un levier d'action intéressant pour contourner une règle, celle de l'unanimité, qui ne permet pas d'avancer. Aujourd'hui, les recettes de l'Union s'érodent tout autant que les recettes de ses États.
Je suis bien sûr préoccupé par l'évolution du montant de la contribution versée par la France au budget de l'Union, mais aussi par la mise en oeuvre des politiques européennes sur notre territoire. Je pense en particulier à la politique régionale : pour la période 2014-2020, l'État a confié aux régions un certain nombre de compétences, comme la gestion du programme Leader concernant le développement rural ou celle du fonds européen consacré aux affaires maritimes et à la pêche. Or la mise en oeuvre de ces programmes a soulevé beaucoup de difficultés et demandé beaucoup de temps.
Parmi les raisons avancées pour expliquer le retard enregistré, on évoque la volonté de l'État de conserver la maîtrise des logiciels de gestion des aides et le fait que la technologie ferait défaut, ce qui est un comble à l'heure de l'économie numérique.
Faute d'avoir pu consommer les fonds européens à temps, la France ne risque-t-elle pas d'être obligée d'en reverser une partie à l'Union européenne ?
Ma seconde question porte sur la politique en faveur de la mobilité des jeunes : les crédits du programme Erasmus sont-ils en augmentation ou en diminution de 200 millions à 100 millions d'euros ?
Ma question porte sur la Turquie. Compte tenu des agissements répétés du Président Erdogan, l'Union européenne continuera-t-elle à aider ce pays de la même façon qu'auparavant ? Où en est-on de la demande formulée par l'Allemagne de suspendre les prêts accordés par la Banque européenne d'investissement (BEI) à la Turquie ?
Je souhaiterais connaître les causes du retard de mise en oeuvre de la politique de cohésion en France, ainsi que celles à l'origine de l'importante baisse de consommation des crédits. Comment notre pays se situe-t-il par rapport aux autres États membres dans ce domaine ? Existe-t-il un lien direct entre les difficultés rencontrées en France et le transfert des autorités de gestion des fonds européens aux régions ?
Je voudrais connaitre les raisons qui expliquent le retard de versement des crédits de la PAC.
J'aimerais également de plus amples explications sur les dysfonctionnements du logiciel Osiris. Doit-on s'attendre au même type de difficultés qu'avec Louvois et la plateforme nationale des interruptions judiciaires (PNIJ) ? Le montant de ces dysfonctionnements peut en effet se chiffrer à plusieurs millions d'euros !
Le Royaume-Uni envisagerait d'appliquer des droits de douane après sa sortie de l'Union européenne. Que comptent faire les États membres en réaction à cette décision ?
J'aimerais également évoquer la question de la gestion des fonds européens. Au niveau départemental, j'ai moi-même pu constater que la multiplicité des contrôles, celui de la direction régionale des finances publiques ou celui de la direction du travail, par exemple, pouvait complexifier la gestion des crédits du fonds social européen (FSE). Cette lourdeur pourrait peut-être expliquer la sous-consommation des crédits en France.
Je partage l'ensemble des observations du rapporteur spécial, mais je ne suis en revanche en désaccord avec les conclusions qu'il en tire.
En effet, j'approuve totalement le fait que la Nation française contribue à la solidarité européenne. Toutefois, j'observe que le prélèvement sur recettes augmenterait de 35 % entre 2017 et 2020, alors qu'un retard a été pris dans la mise en oeuvre de la politique de cohésion. Cela signifie que l'effort budgétaire n'est pas suivi des résultats escomptés.
Ce constat me pose d'autant plus problème qu'on évoque une réduction des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion après 2020.
En outre, un flou existe autour du Brexit : celui-ci entrainerait une perte nette de recettes de 10 milliards d'euros par an pour le budget de l'Union. Or notre rapporteur spécial a raison d'appeler notre attention sur le fait que ce montant ne correspondra pas forcément à l'addition finale.
Toutes ces observations m'incitent à ne pas approuver le rapport qui nous est présenté.
La notion de « solde net » est un concept purement budgétaire qui ne permet pas de tenir compte de tous les coûts ou avantages liés à l'appartenance à l'Union européenne, comme la participation au marché unique. En France, ce solde se détériore en raison de la sous-consommation des crédits, en comparaison notamment des autres États membres. Notre commission y gagnerait à se voir communiquer un tableau comparant le taux de consommation des crédits européens dans les différents États membres de l'Union, ainsi qu'une étude ciblée sur les raisons de cette spécificité française.
On insiste sur l'insuffisance de la consommation des crédits en France tout en évoquant le vaste transfert de gestion des fonds européens aux régions. La réforme régionale a-t-elle joué un rôle de ce point de vue ? A-t-elle contribué à amplifier la sous-consommation des crédits ?
Pour répondre au rapporteur général, je précise que Theresa May a affirmé à Florence vouloir respecter les engagements du Royaume-Uni. La difficulté, c'est que nous n'avons pas exactement la même définition du respect de ces engagements : le Premier ministre britannique a mentionné le chiffre de 20 milliards d'euros quand les dernières estimations avancées se situent plutôt dans une fourchette de 60 milliards à 80 milliards d'euros. Le sommet de Florence n'a pas permis de faire disparaître cette divergence d'appréciation et de faire en sorte que les points de vue se rapprochent.
Sur la question de la fraude à la TVA, qui est à la fois un enjeu national et européen, je ne dispose pas d'élément de réponse particulier, hormis le fait que, s'agissant d'une ressource propre, toute adaptation au régime applicable à cet impôt et notamment à la lutte contre la fraude nécessite l'unanimité des États membres de l'Union.
Michel Canevet a évoqué la difficile mise en oeuvre des programmes européens et, notamment, du programme Leader. Les causes à l'origine de cette situation sont diverses.
Il y a évidemment la question des dysfonctionnements du logiciel Osiris : ceux-ci expliquent en effet une partie des retards, ce qui est bien entendu inexplicable et injustifiable aux yeux de nos concitoyens qui sont, en définitive, les bénéficiaires de ces programmes.
Les retards de paiement sont également dus à la décision d'étendre d'une année le dégagement d'office. Paradoxalement, le report d'une année de la facilité accordée pour apporter les justificatifs de dépenses et, donc, le report du risque de perdre le bénéfice des aides européennes ont peut être entraîné une moindre consommation des crédits.
S'agissant de la question relative à la mobilité des jeunes, je précise que les crédits ont été majorés de 100 millions d'euros dans le cadre de la révision à mi-parcours.
À Sébastien Meurant, je répondrai qu'il existe des divergences d'appréciation à l'échelon européen sur la position à adopter vis-à-vis de la Turquie. Il est vrai que l'Allemagne est favorable à une position plus restrictive. Aujourd'hui, la voie choisie est celle de la suspension des crédits et des aides accordés par la BEI.
Julien Bargeton a suggéré de comparer le taux moyen de consommation des crédits destinés à la mise en oeuvre des programmes européens entre États membres. Selon les données dont on dispose, le taux d'exécution des paiements dans l'Union européenne est de 9,2 %, contre 8,2 % en France. Nous sous-consommons donc davantage que la moyenne européenne, même si l'Allemagne se situe à un niveau proche du nôtre.
