Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit un montant de 2,7 milliards d'euros pour la mission Aide publique au développement, qui regroupe les programmes 209 et 110 respectivement gérés par le ministre chargé des affaires étrangères et celui chargé des finances.
Ceci représente une augmentation d'environ 100 millions d'euros des crédits de paiement, entièrement absorbée par la réévaluation de la contribution de la France au fonds européen de développement (FED).
Les taxes affectées au développement se monteront quant à elles à environ 800 millions d'euros de taxe sur les transactions financières (TTF), comme l'année dernière, et 210 millions d'euros de taxe de solidarité sur les billets d'avion.
À ce propos, je rappelle que la France s'efforce depuis plusieurs années d'aboutir à l'instauration d'une TTF européenne, sous la forme d'une coopération renforcée. Un accord partiel était intervenu entre dix États-membres le 8 décembre 2015. Toutefois, le Gouvernement estime que le Brexit rend nécessaire une réévaluation des effets potentiels de l'instauration d'une telle taxe. Il me semble indispensable que cette évaluation ait lieu au plus vite pour savoir si nous pouvons continuer à avancer dans cette direction, la TTF restant une valeur sûre en matière de financement du développement. Nous avons aujourd'hui, il me semble, assez de recul sur les effets de la TTF française pour pouvoir en tirer des enseignements.
Parmi les crédits de paiement de la mission APD, 850 millions d'euros financent donc le FED. Il faut souligner que les priorités de ce fonds sont en partie les nôtres : il alimente notamment des fonds fiduciaires pour l'Afrique, tel que le « Fonds Bêkou » pour la République centrafricaine ou le « Fonds d'urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière » ; environ 200 millions d'euros permettent de bonifier les prêts de l'AFD ; 290 millions d'euros alimentent les dons faits par cette agence : c'est mieux que l'année dernière mais encore assez modeste au regard des besoins ; près de 600 millions d'euros contribuent aux divers fonds multilatéraux de développement, au premier rang desquels le fonds de développement rattaché à la Banque mondiale et le fonds africain de développement.
Je rappelle que la mission « Aide publique au développement », dont je viens de décrire sommairement la composition, ne représente qu'une partie de notre aide au développement. Il faut en effet y ajouter la comptabilisation, selon certaines règles, des prêts de l'AFD, soit 1,7 milliard d'euros environ. En font également partie plus de 2 milliards de frais d'écolage (études en France des étrangers issus des pays en développement) et d'aide aux réfugiés, bien que ces crédits n'entrent pas à proprement parler dans une politique d'aide au développement au sens traditionnel du terme. À noter que l'aide française aux réfugiés comptabilisée dans l'aide publique au développement passe de 395 millions d'euros en 2012 à 422 millions d'euros en 2016. Enfin, un montant élevé de crédits transite directement de la TTF vers le fonds de solidarité pour le développement (FSD), qui finance des fonds multilatéraux, notamment le « Fonds mondial Sida ».
À cet égard, il faut saluer un effort de transparence puisque les affectations du FSD pour 2018 sont davantage détaillées dans le document de politique transversale « Politique française en faveur du développement », ce qui était indispensable compte tenu du transfert d'une partie significative de notre aide vers ce Fonds.
Au total, notre aide s'élève à 0,38% du revenu national brut (RNB) en 2016, au lieu de 0,37% l'année précédente, ce qui place la France en cinquième position des donneurs en montant, en douzième position en proportion du RNB. Malgré un léger sursaut ces deux dernières années, nous sommes désormais assez loin derrière nos deux principaux partenaires européens, qui ont tous deux dépassé les 0,7% du RNB consacrés à l'aide publique au développement. L'Allemagne et le Royaume-Uni versent ainsi trois fois plus de dons que la France. Il y a bien entendu des raisons budgétaires à cette situation, mais il faut clairement prendre conscience des conséquences du point de vue de notre influence et de notre image à long terme dans le monde.
Voilà pour les grandes tendances financières.
Je voudrais par ailleurs faire deux remarques relatives à nos deux principaux opérateurs dans ce secteur, Expertise France et l'AFD.
Tout d'abord, la rationalisation de notre dispositif d'expertise internationale n'est pas achevée. La Cour des comptes a indiqué cet été dans un référé qu'il était nécessaire d'engager un rapprochement entre Expertise France et le plus gros opérateur résiduel d'expertise non fusionné en 2014, Civipol. Nous verrons la réponse du Premier ministre. Il en est sans doute de même pour l'opérateur d'expertise de la justice et pour plusieurs opérateurs agricoles. Les modalités peuvent toutefois être complexes en fonction des statuts divers de ces opérateurs. Ce sujet suppose donc une réflexion approfondie, avec notamment comme échéance le prochain comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) prévu en février 2018.
Ensuite, je crois qu'il faut réfléchir à la cohérence d'ensemble de notre organisation en matière d'aide au développement. Nous avons d'un côté un opérateur, l'AFD, qui réalise à la fois l'élaboration, le financement et la mise en oeuvre des projets. De l'autre, une politique d'aide au développement qui n'est plus explicitement représentée au Gouvernement. Cette situation est singulière en Europe. En outre, alors qu'on évoque sans cesse la nécessité d'une « Équipe France du développement », la coopération entre l'AFD et Expertise France reste insuffisante. Seule une petite partie des financements de l'agence d'Expertise provient en effet de l'AFD, qui est pourtant sur le papier un de ses financeurs « naturel ». Nos auditions vont se poursuivre sur l'ensemble de ces sujets, notamment sur la question du budget des opérations humanitaires dirigées par le Centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay.
Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais vous soumettre, avant de passer la parole à Marie-Françoise Pérol-Dumont.