Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, qui vient nous présenter le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.
Monsieur le ministre, c'est le premier texte que vous soumettez au vote du Parlement ; il s'agit aussi de la première mise en oeuvre législative de l'un des points essentiels du plan Climat adopté le 6 juillet dernier.
En organisant l'arrêt progressif de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures sur le territoire national d'ici à 2040, la France entend, par ce texte, témoigner de son exemplarité dans la lutte contre le réchauffement climatique. Monsieur le ministre, vous avez déjà eu l'occasion d'insister, à de nombreuses reprises, sur la portée éminemment symbolique de cette initiative, et sur l'effet d'entraînement que vous en espérez. Au-delà du symbole, il est pourtant des réalités économiques, sociales, industrielles et même environnementales sur lesquelles, je n'en doute pas, la rapporteur du texte, Mme Élisabeth Lamure, et mes collègues ne manqueront pas de vous interpeller.
Pour ma part, je me contenterai de rebondir sur l'un des aspects mis en exergue dans l'intitulé du texte, qui concerne la distinction entre les hydrocarbures dits conventionnels et non conventionnels. Le Conseil d'État avait lui-même jugé cette distinction inutile, contestable sur le plan scientifique et même « étrangère à l'objectif poursuivi par le projet de loi » dès lors que celui-ci revient à interdire tous les hydrocarbures, quelle que soit la technique employée pour les extraire.
Ce sujet a cependant été rouvert par l'Assemblée nationale, qui a prévu l'interdiction de toute autre méthode non conventionnelle alternative à la fracturation hydraulique, déjà interdite par la loi du 13 juillet 2011. Or, monsieur le ministre, comme vous l'indiquiez vous-même lors des débats, si une méthode présentant un danger pour l'environnement apparaissait, l'État disposerait déjà de tous les outils pour l'interdire. Ma question sera donc la suivante : ne craignez-vous pas que la mesure soit contreproductive et engendre des inquiétudes infondées parmi nos concitoyens, au lieu de les rassurer ?
Je me permettrai une seconde question, sans doute un peu polémique, en lien avec le rapport demandé par l'un des articles sur l'impact environnemental des pétroles et des gaz importés. Cette approche est intéressante car elle permettra, le cas échéant, de différencier les produits selon leurs effets sur l'environnement ; mais, monsieur le ministre, avez-vous prévu de faire le même travail sur, par exemple, les éoliennes, les panneaux photovoltaïques ou les véhicules électriques, en calculant l'empreinte carbone sur l'ensemble de leur cycle, de la fabrication au recyclage de leurs composants ?
Avant de vous céder la parole, monsieur le ministre, je rappellerai simplement, car on l'oublie souvent, à tort, que ce projet de loi comporte aussi d'autres mesures qui vont au-delà du seul volet « hydrocarbures », et dont certaines sont loin d'être négligeables. Je pense en particulier à la réforme du stockage du gaz, essentielle pour assurer notre sécurité d'approvisionnement - les difficultés de l'hiver dernier ont montré que ce problème était loin d'être théorique - ou à certaines mesures ajoutées à l'Assemblée nationale, dont le lien avec le texte est parfois ténu - ainsi du raccordement des éoliennes en mer.
Je précise enfin qu'à l'occasion de l'examen de ce texte, de très nombreuses réactions nous sont parvenues concernant les biocarburants : quid de la levée des obstacles anti-dumping, qui expose nos entreprises à la concurrence du gaz argentin ?
Merci, madame la présidente. Je salue Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que tous les sénateurs de la commission des affaires économiques.
Il s'agit en effet pour moi, avec la présentation de ce texte devant vous, d'une première au Sénat. Cette loi me semble nécessaire. C'est une loi pionnière, dont on pourra discuter de la pertinence dans quelques années, s'il s'avère qu'elle est restée isolée dans le temps et dans l'espace. Mais j'espère qu'elle fera contagion ! Lorsque la France donne l'exemple, il arrive parfois que d'autres pays, d'Europe et d'ailleurs, suivent cet exemple. Tel est l'esprit de cette loi : prendre un chemin sans attendre que d'autres prennent l'initiative.
La France a déjà joué un rôle majeur dans la prise de conscience du phénomène climatique et de ses conséquences, et dans l'accord de Paris : pour la première fois, la communauté internationale partage un diagnostic et se fixe des objectifs ambitieux, à la mesure de la situation que nous essayons de juguler, qui nous oblige à placer la barre haut.
Chacun sait - la science nous le rappelle régulièrement - que les chances que nous avons de répondre à l'injonction de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés par rapport à l'ère préindustrielle diminuent de jour en jour. Il s'agit d'une course contre la montre, ce phénomène se développant via des effets de seuil et d'emballement, et non de manière linéaire.
Le premier rapport du GIEC avait déjà évoqué le scénario d'une intensification des extrêmes climatiques : incendies, sécheresses, inondations, typhons, etc. Ce scénario est déjà à l'oeuvre. Serons-nous capables de contenir la multiplication de ces événements, ou laisserons-nous ce scénario nous échapper ? Les conséquences d'un triomphe de la deuxième option seraient incalculables, comme le FMI lui-même l'a reconnu. Sur un tel sujet, il serait donc malvenu que nous nous laissions rattraper par des divisions déplacées.
Le problème climatique remet en cause des habitudes, et même des fondamentaux, qui nous ont aidé à sortir de terre, si j'ose dire : mesurons, en 150 ans, ce que le pétrole, le gaz et le charbon nous ont permis d'accomplir en termes d'évolution ! Or, tout à coup, nous découvrons qu'il va falloir nous séparer, certes de manière programmée, de ceux que nous considérions comme nos alliés, et entrer, s'agissant de notre dépendance aux énergies fossiles, dans une période de dégrisement.
