Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est avec un réel plaisir que je vous retrouve aujourd'hui. Je vais vous exposer en quelques minutes les grandes orientations du budget de la mission « Cohésion des territoires ».
Vous l'avez souligné, monsieur le président, ce ministère est une nouveauté, puisqu'il regroupe à la fois le logement, la politique de la ville et l'aménagement du territoire.
Les crédits de la mission que nous examinons aujourd'hui s'élèvent à 16,5 milliards d'euros dans le projet de loi de finances. Mais au-delà de cette enveloppe, les différentes dépenses fiscales de l'État au profit des acteurs du logement, de l'aménagement et de la politique de la ville s'établissent à près de 18 milliards d'euros : 1,6 milliard d'euros en ce qui concerne l'hébergement d'urgence, 15,3 milliards d'euros pour la politique du logement, 470 millions d'euros pour l'aménagement du territoire et 448 millions d'euros en politique de la ville.
J'en profite pour rappeler que je ne suis pas le ministre des collectivités locales : cette compétence relève en effet du ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, ainsi que de sa ministre déléguée, Jacqueline Gourault.
Alors que l'État consacre chaque année près de deux points de PIB à la politique du logement et que persistent les difficultés que l'on connaît, avec notamment 4 millions de personnes mal-logées, nous avons souhaité réinterroger l'efficacité des politiques engagées en matière d'aides personnelles au logement et de soutien à la construction.
Sur 16,5 milliards d'euros de crédits budgétaires, 13,6 milliards d'euros seront consacrés en 2018 au financement des aides personnelles au logement, lequel comprend, de manière plus globale, des financements de l'État, une participation des employeurs et les aides des collectivités territoriales en faveur de l'accès et du maintien dans leur logement des ménages, ce qui porte la dépense publique d'aide au logement à 16,4 milliards d'euros.
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une réforme des aides personnelles au logement qui doit conduire à réduire la dépense de l'État de 1,7 milliard d'euros en 2018.
Il propose ainsi l'instauration d'une réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social, au bénéfice des locataires les plus fragiles, et une baisse des aides personnalisées au logement (APL) pour les mêmes locataires, l'ensemble étant neutre sur leur pouvoir d'achat. Je pense que j'aurai l'occasion d'y revenir dans nos débats et de vous faire part de mes efforts pour rechercher le dialogue avec les bailleurs sociaux.
Afin d'accompagner les bailleurs dans la mise en oeuvre de cet effort, le Gouvernement a proposé un ensemble de mesures de soutien à la construction de logements sociaux et d'accompagnement des bailleurs les plus fragiles.
Au-delà des dispositions figurant à l'article 52 du projet de loi de finances, à savoir l'institution d'un dispositif de péréquation et l'augmentation du supplément de loyer de solidarité (SLS), c'est plus de 6 milliards d'euros de prêts bonifiés qui sont proposés au secteur. Par ailleurs, le taux du livret A sera figé dans la durée, afin de stabiliser les charges pesant sur les bailleurs sociaux.
La discussion doit continuer au-delà des rapports de force actuels. Personnellement, j'ai tenu à maintenir un dialogue constant avec les bailleurs sociaux et je suis ouvert à des évolutions qui mèneraient à des solutions consensuelles.
D'autres mesures relatives aux aides personnelles au logement figurent dans ce projet de loi de finances, dont la non-application au 1er octobre 2018 de la révision annuelle du barème de calcul des aides personnelles au logement et le gel des loyers dans le parc social pour 2018.
En matière de construction, la stratégie du Gouvernement repose sur plusieurs objectifs que j'aurai l'occasion de présenter plus longuement dans le cadre de la discussion d'un projet de loi sur le logement que je déposerai prochainement.
Ainsi, pour répondre aux besoins des plus fragiles, une nouvelle génération de prêts bonifiés par Action logement dits « prêts de haut de bilan » apporteront des ressources supplémentaires aux organismes de logement social pour un montant total de 2 milliards d'euros.
