Merci à tous de m'accueillir au sein de votre commission, après ce débat vif et intéressant en séance publique sur la revue stratégique.
Cette audition a lieu à un moment charnière. C'est le début d'une remontée en puissance exceptionnelle. Quelque 1,8 milliard d'euros de plus qu'en 2017 sont accordés cette année au budget de la mission « Défense ». C'est une augmentation inédite depuis vingt ans, qui s'inscrit dans la durée puisque chaque année jusqu'en 2022, 1,7 milliard d'euros supplémentaires seront accordés à la mission « Défense » avec l'objectif de consacrer 2 % de notre PIB à la défense en 2025.
C'est aussi un moment charnière pour notre stratégie puisque nous définissons la place de la France dans le monde, sa capacité à défendre ses concitoyens, ses intérêts et ses valeurs. La revue stratégique a dressé le constat d'un monde plus divisé, plus incertain. Nous nous appuierons dessus pour élaborer la prochaine loi de programmation militaire, qui portera une vision et non pas simplement des ajustements, et prendra en compte des moyens nouveaux pour disposer d'un modèle d'armée complet et équilibré.
C'est un moment charnière, enfin, pour les femmes et les hommes de la défense, qui se battent pour notre liberté, notre sécurité. J'ai présenté la semaine dernière un plan d'accompagnement des familles et d'amélioration des conditions de vie des militaires, résultat de très nombreuses rencontres avec nos troupes pour comprendre ce qu'elles faisaient, comment et pourquoi, leur engagement, leurs questionnements et leurs aspirations. Je suis fière de ce plan qui répond très concrètement à leurs préoccupations quotidiennes. C'est un plan ambitieux de 300 millions d'euros de crédits sur cinq ans. Nous en tiendrons compte dans la loi de programmation militaire, mais 70 % des mesures ont vocation à entrer en vigueur dès 2018.
Ce budget à la hauteur des enjeux stratégiques répond aux préoccupations immédiates tout en préparant l'avenir. Tout ceci sera bien entendu encore plus consistant dans la loi de programmation militaire.
La hausse de 1,8 milliard de crédits budgétaires en 2018 porte le montant inscrit dans le projet de loi de finances pour la mission « Défense » à 34,2 milliards d'euros contre 32,4 milliards d'euros en 2017, soit une augmentation de plus de 5 %. Ce n'est pas la première augmentation du budget des armées dans la période récente, puisqu'il a progressé de 600 millions d'euros en 2017, mais l'ampleur est trois fois plus importante.
Avec 190 millions de recettes issues de cessions qui s'ajouteront aux crédits budgétaires, le montant des ressources de la défense sera porté à 34,4 milliards d'euros, à comparer aux 32,7 milliards d'euros de 2017.
Ceci est la première étape d'une progression jusqu'en 2022, puisque le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une augmentation du budget des armées de 1,7 milliard d'euros par an chaque année jusqu'en 2022. Entre 2018 et 2022, ce sont donc 190 milliards d'euros que la Nation consacrera à sa défense. Si on les compare aux 160 milliards d'euros consacrés à la défense lors de chacun des deux précédents quinquennats, on constate qu'il s'agit de près d'une annuité budgétaire complète supplémentaire. C'est la concrétisation forte de l'engagement du Président de la République pour la protection et la défense de la France. L'effort de la Nation en faveur de sa défense passe à 1,82 % du PIB en 2018 contre 1,77 % en 2017.
Je souhaite répondre d'un mot aux interrogations légitimes sur le sens des 850 millions d'euros d'annulations de crédits réalisées cet été. Il s'agissait d'une contribution nécessaire à la solidarité gouvernementale afin de maîtriser notre déficit public. Je me suis engagée à ce que la protection et les conditions de vie du soldat en opération soient préservées et qu'il n'y ait aucune annulation de programme ; en accord avec les armées, nous décalerons simplement de quelques mois certaines livraisons sans lien direct avec les opérations sur le territoire national ni les opérations extérieures. Alors que, trop souvent, les changements de majorité en début de quinquennat se traduisent par des annulations de programmes ou la remise en cause de livraisons de matériels, ce n'est pas le cas ici.
