Intervention de Dominique Le Guludec

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 novembre 2017 à 16h30
Article 13 de la constitution — Audition de Mme Dominique Le guludec candidate proposée par le président de la république à la présidence de la haute autorité de santé

Dominique Le Guludec, candidate proposée par le Président de la République à la présidence de la Haute Autorité de santé :

Le Président de la République a proposé mon nom pour présider le collège de la HAS, à la suite de la nomination d'Agnès Buzyn comme ministre des solidarités et de la santé. C'est un honneur et un défi au vu des enjeux qui nous attendent. La HAS est un organisme scientifique indépendant, garant de la cohérence et de la qualité de notre système de santé afin qu'il assure à nos concitoyens un accès durable et équitable à des soins aussi efficaces et pertinents que possible. Ma candidature s'inscrit dans un parcours médical, scientifique et administratif qui, je l'espère m'a préparée à assurer les responsabilités de cette fonction.

Je suis d'abord et avant tout médecin de terrain, avec une spécialité clinique comme cardiologue et une spécialité d'imagerie, la médecine nucléaire. Après un internat clinique, j'ai été chef de clinique en cardiologie et je me suis orientée vers un exercice public hospitalo-universitaire. J'ai néanmoins testé dans mon parcours l'exercice libéral en faisant des remplacements de ville et aussi l'exercice associatif en faisant des consultations à l'oeuvre de secours aux enfants (OSE). Je me suis très tôt intéressée aux nouvelles modalités d'imagerie fonctionnelles et moléculaires qui bouleversaient notre vision de la maladie et qui ouvraient un champ de recherche et d'innovation considérable. La suite m'a confortée dans ces choix, car l'imagerie a pris une place grandissante dans la prise en charge des patients.

Je suis professeur des universités, praticien hospitalier de biophysique et médecine nucléaire à l'hôpital Bichat. J'ai pris successivement la responsabilité d'un service puis d'un pôle et j'ai monté une équipe de recherche Inserm. Néanmoins, j'ai toujours gardé une consultation de cardiologie, car le colloque singulier avec les patients m'est essentiel. J'ai pu ainsi réaliser le désarroi des patients confrontés à des informations contradictoires entre ce qu'ils lisent sur le Net et les recommandations de leur médecin ou lors du changement récent de la formulation du Levothyrox, par exemple.

Diriger un service dans un hôpital universitaire, c'est faire le grand écart permanent entre un travail de tous les jours auprès des patients pour un accueil digne et une qualité des soins irréprochable. C'est également un travail de chef d'entreprise avec tous les problèmes organisationnels et humains qui se posent dans une équipe paramédicale et médicale. C'est autant râler pour que le ménage soit fait correctement et les départs remplacés qu'être à la pointe des innovations et parler dans les congrès internationaux. C'est être au plus près des problèmes de terrain autant que dans les colloques et les publications. Cette obligation de pragmatisme fait qu'on ne décolle pas des réalités.

J'ai exercé durant toute ma carrière dans des zones défavorisées du nord de Paris (Avicenne, Beaujon, Bichat) et j'ai pu constater plus d'une fois les bienfaits formidables de notre système de solidarité français mais aussi les disparités qui persistent dans la maladie et qui font qu'on est plus malade au nord qu'au centre de Paris et qu'on y accède encore aujourd'hui plus tardivement aux soins.

Pendant tout mon parcours, je me suis aussi fortement impliquée dans la recherche médicale avec la création d'une équipe de recherche Inserm en imagerie multimodalité et d'une plateforme d'imagerie expérimentale, en travaillant particulièrement à la multidisciplinarité indispensable entre chercheurs, imageurs et cliniciens. Je suis responsable de programmes nationaux et européens de recherche dans des domaines à forte valeur d'innovation : imagerie, biothérapie, nanotechnologies.

Afin d'exercer au mieux mes fonctions de responsable lorsque j'ai été nommée chef de pôle, j'ai développé mes compétences managériales en retournant sur les bancs de la formation pour un magistère de management médical à l'Essec. J'ai aussi appris à gérer la contradiction entre les moyens limités de nos hôpitaux et l'évolution galopante de la médecine, et à rechercher des moyens de financement originaux de l'innovation, en créant par exemple un GCS public-privé pour financer un tomographe par émission de positons à l'hôpital Beaujon.

