Intervention de Albéric de Montgolfier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 octobre 2017 à 8h35
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier, rapporteur général :

Si l'article 34 de la Constitution prévoit que les « orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation », l'exercice a été considérablement renouvelé par la loi organique de 2012, qui transpose dans l'ordre juridique interne le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire (TSCG).

Désormais, la loi de programmation constitue le support des engagements européens de la France et doit à ce titre fixer un objectif à moyen terme de solde structurel ainsi que la trajectoire permettant sa réalisation.

Aussi, je me suis attaché à replacer ces orientations dans leur contexte macroéconomique, à en expliciter les hypothèses et à évaluer leur conformité aux engagements européens pris par notre pays.

Le scénario macroéconomique du Gouvernement apparaît dans l'ensemble crédible. Le concept de solde structurel a pris une place centrale dans la gouvernance budgétaire européenne. Il dépend principalement de l'écart de production, c'est-à-dire de la différence entre le niveau de production effectivement observé et le potentiel de production de l'économie. Si l'économie évolue à un niveau inférieur à son potentiel, une partie du déficit nominal est attribuée à la conjoncture.

L'écart de production ne pouvant être observé directement, le précédent Gouvernement avait délibérément surestimé la capacité de rebond de l'économie française, afin de minorer le déficit structurel.

On peut se réjouir que le présent projet de loi marque une rupture avec ces pratiques. Le Gouvernement retient désormais une hypothèse d'écart de production proche de celle de la Commission européenne, ce qui conduit à une révision à la hausse de l'estimation du niveau du déficit structurel en 2016, désormais identique à celle de la Commission européenne.

Ce choix devrait utilement permettre de concentrer le débat sur le rythme de redressement des finances publiques, plutôt que sur sa mesure.

Pour la croissance, le Gouvernement retient une hypothèse de 1,7 % entre 2017 et 2021 et de 1,8 % en 2022. Ce scénario apparaît raisonnable jusqu'en 2020 - puisque conforme aux prévisions des économistes et institutions européennes et internationales -, mais un peu « optimiste » en fin de quinquennat. En 2022, l'hypothèse du Gouvernement, si elle est identique à celle du FMI, est ainsi supérieure de 0,8 point à l'estimation de la Commission européenne.

Cette différence d'appréciation tient à deux éléments. D'une part, la Commission européenne retient une hypothèse de croissance potentielle plus faible que celle du Gouvernement, ce dernier estimant que les réformes structurelles engagées porteront leurs fruits d'ici la fin du quinquennat. D'autre part, le Gouvernement estime que la croissance effective restera durablement supérieure à la croissance potentielle. Une phase haute du cycle économique succéderait ainsi à la phase basse de dix ans qu'a connue la France depuis la crise.

Compte tenu de cette divergence d'appréciation, j'ai souhaité estimer le niveau du solde public en cas de réalisation du scénario de croissance plus pessimiste de la Commission européenne. Le déficit passerait au-delà du seuil de 3 % du PIB en 2019 et s'établirait à 1,1 % du PIB en 2022, près d'un point au-dessus du niveau attendu.

Venons-en maintenant à la trajectoire des finances publiques, qui est plutôt ambitieuse. On peut d'ores et déjà formuler une critique : l'essentiel de l'effort est reporté sur la fin du quinquennat. À l'échelle du quinquennat, le Gouvernement s'est fixé trois principaux objectifs, qui avaient déjà été formulés dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, le DOFP : réduire l'endettement de plus de 5 points de PIB ; réduire la part de la dépense publique dans la richesse nationale de 3,7 points de PIB ; réduire la part des prélèvements obligatoires dans le PIB de 1,1 point.

J'observe ainsi avec satisfaction que l'effort de redressement des comptes publics portera exclusivement sur la dépense, ce qui contraste avec le choix de la précédente majorité. L'expression « ras-le-bol fiscal » a été utilisée par Pierre Moscovici, et il est vrai que, sous le précédent quinquennat - au moins pendant la première partie -, l'effort de redressement des comptes publics a pris la forme d'une forte augmentation des prélèvements obligatoires.

Si l'on en croit le Gouvernement, à la fin du quinquennat, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale s'établirait à 43,6 %, soit un niveau légèrement inférieur à 2012, mais toujours supérieur au ratio d'avant-crise - 42,1 % -, et plus élevé que chez nos voisins.