J'ai bien conscience que nous n'utilisons pas simplement ces énergies pour nous déplacer. Cette libération progressive ne se fera donc pas sans transformation sociétale profonde. Devons-nous nous en effrayer ? La seule chose qui m'effraie, c'est de constater que certains, aux États-Unis notamment - je pense au président Trump - tournent le dos à la réalité. Mais il y a d'autres grandes nations, comme la France !
En la matière, une programmation est nécessaire. Il est un principe qui peut nous permettre d'éviter une transition brutale : c'est la prévisibilité. C'est pourquoi il faut nous fixer des objectifs à 2050 (la neutralité carbone) et à 2040 (la fin des énergies fossiles produites sur le territoire français), sachant que la satisfaction d'autres objectifs intermédiaires conditionnera le succès de cette loi.
Chacun le sait, autant le dire d'emblée : les hydrocarbures extraites sur notre territoire représentent 1 % de notre consommation. La lutte contre le réchauffement climatique ne saurait par conséquent se réduire à cette loi. Celle-ci est conçue pour additionner ses effets à ceux déjà attendus de l'inscription d'autres objectifs dans la loi sur la transition énergétique de 2015, à commencer par la réduction de notre consommation, objectif incontournable et partagé par les entreprises - elles savent que l'efficacité énergétique est un facteur de productivité - et les citoyens, assortie du développement à grande échelle des énergies renouvelables.
Ce projet de loi fait donc partie d'un tout. Mais il s'agit bien d'une loi pionnière, qui est en outre une loi de cohérence. Je ne voudrais pas laisser entendre que la COP 21 de Paris a été un moment facile - que 196 États apposent leur signature au bas de l'accord a presque tenu du miracle. Néanmoins, le plus difficile reste à venir : réaliser cet objectif ! La prise de conscience aurait certes pu intervenir plus tôt ; mais songez combien paraissait aberrante, il y a quelques décennies - je le reconnais -, l'idée selon laquelle l'humanité se serait mise elle-même, et sans mauvaise intention, dans une situation aussi délicate !
On peut se fixer des objectifs à 2030, à 2040 ou à 2050 - c'est ce que j'ai fait. Je ne suis pas certain d'être encore ministre, en 2050, pour pouvoir témoigner devant vous que nous aurons atteint ces objectifs ; mais la crédibilité de la France est de se mettre en situation de réaliser ces objectifs.
En la matière, trois principes importent : la prévisibilité, d'abord - 2040, c'est à la fois loin et proche : plusieurs mandatures se dérouleront d'ici là, mais l'exercice consistant à se libérer des énergies fossiles ne sera pas facile, loin s'en faut -, l'irréversibilité, ensuite - lesdits objectifs doivent apparaître comme irréversibles : à défaut, nous échouerons à orienter la société dans la direction voulue -, la progressivité, enfin - en démocratie, chacun a compris que la brutalité ne permettait pas la transition. J'essaierai de faire en sorte que ces trois principes soient respectés.
Je parlais tout à l'heure de cohérence. Quelles que soient nos divergences, nous avons en commun un attachement à certaines valeurs ; or, sans pontifier, je veux vous convaincre que tout ce qui a de l'importance à nos yeux est conditionné par la réussite de la bataille climatique - car c'en est une. La Banque mondiale elle-même décrit des scénarios qui font froid dans le dos. Que nous dit la science ? Qu'il faut renoncer à exploiter 80 % des réserves d'énergies fossiles qui gisent sous nos pieds. Nous devons y préparer la société ; plus tôt nous le ferons, plus facile sera la transition.
Il faut aussi garder à l'esprit qu'il y aura beaucoup plus de bénéficiaires que de perdants. La transition énergétique est une transition des modes de transport, des modes de production agricole, du logement : autant de champs d'emploi, d'innovation et de recherche extrêmement importants. C'est bien là une contrainte, dont nous nous serions bien passés, dans un monde connecté mais non encore relié, où les défis à relever, en ce début de millénaire, sont immenses. Mais, paradoxalement, l'existence de cette contrainte climatique va avoir un triple bénéfice.
En premier lieu, elle va nous obliger à accélérer notre affranchissement des énergies fossiles, dont l'heure serait de toute façon venue, à un moment ou à un autre. Est-ce une mauvaise chose ? Je ne crois pas. Nous sommes dépendants, à tous les sens du terme, des énergies fossiles, qui représentent 50 milliards d'euros d'importations. Si nous parvenons à nous en libérer, nous pourrons injecter ces sommes dans l'économie de notre pays et les affecter à la poursuite d'objectifs sociaux, en matière de santé et d'éducation notamment. Ce n'est donc pas une mauvaise nouvelle.
Deuxièmement, il y va d'un agenda de santé publique, comme vient de le rappeler la patronne de l'OMS. Voyez ce que disent les institutions onusiennes sur les externalités négatives des énergies fossiles en termes de santé. Sur le plan économique et sur le plan sanitaire, je ne suis donc pas certain que nous soyons perdants, au contraire !
Troisième bénéfice lié à ces objectifs : à étudier - pardon de ce raccourci de l'histoire - les conflits auxquels nous avons été confrontés depuis la Seconde Guerre mondiale, on constate que le pétrole, le gaz et le charbon ne sont jamais loin. Par ailleurs, en gagnant en autonomie énergétique, nous gagnons en autonomie diplomatique, comme l'a montré, par la négative, le dossier ukrainien. Gagner en autonomie énergétique, comme certains pays, notamment émergents, en ont fait le pari, peut changer la face du monde ! C'est mon sentiment, et même ma conviction.