J'ai très tôt assumé des responsabilités transversales, d'abord au sein de mon hôpital, puis de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), dans le cadre du Comité d'évaluation des innovations technologiques, au sein de ma faculté où j'ai été membre du conseil de gestion de l'Université Paris-Diderot pendant deux mandats, seule femme du collège A, puis au niveau national dans des sociétés savantes, au conseil national des universités, ou dans des agences d'expertise. Je suis présidente d'une commission de qualification du conseil national de l'Ordre des médecins. Enfin, au niveau européen, j'ai siégé au conseil de l'Agence européenne de médecine nucléaire.

Plus récemment, deux missions m'ont beaucoup enrichie. J'ai été nommée en 2013 présidente du conseil d'administration de l'IRSN, agence scientifique d'expertise et de recherche sur les risques nucléaires civils, militaires et médicaux. Cette fonction m'a familiarisée avec la gestion des risques et la gestion de crise dans un domaine sensible, la communication avec le grand public sur les débats sociétaux, l'intégration de la société civile aux différents stades de l'expertise et de la recherche et le management d'une institution pluridisciplinaire. J'ai pu y développer une vision stratégique, contribuer à élaborer la politique d'une institution publique, appréhender la gestion d'un conseil d'administration et l'équilibre financier dans un contexte contraint. J'en anime le comité d'orientation des recherches, et participe à celui d'éthique et de déontologie. J'y ai appris à mener l'orientation des choix d'une institution en lien avec le directeur général, et surtout à utiliser avec doigté la représentation symbolique d'une telle fonction. Je m'y suis familiarisée avec le fonctionnement des agences et leurs relations avec la représentation nationale, avec les ministères de tutelle, les hautes autorités, en l'occurrence l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), tout en participant à la dimension européenne, en particulier au sein de l'Agence nationale de l'énergie atomique.

J'ai par ailleurs été élue en 2015 présidente de la commission médicale d'établissement du groupe hospitalier Hôpitaux universitaires Paris Nord-Val de Seine (HUPNVS), et je participe à la gestion de ce groupe dans sa dimension dynamique médicale et paramédicale, de ressources humaines, de gestion des conflits, de contraintes budgétaires, techniques ou administratives. Ce groupe hospitalier comprend plus de 2 400 lits et près de 10 000 professionnels, des hôpitaux de médecine, chirurgie, obstétrique (MCO), mais aussi un hôpital gériatrique et un Ehpad. J'y ai touché du doigt ce que représentent les restructurations hospitalières, avec la fermeture de l'hôpital Adélaïde-Hautval, à Villiers le Bel, fermeture nécessaire d'une structure qui n'était plus adaptée aux soins de notre époque, mais très douloureuse pour tous les professionnels qui y travaillaient.

J'y ai également approché un autre aspect de la relation avec les patients au travers des médiations, des plaintes et des éloges, ainsi que du travail avec les associations de patients. Pendant mon mandat, j'ai participé à la certification du groupe, ce qui m'a permis de me faire une idée précise des vertus et des limites du processus actuel de la HAS. Je vis surtout au plus près le dilemme dans lequel est notre système hospitalier qui doit financer l'innovation rapide dans un contexte budgétaire très contraint et qui atteint les limites de ce que les équipes peuvent produire. La nécessité de changements organisationnels à l'hôpital, mais aussi en ville et entre ville et hôpital est essentielle si nous voulons préserver la qualité de notre système de soins. Ces changements ne peuvent se faire qu'avec les équipes, hospitalières comme libérales, paramédicales comme médicales, car aucune évolution importante de notre système ne pourra se réaliser si elle ne vient pas des professionnels eux-mêmes. Ils doivent être en première ligne pour proposer des innovations, participer à leur évaluation, faire évoluer les bonnes pratiques, s'emparer des questions de déficience en santé, de la gestion des risques, et cela en collaboration avec les premiers bénéficiaires, les patients et les citoyens.

