Intervention de Nicolas Hulot

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 octobre 2017 à 16h30
Projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement — Audition de M. Nicolas Hulot ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Nicolas Hulot, ministre d'État :

Je n'emploie pas le terme « constructif » par flagornerie ; simplement, tout le monde a conscience que sur ce sujet, les divergences artificielles ne sont pas de mise. Sans forcer le trait, je veux souligner que si la France n'a pas seule la responsabilité de ce qui se joue en ce moment, ni en amont ni en aval, elle se grandirait à en prendre sa part.

S'agissant de cette transition que nous devons assumer, le Gouvernement place au centre de sa philosophie la question des entreprises, des filières industrielles et des emplois. D'ici 2040, nous avons le temps - c'est la vertu de la progressivité de ce projet de loi - de construire les évolutions nécessaires pour ne laisser personne de côté. Le dialogue avec les acteurs va être très vite engagé ; le secrétaire d'État Sébastien Lecornu a commencé à travailler avec les territoires. Nous allons identifier les compétences, l'idée étant de lancer une transition énergétique ambitieuse : les choses n'auront de sens que si nous les faisons à grande échelle, et nous y travaillons.

Nous continuerons également à travailler dans le domaine de la géothermie.

Je ne sais si tel est le cas ici, mais certains n'ont toujours pas absolument foi dans les énergies renouvelables. Sachez que je n'aurais pas parlé avec la même assurance il y a une dizaine d'années : les énergies renouvelables coûtaient encore très cher. Cet argument est largement tombé, et la baisse des prix ne va faire que s'accélérer en même temps que le rendement de toutes ces énergies augmentera. Dans les laboratoires de recherche du monde entier, aux Émirats arabes unis, à Boulder, Colorado, en Inde, on travaille de pied ferme : chacun sait que le coup est parti ! Si nous doutons, d'autres prendront la main, notamment sur les avantages économiques, et l'économie des filières ne produira aucun bénéfice sur notre territoire.

S'agissant des territoires concernés, nous allons travailler avec eux, afin que leur avenir s'appuie bien sur une diversité de ressources et d'activités.

Ce projet ne fait qu'accélérer un rythme normal, qui est celui de l'exploitation des ressources naturelles : il y a toujours eu des gisements qui s'épuisent et des activités qui s'arrêtent. Mais nous voulons, cette fois, mobiliser tous les acteurs, élus locaux, entreprises, centres de formation, services de l'État, et préparer ensemble la conversion des hommes et des femmes concernés.

Au-delà de l'action globale que nous voulons mener en la matière, c'est la fameuse logique des contrats de transition écologique, dont j'ai déjà parlé il y a un instant, qui prévaudra. Nous y travaillerons d'abord, en 2018, avec une quinzaine de territoires. Le contenu de ces contrats, qui doivent rester souples et adaptables aux cas particuliers, reste à inventer avec les territoires et les entreprises concernés. Ce chantier reposera sur la mobilisation interministérielle des services de l'État, nationaux et locaux.

Certains territoires auront évidemment à se réinventer pour faire face au déclin de certaines activités. Ils devront saisir les opportunités, qui seront nombreuses. L'éolien a permis par exemple la création de près de 2 000 emplois en 2015. Le solaire, qui a connu un net repli en 2010-2014, repart à la hausse et crée chaque année de nouveaux emplois, répartis de manière relativement équitable sur le territoire. 3 500 emplois devront être réinventés d'ici 2040. C'est loin d'être hors de portée !

J'en profite pour préciser que le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement, qui a été adopté, visant à simplifier le raccordement des installations d'énergie renouvelable en mer, et donc à dynamiser le développement de ces techniques.

Ce projet de loi est une partie de notre réponse à l'administration Trump. Aux États-Unis, d'ailleurs, beaucoup d'acteurs économiques et politiques réagissent à l'attitude du Président par un regain d'ambition. C'est ce que la France elle-même a fait, en révisant à la hausse les objectifs fixés à Paris.

À tous ceux qui doutent encore ou tardent à se mettre en marche, nous répondons que le train de l'accord de Paris a bien quitté la gare. Nous laisserons sur le quai ceux qui pensent que l'économie du XXe siècle est la solution, et nous accélérerons. Nous sommes garants de cet accord, qui n'est pas simplement un bout de papier sur lequel 196 États ont apposé leur signature, mais un serment fait à nos propres enfants.

Ce projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions qui permettent de répondre aux défis du climat, mais aussi à celui de la sécurité de l'approvisionnement énergétique que nous devons au consommateur. De ce point de vue, je vous alerte sur les articles 4 et 5 du projet de loi, qui permettront d'engager une réforme du stockage sous-terrain de gaz naturel pour mieux le réguler, afin de favoriser une concurrence juste et sans sur-rémunération de certains acteurs. Il s'agit par-là de tirer les leçons de ce qui s'est passé l'hiver dernier, où nous ne sommes pas passés très loin de la rupture d'approvisionnement.

Enfin, les articles 6 et 7 transposent des directives européennes. Le premier porte sur la qualité des biocarburants, et vise à éviter que ceux-ci aient une empreinte carbone trop élevée, par exemple par leur effet sur la déforestation. La seconde directive prévoit la réduction des émissions de certains polluants de l'air.

J'ai en outre annoncé qu'il y aurait une étape supplémentaire, que nous n'avons pas voulu associer à ce texte de loi : nous nous attaquerons à la réforme du code minier. Les débats sur un certain nombre de sujets sont donc reportés à cette échéance.

Avec ce projet, nous mettons un terme à l'hypothèque sur notre nature et notre futur. Nous donnons à notre pays une chance plus qu'une contrainte. J'espère qu'un consensus pourra être atteint ; cet enjeu transcende les différences sociales, économiques, culturelles, cultuelles et géographiques et devrait - je l'espère - nous rapprocher et non nous diviser. Nous ferons peut-être ainsi la démonstration, si tant est qu'une telle démonstration soit nécessaire, qu'économie et écologie ne partagent pas par hasard les mêmes origines sémantiques.

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