Si les principaux objectifs restent globalement inchangés par rapport au DOFP, la trajectoire devant conduire à leur atteinte a néanmoins été substantiellement modifiée. En effet, une partie importante de l'effort de maîtrise de la dépense publique a été reportée sur les deux dernières années de la programmation.

Le taux de croissance moyen de la dépense publique serait ainsi contenu à 0,5 % entre 2018 et 2020, contre 0,1 % dans le scénario du DOFP. Pour tenir cet objectif, 42 milliards d'euros d'économies devront être réalisées, contre 58 milliards d'euros dans le scénario initial. Un effort plus important au cours des deux dernières années du quinquennat -- 2021 et 2022 - permettrait néanmoins de maintenir inchangé le quantum d'économies de 80 milliards d'euros annoncé.

En parallèle, le Gouvernement a été contraint de rendre plus progressive la baisse des prélèvements obligatoires, afin de ne pas remettre en cause son rythme de réduction du déficit public. La baisse des prélèvements obligatoires prévue au titre de l'année 2018 -6,7 milliards d'euros, soit 0,3 point de PIB - est finalement deux fois inférieure au montant initialement annoncé -0,6 point de PIB. Le principal changement tient à la mise en oeuvre en deux temps de la bascule des cotisations salariales sur la CSG au cours de l'année 2018, dont le rendement attendu s'élève à 4,5 milliards d'euros.

Si la trajectoire budgétaire proposée par le Gouvernement diffère sensiblement de celle annoncée en juillet dernier, la principale difficulté identifiée lors du débat d'orientation des finances publiques demeure : le rythme de redressement des comptes publics apparaît insuffisant au regard de nos engagements européens - à tout le moins difficilement conciliables avec ceux-ci.

Comme vous le savez, la France devrait, à l'issue de l'exercice 2017, ramener son déficit en deçà du seuil de 3 % du PIB - même si l'annulation de la taxe à 3 % sur les dividendes complique la tâche du Gouvernement.

Il s'agit toutefois d'une condition nécessaire, mais insuffisante pour sortir du volet correctif du pacte de stabilité. En effet, sortir du volet correctif du pacte de stabilité exigera également que la Commission européenne estime que le déficit ne dépassera pas le seuil des 3 % en 2018 et en 2019 dans ses prévisions du printemps 2018.

Or l'année 2019 sera marquée par la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE, en baisse de cotisations sociales, qui devrait se traduire pour les comptes publics par un surcoût temporaire d'environ 1 point de PIB. Dans le scénario du Gouvernement, le déficit « flirterait » ainsi avec le seuil de 3 % du PIB en 2019 - contre 2,9 points en 2017 et 2,6 points en 2018.

Aussi, il ne peut pas être totalement exclu que la Commission européenne considère que le déficit dépassera le seuil de 3 % du PIB en 2019 dans ses prévisions de printemps. À ce titre, il doit être noté que le FMI considère, dans son rapport annuel sur la France rendu public le 21 septembre dernier, que le déficit nominal devrait s'établir à 3,2 % du PIB en 2019. Le risque d'un maintien de la France dans le volet correctif du pacte de stabilité peut néanmoins être tempéré par les déclarations de la Commission européenne ces dernières semaines.

Si la France parvient à sortir du volet correctif au printemps prochain, elle entrera à compter de l'exercice 2018 dans le volet préventif du pacte de stabilité. Or les règles de redressement des comptes publics applicables dans le volet préventif ne sont pas moins exigeantes que celles prévues dans le volet correctif. En particulier, la France devra réduire son déficit structurel de 0,6 point de PIB par an au minimum jusqu'à atteindre son objectif de moyen terme. L'ajustement structurel prévu par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi apparaît très éloigné des prescriptions du pacte de stabilité.

En 2018, l'écart par rapport à l'objectif minimum serait de 0,5 point de PIB, soit la déviation maximum autorisée sur deux années. Autrement dit, la France aura épuisé dès l'exercice 2018 ses marges de manoeuvre, au risque de conduire la Commission européenne à ouvrir une procédure pour « déviation significative » à son encontre à l'issue de l'exercice 2019.