L'élaboration du projet de construction d'un nouveau campus hospitalo-universitaire, que nous appelons le campus nord, à Saint-Ouen, et qui doit permettre de remplacer les hôpitaux Bichat et Beaujon à l'horizon 2025 a mis au jour les nombreuses transformations qui attendent les hôpitaux dans les années qui viennent. Emblématique hôpital du futur, il devra intégrer des innovations majeures tant organisationnelles que médicales permettant la réduction des durées de séjour pour le plus grand bien des patients, mais il devra aussi intégrer l'hôpital digital, la e-santé, le développement encore plus important de la médecine ambulatoire, la mutualisation des plateaux de lits, l'ouverture sur la médecine de ville, etc. Ce projet est une expérimentation qui m'a beaucoup appris.

Ces évolutions ne manquent pas de soulever des inquiétudes car elles s'accompagnent d'une profonde modification de notre façon de penser l'hôpital avec une réduction capacitaire significative rendant indispensable le travail collaboratif en amont avec les cabinets libéraux et les autres structures de soins de ville, mais aussi avec les soins de suite et de réadaptation (SSR) et les structures d'aval médicales et médico-sociales.

L'ensemble de ces expériences m'a certes donné des compétences. Elles m'ont surtout fortement sensibilisée aux enjeux auxquels nous serons confrontés dans les années qui viennent. Je suis très fortement attachée à préserver et accroître la qualité de ce système qui nous bénéficie tant. C'est la raison pour laquelle je suis devant vous ce soir.

La HAS est une institution majeure dans le domaine de la santé. Sa responsabilité sociétale est d'aider les pouvoirs publics à préserver les valeurs fondamentales de qualité, de solidarité et d'équité en même temps que les droits individuels et collectifs des patients et des professionnels. Autorité publique indépendante à caractère scientifique, elle permet de fonder nos politiques de santé sur une approche scientifique et médicale - la médecine basée sur les preuves - qui seule permet de déterminer le juste soin et sa pertinence. Son indépendance à l'égard des politiques comme des intérêts privés est garante de la pertinence de ses avis et la qualité de son travail est une condition d'acceptation par tous les acteurs des choix effectués.

Notre système de santé est considéré comme l'un des meilleurs au monde. Il vit une profonde mutation qui ne fera que s'accélérer dans les années à venir. Il doit faire face à des choix stratégiques justifiés par l'augmentation de la demande de soins due au vieillissement de la population, aux maladies chroniques, mais aussi par le rythme de l'innovation et l'attente justifiée de nos concitoyens, dans un contexte de contrainte économique.

Tels sont les éléments qui ont conduit à la définition des quatre axes de la stratégie nationale de santé : la prévention et la promotion de la santé tout au long de la vie et dans tous les milieux, la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d'accès à la santé, la nécessité d'accroître la pertinence et la qualité des soins, et enfin l'innovation. Ces axes engagent l'institution.

Comme à l'IRSN, il faut aussi y prendre en compte la sensibilité sociétale au-delà des connaissances scientifiques et y amplifier la participation des patients et des citoyens à tous les niveaux. Il est aussi du rôle de la HAS d'assumer des enjeux nouveaux de communication en lien avec les professionnels, les sociétés savantes et les associations de patients, mais aussi avec les medias, dans une société où les réseaux sociaux peuvent favoriser la diffusion de croyances au détriment des connaissances.

Les professionnels de santé ont tous déjà profondément modifié leurs pratiques de sorte que la médecine exercée aujourd'hui n'a rien à voir avec celle que j'ai connue pendant mon internat. Ils sont un peu inquiets car ils ont l'impression d'un effort qui ne s'arrête jamais comme une vis qui tournerait sans fin. Ils ont raison : il faut toujours faire plus et mieux. Ce qui nous attend comme changement sera aussi profond que ce qui a déjà été fait. C'est en même temps pour eux une profonde satisfaction d'être de plus en plus efficaces pour prévenir et pour soigner. Il faut donc absolument accompagner ces professionnels qui ont besoin de sérénité pour exercer leur métier. Il faut aussi accompagner les patients pour qu'ils puissent prendre toute la place qui leur revient de droit. Le travail de la HAS est là pour fournir les outils de ces évolutions, aider à faire les bons choix, être garante de leur pertinence.

