Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chers Jean-Claude Carle et Loïc Hervé, quelle quête que celle de l’équilibre entre mode de vie des itinérants et respect de la réglementation, particulièrement, du stationnement des résidences mobiles ! Le législateur s’y attache régulièrement et la présente proposition de loi s’inscrit dans cette démarche.
Les plus hautes juridictions s’y sont engagées également. Le Conseil d’État, en 1983, avait eu l’occasion de consacrer le droit pour les gens du voyage d’être accueillis sur le territoire des communes où ils viennent s’établir et de reconnaître leurs véhicules comme des domiciles dont l’inviolabilité est constitutionnellement garantie.
Le Conseil constitutionnel a pu rappeler, le 9 juillet 2010, que la liberté d’aller et venir constituait également une liberté constitutionnellement garantie.
Toutefois, cet équilibre demeure précaire, marqué pour les élus locaux de difficultés liées aux stationnements illicites. Les orateurs précédents ayant dirigé ou dirigeant encore des exécutifs locaux ont dit le quotidien des maires, leur exaspération et parfois même leur mise en danger.
Les schémas d’accueil prévus par la loi Besson se concrétisent peu à peu. Dix-sept départements ont déjà atteint leurs objectifs. La Seine-et-Marne, elle aussi attractive, pour d’autres raisons que la Haute-Savoie, et soumise à de nombreuses tensions, notamment l’été, figure parmi les bons élèves, avec 811 places déjà construites sur les 1 214 places prescrites. La maîtrise du calendrier par le préfet reste, évidemment, une question.
La Cour des comptes constate un taux d’occupation des places disponibles de 55 % à 60 %, qu’elle explique par une « implantation géographique inadaptée » ou, bien évidemment, par la non-acceptation de ces équipements par la population dans les zones sous tension. La dernière raison avancée par la Cour des comptes est la faible mobilité des gens du voyage due à la scolarisation des enfants – celle-ci reste au demeurant bien trop faible –, à leur plus grande précarité financière, à la fragilité juridique de leur installation et à l’absence de garantie de retrouver une place sur leur terrain d’élection.
L’effort des collectivités ne répond pas encore aux besoins et ne suffit pas à endiguer les occupations illicites qui exaspèrent tant.
Si nous ne pouvons que partager les objectifs affichés, nous nous interrogeons sur la mise en œuvre, l’efficacité, voire la constitutionnalité, de plusieurs dispositions.
Il nous semble ainsi difficile d’exclure du dispositif 45 % des intercommunalités de la Nation, celles qui ne comptent aucune commune de plus de 5 000 habitants, comme le prévoit l’article 1er.
Le caractère dissuasif du doublement des peines encourues prévues à l’article 322-4-1 du code pénal en cas d’occupation illicite peine, hélas, à convaincre quand on sait que soixante condamnations seulement ont été prononcées en 2016 pour ce délit, dont cinq à des peines d’emprisonnement ferme. Ce peut être, effectivement, un signal à destination des magistrats, mais il nous semblerait plus adapté d’envisager une aggravation des peines applicables quand l’installation illicite sur un terrain s’accompagne de destructions, de détériorations ou de dégradations.
S’agissant de l’article 5, certaines de ses dispositions comportent des risques d’inconstitutionnalité, même si la commission en a levé certains concernant le droit à un recours effectif et la liberté d’aller et venir.
L’article 6, qui vise à étendre la confiscation des véhicules prévue par l’article 322-4-1 du code pénal à ceux destinés à l’habitation paraît difficilement conciliable avec le principe constitutionnel d’inviolabilité du domicile et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’article 8, qui prévoit la création d’un délit de fraude d’habitude d’installation sur le terrain d’autrui, soulève quelques difficultés d’application, sans pour autant être dépourvu de fondement.
Cela étant, nous soutenons sans réserve plusieurs objectifs et dispositifs de la proposition de loi tels qu’elle a été amendée. Par exemple, nous saluons le fait qu’elle tire les conséquences du transfert aux intercommunalités des compétences « création, aménagement, entretien et gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux » prévu par la loi NOTRe, la comptabilisation en tant que logements sociaux au sens de la loi SRU des emplacements des aires permanentes – c’est une mesure incitative et équitable –, ou encore la création, à l’article 3, d’un mécanisme d’information obligatoire pour faciliter l’organisation de l’accueil des gens du voyage lors des grands passages et des grands rassemblements. Nous soutenons aussi l’article 4, qui prévoit notamment d’étendre aux maires des communes dotées d’une aire d’accueil conformément aux prescriptions du schéma départemental le pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles même si l’établissement public de coopération intercommunale auquel elles appartiennent n’a pas satisfait à l’ensemble de ses obligations.
Enfin, bien évidemment, nous soutenons particulièrement l’innovation que représenterait la création d’une amende forfaitaire délictuelle, mécanisme prévu à l’article 6 qui peut s’avérer efficace.