Nous accueillons Mme Béatrice Khaiat, directrice générale de Campus France. Campus France est un opérateur de l'État, placé sous la double tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministre chargé des affaires étrangères. Campus France est chargé de mettre en place une « chaîne de l'accueil » des étudiants étrangers, allant de la promotion de l'enseignement supérieur français à la gestion de la mobilité et de l'accueil des étudiants étrangers qui choisissent de venir étudier en France. Campus France, ce sont 163 espaces et 92 antennes, intégrés au réseau culturel français dans 115 pays.
Mme Khaiat nous présentera le contrat d'objectifs et de moyens pour les années 2017 à 2020. La loi de 2010, qui a créé Campus France ainsi que l'Institut français et Expertise France, prévoit la transmission de leurs projets de contrats d'objectifs et de moyens aux commissions compétentes de chaque assemblée. Nous disposons de six semaines pour émettre, le cas échéant, un avis sur ce projet de contrat - ce que nous ne manquons jamais de faire. Afin d'éclairer cet avis que nous formulerons la semaine prochaine sur le rapport de notre collègue Claude Kern, rapporteur pour avis des crédits de l'action extérieure de l'État, pouvez-vous nous présenter le bilan du précédent contrat d'objectifs et de moyens et les axes stratégiques du prochain ?
Certains de nos collègues, sénateurs des Français de l'étranger, comme Mme Claudine Lepage, connaissent donc bien le réseau Campus France. C'est également le cas de notre collègue Guy-Dominique Kennel qui est administrateur de Campus France. Lors de chaque déplacement de notre commission à l'étranger, nous veillons à aller voir sur le terrain comment fonctionnent les services de Campus France. Ce fut le cas en 2015 à Rabat et Casablanca au Maroc et, il y a six mois, à Hyderabad, en Inde. À l'Alliance française d'Hyderabad, nous avons assisté à une présentation des formations d'ingénieurs en France à l'attention de jeunes Indiens, venus en nombre et visiblement très intéressés.
Merci beaucoup de votre invitation. Je m'attacherai surtout à vous présenter Campus France et à replacer l'attractivité de la France dans le contexte mondial. Le contrat d'objectifs et de moyens nous satisfait, il y a peu à en dire.
À la fin des années 1990, la France manquait d'un organisme comme le Deutscher Akademischer Austauschdienst (DAAD, office allemand d'échanges universitaires) ou le British Council, c'est pourquoi les ministres Claude Allègre et Hubert Védrine ont décidé, en 1998, de créer un organisme de promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger.
Jusqu'en 2015, le bloc anglo-saxon (États-Unis, Grande-Bretagne) était en tête pour attirer des étudiants ; la France se situait à la troisième place avec 310 000 étudiants étrangers accueillis sur notre territoire, dont la moitié d'Africains, 25 % d'Européens, 18 % d'Asiatiques et 8 à 9 % d'Américains.
Le nombre d'étudiants en mobilité dans le monde double tous les 12 ans : ils étaient 2 millions en 2000, 4 millions en 2012 et on estime qu'ils seront 9 millions en 2025. En 2015, la France est passée en 4e position, dépassée par l'Australie, même si elle reste le premier pays francophone d'accueil. La Russie, 6e, est juste derrière l'Allemagne, 5e : les étudiants des pays de l'ancien bloc soviétique, qui s'étaient détournés de la Russie après la chute de l'URSS, y retournent désormais massivement grâce une politique très attractive de bourses et des campagnes de communication. Ensuite viennent le Canada (7e), le Japon (8e) et la Chine (9e) qui mène une politique d'influence depuis les années 2000. L'objectif de ce plan stratégique, « Le rêve chinois », est que la Chine passe de premier pays d'envoi à premier pays d'accueil des étudiants dans 20 à 30 ans. Les Émirats arabes unis sont passés de la 18e place en 2010 à la 12e place en 2015. L'Arabie saoudite attribue des bourses d'études islamiques, et est ainsi passée de la 29e place en 2010 à la 13e place en 2015 ; la Turquie, passée de la 31e à la 14e place avec 30 000 bourses du même type en 2015, 60 000 bourses en 2016, 90 000 bourses en 2017, etc. L'Ukraine et les Pays-Bas sont également offensifs, avec, dans ce dernier pays, des cours dispensés intégralement en anglais à partir du master pour tous les étudiants.