Le deuxième objectif vise à encourager l'innovation et accompagner les transitions énergétique et numérique : l'Agence nationale de l'habitat pour l'amélioration du parc privé, l'Anah, voit ainsi ses crédits renforcés, et notamment le programme « Habiter mieux » qui sera doté de 1,2 milliard d'euros sur le quinquennat, afin de financer la rénovation de 75 000 passoires thermiques par an dans le parc privé. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) sera également mobilisée dans le cadre du grand plan d'investissement pour accompagner les bailleurs sociaux dans la rénovation de leur parc.
Troisième objectif : créer un choc d'offre et libérer la capacité de faire. C'est ainsi que le Gouvernement propose des amendements qui tendent à réduire l'imposition des plus-values immobilières. Le but est de favoriser les transactions et de limiter l'inflation des prix du foncier, renversant le système actuel qui pousse nos concitoyens à conserver le foncier le plus longtemps possible pour ne plus payer d'impôts dessus.
Dans les zones tendues, le Gouvernement veut ainsi faire baisser très significativement - de 70 % à 85 % -, l'imposition des plus-values sur le foncier cédé d'ici la fin 2020, voire la supprimer dans certains cas.
Le Gouvernement entend également proposer des réponses adaptées aux zones moins tendues en réinvestissant les bourgs-centres et en revitalisant les centres anciens. Nous proposerons un grand plan pour les villes moyennes, dans lequel les politiques du logement et de l'aménagement prendront toute leur place. Pour ce faire, une convention quinquennale avec Action Logement est en cours de finalisation : elle devrait permettre d'investir 1,5 milliard d'euros sur la durée du quinquennat.
Le dispositif « Louer abordable », qui permet la rénovation de logements dégradés et vacants, est maintenu, tout comme l'est l'objectif de rénovation de 50 000 logements d'ici 2019. Là encore, l'Anah prendra toute sa place.
Dans ce cadre, nous nous appuierons sur un partenariat renforcé avec la Caisse des dépôts et consignations, dont le futur directeur général sera très prochainement nommé. Je souhaite une collaboration beaucoup plus étroite avec la CDC, afin d'amplifier nos actions en matière d'aménagement du territoire, de politique de la ville et de soutien aux territoires ruraux.
La convention quinquennale avec Action logement, dont j'ai parlé précédemment, sera également révisée afin d'intégrer ces nouvelles orientations.
Les dispositifs fiscaux « Pinel » et le prêt à taux zéro (PTZ) arrivent à échéance au 31 décembre 2017. Le Gouvernement a pris la décision de les reconduire pour quatre années, tout en faisant en sorte de mieux les orienter vers les secteurs qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les zones tendues pour les dispositifs « Pinel » et PTZ dans le neuf, et les zones moins tendues pour le dispositif PTZ dans l'ancien. Comme le Président de la République l'a indiqué lors du congrès de la Fédération française du bâtiment, le PTZ sera également maintenu pour deux ans en zone détendue dans le neuf. Cette mesure, que j'ai personnellement soutenue, entrera en vigueur sous réserve de son adoption par le Parlement.
En matière d'hébergement et d'accès au logement pour les personnes sans abri ou mal-logées, nous allons changer de paradigme. Le nombre de places d'hébergement a fortement augmenté sous le précédent quinquennat, passant de 82 000 à 122 000. Cet accroissement massif n'a cependant pas permis de répondre efficacement aux besoins des personnes sans domicile. Nous présenterons donc une nouvelle stratégie en la matière, laquelle est d'ailleurs fortement soutenue par les associations. Les moyens dédiés au programme 177 augmenteront de 13 % en 2018, ce qui permettra une stabilisation des crédits consacrés à l'hébergement d'urgence et d'insertion et une hausse de ceux alloués au logement adapté, pensions de famille et intermédiation locative. J'espère que cela suffira mais nous sommes confrontés chaque année à une situation migratoire tendue et à des dizaines de milliers de nos concitoyens sans abri. Nous augmentons également les crédits d'accompagnement social afin de préparer la transition.