Pour répondre à Nathalie Goulet, les retards de versement des aides agricoles au niveau national étaient importants les années précédentes, s'agissant en particulier des mesures agro-environnementales. Selon les informations obtenues auprès du ministère du budget, ces retards devraient être soldés d'ici la fin de l'année 2018.
Thierry Carcenac a posé la question des droits de douane et soulevé le problème des délégations de gestion. S'agissant des droits de douane, je ne peux que rappeler la règle qui serait suivie en l'absence d'accords commerciaux, à savoir que l'on appliquerait alors des droits de douane. Quant aux délégations de gestion et aux divers dispositifs d'audit et de contrôle en vigueur, ils pourraient en effet partiellement expliquer le plus grand retard de la France en matière de consommation des crédits. En tout cas, on constate que l'ensemble des bénéficiaires et des gestionnaires se plaignent de cette superposition des contrôles.
Notre collègue Pascal Savoldelli a souligné la forte augmentation de la contribution française de 2017 à 2020. Je rappelle cependant que, en 2017, le montant effectivement reversé à l'Union devrait être inférieur d'environ 790 millions d'euros à la prévision initiale. En outre, l'entrée dans la seconde moitié du programme pluriannuel va pousser à l'accélération de la consommation des crédits. Par conséquent, il ne me semble pas que la contribution française au budget de l'Union soit surévaluée.
Je confirme ma crainte que l'enveloppe allouée à la politique de cohésion mais aussi à la PAC diminue après 2020, afin de tenir compte du retrait d'un contributeur net au budget de l'Union, le Royaume-Uni, et de l'existence d'autres priorités. Il s'agit d'un enjeu important pour notre pays, dans la mesure où la France est l'un des premiers bénéficiaires de ces politiques qui représentent l'essentiel du budget européen.
Enfin, je répondrai à Arnaud Bazin que la délégation des autorités de gestion au niveau régional a très vraisemblablement eu un effet sur le niveau de consommation des crédits, mais que je ne dispose d'aucun élément pour évaluer l'ampleur de cet impact.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 27 du projet de loi de finances pour 2018.
- Présidence de M. Vincent Éblé, président, puis de M. Yvon Colin, vice-président -
Nous entamons avec notre ancien collègue Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, nos auditions sur le projet de loi de finances pour 2018. Monsieur le ministre, bienvenue à la commission des finances. Je souhaite également la bienvenue à nos collègues rapporteurs pour avis des autres commissions : Annie Guillemot, Dominique Estrosi Sassone, Jean-Marie Morisset, Louis-Jean de Nicolaÿ.
Je rappelle qu'une nouvelle mission « Cohésion des territoires » a été créée au sein du budget général, en regroupant à la fois les crédits des précédentes missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ». Nous pouvons accueillir positivement la réunion de la « Ville » et du « Logement » au sein d'une même mission, puisque nos rapporteurs spéciaux Daniel Raoul, lequel a depuis quitté ses fonctions, et Philippe Dallier en déploraient la séparation depuis 2015.
Monsieur le ministre, vous nous présentez votre budget, marqué notamment par l'incidence de la baisse des crédits consacrés aux contrats de ruralité et l'importante réforme des aides personnelles au logement, qui figure à l'article 52 du projet de loi de finances. Notre commission examinera les crédits de la mission, ainsi que l'article 52, le mercredi 22 novembre.
Je ne doute pas que vous nous parlerez aussi des mesures de fiscalité immobilière qui figurent dans le projet de loi de finances. À l'issue de votre propos liminaire, vous serez interrogé par les rapporteurs spéciaux de votre mission, Philippe Dallier et Bernard Delcros, ainsi que par le rapporteur général, puis par tous les sénateurs qui le souhaiteraient.
Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec un réel plaisir que je vous retrouve aujourd'hui. Je vais vous exposer en quelques minutes les grandes orientations du budget de la mission « Cohésion des territoires ».
Vous l'avez souligné, monsieur le président, ce ministère est une nouveauté, puisqu'il regroupe à la fois le logement, la politique de la ville et l'aménagement du territoire.
Les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui s'élèvent à 16,5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances. Mais au-delà de cette enveloppe, les différentes dépenses fiscales de l'État au profit des acteurs du logement, de l'aménagement et de la politique de la ville s'établissent à près de 18 milliards d'euros : 1,6 milliard d'euros en ce qui concerne l'hébergement d'urgence, 15,3 milliards d'euros pour la politique du logement, 470 millions d'euros pour l'aménagement du territoire et 448 millions d'euros en politique de la ville.
J'en profite pour rappeler que je ne suis pas le ministre des collectivités locales : cette compétence relève en effet du ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, ainsi que de sa ministre déléguée, Jacqueline Gourault.
Alors que l'État consacre chaque année près de deux points de PIB à la politique du logement et que persistent les difficultés que l'on connaît, avec notamment 4 millions de personnes mal-logées, nous avons souhaité réinterroger l'efficacité des politiques engagées en matière d'aides personnelles au logement et de soutien à la construction.
Sur 16,5 milliards d'euros de crédits budgétaires, 13,6 milliards d'euros seront consacrés en 2018 au financement des aides personnelles au logement, lequel comprend, de manière plus globale, des financements de l'État, une participation des employeurs et les aides des collectivités territoriales en faveur de l'accès et du maintien dans leur logement des ménages, ce qui porte la dépense publique d'aide au logement à 16,4 milliards d'euros.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réforme des aides personnelles au logement qui doit conduire à réduire la dépense de l'État de 1,7 milliard d'euros en 2018.
Il propose ainsi l'instauration d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social, au bénéfice des locataires les plus fragiles, et une baisse des aides personnalisées au logement (APL) pour les mêmes locataires, l'ensemble étant neutre sur leur pouvoir d'achat. Je pense que j'aurai l'occasion d'y revenir dans nos débats et de vous faire part de mes efforts pour rechercher le dialogue avec les bailleurs sociaux.
Afin d'accompagner les bailleurs dans la mise en oeuvre de cet effort, le Gouvernement a proposé un ensemble de mesures de soutien à la construction de logements sociaux et d'accompagnement des bailleurs les plus fragiles.
Au-delà des dispositions figurant à l'article 52 du projet de loi de finances, à savoir l'institution d'un dispositif de péréquation et l'augmentation du supplément de loyer de solidarité (SLS), c'est plus de 6 milliards d'euros de prêts bonifiés qui sont proposés au secteur. Par ailleurs, le taux du livret A sera figé dans la durée, afin de stabiliser les charges pesant sur les bailleurs sociaux.
La discussion doit continuer au-delà des rapports de force actuels. Personnellement, j'ai tenu à maintenir un dialogue constant avec les bailleurs sociaux et je suis ouvert à des évolutions qui mèneraient à des solutions consensuelles.
D'autres mesures relatives aux aides personnelles au logement figurent dans ce projet de loi de finances, dont la non-application au 1er octobre 2018 de la révision annuelle du barème de calcul des aides personnelles au logement et le gel des loyers dans le parc social pour 2018.
