C'est avec grand plaisir que je vous présente, ce matin, mon rapport sur le premier projet de loi d'envergure du nouveau Gouvernement en matière d'environnement et d'énergie. Ce texte a pour ambition de mettre fin, d'ici 2040, à la recherche et à la production d'hydrocarbures en France.
Ce projet de loi constitue la première traduction législative du plan climat présenté par Nicolas Hulot le 6 juillet 2017, dont l'axe 9 prévoit « d'amorcer la sortie progressive de la production d'hydrocarbures sur le territoire français en n'attribuant plus de nouveaux permis d'exploration d'hydrocarbures et en ne renouvelant pas les concessions d'exploitation existantes ». Il s'agit, d'après le Gouvernement, d'être en cohérence avec les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, dont l'ambition est de contenir l'augmentation de la température moyenne mondiale en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels, et de s'efforcer de la limiter à 1,5 degré. Le respect de cet objectif implique de réduire fortement la consommation d'énergies fossiles. En France, cette consommation contribue à hauteur de 70 % aux émissions de gaz à effet de serre.
Ce projet de loi entend donc montrer l'engagement de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique en actant sa volonté de sortir, à terme, des énergies carbonées.
Personne ne remet en cause la nécessité de réduire notre consommation d'énergies fossiles. Pour autant, ce texte ne répond pas à cet impératif. En prévoyant la sortie progressive de l'exploitation d'hydrocarbures sur le territoire national, il se concentre uniquement sur le volet « production » et ne comporte aucune mesure relative à la réduction de la consommation de pétrole et de gaz. Il ne s'attaque donc pas aux causes du réchauffement climatique, et il n'aura, en tant que tel, aucun effet bénéfique sur l'environnement. Au contraire, alors que la France consommera toujours un volume substantiel d'hydrocarbures à l'horizon 2040, il faudra compenser la production nationale par des importations d'hydrocarbures, ce qui est un non-sens économique mais aussi écologique, puisque le fait d'importer du pétrole et du gaz est une cause d'émission de CO2 non négligeable - d'après certaines estimations, cela revient à émettre trois fois plus de gaz effet de serre.
Par ailleurs, une telle démarche de sortie des hydrocarbures mériterait d'être engagée au moins à l'échelle européenne, et non de façon isolée par la France.
Cependant, la production nationale d'hydrocarbures ne représente qu'environ 1 % de notre consommation annuelle : les effets de ce texte en termes d'activité et d'emplois seront vraisemblablement limités.
Actuellement, il existe 63 concessions d'hydrocarbures sur notre territoire qui couvrent 4 000 kilomètres-carrés et qui se situent principalement dans les bassins parisien et aquitain ainsi qu'en Alsace. Elles sont exploitées par six sociétés, dont la plus importante est l'entreprise canadienne Vermilion Energy. Il existe par ailleurs 31 permis exclusifs de recherche en cours de validité.
L'activité de recherche et d'exploitation d'hydrocarbures ne représente qu'environ 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects en France, ce qui n'est toutefois pas insignifiant, et l'échéance de 2040 laissera le temps à la filière d'assurer la reconversion de ces emplois.
La décision de mettre fin à la production d'hydrocarbures apparaît donc symbolique au regard de l'activité qu'elle représente au plan national.
C'est pour cette raison qu'avec ma collègue rapporteure de la commission des affaires économiques, Mme Élisabeth Lamure, nous avons essayé, malgré nos réserves, d'apporter des correctifs à ce projet de loi plutôt que de nous y opposer frontalement.
Initialement, le projet de loi comptait 8 articles. À l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, il en contient 22. Au Sénat, ce texte a été renvoyé au fond à la commission des affaires économiques et notre commission s'est saisie pour avis de 12 articles, portant sur quatre sujets principaux :
Les articles 1er à 3 et l'article 8 relatifs à la fin progressive de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures, qui constituent le coeur du projet de loi ; l'article 5 bis, relatif au raccordement des énergies renouvelables en mer ; l'article 6 relatif aux biocarburants ; les articles 7, 7 bis A et 7 bis qui concernent la lutte contre la pollution de l'air.