La HAS a de nombreuses missions à fort enjeu : évaluer les produits de santé, médicaments, dispositifs médicaux, actes, ainsi que les actions et programmes de santé publique ; définir les bonnes pratiques professionnelles ; enfin, certifier et accréditer les établissements et certains professionnels. Elle est interrogée sur tous les sujets importants dans son domaine de compétence. Elle exerce ses missions avec compétence et beaucoup de pays nous l'envient eu égard à la qualité des centaines d'avis rendus, ce qui est une gageure au vu du rythme actuel de l'innovation. Il faut mettre cela au crédit de son indépendance, de la qualité et du dévouement de ses salariés, de l'excellence de ses experts autant que de sa méthodologie de travail dans une démarche scientifique et transparente.

En ce qui concerne les missions d'évaluation des produits de santé, les principaux enjeux dans un contexte d'innovation très forte et onéreuse sont la qualité de la méthodologie d'évaluation, la rapidité de cette évaluation, le maintien de l'accès équitable à l'innovation, la soutenabilité financière pour le système et donc le développement de l'évaluation médico-économique. Un travail considérable a déjà été effectué par mes prédécesseurs dans ce domaine. Ils ont notamment beaucoup travaillé sur les critères d'évaluation dans un souci d'impartialité, de transparence et de simplification et en développant l'évaluation médico-économique et l'évaluation de l'efficience des stratégies thérapeutiques autant que des produits.

Il faut nous appuyer comme en Angleterre sur des équipes de recherche académiques. La participation active des patients à ces évaluations que la HAS a déjà beaucoup développée est également un gage de qualité. Cette participation n'est pas formelle. Il a été démontré scientifiquement qu'elle améliore les évaluations et in fine la qualité des soins. Nous allons poursuivre et accélérer ce travail, en particulier dans un contexte européen où la HAS a une forte reconnaissance. Des innovations thérapeutiques majeures, tant dans le domaine du médicament que du dispositif arriveront dans les mois qui viennent avec des prix inédits à ce jour : thérapies géniques, immunothérapies, biothérapies, et ceci dans tous les domaines, pas seulement celui du cancer, mais aussi l'asthme sévère, la dermatologie, les maladies rhumatismales inflammatoires... Certaines injections coûtent plus de 500 000 euros la dose, mais peuvent aussi sauver ou transformer la vie de certains patients. Notre pays fait partie de ceux où tous les patients sans conditions de ressources ont le plus vite accès à l'innovation. L'enjeu est de préserver cet accès et pour commencer de faire les choix pertinents.

Quels sont les enjeux dans le champ de la certification des établissements de santé et l'accréditation des médecins ? La mission est énorme avec 2 600 établissements en France et plus de 600 visites annuelles qui permettent d'évaluer les établissements de santé publics et privés. Ces visites portent sur le niveau des prestations et soins délivrés aux patients et sur la dynamique d'amélioration de la qualité. Trois maîtres mots : médicalisation, simplification, évaluation par les résultats.

Jusqu'à présent, il est notoire que l'accréditation a été centrée sur les structures et les processus, mais peu sur la pertinence médicale et les résultats des prises en charge. Personne ne peut nier que cela a grandement amélioré la qualité générale des organisations et c'était la base par laquelle il fallait commencer. Désormais, on prend mieux en charge la douleur, on prévient mieux les infections nosocomiales, on assure mieux la continuité des soins ou l'information du patient, on s'attache à recueillir son consentement avant les actes invasifs, etc. Le système a acquis une maturité qui fait que l'on peut aller au-delà en évaluant la pertinence des prises en charge cliniques et leurs résultats tout en veillant à la pérennité de l'organisation générale des soins. Là encore, il faut modifier les paramètres de l'évaluation en faisant le deuil de l'exhaustivité pour cibler des paramètres de résultats.

La HAS a ainsi proposé ces dernières semaines, avec une grande prudence sur les effets délétères possibles, une évaluation de la mortalité par pathologie. Une expérimentation sera lancée l'an prochain sur la mortalité à un mois après infarctus du myocarde. Cela permettra de mieux juger, sur des critères durs, de la pertinence des prises en charge et de les améliorer là où elles doivent l'être.