Il n'est donc pas surprenant que la Commission européenne ait adressé vendredi dernier un courrier au ministre de l'économie Bruno Le Maire dans lequel elle souligne qu'il existe « un risque de déviation significative vis-à-vis de l'effort requis en 2018 » et demande des éclaircissements sur le projet de budget du Gouvernement.

La France pourrait se prévaloir des « clauses de flexibilité » prévues par le pacte de stabilité, mais les conditions dans lesquelles ces dernières peuvent être invoquées sont particulièrement strictes et ne devraient pas être remplies par la France avant 2020. Il faudra ainsi compter sur le fait que nos partenaires et la Commission européenne adoptent une lecture particulièrement souple des règles du pacte de stabilité.

En complément de la règle de solde structurel, la France sera également soumise à compter de 2021 à la règle de dette européenne, qui impose de réduire progressivement l'écart entre la dette et le seuil de 60 % du PIB.

Or, au cours de la période 2017-2020, la France devrait être le seul grand pays de la zone euro dont le ratio d'endettement reste pratiquement stable. L'endettement ne devrait diminuer véritablement qu'à compter de 2021, une fois la bascule du CICE effectuée.

Dans ces conditions, seule la France ne respecterait pas la règle de dette européenne en 2021, comme l'a d'ailleurs souligné la Commission européenne dans son courrier de vendredi dernier.

Au-delà de la question du respect formel de la règle de dette européenne, il doit être souligné que la trajectoire retenue par le Gouvernement devrait accroître la divergence des taux d'endettement de la France et de la zone euro. L'écart atteindrait 12 points de PIB en 2022, contre 6 points de PIB actuellement. Le différentiel d'endettement entre la France et l'Allemagne s'élèverait même à 39 points.

J'anticipe une question d'Éric Bocquet : ce n'est pas par masochisme que nous nous efforçons de respecter nos engagements européens ; cet écart de 39 points finira par se traduire dans les écarts de taux, le spread, et ce alors que ces taux sont en train de remonter, ce qui pourrait devenir insupportable pour la France.

D'une part, la France disposerait d'une faible marge de manoeuvre pour mener une politique budgétaire de relance si une nouvelle crise survenait, contrairement à l'Allemagne. D'autre part, le poids de la charge des intérêts pourrait contraindre le Gouvernement à couper dans les dépenses publiques productives ou à avoir recours à des impositions supplémentaires pour contenir le déficit. Alors que les intérêts payés par la France et l'Allemagne à leurs créanciers sont aujourd'hui similaires - respectivement 41 et 39 milliards d'euros à ce jour -, le différentiel atteindrait 34 milliards d'euros en 2022 - 56 milliards d'euros pour la France contre 22 milliards d'euros pour l'Allemagne. C'est précisément pour éviter de telles divergences que les règles européennes ont été mises en place...

J'en viens maintenant à la question centrale des leviers et de la répartition de l'effort de maîtrise de la dépense entre ses différents acteurs. Les collectivités territoriales ont consenti des efforts considérables au cours des années récentes dans la réduction de la dépense publique. Le précédent gouvernement a utilisé deux leviers pour réduire la dépense publique : les collectivités locales et la charge de la dette. Les collectivités ont même dépassé les objectifs que leur fixait la précédente loi de programmation pour les années 2014 à 2019 : en 2016, leurs dépenses totales étaient inférieures de 12 milliards d'euros à la trajectoire prévue. De même, entre 2013 et 2016, la réduction du déficit public a été portée aux deux tiers par les administrations publiques locales, alors même qu'elles représentent moins de 20 % de la dépense publique. C'est ce que j'ai rappelé au cours de la conférence des territoires, qui s'est tenue au Sénat en présence du Président de la République.

Pour 2018-2022, le Gouvernement a annoncé un effort de 13 milliards d'euros pour les collectivités territoriales sur leurs dépenses de fonctionnement. Ce montant s'apprécie par rapport à un « tendanciel ». Concrètement, on émet une hypothèse sur l'évolution « tendancielle », c'est-à-dire « toutes choses égales par ailleurs », des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ; on déduit 13 milliards d'euros du montant des dépenses prévu en 2022 ; et on obtient ainsi l'objectif d'évolution des dépenses des collectivités.

L'hypothèse que l'on retient pour le tendanciel est donc fondamentale : si on le surestime, l'effort demandé est en fait inférieur à l'effort affiché ; à l'inverse, si on le sous-estime, l'effort demandé est supérieur à l'effort affiché.