En matière d'aménagement du territoire, ce projet de loi de finances soutient leur développement afin de réduire les fractures territoriales. Dans les zones rurales, nous encouragerons les créations de maisons de service au public (MSAP) et le déploiement des plateformes de mobilité dans chaque département. Afin de lutter contre la désertification médicale, 2 000 maisons de santé pluridisciplinaires supplémentaires sont prévues, soit un doublement de leur nombre d'ici quatre ans et demi.
La couverture numérique du territoire est un enjeu majeur du Gouvernement, avec comme objectif le déploiement de la 4G sur tout le territoire d'ici 2020. J'ai réuni à deux reprises tous les opérateurs en leur fixant des objectifs clairs. Nous leur demandons d'accélérer le déploiement en zone dense et de soutenir les réseaux d'initiative publique qu'ils ne doivent pas mettre en difficulté. Avec le secrétaire d'État chargé de ce dossier, j'ai rappelé aux opérateurs leurs engagements contraignants, faute de quoi il pourrait y avoir des conséquences sur leurs licences.
Le développement des politiques contractuelles avec les collectivités territoriales dans le cadre des contrats de plan État-Régions (CPER) n'est pas remis en cause.
Le programme 112 concerne notamment le volet territorial des CPER, les pactes État-métropoles et les contrats de ruralité. Pour ces derniers, le financement sera désormais assuré par la dotation de soutien à l'investissement local. Avec le ministre de l'intérieur, j'adresserai une instruction aux préfets en début d'année prochaine afin de veiller qu'une part de la dotation soit bien fléchée vers les contrats de ruralité.
Dans le cadre de ce budget, nous travaillons à la simplification et à l'optimisation des instruments de la politique de cohésion des territoires afin de mieux aménager, de mieux urbaniser tout en réduisant les coûts. Pour parvenir à cet objectif, une Agence nationale des territoires sera créée, que je vous présenterai prochainement. Le but n'est pas de construire une usine à gaz mais de proposer des solutions concrètes à nos territoires.
Nous allons également simplifier les règlementations et développer des outils de contractualisation. Nous sommes en train de répertorier les différents contrats existants entre l'État et les collectivités. Nous en avons déjà recensé 1 100, dont le plus grand nombre est du ressort du ministère de la culture. Nous devons simplifier ces relations.
Nous allons également poursuivre la dématérialisation, pour plus d'efficacité et d'économies.
La politique de la ville est prioritaire, au même titre que celle que nous menons en faveur de la ruralité. Je n'entends pas opposer l'une à l'autre. Nous ne remettons pas en cause le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), notamment doté d'un milliard d'euros de crédits budgétaires : nous n'allons pas revenir sur ce qui a été décidé par le précédent Gouvernement.
Peut-être faudra-t-il aussi flécher des crédits sur certains quartiers particulièrement prioritaires, où les tensions sociales et sécuritaires sont vives. J'ai entendu ce qui a été dit lors de la réunion de Grigny. L'éducation restera bien sûr prioritaire, avec la poursuite du dédoublement des classes en réseau d'éducation prioritaire REP +. À la rentrée, 2 500 classes ont été ouvertes. De même, la police de proximité sera développée pour faire face aux problèmes sécuritaires. 430 millions d'euros seront affectés à la politique de la ville, soit un budget identique à celui de 2017.
L'amélioration des conditions de vie dans ces quartiers passe par une mobilisation réelle des politiques de droit commun et par des mesures fiscales spécifiques. Un bilan de l'action menée jusqu'à présent doit également être dressé, sans pour autant stigmatiser ce qui fut fait. Ainsi, le bilan des zones franches urbaines et de certaines exonérations me paraît mitigé.