Cela aura aussi l'avantage de remettre la certification dans les mains des professionnels de santé, de remobiliser les équipes médicales et paramédicales, de valoriser les actions entreprises en les mettant dans une dynamique d'amélioration continue. Il faut donc parler leur langage. Les indicateurs doivent être simplifiés, compréhensibles, proches des pratiques, lisibles par les acteurs de terrain qui doivent pouvoir se les approprier. Cela clarifiera le sens donné à la certification.

Renforcer la fonction incitative et faire porter l'évaluation sur des fondamentaux indiscutables, mais surtout sur la capacité des équipes à progresser, tels sont les objectifs. Le but in fine est d'évaluer le parcours du patient dans son ensemble tout en sachant que l'hôpital n'en représente qu'une petite portion. L'expérimentation va vers des évaluations qui prennent en compte l'amont et l'aval, comme celle qui a été proposée récemment pour la prise en charge d'une fracture du col du fémur. La construction du référentiel des parcours est une expérimentation essentielle pour la HAS. Si l'on veut proposer de nouveaux modes de financement pour ces parcours, il devient essentiel d'en mesurer la qualité et en particulier la pertinence et les résultats. L'évaluation des groupes hospitaliers de territoires renforcera la transversalité de façon à garder l'évaluation de chaque site, mais aussi celle des parcours, en lien avec les autorisations délivrées par les Agences régionales de santé (ARS).

Enfin, certains chantiers sont à revisiter en raison du contexte d'évolution forte. Il appartient à la HAS de fournir aux tutelles les éléments pour une régulation des structures qui permette d'optimiser le service rendu à la population. Là encore, ce travail doit reposer sur une analyse scientifique de la littérature ainsi que sur l'avis des experts et des patients.

L'élaboration des recommandations est une autre mission de la HAS. Elle s'adresse avant tout aux professionnels pour les aider à mettre à jour leurs pratiques, ce qui est une nécessité au regard de la rapidité des évolutions. Les recommandations sont aussi de plus en plus organisationnelles. Elles s'inscrivent totalement dans le pilotage par la pertinence proposé par notre ministre. Elles concernent le soin mais également la prévention et directement les soins de premier recours. Nous avons la chance d'avoir en France un réseau de médecins libéraux, généralistes et spécialistes, qui ont la confiance de nos concitoyens. Ils doivent être en première ligne pour l'amélioration de la prévention et des prises en charge. Ils ont besoin d'être accompagnés pour structurer ces prises en charge et la mise en place d'équipes pluridisciplinaires telles qu'elles existent par exemple dans les maisons de santé. Là encore, l'acceptabilité des recommandations ne peut être acquise que si ce travail est mené de façon collaborative, avec les patients, les sociétés savantes, les professionnels tant libéraux que salariés, en particulier pour assurer la cadence de leurs actualisations, la qualité de leur diffusion, et leur suivi.

Cette collaboration ne doit pas affecter l'indépendance des recommandations et la vigilance dans le contrôle des liens d'intérêt doit être maintenue. Le mode de communication doit aussi se moderniser si nous voulons être suffisamment visibles. Enfin, la sensibilisation des jeunes médecins en formation pourrait être améliorée en partenariat avec nos facultés et nos CHU.

Pendant les quinze mois de sa présidence, Mme Buzyn avait initié de forts changements dans l'institution, permis par l'ordonnance du 2 janvier 2017. Elle y a fait modifier la constitution du collège et les règles de son renouvellement. Elle y a instauré la parité alors qu'à son arrivée il n'y avait aucune femme parmi les huit membres du collège. Elle a également positionné des femmes compétentes à la tête des services. Elle a participé à la simplification du paysage des agences sanitaires. Le comité technique des vaccinations a été ainsi rattaché à la HAS de façon cohérente et efficiente et une commission réglementée spécifique a été créée. Les enjeux sociétaux des sujets vaccinaux n'ont pu vous échapper ces derniers temps. La commission s'est mise au travail avec la rigueur et l'indépendance qui caractérisent l'institution. Elle commence à produire ses premiers avis.