Après ces propos introductifs, je veux rappeler que nous avons déjà pris, avant même l'examen de ce projet de loi, un certain nombre de dispositions. En particulier, nous mettrons fin à la production d'électricité à base de charbon d'ici à 2022, tout en proposant des contrats de transition, c'est-à-dire des solutions de reconversion, aux territoires et aux salariés concernés, sachant que les entreprises du secteur ne réalisent pas la totalité de leur activité sur le territoire national. Autrement dit, il y aura certes un impact, mais nous avons le temps de nous y préparer, et nous expérimenterons bientôt ces contrats de transition dans quelques territoires.
Dans le même esprit, j'ai annoncé, en juillet dernier, une série de mesures cohérentes avec l'esprit et l'intitulé de mon ministère : la transition doit être écologique mais aussi, autant que faire se peut, solidaire. Nous ciblerons donc les plus modestes. Vous aurez dans quelques semaines, lors de la discussion du projet de loi de finances, l'occasion d'en débattre : j'ai inscrit dans le « paquet de solidarité climatique » un certain nombre de dispositifs, notamment la prime à la reconversion pour des véhicules moins polluants.
Il s'agit d'éviter de mettre dans l'impasse les automobilistes qui ont été incités pendant des années, via un avantage fiscal, à acheter des véhicules diesel, et se sont retrouvés dans le même temps expulsés à la périphérie des villes, loin des transports en commun, par l'explosion des prix de l'immobilier. Il est donc important de donner la possibilité aux ménages modestes de bénéficier de ce genre de dispositif pour changer de véhicule.
Nous ferons la même chose pour les chaudières et pour la rénovation des bâtiments : ces dispositifs font partie du paquet de solidarité climatique.
Tout ceci s'inscrit dans un souci de cohérence avec la loi de transition énergétique, présentée par le gouvernement précédent et votée par le Parlement en 2015, qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 32 % de la consommation en 2030 et de réduire de 30 % notre consommation d'énergies fossiles à la même date. Le projet de loi qui nous réunit aujourd'hui vient compléter ce dispositif : encore une fois, toutes ces mesures font partie d'un tout.
Dans le même esprit toujours, nous avons annoncé la fin de la vente des véhicules émettant des gaz à effet de serre d'ici 2040. Pour la petite histoire, lorsque j'ai annoncé cette disposition, je recevais le lendemain, par un hasard du calendrier, les industriels automobiles français. Pour tout vous dire, je n'étais pas très à l'aise. À ma grande surprise, ils se sont contentés de me dire : « Ne changez pas les règles en cours de route, et aidez-nous. ». Chiche ! Depuis que nous avons pris cette disposition, la Grande-Bretagne a surenchéri, un constructeur scandinave a avancé l'objectif à 2019, l'Inde a emboîté le pas, et un grand nombre de maires des grandes métropoles réunies par Anne Hidalgo dans le C40 ont pris la même disposition, en avançant la date à 2030.
Tout ceci pour vous dire que cette loi n'a de sens que si elle entraîne les autres. N'attendons pas que d'autres s'y mettent ! Sinon nous perdrons la main. De toute façon, la transition énergétique est commencée. Nos amis chinois, eux, n'ont pas d'état d'âme : ils ont déjà dépassé tous les objectifs qu'ils s'étaient fixés, notamment en matière de développement des énergies renouvelables, trois ou quatre années avant la date fixée.
Avec ce projet de loi, nous vous proposons donc simplement d'aligner enfin notre droit sur nos objectifs de lutte contre le changement climatique. Des avancées avaient déjà eu lieu : je pense notamment à la loi Jacob, qui interdisait la fracturation hydraulique. Mais nous ne disposions pas d'un droit permettant de refuser des permis, alors même que nous avons adopté l'accord de Paris. De ce non-choix résultait une situation intenable ; cette loi a le grand mérite d'en finir avec ce flou juridique, de clarifier la situation et d'apaiser un certain nombre d'inquiétudes. Vous parliez tout à l'heure des hydrocarbures non conventionnels, madame la présidente. Au moins, là, les choses sont claires ! Nous avons, sur ce sujet, construit une double porte étanche. Dans la situation que j'ai trouvée en prenant mes fonctions, il m'était parfois impossible de refuser un permis, à moins de contentieux, d'astreintes et de très lourdes amendes pour l'État.
On ne peut pas promettre tout et son contraire : prétendre qu'il est possible de continuer à dépendre des énergies fossiles, délivrer des permis, d'un côté, et, de l'autre, aller faire le beau dans les instances internationales en donnant des leçons à tout le monde. C'est, pour notre pays, une question de dignité et de cohérence. La France joue un rôle important : les deux présidents précédents, MM. Sarkozy et Hollande, ont chacun exercé un leadership en la matière. Le président Macron a repris le flambeau, mais il s'agit désormais d'entrer dans la mise en oeuvre. Plus tôt et plus clairement nous le ferons, plus facile ce sera.
Je défendais un texte pour la première fois devant l'Assemblée nationale, et il m'a semblé que le travail s'y était effectué de manière très constructive. Je souhaite que les choses se passent de cette façon.
Je n'emploie pas le terme « constructif » par flagornerie ; simplement, tout le monde a conscience que sur ce sujet, les divergences artificielles ne sont pas de mise. Sans forcer le trait, je veux souligner que si la France n'a pas seule la responsabilité de ce qui se joue en ce moment, ni en amont ni en aval, elle se grandirait à en prendre sa part.