S'agissant tout d'abord des hydrocarbures, l'article 1er prévoit d'interdire l'octroi de nouveaux permis de recherche et d'exploitation d'hydrocarbures, y compris à des fins expérimentales, à compter de la promulgation de la loi. Une exception est prévue pour les titulaires d'un permis de recherche en vigueur qui pourront, s'ils découvrent un gisement d'hydrocarbures au cours de leurs prospections, obtenir une concession d'exploitation dans le cadre de ce qu'on appelle le « droit de suite » prévu par le code minier. De même, une dérogation est prévue s'agissant de l'extraction du gaz de mine, le grisou, qui s'échappe naturellement des anciennes exploitations minières, et qu'il convient de capturer pour des raisons de sécurité et de santé publique.
À l'Assemblée nationale, cet article a été complété afin d'étendre l'interdiction à la recherche et à l'exploitation de charbon, ce qui a une portée limitée puisque le dernier puits a été fermé en 2004.
Par ailleurs, un amendement a été adopté pour continuer à autoriser l'exploitation d'hydrocarbures lorsqu'elle est connexe à d'autres substances exploitées dans le cadre d'une concession. Ceci vise à préserver l'exploitation de soufre dans le bassin de Lacq, qui nécessite d'extraire, à titre subsidiaire, du gaz naturel.
Au total, l'interdiction ne concernant que les nouvelles demandes de titres, le projet de loi préserve globalement les droits acquis des titulaires de titres miniers, qui pourront continuer leurs activités de recherche et d'exploitation. Deux restrictions prévues par le texte pourraient cependant donner lieu à des demandes d'indemnités de la part des exploitants. Il s'agit de la limitation de la durée de prolongation des concessions existantes, qui ne pourront pas aller au-delà du 1er janvier 2040, et de la limitation de la durée des concessions octroyées dans le cadre du « droit de suite » que j'évoquais à l'instant. En effet, l'article 1er bis inséré par nos collègues députés prévoit que les entreprises qui découvriraient un gisement d'hydrocarbures dans le périmètre de leur permis de recherche ne pourraient l'exploiter que jusqu'au 1er janvier 2040, sauf à ce qu'elles parviennent à démontrer à l'administration que cette échéance ne leur permet pas de couvrir leurs coûts de recherche et d'exploitation et d'atteindre un équilibre économique. Je vous présenterai un amendement qui vise à remplacer cette notion trop restrictive, par celle de « rémunération normale des capitaux », pour permettre aux exploitants de couvrir non seulement les investissements qu'ils ont réalisés mais également de tirer un profit raisonnable de leur exploitation.
Un autre de mes amendements tend à réparer une lacune importante de ce texte, qui ne prévoit pas d'exception pour les activités de recherche sur les hydrocarbures réalisées par des établissements publics, comme l'IFP Énergies nouvelles (Ifpen). Je vous proposerai de prévoir explicitement que ces activités de recherche publique demeurent autorisées.
L'article 2 détermine le champ d'application des dispositions relatives aux hydrocarbures. Il prévoit que l'interdiction de délivrance de nouveaux permis s'applique aux nouvelles demandes de titres miniers ainsi qu'aux demandes en cours d'instruction, sauf lorsqu'une juridiction a enjoint l'administration de procéder à la délivrance ou à la prolongation d'un tel titre. Si la loi était promulguée en l'état, toutes les demandes en cours d'instruction seraient donc refusées par l'administration.
Les articles 2 bis et 2 ter, insérés à l'Assemblée nationale, prévoient que l'exploitant doit remettre à l'autorité administrative, cinq ans avant la fin d'une concession, un dossier présentant le potentiel de reconversion des installations ou du site d'implantation pour d'autres usages, comme la géothermie, et que les installations peuvent être converties ou cédées à d'autres personnes publiques ou privées.
L'article 3 modifie la loi du 13 juillet 2011 relative à l'interdiction de la technique de fracturation hydraulique, dite loi Jacob. Il tire les conséquences des précédents articles et supprime la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, dont l'objet était d'évaluer les risques environnementaux liés au techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives. Puisqu'à l'avenir une telle exploration est interdite, cette commission devient sans objet.
