Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 5 mars 2009 à 15h00
Loi pénitentiaire — Article 20

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

La santé doit être au cœur des enjeux de cette loi pénitentiaire et nous avons commencé de l’aborder en traitant du secret médical et du respect de la déontologie médicale.

L’article 20 vise à fixer les principes de la prise en charge des soins par le service public hospitalier.

À ce point de notre débat, il convient de se poser deux questions : quel diagnostic porter sur l’état de santé de la santé dans les prisons françaises ? Quels remèdes tenter ensemble d’y apporter, notamment par la loi ?

Les insuffisances de la situation actuelle dans ce domaine ne doivent pas nous faire oublier les progrès considérables qui ont été accomplis, notamment depuis l’adoption de la loi du 18 janvier 1994. Cette loi a procédé à une triple normalisation des soins en milieu carcéral.

Tout d’abord, les médecins chargés de la santé des détenus sont employés non plus par l’administration pénitentiaire, mais par l’hôpital public.

Ensuite, les soins ont vocation à être de même niveau – c’est l’ambition de la loi – que ceux qui sont dispensés à la population générale en termes tant de compétences que de moyens.

Enfin, les détenus sont considérés non plus comme des objets de soins, mais comme des citoyens jouissant d’un droit à la santé.

Concrètement, depuis 1994, chacun des 194 établissements pénitentiaires est doté d’une unité carcérale de soins ambulatoires, ou UCSA, destinée à dispenser les soins courants. La plupart de ces unités disposent également d’un psychiatre, à moins que l’établissement n’accueille l’un des vingt-six services médico-psychologiques régionaux, qui regroupent psychiatres, psychologues et infirmiers spécialisés.

À bien des égards, la loi du 18 janvier 1994 a posé les principes permettant de régler les problèmes liés à l’organisation des soins en prison. Cette loi pourrait donc être suffisante, à la condition d’être effectivement appliquée.

J’ai évoqué tout à l’heure l’appréciation de l’Académie nationale de médecine sur la violation du secret médical en milieu carcéral. Cette instance a dressé, voilà quelques semaines, un constat sévère. Elle insiste sur la nécessité d’appliquer la loi du 18 janvier 1994. Elle constate qu’aujourd’hui la prise en charge des détenus n’a toujours pas rejoint celle des autres citoyens. Et elle observe que le statut du détenu prime toujours sur celui du malade.

L’Académie nationale de médecine constate également que, malgré la loi de 1994, on observe encore des carences graves de l’hygiène individuelle et collective, l’absence de permanence médicale la nuit et le week-end, la difficulté d’accès aux diagnostics et aux soins spécialisés, un défaut de prévention et d’éducation à la santé, enfin, l’insuffisance de suivi à la sortie, qui est un facteur de récidive.

Le parcours de santé est marqué par des ruptures, qui sont préjudiciables.

Mme Le Texier a évoqué, je n’y reviens donc pas, les difficultés de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux, qui représentent près de 30 % de la population carcérale.

Pour remédier à ces difficultés, nous devons accomplir des progrès considérables. L’article 20 remanié par la commission des lois comporte des avancées. Nous allons les examiner dans un instant, je ne m’y attarderai donc pas.

Nous considérons toutefois que l’on peut et que l’on doit aller plus loin.

Pour améliorer la prise en charge des détenus souffrant de maladies physiques ou mentales, ou de déficiences, les règles pénitentiaires européennes peuvent nous servir de guide. À ce titre, nous devons prendre en compte le fait que huit hommes et sept femmes détenus sur dix présentent une pathologie psychiatrique. Le groupe socialiste vous proposera d’adopter plusieurs amendements sur ce sujet.

Premièrement, les personnes souffrant de maladies et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison doivent être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet. La prison a trop souvent pris le relais de l’hôpital défaillant !

Deuxièmement, les services médicaux de la prison doivent s’efforcer de dépister et de traiter les maladies physiques ou mentales, ainsi que les déficiences dont souffrent éventuellement les détenus et, à cette fin, chaque détenu doit bénéficier d’un droit d’accès effectif aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. Autrement dit, il nous appartiendra, dans le cadre de la loi, de garantir les instruments d’accès à ce droit.

Enfin, troisièmement, chaque prison doit disposer de services avec au moins un médecin généraliste. Des dispositions doivent être prises pour s’assurer à tout moment qu’un médecin interviendra sans délai en cas d’urgence.

Tels sont les quelques éléments sur lesquels je souhaitais insister avant l’examen plus détaillé de l’article 20.

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