Face à ces nouveaux concurrents, la France reste dans le peloton de tête mais elle recule. Quelle politique veut-on mener, notamment à l'égard de l'Afrique ? Nous avons des liens anciens avec ce continent et nous devons être présents car nos concurrents y sont également. La comparaison entre les espaces Campus France et les instituts Confucius en Afrique est édifiante, notamment à Dakar. La Turquie mène également une politique d'influence active en Afrique, avec notamment l'implantation d'instituts culturels.
La France est aujourd'hui en concurrence avec des pays qui investissent massivement. Or, en quinze ans, les moyens que la France allouait aux bourses ont été divisés par deux. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit un maintien des sommes allouées aux bourses, mais il faudrait faire beaucoup plus. Les pays anglo-saxons attribuent peu de bourses mais mènent des campagnes de promotion massives réalisées par de grandes agences de communication. La France est au milieu du gué : elle n'a ni les moyens de réaliser des campagnes de communication importantes, ni d'attribuer autant de bourses que ses concurrents - notamment l'Allemagne qui en attribue massivement.
Exemple flagrant, alors que les étudiants tunisiens venaient très majoritairement en France il y a quelques années encore, ils ne sont plus que 50 % actuellement, et se dirigent désormais vers l'Allemagne, qui veut aussi construire une université tuniso-allemande, la Roumanie ou encore l'Espagne. Autre exemple : le Cameroun, pays à la fois anglophone et francophone, où l'Allemagne arrive désormais devant la France, qui n'attire plus que 15 % des étudiants camerounais poursuivant des études à l'étranger.
Campus France est un établissement sous tutelle des ministères des affaires étrangères et de l'enseignement supérieur. Le forum Campus France rassemble tous les types d'établissements d'enseignement supérieur : universités, écoles d'ingénieurs, écoles de commerce, écoles d'art, centres de langues, etc.
Nous faisons de la communication à l'étranger car les étudiants ont le choix de leur lieu d'études et nous devons les convaincre. Nous les aidons à s'inscrire et à se rendre en France, mais cela nécessite une politique de visas plus souple, y compris pour les visas de circulation qui permettent aux étudiants étrangers ayant obtenu un master ou un doctorat en France de garder un lien avec notre pays.
La loi relative au droit des étrangers en France a créé une carte de séjour « Passeport talent », mais il faut appliquer la loi et délivrer effectivement ces cartes de séjour. Vous avez tous connaissance de visas refusés. Menons une politique de délivrance des visas plus ouverte allant dans le sens d'une plus grande attractivité. L'élection de notre Président de la République (et également son initiative « Make Our Planet Great Again ») a donné l'image d'une France ouverte sur le monde, positive, qui attire les étrangers. Poursuivons dans cette voie.
Venons-en au bilan et aux projets de contrats d'objectifs et de moyens ...
Le contrat d'objectifs et de moyens reprend nos grandes missions. Il réaffirme la promotion de l'enseignement supérieur et la recherche ; nous gérons les bourses du Gouvernement français et le contrat nous demande de démarcher davantage les gouvernements étrangers pour qu'ils nous confient des programmes de bourses ainsi que l'accueil de leurs étudiants en France. Un accent est également mis sur le numérique, pour notamment garder contact avec les Alumni, les anciens élèves ayant fait leurs études en France. Campus France a ainsi développé un réseau social de 120 000 Alumni dans 85 pays, animé par les ambassades.
Ce nouveau contrat d'objectifs et de moyens correspond bien à nos activités mais ne fixe pas de nouvelles ambitions. Il ne dit rien sur les moyens ni sur les actions nouvelles, mais est plus simple et plus lisible que le précédent contrat d'objectifs et de moyens, qui comportait beaucoup trop d'indicateurs.
Un contrat d'objectifs et de moyens doit fixer des objectifs et des moyens, c'est son but.
J'ai étudié le contrat d'objectifs et de moyens qui fixe, comme vous l'avez dit des objectifs mais sans précision sur les moyens. C'était aussi le cas pour l'Institut Français. Avez-vous l'assurance que vos deux ministères de tutelle vous accorderont les moyens nécessaires pour exercer vos missions ?
Le ministère des affaires étrangères avait souhaité passer de 48 % (en 2015) à 52 % (en 2017) des bacheliers étrangers dans les lycées français à l'étranger qui poursuivent leurs études supérieures en France. Cet objectif est-il atteint ?