S'agissant de cette transition que nous devons assumer, le Gouvernement place au centre de sa philosophie la question des entreprises, des filières industrielles et des emplois. D'ici 2040, nous avons le temps - c'est la vertu de la progressivité de ce projet de loi - de construire les évolutions nécessaires pour ne laisser personne de côté. Le dialogue avec les acteurs va être très vite engagé ; le secrétaire d'État Sébastien Lecornu a commencé à travailler avec les territoires. Nous allons identifier les compétences, l'idée étant de lancer une transition énergétique ambitieuse : les choses n'auront de sens que si nous les faisons à grande échelle, et nous y travaillons.
Nous continuerons également à travailler dans le domaine de la géothermie.
Je ne sais si tel est le cas ici, mais certains n'ont toujours pas absolument foi dans les énergies renouvelables. Sachez que je n'aurais pas parlé avec la même assurance il y a une dizaine d'années : les énergies renouvelables coûtaient encore très cher. Cet argument est largement tombé, et la baisse des prix ne va faire que s'accélérer en même temps que le rendement de toutes ces énergies augmentera. Dans les laboratoires de recherche du monde entier, aux Émirats arabes unis, à Boulder, Colorado, en Inde, on travaille de pied ferme : chacun sait que le coup est parti ! Si nous doutons, d'autres prendront la main, notamment sur les avantages économiques, et l'économie des filières ne produira aucun bénéfice sur notre territoire.
S'agissant des territoires concernés, nous allons travailler avec eux, afin que leur avenir s'appuie bien sur une diversité de ressources et d'activités.
Ce projet ne fait qu'accélérer un rythme normal, qui est celui de l'exploitation des ressources naturelles : il y a toujours eu des gisements qui s'épuisent et des activités qui s'arrêtent. Mais nous voulons, cette fois, mobiliser tous les acteurs, élus locaux, entreprises, centres de formation, services de l'État, et préparer ensemble la conversion des hommes et des femmes concernés.
Au-delà de l'action globale que nous voulons mener en la matière, c'est la fameuse logique des contrats de transition écologique, dont j'ai déjà parlé il y a un instant, qui prévaudra. Nous y travaillerons d'abord, en 2018, avec une quinzaine de territoires. Le contenu de ces contrats, qui doivent rester souples et adaptables aux cas particuliers, reste à inventer avec les territoires et les entreprises concernés. Ce chantier reposera sur la mobilisation interministérielle des services de l'État, nationaux et locaux.
Certains territoires auront évidemment à se réinventer pour faire face au déclin de certaines activités. Ils devront saisir les opportunités, qui seront nombreuses. L'éolien a permis par exemple la création de près de 2 000 emplois en 2015. Le solaire, qui a connu un net repli en 2010-2014, repart à la hausse et crée chaque année de nouveaux emplois, répartis de manière relativement équitable sur le territoire. 3 500 emplois devront être réinventés d'ici 2040. C'est loin d'être hors de portée !
J'en profite pour préciser que le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale un amendement, qui a été adopté, visant à simplifier le raccordement des installations d'énergie renouvelable en mer, et donc à dynamiser le développement de ces techniques.
Ce projet de loi est une partie de notre réponse à l'administration Trump. Aux États-Unis, d'ailleurs, beaucoup d'acteurs économiques et politiques réagissent à l'attitude du Président par un regain d'ambition. C'est ce que la France elle-même a fait, en révisant à la hausse les objectifs fixés à Paris.
À tous ceux qui doutent encore ou tardent à se mettre en marche, nous répondons que le train de l'accord de Paris a bien quitté la gare. Nous laisserons sur le quai ceux qui pensent que l'économie du XXe siècle est la solution, et nous accélérerons. Nous sommes garants de cet accord, qui n'est pas simplement un bout de papier sur lequel 196 États ont apposé leur signature, mais un serment fait à nos propres enfants.
Ce projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions qui permettent de répondre aux défis du climat, mais aussi à celui de la sécurité de l'approvisionnement énergétique que nous devons au consommateur. De ce point de vue, je vous alerte sur les articles 4 et 5 du projet de loi, qui permettront d'engager une réforme du stockage sous-terrain de gaz naturel pour mieux le réguler, afin de favoriser une concurrence juste et sans sur-rémunération de certains acteurs. Il s'agit par-là de tirer les leçons de ce qui s'est passé l'hiver dernier, où nous ne sommes pas passés très loin de la rupture d'approvisionnement.
Enfin, les articles 6 et 7 transposent des directives européennes. Le premier porte sur la qualité des biocarburants, et vise à éviter que ceux-ci aient une empreinte carbone trop élevée, par exemple par leur effet sur la déforestation. La seconde directive prévoit la réduction des émissions de certains polluants de l'air.
J'ai en outre annoncé qu'il y aurait une étape supplémentaire, que nous n'avons pas voulu associer à ce texte de loi : nous nous attaquerons à la réforme du code minier. Les débats sur un certain nombre de sujets sont donc reportés à cette échéance.
Avec ce projet, nous mettons un terme à l'hypothèque sur notre nature et notre futur. Nous donnons à notre pays une chance plus qu'une contrainte. J'espère qu'un consensus pourra être atteint ; cet enjeu transcende les différences sociales, économiques, culturelles, cultuelles et géographiques et devrait - je l'espère - nous rapprocher et non nous diviser. Nous ferons peut-être ainsi la démonstration, si tant est qu'une telle démonstration soit nécessaire, qu'économie et écologie ne partagent pas par hasard les mêmes origines sémantiques.
Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour cette introduction d'une grande qualité. Je veux vous dire, puisque c'est le premier texte que vous présentez devant nous, que le Sénat est par définition constructif ! Nous essayons toujours de trouver les voies et moyens permettant de nous accorder avec l'Assemblée nationale.
Monsieur le ministre, s'agissant de l'accord de Paris, nous sommes tous d'accord sur les objectifs ; en revanche, sur les moyens d'y parvenir, le projet de loi n'apporte pas les bonnes réponses. Surtout, où est l'équilibre ?
Rien, en tout cas dans ce texte, n'est prévu pour limiter la consommation des hydrocarbures, que nous importons en masse - les hydrocarbures importés représentent 99 % de notre consommation. Vous préférez vous arrêter sur le 1 % produit en France ; or la fin de cette filière industrielle d'excellence aura pour conséquence la suppression des 1 500 emplois sur site, sans parler des 4 000 emplois induits. Les employeurs sont certes de grands groupes internationaux, qui exploitent d'autres sites de production dans le monde, mais je vois mal comment les salariés accepteront de quitter demain la Lorraine ou l'Aquitaine pour aller travailler en Arabie saoudite.
Monsieur le ministre, nous ne sommes pas totalement d'accord avec votre démarche, mais j'ai surtout voulu attirer votre attention sur quelques points, sur lesquels nous vous invitons à la discussion.
Nous ne voulons pas fermer la porte à la recherche sur notre sous-sol. Nous vous proposons d'autoriser la recherche, mais sous contrôle public, à des fins de connaissance du sous-sol, d'une manière très encadrée, dans le respect de la loi de 2011, et sans droit de suite, donc sans concessions.
Quarante-deux permis de recherche en cours d'instruction sont toujours sans réponse, pour certains depuis 5 ou 6 ans. Nous estimons qu'il ne faut pas faire supporter aux industriels la carence de l'État. Nous vous proposons donc d'autoriser ces demandes de permis, comme vous l'avez fait pour le permis « Guyane Maritime » - pourquoi seulement celui-ci ? -, dans la limite de 2040, pour toutes les demandes déposées avant le 6 juillet 2017, date du plan Climat - nous aimons nous aussi les symboles, monsieur le ministre.
Quant aux activités industrielles, nous vous proposons d'autoriser la production des sous-produits pétroliers, lubrifiants, colles, bitumes, dont l'industrie a besoin et qui ne produisent pas d'effets de serre, au-delà de 2040. Cela permettrait de développer cette activité sur les sites concernés et éviterait d'en importer une partie.
Autre question directe : que répondez-vous aux collectivités qui seront impactées par ces mesures, à celles dont le budget dépend de ressources qui seront supprimées ?
Sur les autres mesures du texte, nous sommes globalement d'accord, notamment sur les mesures d'urgence relatives au stockage du gaz ou au raccordement des éoliennes en mer.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis sur douze articles de ce projet de loi. Nous avons mené nos travaux de concert avec la commission des affaires économiques, dont je remercie la rapporteure.
Nous avons souhaité améliorer les dispositions du texte, qui porte sur l'arrêt, à l'horizon 2040, de la production d'hydrocarbures. Les effets bénéfiques sur l'environnement seront très faibles ; le véritable enjeu, c'est la baisse de notre consommation d'énergie fossile, dont ce projet de loi ne traite pas.
Quelles actions de court et de long terme seront-elles engagées pour réduire notre consommation d'hydrocarbures ? Et quel sera le calendrier de ces mesures ? Au cours de nos auditions, les industriels ont exprimé leurs inquiétudes quant aux effets de la loi sur la filière pétrolière et gazière. Monsieur le ministre, comment comptez-vous accompagner les territoires pour assurer la reconversion des sites d'exploitation d'hydrocarbures ?
Le projet de loi a pour objet la production et non la consommation. Or les prévisions font état d'une hausse de la consommation d'hydrocarbures dans les années à venir, en Europe et sur l'ensemble de la planète. Monsieur le ministre, une révolution dans les esprits n'est-elle pas un préalable nécessaire à la révolution énergétique et écologique ? Vous avez parlé à juste titre de course contre la montre, mais la France n'est-elle pas isolée dans sa démarche ? Un projet européen n'est-il pas nécessaire ? Quels sont les freins existants au niveau européen ?
Enfin, arrêter la production d'hydrocarbures sur le territoire français nécessitera d'importer massivement, ce qui pourrait avoir pour effet de multiplier par trois les émissions de gaz à effet de serre. Comment éviter ces conséquences néfastes ?
Comme j'ai essayé de l'expliquer dans mon propos introductif, si ce projet de loi était le seul élément de notre dispositif, vous seriez en droit, mesdames, messieurs les sénateurs, de nous taxer de naïveté et d'incohérence : nous nous retrouverions en 2040 avec pour tout résultat une baisse de 1 % de notre consommation - et encore, même pas, puisque, selon votre analyse, madame la rapporteur, la fin de la production nationale serait compensée par une augmentation de 1 % de nos importations !
C'est un peu plus complexe que ça ! Dans la loi qui existe déjà, sur la transition énergétique, figure l'objectif de réduire de 30 % notre consommation d'énergie fossile d'ici à 2030. Nous allons donc bel et bien réduire notre consommation. Dans le cadre de la révolution en cours, qui fera l'oeuf, qui la poule ? Ce qui est certain, c'est que tout ce dispositif de transition énergétique aura pour effet d'accélérer la transformation culturelle. Si nous attendons sans rien faire que survienne le changement des comportements, je crains qu'il ne se produise jamais.