En matière de construction, la stratégie du Gouvernement repose sur plusieurs objectifs que j'aurai l'occasion de présenter plus longuement dans le cadre de la discussion d'un projet de loi sur le logement que je déposerai prochainement.
Ainsi, pour répondre aux besoins des plus fragiles, une nouvelle génération de prêts bonifiés par Action logement dits « prêts de haut de bilan » apporteront des ressources supplémentaires aux organismes de logement social pour un montant total de 2 milliards d'euros.
Le deuxième objectif vise à encourager l'innovation et accompagner les transitions énergétique et numérique : l'Agence nationale de l'habitat pour l'amélioration du parc privé, l'Anah, voit ainsi ses crédits renforcés, et notamment le programme « Habiter mieux » qui sera doté de 1,2 milliard d'euros sur le quinquennat, afin de financer la rénovation de 75 000 passoires thermiques par an dans le parc privé. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) sera également mobilisée dans le cadre du grand plan d'investissement pour accompagner les bailleurs sociaux dans la rénovation de leur parc.
Troisième objectif : créer un choc d'offre et libérer la capacité de faire. C'est ainsi que le Gouvernement propose des amendements qui tendent à réduire l'imposition des plus-values immobilières. Le but est de favoriser les transactions et de limiter l'inflation des prix du foncier, renversant le système actuel qui pousse nos concitoyens à conserver le foncier le plus longtemps possible pour ne plus payer d'impôts dessus.
Dans les zones tendues, le Gouvernement veut ainsi faire baisser très significativement - de 70 % à 85 % -, l'imposition des plus-values sur le foncier cédé d'ici la fin 2020, voire la supprimer dans certains cas.
Le Gouvernement entend également proposer des réponses adaptées aux zones moins tendues en réinvestissant les bourgs-centres et en revitalisant les centres anciens. Nous proposerons un grand plan pour les villes moyennes, dans lequel les politiques du logement et de l'aménagement prendront toute leur place. Pour ce faire, une convention quinquennale avec Action Logement est en cours de finalisation : elle devrait permettre d'investir 1,5 milliard d'euros sur la durée du quinquennat.
Le dispositif « Louer abordable », qui permet la rénovation de logements dégradés et vacants, est maintenu, tout comme l'est l'objectif de rénovation de 50 000 logements d'ici 2019. Là encore, l'Anah prendra toute sa place.
Dans ce cadre, nous nous appuierons sur un partenariat renforcé avec la Caisse des dépôts et consignations, dont le futur directeur général sera très prochainement nommé. Je souhaite une collaboration beaucoup plus étroite avec la CDC, afin d'amplifier nos actions en matière d'aménagement du territoire, de politique de la ville et de soutien aux territoires ruraux.
La convention quinquennale avec Action logement, dont j'ai parlé précédemment, sera également révisée afin d'intégrer ces nouvelles orientations.
Les dispositifs fiscaux « Pinel » et le prêt à taux zéro (PTZ) arrivent à échéance au 31 décembre 2017. Le Gouvernement a pris la décision de les reconduire pour quatre années, tout en faisant en sorte de mieux les orienter vers les secteurs qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les zones tendues pour les dispositifs « Pinel » et PTZ dans le neuf, et les zones moins tendues pour le dispositif PTZ dans l'ancien. Comme le Président de la République l'a indiqué lors du congrès de la Fédération française du bâtiment, le PTZ sera également maintenu pour deux ans en zone détendue dans le neuf. Cette mesure, que j'ai personnellement soutenue, entrera en vigueur sous réserve de son adoption par le Parlement.
En matière d'hébergement et d'accès au logement pour les personnes sans abri ou mal-logées, nous allons changer de paradigme. Le nombre de places d'hébergement a fortement augmenté sous le précédent quinquennat, passant de 82 000 à 122 000. Cet accroissement massif n'a cependant pas permis de répondre efficacement aux besoins des personnes sans domicile. Nous présenterons donc une nouvelle stratégie en la matière, laquelle est d'ailleurs fortement soutenue par les associations. Les moyens dédiés au programme 177 augmenteront de 13 % en 2018, ce qui permettra une stabilisation des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence et d'insertion et une hausse de ceux alloués au logement adapté, pensions de famille et intermédiation locative. J'espère que cela suffira mais nous sommes confrontés chaque année à une situation migratoire tendue et à des dizaines de milliers de nos concitoyens sans abri. Nous augmentons également les crédits d'accompagnement social afin de préparer la transition.
En matière d'aménagement du territoire, ce projet de loi de finances soutient leur développement afin de réduire les fractures territoriales. Dans les zones rurales, nous encouragerons les créations de maisons de service au public (MSAP) et le déploiement des plateformes de mobilité dans chaque département. Afin de lutter contre la désertification médicale, 2 000 maisons de santé pluridisciplinaires supplémentaires sont prévues, soit un doublement de leur nombre d'ici quatre ans et demi.
La couverture numérique du territoire est un enjeu majeur du Gouvernement, avec comme objectif le déploiement de la 4G sur tout le territoire d'ici 2020. J'ai réuni à deux reprises tous les opérateurs en leur fixant des objectifs clairs. Nous leur demandons d'accélérer le déploiement en zone dense et de soutenir les réseaux d'initiative publique qu'ils ne doivent pas mettre en difficulté. Avec le secrétaire d'État chargé de ce dossier, j'ai rappelé aux opérateurs leurs engagements contraignants, faute de quoi il pourrait y avoir des conséquences sur leurs licences.
Le développement des politiques contractuelles avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de plan État-Régions (CPER) n'est pas remis en cause.
Le programme 112 concerne notamment le volet territorial des CPER, les pactes État-métropoles et les contrats de ruralité. Pour ces derniers, le financement sera désormais assuré par la dotation de soutien à l'investissement local. Avec le ministre de l'intérieur, j'adresserai une instruction aux préfets en début d'année prochaine afin de veiller qu'une part de la dotation soit bien fléchée vers les contrats de ruralité.
Dans le cadre de ce budget, nous travaillons à la simplification et à l'optimisation des instruments de la politique de cohésion des territoires afin de mieux aménager, de mieux urbaniser tout en réduisant les coûts. Pour parvenir à cet objectif, une Agence nationale des territoires sera créée, que je vous présenterai prochainement. Le but n'est pas de construire une usine à gaz mais de proposer des solutions concrètes à nos territoires.
Nous allons également simplifier les règlementations et développer des outils de contractualisation. Nous sommes en train de répertorier les différents contrats existants entre l'État et les collectivités. Nous en avons déjà recensé 1 100, dont le plus grand nombre est du ressort du ministère de la culture. Nous devons simplifier ces relations.
Nous allons également poursuivre la dématérialisation, pour plus d'efficacité et d'économies.
La politique de la ville est prioritaire, au même titre que celle que nous menons en faveur de la ruralité. Je n'entends pas opposer l'une à l'autre. Nous ne remettons pas en cause le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), notamment doté d'un milliard d'euros de crédits budgétaires : nous n'allons pas revenir sur ce qui a été décidé par le précédent Gouvernement.