Or le tendanciel des dépenses locales est très difficile à estimer. L'Inspection générale des finances proposait un taux de 1 % en 2012, en précisant qu'il s'agissait d'une « hypothèse basse ». Le précédent Gouvernement et la Cour des comptes retenaient 1,8 %. Le présent projet de loi de programmation est construit sur un tendanciel de 1,2 % en volume, pour les seules dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Pour établir ce niveau de 1,2 %, le Gouvernement a considéré le taux moyen d'évolution des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales entre 2009 et 2014. En ajoutant l'inflation, on obtient un taux de 2,5 % en valeur.

Ce choix appelle plusieurs observations. Tout d'abord, cette période 2009-2014 correspond à des années où la dynamique annuelle était inférieure aux années précédentes : la prendre comme référence conduit donc à sous-estimer le tendanciel.

En admettant que l'on reprenne néanmoins cette moyenne, il faudrait a minima tenir compte des efforts structurels déjà fournis par les collectivités territoriales. Or le Gouvernement n'a pas tenu compte de la baisse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, intervenue en 2014 - une baisse de 1,5 milliard d'euros -, qui correspondait à un effort structurel des collectivités territoriales du même ordre de grandeur. Il n'a pas non plus tenu compte de la non-indexation sur l'inflation des dépenses de personnel de la fonction publique territoriale - qui représente un effort de 5 milliards d'euros -, alors que cet effort est systématiquement considéré comme une économie par rapport au tendanciel lorsqu'il s'agit de l'État. Ce tour de passe-passe permet de demander plus aux collectivités.

En neutralisant ces éléments, on obtient un tendanciel d'évolution des dépenses de fonctionnement de 3,1 % au lieu des 2,5 % proposés par le Gouvernement. Ce chiffre semble très raisonnable ; il est d'ailleurs très proche de celui retenu par la Cour des comptes.

En définitive, en retenant le tendanciel « corrigé », les économies demandées aux collectivités territoriales dans le présent projet de loi de programmation seraient non pas de 13 milliards d'euros, mais de 21 milliards d'euros. Un effort de 13 milliards d'euros correspondrait en fait à une évolution annuelle, en valeur, de 1,9 %, au lieu des 1,2 % proposés par le Gouvernement.

Venons-en maintenant à la contribution de l'État à la maîtrise de la dépense publique. Cette partie est peu étayée. Le budget triennal 2018-2020 prévoit des évolutions contrastées entre les différentes missions. Il s'articule autour de choix de politique budgétaire clairs, avec des hausses marquées en faveur de certaines missions, dont la défense et la justice - je ne le critique pas -, et des baisses prononcées sur d'autres politiques publiques comme le logement ou l'emploi - ce qui fait plus débat. Cependant, ni les hausses prévues ni les diminutions annoncées ne sont définitives puisque le Gouvernement précise, dans le rapport annexé, que les plafonds de 2020 « seront actualisés pour intégrer notamment les économies complémentaires issues du processus Action publique 2022 nécessaires au respect de la trajectoire globale ».

Si le total de l'annuité 2020 du budget triennal est ajusté pour tenir compte de toutes les économies prévues au titre du processus Action publique 2022, l'objectif d'évolution des crédits du budget général sur ces trois premières années est modérément ambitieux avec une croissance de 1,2 % en valeur et une baisse de 1,3 % en volume. À titre d'exemple, le précédent budget triennal - qui n'a, il est vrai, pas été respecté - prévoyait une diminution des dépenses de 0,2 % en valeur et de 3,3 % en volume. C'est ambitieux, mais on ne sait pas sur quelles dépenses porteront les efforts.

S'agissant des administrations de sécurité sociale, sous l'effet de la reprise économique et de la maîtrise de la dépense, leur solde, déficitaire de 2,9 milliards d'euros en 2016, reviendrait positif dès 2017, avant de devenir nettement excédentaire à compter de 2018. On demande à voir.

À cet égard, il doit être noté que le présent projet de loi fait l'hypothèse d'une « contribution du secteur des ASSO à la réduction du déficit de l'État, sous forme de transfert, dès 2019 ». En pratique, l'excédent serait transféré à l'État. Interrogé sur ce point, le Gouvernement n'a pas souhaité préciser la nature et le montant des transferts envisagés.