Nous serons de toute façon, que nous le voulions ou non, dans l'obligation de réduire notre consommation. Et, bonne nouvelle, s'il est un domaine où la France a des compétences, dans les petites, les moyennes et les grandes entreprises, c'est l'efficacité énergétique ! Croyez-moi : sans attendre des sauts technologiques qui arriveront de toute façon, nous savons y faire, dans les domaines de la mobilité et du bâtiment notamment.
Nous ne signerons pas de nouveau permis.
L'Histoire nous enseigne que, pour réussir une transition, il faut se montrer pédagogue et prendre le temps qu'il faut. Mais plus tôt nous nous mettrons en marche, plus douce sera la transition ! Nous sommes prêts à y consacrer les moyens humains et financiers qu'il faudra, et nous parviendrons à reconvertir à de nouveaux métiers ceux dont l'emploi dépend des énergies fossiles.
Le PLF pour 2018 modifie le mode de calcul des redevances touchées par les collectivités territoriales, dont le produit passera de 14 à 19 millions d'euros, et restera supérieur au niveau actuel au moins jusqu'en 2030.
La révolution des comportements accompagnera notre action pour peu que nous indiquions clairement le cap. Jusqu'à présent, les Français ne voyaient pas bien où l'on voulait les emmener. Résultat : ils sont contre tout, qu'il s'agisse du nucléaire, du charbon, des éoliennes... L'objectif ? Un monde où chacun produit l'énergie qu'il consomme. N'est-ce pas enthousiasmant ? Mieux vaut entraîner par l'espoir qu'en brandissant la crainte des conséquences du changement climatique - même si celles-ci sont déjà perceptibles, notamment à Saint-Martin et Saint-Barthélemy...
Les enjeux climatiques nous obligent, et le temps joue contre nous. Rompons donc avec le laisser-aller qui consiste à reporter les décisions sur les générations futures ou à attendre que la main invisible du marché règle seule les problèmes. La loi de transition énergétique a montré la voie, et ce texte se situe, du point de vue du groupe socialiste, dans sa continuité. Avec le chapitre 1er, la France s'engage clairement à sortir des énergies fossiles et à rompre avec un modèle énergétique insoutenable. Oui, la France doit montrer l'exemple - le groupe socialiste est, à cet égard, dans un état d'esprit constructif.
La transposition des directives environnementales pose maints problèmes, qu'il s'agisse de biocarburants, de pollution atmosphérique, ou de parcs éoliens en mer... L'arrêt de la recherche et de l'exploitation a des conséquences directes pour les territoires, dont il faudra accompagner la reconversion. En quoi consisteront les contrats de transition écologique ? Pour contrôler les biocarburants, les agents de la DGEC seront renforcés par d'autres fonctionnaires. Hors de nos frontières, cependant, comment agir ? La Commission européenne envisage-t-elle d'instaurer un système de traçabilité pour éviter les fraudes ? Enfin, je me réjouis de voir que toutes les demandes en Méditerranée seront rejetées car cette mer est malade de la pollution - je souhaite d'ailleurs vous remettre le rapport que j'ai rédigé sur la question.
Ce texte est l'une des premières mises en oeuvre des accords de Paris. Certes, il est légitime que la France se montre exemplaire, mais elle ne doit pas non plus porter seule la responsabilité de mettre fin à l'exploitation des ressources fossiles : la réciprocité doit être inscrite dans la loi. Croyez-vous qu'en 2040, nous consommerons moins d'hydrocarbures ? À mon avis, nous arrêterons d'en produire, et nous en achèterons à d'autres pays, où l'impact environnemental ne sera pas mesuré. Dans mon département, où l'exploitation devra cesser en 2047, ce sera une catastrophe. Nous souhaitons tous une diminution du taux de CO2, mais la France ne doit pas payer seule la facture.
Parlementaire écologiste, je suis heureux que l'un des premiers textes que nous examinions soit présenté par votre ministère. C'est une loi pionnière. Deux degré, c'est un maximum, et il faut tendre vers 1,5 degré. Donc, ne plus toucher aux 80 % de réserves d'hydrocarbures. D'après les experts, c'est possible si nous infléchissons la tendance dans les cinq ans à venir. En l'état, ce texte me convient. L'article 6 appelle à veiller à ce que les biocarburants ne poussent pas à la déforestation. J'ajoute qu'ils ne doivent pas entrer en concurrence trop forte avec la production alimentaire. Et il faudra dissuader l'importation d'hydrocarbures non conventionnels, issus de gaz de schiste ou de pétrole bitumineux, notamment en provenance du Canada - il faudra donc réexaminer le CETA !
Merci pour l'attention que vous portez aux projets d'unités de production d'énergie renouvelable, dont la montée en puissance n'est pas toujours facile. La re-planification des projets de territoire pose des problèmes aux élus locaux, en tous cas dans le Gers, car ils se sont fortement engagés. Il serait bon que le Gouvernement reconsidère sa position, pour ne pas briser le cercle vertueux qui s'était instauré.
Vous souhaiteriez qu'un article prévoie la réversibilité. À mon sens, le doute ne bénéficie pas à l'enthousiasme. Mieux vaut donc préserver l'irréversibilité - même si une loi peut défaire ce qu'a fait une précédente loi.
Ne croyez pas que nous soyons le seul pays à se demander comment mettre en oeuvre les accords de Paris. Il y en a 196 dans ce cas ! Tous ont compris qu'il fallait renoncer à exploiter 80 % des énergies fossiles - sauf à considérer que l'accord de Paris n'est que du vent et que 196 États sont venus mentir à la face du monde. D'autres pays iront peut-être plus vite que nous, d'ailleurs. En tous cas, la production d'hydrocarbures entre dans une période de décroissance, qui sera d'autant moins brutale que nous aurons su l'anticiper et la piloter. Ce qu'il faut à tout prix éviter, c'est de tergiverser et de brouiller les anticipations. Partout, le prix du carbone va monter : même la Chine se dote d'un marché. L'économie carbonée va donc décliner. En tous cas, nous ne sommes pas seuls à mener la bataille climatique.