Peut-être faudra-t-il aussi flécher des crédits sur certains quartiers particulièrement prioritaires, où les tensions sociales et sécuritaires sont vives. J'ai entendu ce qui a été dit lors de la réunion de Grigny. L'éducation restera bien sûr prioritaire, avec la poursuite du dédoublement des classes en réseau d'éducation prioritaire REP +. À la rentrée, 2 500 classes ont été ouvertes. De même, la police de proximité sera développée pour faire face aux problèmes sécuritaires. 430 millions d'euros seront affectés à la politique de la ville, soit un budget identique à celui de 2017.
L'amélioration des conditions de vie dans ces quartiers passe par une mobilisation réelle des politiques de droit commun et par des mesures fiscales spécifiques. Un bilan de l'action menée jusqu'à présent doit également être dressé, sans pour autant stigmatiser ce qui fut fait. Ainsi, le bilan des zones franches urbaines et de certaines exonérations me paraît mitigé.
Concernant les programmes dont j'ai la charge, il y a du bon et du moins bon. Les crédits d'hébergement d'urgence augmentent. Face à la crise actuelle, la question est de savoir si ce sera suffisant. J'espère que l'État ne devra plus réquisitionner des gymnases, comme il l'a fait jusqu'à présent, surtout en Île-de-France. J'approuve également la sécurisation du programme « Habiter mieux » de l'Anah, doté de 110 millions d'euros en 2018.
J'en viens à l'article 52 qui traite des aides personnelles au logement. Vous nous avez fait passer un document intitulé « Présentation de la stratégie logement du Gouvernement ». Mais je me demande où est la stratégie. A la suite de la grave crise que nous avons traversée, les années 2017 et probablement 2018 seront certainement très satisfaisantes en matière de construction de logements. Avec votre politique, ce secteur ne va-t-il pas connaître une nouvelle crise dès 2019 ? En septembre, le Gouvernement a brutalement déclaré vouloir réduire les APL de 1,5 milliard d'euros. On a l'impression que Bercy a décidé unilatéralement cette mesure d'économie. Les bailleurs sociaux vont devoir réduire les loyers pour compenser la baisse de l'APL. L'autofinancement des bailleurs qui s'élève actuellement à 2 milliards d'euros va être amputé de ce milliard et demi. Avec cette réforme, une centaine de bailleurs risqueraient fort de faire faillite et 180 autres n'en seraient pas loin. Les mesures de compensation que vous proposez vont-elles leur permettre d'éviter cette catastrophe annoncée ? Qu'aura-t-on gagné si les bailleurs ne peuvent plus entretenir leur patrimoine ni financer les logements sociaux ?
De plus, ces mesures auront un impact sur la construction de logements sociaux mais aussi sur des opérations privées ou semi-privées. Pour remplacer cette perte d'autofinancement, vous annoncez des mesures de mutualisation. Si certains offices peuvent y parvenir, d'autres ne le pourront pas. Vous annoncez aussi un étalement de la dette. Mais cela reste de la dette ! Quant aux prêts de haut de bilan, ce sont toujours des prêts !
Le monde HLM s'est braqué et certains ont certainement été trop loin. Divers organismes ont ainsi décidé de ne plus signer les ordres de service, ce qui risque de pénaliser les entreprises du bâtiment. Il est temps de remettre tout le monde autour de la table. Votre porte est-elle toujours ouverte ? Ne pourrait-on remplacer l'article 52 par diverses mesures qui pourraient rapporter des recettes fiscales à l'État, comme la TVA sur le logement social, mais aussi instaurer un taux d'effort minimum pour les locataires, mesure que j'avais d'ailleurs proposée il y a deux ans ? Si l'on ne revient pas sur cet article, il aura de très fortes répercussions sur tout le secteur et pas seulement sur celui du logement social.
On nous dit aussi que les bailleurs n'ont qu'à vendre des logements pour trouver des fonds afin de compenser les effets de l'article 52, mais quid de la suppression des aides personnelles au logement permettant l'accession à la propriété, qui assurent justement la solvabilisation des occupants, notamment de logements sociaux, qui souhaiteraient acheter leur bien en vente ? Quelle contradiction !
Enfin, comment comptez-vous trouver les 4 milliards supplémentaires annoncés pour le NPNRU ?
Le projet de loi de finances prévoit la suppression du PTZ en zone C en 2018 et en zone B2 en 2019. Certes, le Président de la République a finalement annoncé le maintien du PTZ en zone C et B2 pour les deux ans qui viennent. Mais aujourd'hui ces prêts financent 40 % des opérations. Les primo-accédants dans ces zones bénéficieront-ils encore de ce taux ou celui-ci sera-t-il réduit à 20 % ?
Les autorisations d'engagement du programme 112 diminuent de 58 %, en raison de la réduction des sommes allouées aux contrats de ruralité, dotés l'an passé de 212 millions. Ces contrats, créés en 2017, sont d'excellents outils adaptés aux stratégies de développement local dans les territoires ruraux. Je constate que vous avez prévu 44 millions d'euros de crédits de paiement pour répondre aux engagements de 2017. Vous avez dit que les contrats de ruralité rejoindraient désormais la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Pourquoi un tel changement alors même que la mission finance déjà les CPER au niveau régional et les contrats de ville ? N'y perd-on pas en lisibilité de la politique d'aménagement du territoire ? En outre, pour 2018, les contrats de ruralité ne seront plus dotés que de 45 millions d'euros. Ces 45 millions d'euros permettront-ils d'honorer la deuxième année de financement des contrats signés en 2017 et de nouveaux contrats pourront-ils être signés en 2018 ?
Enfin, ces contrats devaient financer de l'ingénierie territoriale pour permettre aux intercommunalités rurales de monter en compétences. Cela sera-t-il encore possible en 2018 ?
Le programme 162 prévoit une baisse importante de l'action « Eau et agriculture en Bretagne » : les crédits sont divisés par trois alors qu'il s'agit d'un enjeu de santé publique. Comment justifier cette baisse ? Il en va de même pour le Marais poitevin : pourquoi ? Parallèlement, une nouvelle action portant sur le plan littoral en Occitanie est inscrite pour un million en autorisations d'engagement alors que le programme pluriannuel de ce plan se monte à près d'un milliard d'euros.
J'ai eu l'occasion de lire vos excellents rapports sur toutes ces questions concernant les aides personnelles au logement, monsieur Dallier. Je suis d'ailleurs d'accord avec un certain nombre de vos conclusions.
Bien sûr, j'étudierai avec soin vos propositions sur l'article 52. J'entends aussi la réaction d'un certain nombre de bailleurs sociaux car tous ne sont pas sur les mêmes lignes. Le Président de la République et son Gouvernement veulent une restructuration du secteur, qui ne se fera pas en trois mois, bien entendu. Il existe plus de 730 opérateurs et leur situation financière est extrêmement diverse. Il faudra parvenir à rééquilibrer les choses, je n'ignore pas les conséquences de la réforme. Comme l'ont dit de nombreux travaux du Sénat ou encore récemment la Cour des comptes, des évolutions sont indispensables. J'en suis personnellement convaincu et certains bailleurs sociaux aussi.