Campus France est présent dans près de 120 pays. Dans un contexte de baisse de crédits publics, vous avez démultiplié votre action en créant de nouveaux outils numériques innovants, comme France Alumni lancé fin 2014, qui met en réseau les étudiants étrangers ayant fait leurs études en France avec les ambassades, les établissements d'enseignement supérieur et les entreprises françaises ; plus de 77 ambassades y ont participé. Où en est le développement de ce réseau social ? Ce service est-il toujours gratuit ou est-il devenu payant ?
Immersion France est une application gratuite mobile téléchargeable pour les étudiants qui veulent étudier le français en France. Plus de 400 offres de formation en langue française y sont proposées. L'application a connu un grand succès dès son lancement. Où en est l'application ? Combien compte-t-elle d'utilisateurs ?
Quels sont les premiers résultats de l'initiative MOPGA (Make Our Planet Great Again) - puisqu'il faut l'appeler ainsi en France ! - lancée par le Président de la République le 8 juin dernier ? A-t-elle vocation à être poursuivie par Campus France ?
Les bourses du Gouvernement français sont un outil central de notre attractivité universitaire - 12 000 étudiants en bénéficient chaque année - mais elles pâtissent de la contrainte budgétaire : les crédits budgétés ont été réduits de 10 % en 10 ans (et les crédits consommés ont connu également une réduction) alors que nos concurrents accroissent leurs efforts. En Allemagne, les bourses pour les étudiants étrangers ont augmenté ces dernières années de 6 % par an. Comment analysez-vous cette situation ?
Soyons clair : je n'ai aucune garantie sur les moyens que m'accorderont les deux ministères. Campus France reçoit chaque année une subvention pour charges de service public de 6 millions d'euros, ce n'est pas assez pour de grosses campagnes de communication. La France distribue 12 000 bourses chaque année, mais l'Arabie saoudite en distribue 77 000, la Turquie 90 000, et l'Allemagne en verse à foison. La France n'a plus les moyens de financer un cursus complet (les bourses sont versées pour une durée de six à douze mois) et pour des montants moindres : en moyenne 700 euros par mois contre 3 000 euros en Arabie saoudite ...
Mais n'oublions pas que la France a une excellente image. Nos études supérieures ont le meilleur rapport qualité-prix au monde. Le fait que les frais universitaires soient largement pris en charge par l'État est un élément d'attractivité, couplé à une politique de recherche excellente qu'atteste le nombre élevé de prix Nobel, médailles Fields, etc... obtenus par les chercheurs français. La qualité de vie, notre culture et notre langue sont également reconnues.
Nous réalisons actuellement une étude avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour connaître le nombre d'élèves des lycées français qui poursuivent leurs études supérieures en France. Nous vous transmettrons cette étude avant la fin de l'année.
Il est intéressant de comparer France Alumni avec l'Alumniportal Deutschland, portail centralisé lancé par le DAAD en septembre 2008, qui compte 155 000 membres. France Alumni, après seulement trois ans d'existence, rassemble déjà 121 000 membres, et est décliné pays par pays car il nous a semblé important que les ambassades conservent un lien avec les anciens étudiants revenus dans leur pays. Cette initiative associe l'ambassade, les établissements d'enseignement supérieur, les entreprises françaises ou du pays, et les Alumni. Les plateformes France Alumni sont très dynamiques, notamment au Maroc et en Chine. Actuellement 86 sites sont ouverts, il y en aura 90 avant la fin de l'année.
Immersion France, autre application, doit donner envie aux étudiants étrangers de venir étudier en France ou, ne serait-ce que de découvrir tout simplement le français dans un cours d'été, couplé avec du sport ou une autre activité.
Oui, car il faut atteindre un seuil critique pour pouvoir faire payer une entreprise mettant en ligne une annonce pour un recrutement. Nous disposons d'un vivier de 121 000 membres, nous attendons le seuil de 150 000 membres avant de faire payer le service.
Immersion France rassemble près de 500 offres de promotion pour les centres de français langue étrangère. L'application, disponible sur Android et sur IPhone, connait un grand succès.