Les territoires verraient d'un mauvais oeil que mon ministère définisse seul la norme des contrats de transition. Il faudra les adapter avec souplesse à la réalité de chaque secteur et de chaque territoire, afin d'aider les perdants à bénéficier des opportunités nouvelles. Clairement, nous créerons plus d'emploi que nous n'en détruirons, à condition de mener résolument la transition.
Nous disposons déjà de règles sur les biocarburants. Avec le plan climat que j'ai présenté en juillet, nous luttons contre la déforestation importée. Oui, le CETA n'aide pas à nous protéger contre les carburants importés. Le Gouvernement présentera des dispositions pour pallier les risques qu'il cause - et le Parlement aura son mot à dire lors de la ratification.
En Méditerranée, j'ai convaincu mon homologue italien de mettre fin à un projet dans les bouches de Bonifacio dont l'impact environnemental aurait été considérable.
Certes, il faut simplifier les normes, sans baisser le niveau d'exigence. Le Président de la République y tient, et deux ou trois Conseils des ministres ont été consacrés à la question. Une loi de simplification est annoncée. Pour l'heure, il s'écoule entre dix et quinze ans entre un appel d'offres pour de l'éolien offshore et l'implantation de la première éolienne - qui est du coup généralement déjà obsolète. Tant que cela durera, nous n'atteindrons pas nos objectifs.
- Présidence de Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente -
Certes, seuls 1 % des carburants sont produits en France. Mais il faut bien commencer quelque part ! Le CETA ouvrira le marché européen à des hydrocarbures non-conventionnels, ce qui serait un retour en arrière. Quelle est votre position ? Un projet de loi sur le mix énergétique s'impose afin de développer notre recherche et développement, car ses conséquences sur l'emploi n'arrivent qu'après deux décennies.
Il y a quarante ans, on nous expliquait que le moteur diesel polluait moins - y compris du point de vue de la santé publique. Prudence, donc : nos connaissances évoluent vite. Au lieu d'augmenter le prix du diesel, pourquoi ne pas diminuer celui de l'essence ? Ne prenons pas en otage ceux qui dépendent de leur véhicule pour aller au travail ! Oui, les énergies fossiles menacent la paix dans le monde, mais n'oublions pas les enjeux de sécurité alimentaire, qui ont le même effet. Pourquoi la France ne développe-t-elle pas davantage l'énergie hydraulique ? Cela offrirait aussi des solutions au problème du stockage de l'eau pour l'agriculture. Décroissance des hydrocarbures, pourquoi pas ? Mais nous priver des ressources de notre sous-sol serait une terrible erreur, car notre pays a besoin d'accroître sa production industrielle.
Oui, il est urgent de bâtir un monde n'utilisant que des énergies vertueuses. Or, les biocarburants sont menacés par la baisse des droits décidée par la Commission européenne : ceux-ci passent de 22 % à 4,5 %. Les produits argentins ou indonésiens affluent : en octobre, 250 000 tonnes d'huiles sont arrivées d'Argentine. C'est autant de moins à produire en France. Résultat : nos outils tournent au ralenti, alors que l'incorporation de 8 % d'énergies renouvelables dans le gasoil réduit de 70 % les émissions. La France est-elle résolue à demander un moratoire d'un an et demi pour l'application des décisions de la Commission ? Les règles de l'OMC nous tiennent, certes. Mais bientôt, les prix agricoles seront inférieurs aux coûts de revient... Nous déposerons un amendement sur le sujet.
Vous souhaitez organiser la transition le plus tôt et le plus clairement possible. J'ajoute qu'il faut être pragmatique et tenir compte de la réalité de chaque territoire. Élue des Pyrénées-Atlantiques, je souhaite vous interroger sur l'hydroélectricité et l'éolien. Quid du renouvellement des trois concessions de la vallée d'Ossau ? Ces délégations de service public sont arrivées à terme le 31 décembre 2012 et n'ont pas été renouvelées, ce qui porte préjudice aux communes traversées par les cours d'eau utilisés, ainsi privées de redevance annuelle. La prorogation tacite actuelle n'est pas conforme à notre droit. L'État doit y mettre un terme rapidement. D'autre part, un projet de parc éolien en Basse-Navarre est bloqué par les exigences de la direction de la circulation aérienne militaire, alors que la hauteur des pales respecte les critères fixés par le ministère. Votre intervention serait bienvenue.
Oui, les exigences des autorités militaires freinent les projets. Je comprends les contraintes qu'impose la circulation aérienne, mais elles doivent pouvoir être assouplies.
Le Gouvernement, alerté par le rapport de la Commission, prendra - en matière agricole comme énergétique - des précautions dans l'application du CETA. Comme la loi ne sera pas votée immédiatement, nous aurons le temps d'en évaluer l'efficacité. J'y veillerai, car ce traité de nouvelle génération m'a beaucoup inquiété. Nous aurons besoin de prendre des mesures à l'échelle européenne. En tous cas, nous mettons le CETA sous surveillance.