En tout état de cause, le choix de transférer une fraction des excédents des comptes sociaux à l'État dès 2019, avant même d'avoir procédé au désendettement complet de la sécurité sociale, apparaît critiquable - la contribution au remboursement de la dette sociale existe toujours -, la structure de financement de la dette sociale étant beaucoup plus sensible que la dette de l'État - gérée par l'Agence France Trésor - à une hausse des taux d'intérêt.

Pour le régime général, cette amélioration concernerait l'ensemble des branches, à l'exception notable de la branche vieillesse.

Faute d'information, il est toutefois très difficile d'apprécier la crédibilité de ces trajectoires. À titre d'exemple, si le solde de la branche famille est supposé s'améliorer de près de 5 milliards d'euros, la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant constitue à ce jour la seule mesure d'économie connue, pour un gain de 500 millions d'euros à horizon 2022.

Dans ce contexte, il est aujourd'hui urgent de procéder aux réformes de structure susceptibles d'infléchir durablement la trajectoire des dépenses. Or on observe peu d'économies structurelles. La masse salariale publique- qui représente à peu près la moitié du budget de l'État - et les dépenses de retraite constituent jusqu'à présent deux « angles morts » de la politique du Gouvernement. Celui-ci ne s'attaque ni à l'une ni à l'autre, alors que ce sont pourtant là des leviers importants de la maîtrise de la dépense publique.

À titre d'exemple, une récente étude de la Banque de France indique que si la démographie et les choix d'organisation expliquent près des deux tiers de l'écart entre les masses salariales publiques de la France et de l'Allemagne, il subsiste un écart de 2 points de PIB lié aux effectifs. Or il existe beaucoup de doublons entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale : président encore voilà peu d'un conseil départemental, je suis bien placé pour le savoir - prestation de compensation du handicap et allocation aux adultes handicapés ; routes nationales et routes départementales, etc.

Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait affirmé souhaiter réduire les effectifs de la fonction publique de 120 000 postes sur le quinquennat, dont 50 000 postes de la fonction publique d'État. Une telle diminution supposerait toutefois, si l'effort était équitablement réparti sur chacune des années de la période, une suppression nette d'environ 10 000 équivalents temps plein (ETP) par an de 2018 à 2022. Or, le solde global des créations et suppressions d'emplois devrait s'élever à moins 1 600 ETP en 2018, soit seulement 3 % de l'objectif prévu sur le quinquennat. Je tiens à le réaffirmer, une évolution du temps de travail dans la fonction publique permettrait de faciliter la mise en oeuvre d'une réduction significative des effectifs d'ici la fin du quinquennat, sans diminution de la qualité du service public...

Il pourra aussi difficilement être fait l'économie d'une nouvelle réforme des retraites. En effet, le niveau des dépenses de retraite constitue la principale source d'explication de l'écart de dépense publique entre la France et ses principaux partenaires. Cet écart significatif (+ 4,1 points de PIB) n'est pas sans lien avec les caractéristiques de notre système de retraite, qui conduisent les travailleurs français à partir de façon plus précoce à la retraite que leurs homologues étrangers. Il n'est pas surprenant que le FMI et l'OCDE aient récemment recommandé au Gouvernement de retarder l'âge de départ à la retraite. Une réforme apparaît d'autant plus nécessaire que le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR) fait état d'une importante dégradation de la situation financière du système de retraite, en raison de la révision des hypothèses démographiques de l'Insee. À titre d'illustration, le relèvement progressif de deux ans de l'âge légal de départ au rythme d'un trimestre par génération se traduirait par une amélioration du solde financier du système de retraite de 5 milliards d'euros au bout de cinq ans. Au bout de vingt ans, l'effet positif sur le solde des administrations publiques s'élèverait à 0,9 point de PIB. C'est ce qu'ont fait la plupart de nos voisins européens.

Ainsi, si les hypothèses macroéconomiques sont plus crédibles et s'il faut saluer la volonté de réduire les dépenses plutôt que d'augmenter la fiscalité, néanmoins il est regrettable que la trajectoire présentée reporte l'essentiel de l'effort en fin de quinquennat et que celui-ci pèse beaucoup plus sur les collectivités territoriales que sur l'État.

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