Vous avez travaillé sur une évolution du taux d'effort des allocataires, et évoqué aussi dans votre intervention la TVA sur le logement social. Les réflexions du Sénat ne pourront qu'être prises en considération pour améliorer le dispositif. Il n'en reste pas moins que l'effort de l'État en matière de logement n'est pas suffisamment payé de retour et les programmes de campagne de plusieurs candidats à l'élection présidentielle que vous avez soutenus en faisaient aussi mention.
Sur plusieurs millions de logements sociaux, je regrette qu'il n'y ait eu ces dernières années que 7 000 à 8 000 ventes annuelles, soit 0,2 % du parc. Il faut accélérer le mouvement pour accroître l'accession sociale à la propriété, mais aussi pour améliorer les comptes des bailleurs sociaux. Je souhaite que nous atteignions 40 000 ventes par an, tout en respectant les droits des locataires. Cette accession doit être réservée de façon privilégiée à ceux qui logent dans le parc social. Cela ne peut fonctionner qu'avec des ventes en bloc, d'où la nécessité d'une structure porteuse. La vente de quelques appartements dans un immeuble ne peut déboucher que sur des difficultés de copropriété. Mais la vente d'un logement permet, au minimum, d'en construire deux.
La mutualisation est bien sûr indispensable. Évidemment, pour qu'elle ait un sens, elle ne doit pas supprimer toute capacité de financement à l'ensemble des bailleurs sociaux. Je reste partisan du dialogue également sur ce point.
Vous avez salué l'effort que nous faisons en faveur de l'hébergement d'urgence tout en vous demandant s'il sera suffisant. Je me pose la même question. Il n'est pas dans mon intention de critiquer les gouvernements précédents, mais la sous-estimation a été régulière. À un moment ou à un autre, il faut arriver à un rattrapage.
Pour financer le NPNRU, l'État participera à hauteur d'1 milliard d'euros, Action logement devrait s'engager à hauteur de 2 milliards d'euros dans la future convention avec l'État et nous verrons avec l'Union sociale pour l'habitat (USH) pour les 2 milliards d'euros restants dans le cadre de nos négociations. En tout état de cause, 8 milliards d'euros sont sécurisés, j'espère que nous arriverons aux 10 milliards d'euros. Sur la durée du NPNRU qui s'achèvera en 2031, mettre 1 milliard d'euros signifie qu'on sort 65 millions d'euros par an, ce sont 130 millions d'euros déboursés pour parvenir aux 2 milliards d'euros annoncés. Ce montant est indispensable au regard du nombre de quartiers qui ont été identifiés, dans quasiment tous les départements, pour en bénéficier. Il y a eu une dissociation entre les quartiers prioritaires d'intérêt national et ceux d'intérêt régional, mais au sein même des quartiers d'intérêt national, il faudrait distinguer ceux qui méritent un effort particulier. Dans certains quartiers, on a le sentiment que la République se retire et que d'autres prennent sa place, ce qui n'est pas acceptable. Nos collègues élus locaux sont confrontés à des problèmes sociaux et sécuritaires insolubles. Lorsque j'ai visité les classes dédoublées à Sarcelles, des enseignants m'ont dit que les parents de tous leurs élèves ne parlaient pas français. De même, le jour où la théorie du genre a été exposée dans les médias, leurs classes se sont vidées.
L'orientation donnée par le Président de la République sur le PTZ ne sera pas remise en cause : les deux prochaines années, le PTZ continuera à être délivré dans les zones B2 et C pour le neuf. Nous verrons s'il convient de poursuivre ou non. Le débat sur le taux de 20 % ou de 40 % aura lieu au Parlement. On ne pourra pas dire que les territoires détendus auront été oubliés.
Le Gouvernement a souhaité poursuivre les contrats de ruralité et les engagements pris seront financés. Je ne reviendrai pas sur les débats relatifs à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) mais chaque année, il y a une part des crédits qui remontent des préfectures vers le ministère chargé du budget.
Au niveau des dotations, nos propositions sont raisonnables : globalement, les dotations ne diminuent pas. En dehors des 319 collectivités qui devront faire des efforts, aucune commune ni intercommunalité ne sera impactée. J'ai fait le nécessaire pour que l'on tienne compte des territoires ruraux.
Comme vous, nous estimons que les résultats en matière de construction ne sont pas à la hauteur des moyens mobilisés par l'État. Au sein de notre commission, un groupe de travail pluraliste a entendu de nombreux acteurs et il a formulé diverses propositions.
La mesure 21 que vous annoncez dans votre stratégie pour le logement crée un abattement sur l'imposition des plus-values issues de la vente des terrains dans les zones tendues. Le système des plus-values me semble obsolète : au lieu d'accélérer la rotation des terrains et des logements, il incite à la détention longue, d'où ces correctifs qui peuvent créer des effets d'aubaine. Dans quel texte cette mesure figurera-t-elle puisqu'elle n'est pas dans la loi de finances ?
Par ailleurs, j'espère qu'il n'y aura pas de dispositif « Mézard » car tous les ministres ont voulu attacher leur nom à une réforme : à chaque fois, ce fut une nouvelle niche fiscale. Chacun nous expliquait qu'il s'agissait du dispositif miracle qui résoudrait la crise du logement, ce qui ne fut jamais le cas. En outre, les constructions n'ont pas toujours été faites là où les besoins étaient les plus criants. Il s'agit plus de dispositifs de soutien à la construction qu'au logement.
Concernant le « Pinel », allez-vous vous pencher sur les marges des intermédiaires, sujet relevé par notre groupe de travail ? Les prix au mètre carré sont plus élevés lorsqu'il y existe des incitations fiscales. Les spécialistes en défiscalisation prennent en effet leurs marges : ne pourrait-on encadrer leurs commissions ?
Près de 25 % des ménages sont logés dans le parc privé, soit 7 millions de ménages. Dans ce parc, 96 % des bailleurs sont des particuliers. Malheureusement, cette loi de finances ne va pas les choyer, notamment avec l'impôt sur la fortune immobilière et le prélèvement forfaitaire unique.
Le « Borloo ancien » était un dispositif pertinent qui visait à remettre sur le marché des logements à loyer modéré. Dispose-t-on d'un bilan de ce dispositif qui a été réformé l'an dernier ?
À l'occasion d'une nouvelle loi sur le logement, vous prévoyez de réorienter des dispositifs d'incitation fiscale pour favoriser la construction de logements. Sans mettre en cause les nécessaires efforts sur les zones tendues, prenez garde à ne pas prendre des mesures trop brutales qui pourraient avoir des effets trop négatifs. Ainsi en fut-il avec la modification des tarifs de rachat de l'électricité solaire qui avait provoqué l'effondrement de la filière dans notre pays.
Sans doute faudrait-il maintenir le « Pinel » pour des programmes déjà engagés dans les zones B2 avec agrément pour les permis de construire déposés avant le 31 décembre 2017. Ces programmes sont le plus souvent prêts et il s'agit, pour la plupart, d'opérations à tranches qui risquent d'être inachevées en cas d'arrêt brutal.
