Je ne suis pas revenu devant votre commission depuis trois ans, mais j'ai eu l'occasion de revenir au Sénat plusieurs fois depuis lors, au gré des configurations et des auditions des rapporteurs. J'ai aussi pu rencontrer plusieurs parlementaires au niveau local puisque je suis amené par mes fonctions à me rendre dans les quartiers pour mesurer l'état d'avancement du premier PNRU et ce qui reste à accomplir pour aller au bout du message républicain et répondre aux besoins de leurs habitants dans un temps long compte tenu de la complexité des projets mis en oeuvre.
L'Anru n'a effectivement plus de président de son conseil d'administration car les textes posent un principe d'incompatibilité avec un mandat parlementaire et la présidence d'un établissement public. Nous sommes donc dans une phase de désignation d'un successeur, qui devrait être imminente. Pour autant l'Anru continue de fonctionner car cette présidence n'est pas exécutive. En revanche, elle est déterminante pour assurer la relation de partenariat avec l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des élus, de l'État ou des intervenants du logement social.
Lors de mon audition il y a trois ans, l'Anru était à une période charnière ; elle le reste encore car, même si aucune nouvelle opération n'est lancée depuis juin 2015, les projets engagés dans le cadre du premier PNRU continuent de se réaliser -- ce qui représente environ 1,5 milliard d'euros encore à verser. Nous sommes vigilants à ce que ces opérations se poursuivent jusqu'à leur terme.
Mais notre actualité stratégique porte désormais sur le NPNRU, mis en place en février 2014, avec 200 quartiers prioritaires annoncés en décembre 2014 et 250 quartiers régionaux supplémentaires retenus en 2015. Le règlement général de l'Anru a été adopté en 2015 et la phase de contractualisation avec la quasi-totalité des agglomérations est intervenue entre fin 2015 et début 2017. Il s'agit en réalité d'une contractualisation de préfiguration, nécessaire pour construire des projets de qualité, qui débouchera ensuite sur une phase opérationnelle avec la conclusion de conventions pluriannuelles de renouvellement urbain, avec des engagements financiers sur dix ans et des paiements étalés sur quinze ans.
Quelle est la philosophie du NPNRU ? Elle s'inscrit d'abord en continuité de celle du premier PNRU : intervenir de façon globale pour mêler différentes politiques publiques (en matière de logement, d'éducation...) dans un même quartier, en fonction des enjeux qui lui sont propres. Toutefois, le NPNRU présente des inflexions par rapport à ce premier programme, sur la base d'un consensus assez fort des acteurs.
D'une part, il se caractérise par un changement d'échelle. Il est plus long, puisqu'il intervient sur une période de dix à quinze ans. Il s'inscrit dans une dimension territoriale élargie. Le premier PNRU a eu des effets réels sur l'évolution du cadre de vie dans les quartiers. En revanche, il n'a pas conduit à des changements d'ampleur dans la répartition des populations sur un territoire plus large.
Le NPNRU comporte ainsi une stratégie en matière d'habitat qui ne se limite pas au quartier ou à la commune, mais intervient au niveau de l'agglomération. C'est dans ce cadre qu'il entend agir en prenant en considération les besoins de construction, les types (locatif libre, accession, social) et le volume de logements, ainsi que leur emplacement sur le territoire. Ensuite, en termes de développement économique et d'accès à l'emploi, raisonner uniquement au niveau du quartier est très limitatif et comporte des risques d'enfermement. Il faut donc favoriser l'accès à l'emploi y compris hors des quartiers et, à l'inverse, développer l'emploi dans les quartiers pour des personnes qui n'y résident pas. Enfin, s'agissant de la politique de mobilité et de transport, il faut sortir des logiques enclavantes qui résultent parfois de choix d'urbanisme faits il y a plusieurs années, et favoriser le désenclavement par le déploiement des dessertes, notamment des lignes de bus ou de tramways, à l'échelle de l'agglomération.
Tout cela nécessite donc des discussions au niveau intercommunal, quoique le maire reste le premier des interlocuteurs dans le cadre de l'action opérationnelle et de l'action de proximité.