Ce budget nous donne des bases solides pour préparer la prochaine loi de programmation militaire, et ce d'autant plus qu'il finance tous les engagements de nos prédécesseurs en faveur des armées, qu'il s'agisse de la fin des déflations des effectifs, des efforts faits sur le renseignement, du cyber ou des unités opérationnelles, de l'intensification de nos frappes au Levant à la suite des attentats tragiques du Bataclan ou de Nice. Aucun projet ni aucune ambition ne sont mis en attente. Il est rare qu'un premier budget de mandature honore toutes les promesses faites. C'est le cas cette année. Le budget que je vous présente permet d'absorber l'intégralité des coûts partis sans revue de programme ni revue de personnel.
J'entends parfois une petite musique qui insinue que régler les dettes du passé reviendrait un peu à atténuer la portée de l'augmentation de 1,8 milliard d'euros de notre budget. C'est un argument qui me surprend. Qu'aurait-on dit si nous avions remis en cause les programmes, les effectifs, ou réduit les missions extérieures ?
Il faut savoir solder le passé - passé dont je ne rougis nullement. Des bases saines sont indispensables pour pouvoir lancer des projets ambitieux.
Nous pourrons bâtir sereinement la prochaine loi de programmation militaire, qui prendra en compte, grâce aux travaux de la revue stratégique, une analyse fine du contexte international. Elle couvrira la période 2019-2025 avec trois priorités : restaurer la soutenabilité de nos engagements ; investir résolument dans l'avenir pour que nos armées puissent faire face aux menaces de demain ; permettre aux femmes et aux hommes de la défense de vivre l'exercice de leur métier dans les meilleures conditions possibles.
Le calendrier est le suivant : l'objectif est de déposer le projet de loi sur le bureau des assemblées en février en vue d'une promulgation l'été prochain nous permettant de préparer au mieux le PLF 2019.
Je ne reviens pas sur les menaces auxquelles nous sommes confrontés. La première est et reste le terrorisme. Ce n'est pas l'attentat de New York la semaine dernière qui nous fera changer d'avis. La deuxième est la stratégie de puissance des nations, telles que la Chine, la Russie et à la Corée du Nord.
Pour faire face à ces menaces, il est probable que l'intensité de l'engagement de nos forces en opération reste très élevée en 2018, en bande sahélo-saharienne, au Levant, en Atlantique et en Méditerranée, à l'Est de l'Europe. Nous resterons dans un effort de haut niveau. C'est pourquoi il faut assurer la soutenabilité des opérations, en luttant contre l'usure des matériels, accélérée par la dureté des théâtres et la durée des déploiements et en oeuvrant en faveur des personnels pour maintenir un équilibre entre préparation opérationnelle et engagement en opération. Ce budget prévoit ainsi un effort en faveur de l'activité afin de poursuivre le retour de la préparation opérationnelle vers les normes fixées par l'actuelle loi de programmation militaire. C'est une condition indispensable pour assurer que nos forces engagées maîtrisent tous les savoir-faire opérationnels dont elles ont besoin. C'est également une nécessité pour assurer le maintien de toutes les compétences et donc de notre modèle d'armées complet. C'est enfin un gage de notre attractivité et de la possibilité de faire monter les plus jeunes en qualification. De cette façon, nous assurons la pérennité de notre modèle de défense dans la durée.
En 2018, l'entretien programmé du matériel représentera plus de 3,9 milliards d'euros de crédits de paiements, soit 450 millions d'euros de plus qu'en 2017, afin d'atteindre les normes de la loi de programmation. Enfin, tirant les conclusions d'un niveau d'engagement structurellement élevé, le budget 2018 prévoit de porter la provision pour la couverture des opérations extérieures de 450 millions d'euros à 650 millions d'euros.