Les députés ont complété la loi de 2011 pour étendre l'interdiction relative à la fracturation hydraulique à toute autre technique « ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité ». Ceci conduit donc à ne permettre l'extraction d'hydrocarbures que par la méthode conventionnelle de forage.
En ce qui concerne les énergies renouvelables en mer, l'article 5 bis prévoit de faire porter, à l'avenir, le coût du raccordement des installations d'énergie renouvelable en mer au gestionnaire du réseau public de transport, c'est à dire à l'entreprise RTE, et non plus au producteur comme c'est le cas actuellement. Ce coût serait couvert par le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE). Cet article clarifie les responsabilités des acteurs en distinguant la construction des installations, à la charge du porteur de projet, et leur raccordement, à la charge du gestionnaire de réseau, sur le modèle de ce qu'il se fait déjà dans certains pays comme l'Allemagne. Ceci doit permettre d'accélérer la réalisation des projets d'énergies renouvelables en mer et de réduire leur coût.
Le Gouvernement souhaite que cette nouvelle procédure s'applique à l'appel d'offres portant sur la réalisation d'un parc éolien offshore au large de Dunkerque, qui a été lancé en avril 2016. Ceci explique pourquoi cette disposition, qui devait initialement être incluse dans le projet de loi « simplification », a finalement été insérée in extremis dans ce projet de loi. Cette clarification des modalités de raccordement répond aux attentes des acteurs de la filière et devrait favoriser le développement de l'éolien en mer. Je vous proposerai tout à l'heure un amendement relatif aux modalités d'indemnisation du producteur en cas de retard de raccordement ou d'avarie sur les ouvrages de raccordement.
J'en viens maintenant à l'article 6 relatif aux biocarburants. Il met en conformité le code des douanes avec une directive européenne du 9 septembre 2015 qui prévoit de nouveaux critères de durabilité des biocarburants. Ainsi, les biocarburants produits par des installations mises en service avant le 5 octobre 2015 devront présenter un potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 50 % par rapport aux émissions de gaz à effet de serre résultant d'énergies fossiles. Pour les installations mises en service après cette date, ce potentiel de réduction devra être d'au moins 60 %. Cette rédaction n'aura pas d'effets sur les installations actuelles, puisque l'ensemble des unités de biocarburants atteignent déjà l'objectif de 50 % et qu'aucune nouvelle unité n'a été mise en service depuis le 5 octobre 2015.
De plus, l'article 6 créé un dispositif de surveillance de la filière biocarburants afin de s'assurer qu'elle respecte bien les critères de durabilité fixés par la loi. Il précise ainsi la liste des agents habilités à réaliser le contrôle des installations et les pouvoirs dont ils disposent dans l'exercice de leurs missions. Il prévoit que des sanctions administratives pourront être appliquées aux acteurs de la chaîne biocarburants qui produisent ou mettent sur le marché des produits qui ne respectent pas les critères environnementaux, ainsi que des sanctions pénales lorsque ces mêmes acteurs empêchent les agents d'exercer leur contrôle.
Enfin, trois articles concernent la lutte contre la pollution de l'air. L'article 7 met en conformité les dispositions du code de l'environnement relatives au plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) avec une directive européenne du 14 décembre 2016. Ce plan définit les actions à mettre en oeuvre afin d'atteindre les objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques arrêtés par décret. Il prévoit également des modifications mineures par rapport aux dispositions en vigueur : ainsi, le Prepa devra être réévalué tous les quatre ans contre cinq ans actuellement, il devra être mis à jour dans un délai de 18 mois à compter de la présentation du dernier inventaire national des émissions de polluants ou des dernières projections nationales des émissions, si les objectifs ne sont pas respectés ou risquent de ne pas l'être.
L'article 7 bis A prévoit un rapport du Gouvernement sur la prise en compte des objectifs de développement durable, et plus particulièrement sur les enjeux de la qualité de l'air, lors de l'attribution des marchés publics dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère.
Enfin, l'article 7 bis prévoit que les préfets de département devront établir, dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère qui connaissent un dépassement des valeurs limites relatives aux particules fines, un plan d'action favorisant le recours aux énergies les moins émettrices de particules et facilitant le raccordement aux infrastructures gazières publiques existantes.