D'autre part, le NPNRU se caractérise par la mise en oeuvre d'une politique de peuplement et d'équilibre territorial. L'offre de logements est un volet essentiel mais la stratégie ne peut pas reposer sur ce seul pilier. Il faut éviter les stratégies non coordonnées ou désarticulées entre les échelons politiques et les différents bailleurs sociaux qui peuvent parfois être au nombre de vingt dans un même quartier, qui peuvent avoir un effet de reconcentration des populations précaires dans les mêmes quartiers, ce qui vient contrecarrer les effets attendus des efforts effectués sur l'offre de logements. Il faut donc travailler sur deux piliers : l'équilibre territorial - sur un temps long - et une stratégie d'attribution intercommunale et inter-bailleurs qui évite la spécialisation du peuplement. On a en effet jusqu'ici conservé une forme de concentration des difficultés dans les quartiers, accentuée par la crise économique, avec tout ce que cela engendre en termes de cohésion sociale et territoriale, voire même de cohésion nationale.
Le législateur nous incite donc à incorporer un certain nombre de politiques publiques, en articulant l'humain et l'urbain, notamment dans le cadre des contrats de ville et c'est ce que nous faisons dans le cadre de la phase de préfiguration.
Nous commençons la phase suivante, avec la signature des premières conventions opérationnelles avec Pau et Rennes au premier semestre 2017, puis Poitiers cette semaine. D'ici à deux ans, l'ensemble des conventions aura été conclu. Nous sommes donc dans une phase cruciale d'arbitrages locaux sur les projets, préalable à la phase de validation au niveau national.
En termes de financement, le premier PNRU a été doté, au total, de 12 milliards d'euros, qui généreront environ 50 milliards d'euros d'investissements dans les quartiers sur une période de quinze ans. Le NPNRU a été doté par la loi Lamy de 5 milliards d'euros qui devraient générer 20 milliards d'investissement tous financeurs confondus, avec un financeur principal - Action logement - et même unique depuis 2009.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, l'État a annoncé sa volonté de revenir dans le financement de l'Anru, à hauteur d'un milliard d'euros supplémentaire, afin d'accompagner un mouvement qui ne concentre pas les prises en charge sur le seul volet logement. Il fallait néanmoins que l'engagement de l'Etat soit confirmé dans la nouvelle configuration politique. Dans le cadre de l'engagement présidentiel de porter de 5 à 10 milliards d'euros le financement du programme, cette première étape d'abondement d'un milliard est confirmée par le projet de loi de finances pour 2018. Cela permet donc d'engager les partenariats pour aller par la suite jusqu'à 10 milliards d'euros.
Les discussions se poursuivent pour « cristalliser » ces engagements et un assez large consensus entre les partenaires se manifeste sur la nécessité de doubler le programme pour être à la hauteur des défis.
Je conclue ainsi cette première série d'observations qui portent sur les fonds dont dispose l'ANRU pour accompagner les porteurs de projets publics et les bailleurs sociaux.
Ma seconde observation - qui intéresse au plus haut point les élus - concerne la capacité d'investissement de ces collectivités et opérateurs puisque l'ANRU n'assure en moyenne que 25 % du financement des projets, ce qui implique l'engagement d'acteurs locaux solides.
La phase de préfiguration dans laquelle nous nous trouvons doit permettre d'y voir plus clair dans ce domaine et nous sommes au service des maîtres d'ouvrages que sont les collectivités et les bailleurs sociaux pour accompagner leur volonté de transformer leurs quartiers et d'y valoriser leur propre patrimoine.
Je précise que cette phase nécessite un certain temps avec, conformément à la volonté du législateur, une participation des citoyens et je suis tout à fait conscient de la complexité des procédures. L'ANRU est là pour faciliter le travail de ses partenaires et nous essayons nous-mêmes de ne pas ajouter de la complexité supplémentaire : cela n'est pas simple étant donné l'accumulation de règles et de contraintes qui s'imposent à l'ANRU.