Monsieur le rapporteur général, le dispositif fiscal relatif aux plus-values que vous évoquiez sera présenté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Concernant le « Pinel », il n'existe pas de véritable évaluation et j'ai demandé à en savoir plus car je suis persuadé que certaines constructions auraient eu lieu, même sans incitation. Bien évidemment, les marges des spécialistes de la défiscalisation génèrent un surcoût, d'où l'intérêt de revoir ces dispositifs.
C'est seulement, depuis mai que le dispositif Cosse a effectivement remplacé le « Borloo ancien », ce qui rend l'analyse difficile à réaliser, faute de recul suffisant. Rassurez-vous, je n'entends pas faire voter une loi « Mézard ».
Et non, on ne peut parler de nouvel impôt sur la fortune immobilière puisqu'il existe déjà. Le nom change, et vous pouvez simplement regretter qu'on maintienne cet impôt sur l'immobilier.
Je suis moi-même très attentif à la situation des zones les moins tendues et je me suis battu pour leur obtenir du « PTZ ancien » sur quatre ans et du « PTZ neuf » sur deux ans. Il est vrai aussi qu'il faut encourager la construction et la rénovation dans les zones tendues. Ne faudrait-il d'ailleurs pas procéder à une révision de ces zones ? Le Gouvernement et le Parlement pourront se pencher sur cette délicate question.
Rejoignant les propos tenus par Philippe Dallier, je voudrais vous demander si l'article 52 n'allait pas pousser les bailleurs sociaux à ne retenir que les locataires qui perçoivent peu ou pas d'APL ? C'est une orientation à rebours de la volonté du Gouvernement.
Vous dites que les bailleurs sociaux pourront percevoir plus de recettes issues du supplément de loyer de solidarité. Or cette ressource est anecdotique et elle est fléchée pour financer le Fonds national des aides à la pierre (Fnap). Vous évoquez aussi la stabilisation du taux du livret A, mais cela ne présente un intérêt que si les bailleurs sociaux peuvent réhabiliter ou construire.
L'Anah disposera de 110 millions d'euros : cette ressource sera-t-elle pérennisée durant le quinquennat ? N'aurait-il pas été préférable de relever la taxe sur les logements vacants affectée à l'Anah ? Cela éviterait des annulations de crédits en cours d'année budgétaire.
En cours d'année 2017, l'État a réduit sa participation au Fnap. Pour 2018, vous annoncez seulement 50 millions d'euros, contre 200 millions d'euros initialement inscrits en 2017. Les bailleurs sociaux devant financer à hauteur de 375 millions, la composition paritaire du Fnap est-elle encore cohérente face à ce déséquilibre ?
- présidence de M. Yvon Collin, vice-président. -
Je crois qu'il faut faire confiance, non pas seulement à l'intelligence des territoires, comme l'on aime à dire ici, mais à l'intelligence des bailleurs sociaux. Comme leur nom l'indique, ils ne choisissent pas les locataires les plus fortunés... J'entends toutefois ce que vous dites.
S'agissant des compensations, la situation n'est pas bloquée. On peut certes améliorer les contreparties financières. La contribution du Sénat, sur ce sujet, sera la bienvenue.
J'ai veillé à ce que l'équilibre financier de l'Anah ne soit pas mis en danger. Ce n'était pas évident - les années passées en témoignent. Des engagements ont été pris pour le quinquennat, en matière de politique de la ville et de contrats de ville, mais aussi pour l'Anah puisque le grand plan d'investissement la financera à hauteur de 1,2 milliard d'euros pour le programme « Habiter mieux ». En tant qu'élu local, j'ai mené six opérations programmées d'amélioration de l'habitat successives et un programme d'intérêt général. La lutte contre les passoires thermiques, notamment dans le cadre du « plan Climat », impose de sécuriser ce budget, j'en suis convaincu. Pour ne rien vous cacher, la direction de l'Anah et moi-même avons été inquiets, mais les réponses aux attentes ont fini par être trouvées.
Je vous entends sur le Fnap. Le débat est plus général : le choix de Raymond Barre, dans un contexte différent, de privilégier les aides à la personne aux aides à la pierre doit être revu. Vendre davantage de logements, comme cela se fait dans d'autres pays européens, permettra de financer plus largement le Fnap - à hauteur de 150 millions d'euros pour 15 000 logements. C'est le circuit vertueux que je souhaite instaurer. Mais je suis conscient de la difficulté ponctuelle que cela cause dans le budget pour 2018.
Ces sujets sont très importants pour les élus ruraux. Le très haut débit en particulier, revêt une importance majeure pour les territoires périphériques ou enclavés. Beaucoup trop de secteurs restent mal couverts par les réseaux de téléphonie mobile. L'objectif de 2020 devra être tenu pour qu'ils ne restent pas laissés pour compte.
En matière de logement, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut une réforme. Mais la rapidité des annonces faites par le Gouvernement inquiète élus et bailleurs publics.
Sur mon territoire, l'apport en fonds propres ou quasi-fonds propres que le PTZ permet de dégager est essentiel pour les ménages modestes. Allonger son éligibilité de deux ans est donc une bonne chose.
En Bretagne, il y a dix ans, les bailleurs sociaux mettaient 1 000 à 2 000 euros par logement neuf construit ; aujourd'hui, la baisse de l'intervention publique les contraint à mettre entre 15 000 et 20 000 euros par logement. Si leurs fonds propres et leurs capacités d'autofinancement diminuent, nous pouvons nous inquiéter pour la concrétisation de certaines opérations. En Bretagne, 10 % des logements mis en vente en 2016 ont trouvé preneur et le total des logements mis en vente représentait plus de la moitié de la production de logements neufs de l'année. Les marges de manoeuvre sont donc étroites. La réforme est nécessaire, mais il faut du temps pour qu'elle soit comprise par tous. Il faut aussi que l'on évite un déménagement des populations vers les métropoles et les zones déjà très urbanisées du territoire. Les zones rurales en ont besoin aussi.
Membre d'une société anonyme d'HLM depuis plusieurs années, je veux d'abord vous remercier de nous avoir rassurés sur votre intention de nous écouter.
La budgétisation du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » est beaucoup plus crédible que les années précédentes : il avait fallu lui ajouter 153 millions d'euros au cours de l'année 2014, 225 millions d'euros en 2015 et 238 millions d'euros en 2016... Les sommes budgétées chaque année étaient déjà inférieures aux dépenses constatées en année N-2 en dépit des besoins. Reste que nous ne connaissons pas le niveau des dépenses réalisées au titre de 2017 ; les crédits augmentent de 12 % par rapport à l'enveloppe initiale de 2017, mais une ligne de 122 millions d'euros a déjà été ouverte par décret d'avance cette année.
De plus, les centres d'accueil et d'orientation, dépendant initialement du programme 177, sont passés sur le programme 303 en cours d'année, ce qui fait qu'on ne sait pas trop qui a payé quoi. Bref, nous aimerions être rassurés.
L'objectif est le logement d'abord, dites-vous. Nous sommes d'accord avec vous. Mais tous les ans, vous savez bien qu'il faut gérer l'urgence, et d'ailleurs vous avez prévu 200 millions d'euros supplémentaires cette année. En outre, nous avons encore 42 646 nuitées d'hôtel à payer, alors que nous disons chaque année qu'il faut les réduire...