L'engagement sur notre territoire national mobilise chaque jour en moyenne 10 000 militaires pour la mise en oeuvre de notre posture permanente de sûreté, pour l'opération Sentinelle et pour d'autres plans gouvernementaux tels que Vigipirate. Leur engagement a favorisé une réponse rapide et efficace cet été aux Antilles et contre les feux de forêt.
Parmi eux, n'oublions pas les militaires qui tiennent la posture de dissuasion pour pouvoir monter en puissance sans délai, sur ordre du Président de la République. Le budget de la dissuasion nucléaire passera de 3,87 milliards d'euros à 4,04 milliards d'euros en 2018.
Pour répondre immédiatement aux menaces qui pèsent sur les Français et à l'engagement exceptionnel de nos forces, nous avons décidé d'une enveloppe de 200 millions d'euros pour la protection de nos femmes et de nos hommes. Nous protègerons mieux les combattants, notamment en remplaçant les gilets pare-balle actuels par 49 000 nouveaux gilets, plus efficaces, plus légers et plus protecteurs. Le paquetage des soldats a aussi été sensiblement amélioré et continuera de l'être. Nous renforcerons également la protection des équipements avec l'emploi de plus de véhicules blindés sur les théâtres d'opération et une généralisation progressive de l'emploi de véhicules blindés pour la plupart des missions de nos armées.
Il faut aussi garantir la protection des installations militaires. Nous renforcerons la protection des sites du ministère contre une potentielle attaque terroriste. Le budget consacré aux infrastructures s'élèvera à 105 millions d'euros dédiés au renforcement des protections actives comme passives des emprises militaires les plus vulnérables, en particulier les dépôts de carburant et de munitions, les écoles et les hôpitaux. Cet effort se doublera d'un investissement humain avec la création de 150 postes pour renforcer la sécurité-protection des emprises de la défense. Ces mesures étaient demandées depuis longtemps par nos armées.
Sur les conditions de vie des militaires et de leurs familles, j'insisterai sur une seule mesure, sans incidence budgétaire : celle qui consiste à donner de la visibilité à nos militaires lorsqu'ils sont soumis à des mutations géographiques, celles-ci pouvant avoir lieu tous les deux ans. Ainsi, 80 % des mutations seront annoncées cinq mois avant la date d'affectation. Un suivi minutieux de cet engagement sera mené pour en assurer la traçabilité et voir s'il est possible de monter le niveau d'exigence.
La masse salariale du ministère, c'est-à-dire les crédits du titre 2 de la mission « Défense », sera augmentée de 300 millions d'euros, à 11,7 milliards hors pensions. Le montant du plan catégoriel pour 2018, quant à lui, s'élèvera à 136,5 millions d'euros, soit un ordre de grandeur comparable à celui de 2017 et en très nette augmentation par rapport à 2015 où il s'élevait à 10 millions d'euros. Ce plan catégoriel de 2018 intègre à hauteur de 124,2 millions d'euros le financement de mesures déjà engagées, dont le financement en année pleine de mesures initiées en 2017 ou encore le financement de mesures interministérielles. Il comprend également des mesures nouvelles, en particulier pour rétablir l'attractivité du ministère vis-à-vis des personnels civils, grâce à l'accroissement de l'enveloppe dédiée au complément indemnitaire annuel - en hausse de 8,8 millions d'euros, il sera porté à 20,8 millions d'euros.
Il est impérieux de préparer les équipements à l'avenir. Parfois très anciens, ils doivent être renouvelés. Les crédits d'équipements atteindront 18,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros, ou 7 % par rapport à 2017, pour la modernisation des matériels des forces armées et l'entretien des infrastructures. Je ne citerai que quelques livraisons ou commandes : le premier avion ravitailleur en vol MRTT ; les premiers véhicules blindés multirôles lourds Griffon ; une frégate multimissions ; des fusils de nouvelle génération HK416 ; les deux premiers bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers ; mais aussi, pour la maîtrise de l'information, le premier avion léger de surveillance et de reconnaissance.