Le deuxième rapprochement est en cours de discussion et a pu susciter des inquiétudes. Il vise l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm), créée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2007. Ce rapprochement avait pour objectif de favoriser les travaux interdisciplinaires et transversaux aux secteurs sanitaire et social pour mieux servir les parcours de vie et de soins des usagers. L'Anesm a réalisé ces dernières années un très gros travail pour élaborer des outils d'évaluation dans ce domaine, outils forcément différents de ceux appliqués aux établissements de soins. On ne peut que saluer les progrès suscités par son travail dans la prise en charge des personnes âgées en situation de handicap ou dans la protection des jeunes en situation de vulnérabilité.

Cependant, dans un contexte très évolutif, les deux agences ne peuvent que gagner à conjuguer leurs forces pour faire encore progresser cette prise en charge en partageant des méthodologies éprouvées pour améliorer les critères d'évaluation de ces établissements. On compte environ 32 000 établissements sociaux et médico-sociaux contre 2 600 établissements de santé. On conçoit donc aisément les problèmes qui se posent lorsque les évaluations sont réalisées par des organismes habilités très variés sans cahier des charges opposable. En gage de la prise en compte de la spécificité de cette mission, il est prévu dans le PLFSS de créer au sein de la HAS une commission réglementée indépendante qui aura autant d'autonomie que la commission de transparence.

Les différentes lois de santé ont attribué chaque année à la HAS de nombreuses missions nouvelles dont l'une consiste à rendre une analyse prospective du système de santé pour formuler des propositions d'amélioration de sa qualité et de son efficacité. Cela pourra être une occasion de nous revoir.

Le PLFSS 2018 a mis en exergue plusieurs sujets qui ne manqueront pas d'influencer le travail de la HAS, que ce soit la vaccination obligatoire, la télémédecine ou la régulation des activités d'information dans le domaine du dispositif. La politique de santé axée sur la pertinence des soins engage l'institution.

Constatation est faite par notre ministre que la régulation par l'Ondam n'est plus suffisante et qu'il convient d'introduire de la régulation par la qualité et la performance. Cela passera par la création d'un tiroir d'innovations organisationnelles et de tarification doté d'un fonds financier. Il permettra aux acteurs de terrain de demander un soutien financier pour de nouvelles organisations, de nouveaux modes de prise en charge, de nouveaux modes de coordination entre ville, hôpital et secteur médico-social. Ces innovations qui doivent favoriser le décloisonnement pour remettre le patient au coeur de sa prise en charge devront être évaluées avec soin avant d'être déployées. L'enjeu pour la HAS consistera à définir une batterie d'indicateurs de résultats, y compris du point de vue du patient, selon ses méthodes, en en concertation avec les professionnels et dans un calendrier rapide.

Toutes ces tâches sont cohérentes dans le contexte d'évolution forte du système. Elles poseront cependant le problème des moyens budgétaires et humains de l'institution. La HAS est bien gérée, comme la Cour des comptes l'a fait remarquer. Elle a fourni de gros efforts d'efficience pour contribuer à l'effort budgétaire national. Elle a aussi rogné petit à petit sur son fonds de roulement et les limites de l'exercice seront bientôt atteintes. Il faudra trouver encore des leviers d'efficience et veiller à la pérennité des moyens de l'institution pour assurer son efficacité.

Enfin, les questions qui se posent à nous se posent aussi à l'échelon mondial. L'Europe est un maillon fort pour mutualiser les ressources et les expériences et pour faire converger les critères de qualité. Elle a également un rôle à jouer dans la gestion des prix des médicaments innovants. La HAS a un rôle moteur pour l'évolution et l'harmonisation des démarches d'évaluation. Elle est déjà fortement intégrée dans les réseaux européens d'évaluation. Mes prédécesseurs y ont beaucoup travaillé. Il nous faut encore renforcer ce positionnement à l'heure du Brexit pour être force de proposition et faire valoir notre système de santé.

La tâche est vaste et demande en interne des efforts permanents de réactivité et de transversalité. Il s'agit d'un travail collégial avec des équipes de qualité, un collège renouvelé et des bases solides posées par mes prédécesseurs. J'espère que mon expérience, mes valeurs d'éthique et de probité, ma détermination, mon enthousiasme et mon engagement pour le service public vous convaincront de me confier la direction de cette très belle institution.

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