Plus largement, notre politique d'hébergement impose d'accueillir tout le monde. Le programme 177 concerne ainsi de nombreuses personnes ne faisant l'objet d'aucun dispositif dédié, tels les déboutés du droit d'asile. Selon mes informations, certaines préfectures donnent instruction au Samu social et autres organismes de terrain de ne plus accueillir ces personnes. Que doit-on dire à ces structures ?
Au-delà de la saturation de nos lieux d'hébergement, les services d'orientation sont débordés. Il faut aller faire un tour au 115 de Paris pour comprendre comment les choses se passent au quotidien. Les crédits de veille sociale augmentent de 4 %, mais il faut aussi améliorer l'accueil.
Enfin, où en sont les marchés publics relatifs à la construction de 5 000 places d'accueil ? D'autres seront-ils lancés dans l'année qui vient ?
On comprend la volonté de prendre davantage en compte les quartiers en difficulté. Vous avez dit que l'État respecterait ses engagements, mais les crédits de l'action 04 du programme 147, c'est-à-dire le soutien de l'État au financement du nouveau programme de rénovation urbaine, ne s'établit qu'à 15 millions d'euros. Or vous l'avez dit vous-même : il faudrait 65 millions d'euros par an pour atteindre le milliard d'euros ciblé par le programme... L'année dernière, l'amorçage des projets justifiait des engagements aussi faibles ; mais cette année devait être celle de la montée en puissance !
Vous avez reconnu que les décisions brutales prises sur l'APL et le Fnap allaient limiter le niveau de construction, car les réformes structurelles que vous appelez de vos voeux n'auront pas de conséquences immédiates. Comment comprendre que l'État incite les collectivités à respecter leurs obligations en matière de logement social et se désengage lui-même de l'accompagnement des bailleurs ?
La politique de vente de logements pose enfin un certain nombre de questions : sur l'existence d'acheteurs d'une part, le risque de copropriétés dégradées ensuite, enjeu très important sur certains territoires. Qu'y répondez-vous ?
Quel a été l'impact des annulations de crédits décidées en 2017 ? Valérie Létard et moi-même, au cours de notre mission d'évaluation, avons entendu beaucoup d'associations dénoncer l'injustice qu'elles ont subie de ce fait, après avoir reçu de la préfecture l'annonce de leur éligibilité à certaines subventions, mais avant dépôt de leur dossier.
Quel est le montant sanctuarisé des crédits affectés à la politique de la ville ? S'agit-il des crédits de l'action 10 ou des crédits de paiement du programme 147, qui baissent de 16,5 % en raison de la diminution du soutien apporté à la rénovation urbaine ? Cette sanctuarisation implique-t-elle que vous veillerez à ce qu'il n'y ait pas, comme en 2017, d'annulation de crédits en cours d'exercice ? C'est l'un des principaux problèmes rencontré par les acteurs de terrain.
Vous avez indiqué devant la commission « politique de la ville et cohésion sociale », commune à l'AMF, France urbaine et Ville et banlieue, que vous souhaitiez simplifier les procédures d'instruction des projets de renouvellement urbain, ce que Valérie Létard et moi-même préconisions déjà. Avez-vous demandé à l'Anru - qui, au passage, n'a toujours pas de président - d'agir en ce sens ? Seuls 15 millions d'euros sont prévus pour soutenir le renouvellement urbain en 2018, ce qui est loin de l'engagement du Gouvernement - d'un milliard d'euros - sur la durée du programme. Quand l'État compte-t-il s'engager effectivement dans le financement du NPNRU ? Aucun article du projet de loi de finances ne porte d'ailleurs le financement du NPNRU de 6 à 10 milliards d'euros ; le financement des 4 milliards d'euros supplémentaires serait abouti avec Action logement, mais pas, pour l'instant, avec l'USH...
J'ai été surpris d'entendre le ministre dire que la consommation des crédits de la DETR était mauvaise. En Isère, je n'ai pas cette impression. Si c'est le cas dans certains départements, je propose d'instaurer un bonus-malus, de sorte que les départements qui consomment bien ces crédits soient récompensés, les autres pénalisés...
J'apprécie la sincérité de vos propos, monsieur le ministre, sur la restructuration du secteur du logement social. Vous avez insisté sur la vente de logements sociaux. Mais dans le Val-de-Marne, j'ai 600 000 demandeurs de logement, seulement 80 000 attributions et 89 % des personnes éligibles au logement social - quelle que soit la couleur politique du maire. Le transfert du logement locatif vers le privé ne résoudra donc rien ! Vous vantez le dialogue : je vous ai demandé l'autre jour lors des questions d'actualité au Gouvernement quelle était la rente des offices HLM ; je n'attendais pas nécessairement une réponse immédiate, mais à un moment, il va falloir mettre les chiffres sur la table. Pour que le dialogue s'opère, il faut un profond respect pour ses interlocuteurs.
Vous avez évoqué la révision des zones. Nous savons tous qu'elle ne pourra pas se faire immédiatement. Dans les zones les plus tendues, êtes-vous prêt à prendre en charge l'encadrement des loyers, comme la loi vous y autorise ?
Le logement doit faire un effort dans le sens de la transition écologique. Seriez-vous favorable à l'ouverture, aux particuliers comme aux personnes morales que sont les syndics de copropriété ou les organismes HLM, d'un livret d'épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations pour accompagner la transition écologique, en finançant les études et travaux sans alourdir les charges ?
Les dépenses en matière de logement représentent 35 milliards d'euros, pour des résultats qui ne sont pas à la hauteur des espérances. S'il s'agit de dépenser moins pour faire mieux, je suis d'accord - reste à discuter des moyens à déployer.
Mais ne craignez-vous pas de dissuader ceux qui pourraient être tentés d'investir dans l'immobilier en maintenant un impôt sur la fortune immobilière ?
J'aimerais attirer votre attention sur la situation particulière des outre-mer. Je crains en effet les effets cumulés de la mission « Outre-mer » et de la vôtre, monsieur le ministre. Il était question de réaliser 100 000 logements en dix ans pour 11 territoires ultramarins, soit 10 000 par an et une augmentation de 2 000 logements. Nous en sommes entre 7 800 et 8 000. Mais nous n'en entendons plus parler, et l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques limite les dépenses fiscales à quatre ans et à 28 % des recettes fiscales nettes de l'État. Malgré les engagements pris pour rassurer les investisseurs, les dispositifs fiscaux dans les outre-mer ont été modifiés à seize reprises ! Or leur efficacité est avérée et ils ont même été évalués, puisque le rapport de l'inspection générale des finances a conduit à encadrer les commissions servies aux intermédiaires. Pire : j'ai cru comprendre qu'avec les Assises de l'outre-mer, tout était différé. Diminution de la ligne budgétaire unique, remise en cause de la stabilité fiscale, niches fiscales comprises - qui doivent représenter 14 % des recettes... Il y a là un effet de souffle que nous ne maîtrisons pas. Nous ne sommes pas concernés par la réforme des APL - on pourrait dire que c'est heureux - mais nous participons au Fnap alors qu'il n'intervient pas outre-mer ; l'Anah, elle, n'intervient que très marginalement outre-mer... Bref le dispositif global change, et je crains les conséquences de ce changement sur des territoires très spécifiques. Je compte sur le travail que vous mènerez avec la ministre des outre-mer pour ne pas diminuer en valeur la ligne budgétaire unique.