En 2018, le programme 146 relatif à l'équipement des forces disposera de 13,6 milliards d'euros pour les engagements, soit 35 % de plus qu'en 2017 pour réaliser des commandes structurantes, telles qu'un sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda ; 3 ravitailleurs MRTT ; 8 000 fusils d'assaut HK416 ; la rénovation de 55 avions de combat Mirage 2000-D ; 20 véhicules légers Griffon. Tout ceci contribuera à renforcer notre base industrielle et technologique de défense et à soutenir l'emploi et l'innovation.
Les infrastructures ont souvent été le parent pauvre des arbitrages contraints et difficiles réalisés au cours des années précédentes. Leur budget augmentera de 300 millions d'euros en 2018 pour atteindre 1,5 milliard d'euros. Il s'agit de renforcer l'effort de maintenance au profit du parc existant et de mieux garantir une finalisation des infrastructures dans des délais compatibles avec le rythme de livraison des nouveaux équipements militaires. Cela permettra aussi de satisfaire les besoins résultant de l'augmentation des effectifs des armées, de l'amélioration des conditions de vie des personnels et de la sécurisation et de la protection des emprises militaires.
L'innovation est au centre de nos priorités. Elle n'est pas un gadget mais une condition de la supériorité de nos forces armées sur le terrain, ainsi que la garante de la performance de notre industrie de défense à l'export.
En 2018, le budget des études est stable à 720 millions d'euros et participe à un effort de recherche et développement global de 4,7 milliards d'euros. Je soutiendrai également, pour la prochaine loi de programmation militaire, une revalorisation rapide du budget des études pour le porter à un milliard d'euros par an.
La modernisation n'est pas une nouveauté. Le ministère des armées s'est beaucoup modernisé au cours des années précédentes ; il continuera à le faire. J'aurai à coeur de rechercher l'efficacité dans l'emploi des deniers publics élevés qui nous sont confiés. La modernisation aura pour objectif d'améliorer et de simplifier le fonctionnement du ministère, en nous appuyant sur la transformation numérique déjà amorcée. Le quotidien des personnels civils et militaires du ministère en sera simplifié.
En matière de cyberdéfense et de renseignement, le budget 2018 consolide les moyens engagés, fortement majorés au cours des années précédentes. De 2014 à 2017, les effectifs dédiés au renseignement et à la cyberdéfense avaient progressé de près de 1 800 emplois ; en 2018, 850 nouveaux postes seront dédiés aux services de renseignement, à l'état-major des armées et à la direction générale de l'armement. Pour la cyberdéfense seule, les effectifs auront presque doublé en cinq ans, pour atteindre fin 2018 un total de plus de 2 200 postes. Les effectifs des services de renseignement seront quant à eux passés de 7 660 en 2013 à 8 200 début 2017 ; ils seront près de 9 000 fin 2018.
Sur le plan organisationnel, la création, en 2017, d'un commandement de la cyberdéfense illustre la volonté du ministère de s'adapter aux défis de demain et de consolider la place accordée au renseignement et à la cyberdéfense. D'ici 2019, l'objectif est de disposer de 2 600 combattants numériques.
Je n'ai pas, dans cet exposé, pu aborder d'autres thèmes centraux pour notre ministère et pour notre société en général, tels que les anciens combattants, le lien armées-Nation ou le projet de service national universel.
Je conclurai en soulignant que la France doit assurer sa défense. Elle doit être autonome. Notre pays doit disposer d'un système d'armée complet et être capable d'intervenir partout où ses intérêts sont menacés. C'est le sens de la hausse du budget que je vous présente. Je ne peux pas pour autant me résoudre à voir, pour la France, un horizon limité à notre périmètre national. Notre avenir passe aussi par l'Europe, par la construction d'une Europe de la défense qui nous rende plus forts à plusieurs, nous aide à innover et à réussir. Nous le devons à nos concitoyens qui attendent que nous préservions les conditions de leur sécurité.