L'idée d'équilibrer le mix énergétique fait consensus, je crois. La programmation pluriannuelle définira un calendrier et des modalités, avec pragmatisme - à Fessenheim, c'est bien le pragmatisme qui a manqué... Pour mettre tout le monde en marche, il faut donner du temps. Et pour réussir la transition, il faut qu'elle soit progressive. L'objectif de 32 % d'énergies renouvelables en 2030 n'est pas anodin. Le solaire est prometteur, et nous disposons de nombreuses surfaces planes à exploiter - ce qui pourrait aussi diversifier les revenus agricoles. Je crois beaucoup à la chaleur, et souhaite abonder le fonds chaleur de l'Ademe. Les énergies marines devraient aussi apporter de bons résultats. Et pour le stockage, nous travaillons beaucoup sur la filière hydrogène. Mon ambition est de proposer en 2018 un véritable New Deal pour recréer des filières industrielles.
La paix ne dépend pas que du climat, mais celui-ci peut accroître les tensions existantes. En réhabilitant des terres désertifiées, nous fixons des populations, préparons la production nécessaire aux 1,5 milliard d'individus qui nous rejoindront d'ici 2050, et redonnons à ces sols la capacité de stocker du CO2.
En septembre 2017 l'Union européenne - qui a ses avantages et ses inconvénients ! - a réduit fortement les droits de douane sur les biocarburants argentins. Les producteurs français sont inquiets, à juste titre. Reste à trouver les remèdes.
Pour l'hydroélectricité, notre territoire est déjà bien équipé en grosses turbines. Ce que nous pouvons développer, c'est la petite hydroélectricité. La Compagnie nationale du Rhône développe des techniques prometteuses. La Commissaire européenne à la concurrence a engagé une procédure sur le renouvellement de nos concessions hydroélectriques. Nous devons trouver un accord avant de trancher. La loi renforce le rôle des élus locaux dans la mise en concurrence des concessions. Pour l'instant, EDF ne peut pas se présenter aux appels d'offres !
Tant mieux si la France peut montrer l'exemple. En Seine-et-Marne, la perspective d'une exploitation de gaz de schistes avait suscité de l'émoi en 2011. Il me semble indispensable de continuer les recherches, sous contrôle public : nous sommes peut-être assis sur un trésor ! Avez-vous évalué les quantités qui restent à exploiter en France ?
Nous partageons votre objectif mais pas votre méthode. Par exemple, vous souhaitez limiter les émissions de carbone, et en même temps vous concentrez les moyens publics - et forcez la main des élus locaux - sur des parcs éoliens qui, faute d'un stockage approprié et vu l'intermittence de leur production, font exploser les émissions de gaz à effet de serre. En France, les émissions ont crû de 22 % entre 2014 et 2015... Ne faudrait-il pas privilégier des démarches incitatives, quitte à favoriser des niches locales ?
Le département de la Loire a connu la plus grosse mine d'uranium, à Saint-Priest-La-Prugne. L'impact des rejets reste à mesurer. Un collectif citoyen s'est organisé pour cela. La même question se posera pour les gisements d'hydrocarbures. Comment y répondrez-vous ?
Le phénomène récent à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, totalement inédit, est bien la preuve que le changement climatique est en marche. On peut débattre de la part de responsabilité de l'homme, mais pas de la nécessité pour lui de tout faire pour changer son comportement. Que faire des déchets générés par les solutions alternatives ? Celles-ci sont-elles vraiment neutres ? Si l'on charge les véhicules électriques avec de l'électricité produite par une centrale thermique...
L'électricité, c'est l'avenir ; mais laquelle ? Le soleil et le vent ne suffisent pas, et le nucléaire a de beaux jours devant lui. Le mot « hydrogène » a-t-il sa place dans ce débat ?
Vous venez d'écrire un courrier aux préfets de régions sur les contrats de transition, demandant un arrêt de tous les projets non engagés. Pour les petites communes, c'est difficile.
Je n'ai pas rédigé cette circulaire de gaîté de coeur : j'ai hérité d'une situation ubuesque, où des engagements n'avaient pas été budgétés. Mon principe est que ce qui a été engagé doit être honoré. Nous travaillons d'arrache-pied pour trouver des solutions, et nous avons déjà proposé deux dispositifs.
Oui, tout est lié, et une approche holistique s'impose. La clef de la transformation sera la diversité. L'intermittence est en effet le point faible des énergies renouvelables. Plusieurs outils existent, à commencer par l'interconnexion européenne, la prévision, la domotique... Outre l'hydrogène, il existe des techniques de stockage de la chaleur. Bref, nous en sommes à la préhistoire. La contrainte sera l'aiguillon de l'innovation. La réduction de la part du nucléaire se fera mécaniquement.
Ce que nous interdisons, c'est la recherche d'hydrocarbures. Le reste continuera, et le code minier le facilitera : mieux vaudrait ne pas avoir à importer nos matières premières.
Les étiages avancent dans le temps chaque année. Nous en sommes conscients, et préparons des plans d'action. L'impact des exploitations est contrôlé par la police des mines, pendant l'activité et à la fermeture.
À terme, des communes, des quartiers seront indépendants énergétiquement. Le soleil peut-il suffire ? Il nous envoie 8 000 fois l'énergie dont nous avons besoin. Ajoutez le vent, la biomasse, la géothermie, l'hydraulique, le gradient thermique des océans, les vagues... Il faut faire les choses en grand. Mais ce n'est pas de la dépense, c'est de l'investissement ! J'ai reçu tous les acteurs de la filière hydrogène, et me suis déplacé au CEA, qui a beaucoup travaillé sur le sujet. Cela peut être une solution pour le stockage et la mobilité des engins lourds. Déjà, l'Allemagne installe des voies ferrées sans alimentation électrique. Nous avons tous les acteurs nécessaires. Ils n'attendent que des signaux clairs. Notamment, nous devons organiser la décroissance des énergies fossiles.