Monsieur Canevet, l'objectif de couverture en très haut débit est un engagement prioritaire du Président de la République et du Gouvernement. Nous verrons plus clair d'ici la fin de l'année sur l'état des lieux et sur les négociations avec les opérateurs. Couvrir tout le territoire en 2020 est un défi - moins s'agissant des contraintes à faire peser sur les opérateurs que sur le plan technique. Satellite, 4G... toutes les technologies devront être mobilisées.
Il est certain que la restructuration du secteur du logement prendra du temps, mais si l'on n'engage pas de réforme en début de mandat, il y a peu de chances de parvenir à réformer.
Le dispositif « Pinel » en zone C a été mis en place par le décret du 3 mai 2017. Il n'a concerné que quelques dizaines de logements.
Une vingtaine. La pression n'est donc pas considérable.
Monsieur Morisset, je partage vos vues. Nous courons derrière la réalité depuis des années. J'espère que nous cesserons bientôt de le faire. Les choses sont complexes : certaines structures d'accueil dépendent du ministère de l'intérieur, d'autres de crédits gérés par mon ministère ; je souhaite que nous simplifiions les choses. Cela n'entrave toutefois pas la gestion de l'urgence.
Vous avez raison sur les nuitées hôtelières - environ 34 000 en région parisienne, pour un coût annuel à l'unité de 19 000 euros. Nous pouvons effectivement nous interroger sur la pertinence du dispositif, mais c'est dans l'urgence que nous y recourons chaque année. Je ne fais pas le procès de mes prédécesseurs, car nos concitoyens se moquent de savoir qui est responsable, et le sujet est difficile. Je suis allé, loin des caméras, passer une longue soirée en maraude, avec le Samu social et observer le traitement des appels par des gens compétents et qui font preuve d'une grande générosité ; d'où mon insistance sur le logement d'abord. Certaines personnes bénéficiant de ces nuitées sont en attente de régularisation depuis des années : douze ans pour le plus ancien, tandis que 4 000 sont hébergés à l'hôtel depuis cinq ans ! Je pose la question : sommes-nous bien raisonnables ? Nous avons tous des efforts à réaliser pour améliorer cette situation.
Madame Taillé-Polian, je vous confirme que les crédits de paiement sont sanctuarisés pour la durée du quinquennat pour la politique de la ville. En matière de rénovation urbaine, deux opérations ont été signées à ce stade. Les crédits dédiés aux NPNRU seront ouverts lors du débat parlementaire, en lien avec l'accord global que nous sommes en train de mettre au point avec Action logement, qui sera signé dans les jours qui viennent. J'en parle régulièrement avec le directeur général de l'ANRU, et je n'ai aucune inquiétude à ce sujet. Son nouveau président sera, par ailleurs, nommé bientôt.
Les ventes de logements devront se faire en bloc, pour éviter le mitage. Nous parlons de volumes limités : passer de 8 000 à 40 000 logements vendus par an, cela représenterait toujours moins d'1 % du parc. Il reste compliqué, pour les bailleurs sociaux, de réaliser ces ventes, mais il ne s'agit aucunement d'en faire des tonnes. Passer à 0,6 % ou 0,8 % du parc serait une bonne source de financement et faciliterait l'accession sociale à la propriété.
Madame Guillemot, nous avons tous, en matière de gestion, une certaine ancienneté... Ce n'est pas la première fois que des crédits sont annulés. J'ai dit qu'il n'y aurait pas d'annulations en 2018 pour les crédits de la politique de la ville, ce qui est inédit ! Je ne reviendrai pas sur les pratiques du passé, car cela pourrait nous occuper un long moment. Nous avons fait le nécessaire pour que ces annulations portent sur des mises en réserve, afin de limiter l'impact sur les territoires. Cela a quand même posé quelques problèmes...
Certes, mais j'ai vu lors de mes déplacements un certain nombre de contrats signés par l'État à la fin de la législature précédente, sans le moindre financement correspondant ! Je ne fais le procès de personne et m'efforce d'honorer la signature de l'État, mais de grâce, que chacun porte sa croix !
Oui, les programmes de l'Anru sont devenus trop compliqués ; j'en ai parlé avec son directeur général, qui en est d'accord. Dès qu'un nouveau président aura été nommé, nous en parlerons en conseil d'administration, car la complexité est chronophage et empêche de répondre aux besoins des collectivités territoriales.
Monsieur Rambaud, votre idée sur la DETR a déjà été émise mais n'a jamais été acceptée par Bercy... Je vous confirme qu'une part certaine des crédits de cette dotation n'est pas utilisée. Il faut dire aussi que leur forte augmentation les années précédentes et le retard pris par certaines opérations conduiront à leur consommation dans les années à venir. Nous avons fait le maximum pour maintenir l'ensemble de ces dotations - qui ne relèvent pas de mon ministère - au niveau le plus élevé possible, ce qui n'était pas évident : la DETR est maintenu à 1 milliard d'euros, la dotation de soutien à l'investissement des communes et de leurs groupements à 660 millions d'euros. C'est plutôt une bonne nouvelle pour les collectivités.
Monsieur Savoldelli, nous ne sommes pas d'accord sur tout, c'est le débat démocratique... Nous connaissons l'historique de l'encadrement des loyers : rendu obligatoire pour 22 communes, puis limité sous le gouvernement Valls, son application dans le seul ressort de Paris et Lille a été contestée. J'ai décidé de faire appel au nom de l'État de la décision mettant à mal l'encadrement des loyers à Lille - conformément aux souhaits de la maire de Lille, avec qui je me suis entretenu. Nous n'avons pas le recul nécessaire sur le dispositif pour prendre une décision d'extension. Il n'est en tout cas pas prévu de le menacer non plus.
L'idée de créer un nouveau livret d'épargne de transition énergétique ne me choque pas.
Monsieur de Legge, si j'étais taquin, je m'étonnerais que les contempteurs de l'ISF nous reprochent de le transformer en impôt sur la fortune immobilière. Que ne l'avez-vous supprimé lorsque vous étiez dans la majorité ! Avec une telle mesure, nous avons le privilège d'être critiqués par ceux qui considèrent qu'il ne fallait pas toucher à l'ISF et par ceux qui estiment qu'il fallait tout supprimer... Mais c'est une situation à laquelle je suis habitué !
Monsieur Lurel, la ministre des outre-mer et moi-même sommes convenus de nous concerter sur les questions de logement. Je sais les difficultés particulières de ces territoires, à Mayotte ou en Guyane notamment. Les spécificités des outre-mer justifient en tout cas un traitement particulier.
Je vous remercie, monsieur le ministre. C'est toujours un plaisir de vous revoir dans ces murs.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 45.