Intervention de Yvon Collin

Réunion du 31 octobre 2017 à 14h30
Accueil des gens du voyage — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les questions abordées par les deux propositions de loi de nos collègues Loïc Hervé et Jean-Claude Carle sont éminemment sensibles et hautement clivantes.

S’affrontent, parfois violemment, la liberté d’aller et venir des uns et le droit de propriété des autres, l’aspiration à la tranquillité des riverains et les atteintes à l’ordre public.

Disons-le d’emblée, la République ne saurait faire de distinction entre ses citoyens autres que celles qui sont fondées sur le mérite. Elle l’a pourtant fait jusqu’à très récemment au détriment des gens du voyage, les soumettant à un statut administratif exorbitant du droit commun et à d’importantes limitations de leurs libertés publiques.

Cette même République ne saurait davantage accepter qu’une partie de la population se détourne de l’application de la loi.

Je connais, comme tous ceux qui ont exercé des fonctions exécutives locales, les implications sur le terrain, dans nos collectivités, de l’accueil des gens du voyage. Nous avons tous en tête des exemples de bonne cohabitation entre gens du voyage et riverains ou, a contrario, des cas d’occupation illicite et répétée de propriétés publiques ou privées.

Certains élus se sentent aujourd’hui désarmés, voire abandonnés par l’État et ses services, lorsqu’ils se retrouvent confrontés à des occupations illégales et à des dégradations d’ouvrages publics.

Mais il est tout aussi inacceptable que certaines communes s’affranchissent de leurs obligations légales en termes de réalisation d’aires d’accueil.

Ceux qui, comme moi, ont un peu d’expérience se souviennent de la loi Besson de 2000, et des retouches qui y ont été apportées en 2003 et en 2007.

J’ai également le souvenir des nombreux rapports de la Cour des comptes, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, du Conseil général de l’environnement et du développement durable, le CGEDD, de parlementaires en mission ou de missions d’information, instituées à l’Assemblée comme au Sénat…

Il y a de cela quelques mois à peine, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, nous avons eu à examiner plusieurs articles qui abordaient plus globalement l’épineuse question de la place des gens du voyage dans notre société.

Cette loi Égalité et citoyenneté a été publiée au Journal officiel à la fin de janvier 2017. À ce jour, toutes ses dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur, et je m’interroge donc sur la pertinence de vouloir, avec tant d’empressement, remettre l’ouvrage sur le métier. En d’autres termes, ce qui vaut pour l’art poétique selon Nicolas Boileau vaut-il aussi pour l’écriture de la loi ?

Sur certaines travées, d’aucuns parmi nos collègues estiment que la loi Égalité et citoyenneté ne va pas assez loin. Je suis, pour ma part, plutôt enclin à laisser à la nouvelle loi le temps de s’appliquer. Nous pourrons, ultérieurement, procéder à son évaluation – je pense, par exemple, au mécanisme de consignation – et proposer éventuellement des améliorations.

En effet, nous le savons, en matière d’accueil des gens du voyage, le principal écueil réside dans les difficultés à faire appliquer la loi, toute la loi.

En outre, les lois de 2000 et de 2017 reposent sur un équilibre, imparfait sans doute, mais qui prévoit le respect, par chacun, de ses droits et de ses devoirs : par les collectivités locales, tout d’abord, auxquelles la loi confère la responsabilité de l’accueil des gens du voyage ; par les gens du voyage, ensuite, qui doivent s’engager à être respectueux, dans leur comportement, des règles collectives et du droit ; par l’État, enfin, qui doit être le garant de cet équilibre et affirmer la solidarité nationale.

Or, il n’en va pas de même du texte que nous examinons aujourd’hui. Celui-ci n’est pas sans rappeler la proposition de loi de Pierre Hérisson, dont nous avions entamé l’examen fin 2013 et début 2014, opportunément quelques mois avant les élections municipales ! Je retrouve dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis une continuité d'inspiration : il vise essentiellement à renforcer les sanctions prévues contre les occupations illicites.

Pour ces raisons, les sénateurs du RDSE ont accueilli ces deux propositions de loi avec circonspection, pour ne pas dire de fortes réserves.

Certaines des dispositions contenues dans le chapitre Ier, notamment celles visant à mieux prendre en compte les nouvelles compétences des intercommunalités, peuvent recueillir notre assentiment.

Il n’en va pas de même des articles qui remettent en cause les grands équilibres que j’évoquais. Je pense, notamment, à ceux qui prévoient d’alourdir les sanctions pénales – nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des amendements.

Nous abordons donc l’examen de ce texte en étant pleinement conscients des problématiques qu’il soulève et convaincus qu’elles doivent être abordées avec responsabilité et dans un esprit de concorde.

Quant au vote final des membres du RDSE, il dépendra, vous l’aurez compris, du sort réservé aux amendements qu’ils ont déposés.

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