Ma collègue Laure Darcos et moi-même allons vous présenter ce matin notre avis sur les crédits de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur », qui constitue l'une des plus importantes missions de l'État avec près de 28 milliards d'euros inscrits pour 2018.
Hier, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation nous a présenté en détail les crédits et je n'y reviendrai donc pas pour concentrer mon propos sur mes principales observations.
Je vous rappellerai à titre liminaire, et pour replacer notre débat dans le contexte budgétaire du précédent quinquennat, que les crédits de l'enseignement supérieur ont été relativement préservés depuis 2012. Certaines années « sanctuarisés », ils ont même augmenté en 2013 et 2017 et atteignent, pour 2018, 13,4 milliards d'euros pour les formations et 2,7 milliards d'euros pour la vie étudiante, soit une augmentation d'un peu plus d'1 %. Je note toutefois que la répartition des 718 millions d'euros de crédits supplémentaires est largement plus favorable à la recherche qu'à l'enseignement supérieur qui ne bénéficie, à ce stade, que d'un quart des crédits nouveaux.
L'un des enjeux majeurs de notre enseignement supérieur pour les prochaines années est l'augmentation des effectifs accueillis dans nos établissements Le comité de la Stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) avait évalué le besoin de financement de notre enseignement supérieur à 1 milliard d'euros supplémentaires chaque année d'ici à 2020 afin de tenir compte de ces évolutions démographiques. J'estime quant à moi qu'il ne faut pas tout attendre de l'État et que le modèle économique de notre enseignement supérieur doit évoluer si nous voulons offrir un enseignement supérieur de qualité aux prochaines générations. Car, ne nous leurrons pas, l'État ne sera pas en mesure de consacrer 1 milliard d'euros supplémentaires à l'enseignement supérieur chaque année. Or, nous devons absolument intensifier notre investissement collectif dans ce secteur : la France est en queue de peloton dans l'OCDE en termes de dépenses d'enseignement supérieur rapportées au nombre d'étudiants.
Un budget qui augmente de 1,3 % cette année, c'est donc à la fois insuffisant au regard des enjeux mais reste plutôt une bonne nouvelle dans le contexte budgétaire actuel. Mais si les crédits qui nous sont présentés aujourd'hui augmentent ce n'est pas tant pour absorber la démographie étudiante que pour éponger les mesures prises les années précédentes par le gouvernement Hollande : 61 millions d'euros pour la montée en charge du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), environ 50 millions d'euros pour compenser en 2018 le glissement vieillesse-technicité (GVT), 28 millions d'euros pour l'extension en année pleine des 950 créations d'emplois de 2017, 5 millions d'euros liés à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et aussi des crédits pour la poursuite du plan de relance de l'apprentissage, pour la compensation de la décharge au titre de la formation des maîtres de conférences, ou encore pour la réforme du contrat doctoral.
La compensation intégrale du GVT prévue en 2018 dans le budget des établissements est une mesure courageuse prise par le Gouvernement et je tiens à la saluer. Une compensation partielle avait été budgétée en 2015 mais, depuis, le Gouvernement n'avait plus rien budgété, laissant les établissements faire face à des augmentations de charges salariales imputables à des décisions prises par l'État.
En revanche, je suis inquiet de voir que le Gouvernement, à ce stade, n'a rien prévu au budget 2018 pour compenser les effets induits de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). La ministre nous a annoncé hier que le PPCR serait reporté d'un an mais que le montant nécessaire pour compenser la hausse de la CSG n'est pas encore connu.
Le projet de budget ne comporte pas non plus de dotations pour accompagner les prochaines dévolutions de patrimoine aux universités candidates. Quatre ont fait part de leur volonté de reprendre ce patrimoine mais contrairement aux établissements de la « première vague » elles ne bénéficieront ni d'une dotation de remise à niveau ni d'une dotation récurrente ce qui risque, je le crains, de freiner leurs ambitions et de limiter les cas de dévolutions du patrimoine qui pourtant portent ensuite leurs fruits en termes de meilleure gestion.
Mon dernier sujet d'inquiétude concerne le gel, pour la troisième année consécutive, des droits d'inscription à l'université. Je considère qu'il faudrait les augmenter « raisonnablement » avec, en contrepartie, la mise en place d'un système de bourses sur critères sociaux. Les établissements bénéficieraient ainsi de ressources supplémentaires et cela contribuerait à la motivation des étudiants. Le Gouvernement prend la direction inverse et je le déplore.
S'agissant de la hausse de la démographie étudiante et de la réforme du 1er cycle, rien n'était prévu dans ce budget mais les annonces du Gouvernement de la semaine dernière comblent cette lacune initiale avec l'annonce d' 1 milliard d'euros sur cinq ans, dont 450 millions d'euros au titre du Grand Plan d'investissement et 500 millions d'euros dans les budgets successifs de la MIRES d'ici 2022.
Enfin, je reste inquiet quant à l'enseignement supérieur privé d'intérêt général. Les crédits qui lui sont alloués augmenteront, certes, en 2018 de 1,26 %, mais cela ne doit pas nous faire oublier que l'engagement de l'État a baissé de 17 % au cours du précédent quinquennat, et même de 35 % au regard des effectifs accueillis. N'oublions pas que ces établissements contribuent aussi à la qualité et à la diversité de notre enseignement supérieur !
Mes sujets d'inquiétude sont nombreux mais, soucieux de laisser sa chance à ce Gouvernement et souhaitant qu'il réussisse au profit de nos étudiants et de notre pays tout entier, je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur dans le budget 2018 en attendant de juger le nouveau Gouvernement sur ses résultats.