L'initiative MOPGA a été pour nous une formidable campagne de communication gratuite. À peine lancée, nous avons reçu sur le site près de 11 000 messages venant d'étudiants, de chercheurs, d'entrepreneurs et d'organisations non-gouvernementales. Campus France, chargé de répondre aux étudiants et aux chercheurs, a envoyé un message plus détaillé à 5 622 chercheurs ou étudiants, qui ont donné lieu au renvoi de 1 822 projets personnels détaillés, principalement sur le thème de l'énergie. Deux tiers des étudiants et des chercheurs étaient Américains et plus d'une centaine d'entre eux issus d'universités prestigieuses comme le MIT (Massachusetts Institute of Technology) ou l'université d'Harvard. En définitive, 500 personnes ont déposé leur candidature pour des études en France, dont 320 Américains, et seront personnellement recontactés. Nous avons aussi 484 candidats à doctorat, dont 307 Américains, et beaucoup en sciences exactes. Par comparaison, la France ne compte actuellement que 220 doctorants américains, et principalement en sciences sociales. Le CNRS va gérer 400 projets dont 220 américains pour des longs séjours de recherche, 237 candidatures pour un post-doctorat dont 121 américains, 86 demandes de collaboration avec un laboratoire français et 92 demandes de court séjour de recherche. Campus France continuera à accompagner cette initiative très positive. Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation nous ont octroyé 1,5 million d'euros supplémentaires par rapport aux 30 millions déjà prévus pour accompagner ces étudiants, répartis sur trois pays : 1,25 million d'euros pour les États-Unis, 125 000 euros pour l'Inde et 125 000 euros pour la Grande-Bretagne.
Trois pays ou continents doivent avoir une place particulière dans notre politique d'accueil : la Chine (car les Chinois sont le deuxième contingent d'étudiants étrangers en France après les Marocains, mais seuls 10 000 visas sont octroyés chaque année, contre 90 000 visas accordés en Grande-Bretagne), l'Inde (qui nous envoie 4 000 étudiants par an, un chiffre qui a doublé récemment mais qui reste largement inférieur aux 13 000 étudiants indiens accueillis en Allemagne) et enfin l'Afrique.
Lors d'un long entretien durant notre voyage, le ministre indien de l'éducation nous a confirmé le fort intérêt de son pays pour la France après l'élection de Donald Trump et le Brexit. Mais l'Inde était en attente de la signature par la France d'un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes. J'ai écrit en ce sens à Thierry Mandon et ai renouvelé ma demande auprès de Frédérique Vidal.
Cet accord n'est malheureusement pas encore signé.
Le Brexit est-il une opportunité pour l'attractivité de la France auprès des étudiants étrangers ? Si oui, lesquels ? Par ailleurs, nous savons tous que certaines filières universitaires sont actuellement « en tension » compte tenu de l'afflux d'étudiants français : comment dans ce contexte accueillir plus d'étudiants étrangers dans de bonnes conditions d'études ?
Le Brexit et l'élection de Donald Trump ouvrent sans conteste des opportunités pour la France. Après l'élection américaine, Campus France a été immédiatement reçu par l'ambassadeur du Mexique en France : son pays réoriente ses programmes de bourses massivement vers la France. Quant au Brexit, il constitue une opportunité pour notre pays surtout vis-à-vis des Indiens.
Je profite de cette occasion pour rappeler que les espaces Campus France sont présents partout dans le monde, sauf en Grande-Bretagne, où notre bureau, qui se trouvait au sein de l'Institut français de Londres, a été fermé il y a quelques années. Il est indispensable que nous rouvrions un espace Campus France dans ce pays.
Les filières sous tension le sont surtout pour la première année de licence. Or les étudiants étrangers arrivent souvent en troisième année de licence, en master ou en doctorat. Les demandes sont donc différentes.
À cet égard, il est important de promouvoir les doctorats en France, dont le nombre est en baisse, tant chez les étudiants français que chez les étudiants étrangers en France : il y a donc de la place pour les étudiants étrangers, d'autant plus que la France veut aussi envoyer de plus en plus d'étudiants français à l'étranger.
Merci de votre présentation qui replace Campus France dans un contexte mondial éminemment concurrentiel. L'ambassade de France au Mexique est également très sollicitée pour mettre en place des programmes de double certification France-Mexique. C'est une opportunité très intéressante à la suite de l'élection de Donald Trump.
Nous sommes prêts à soutenir les objectifs de votre contrat d'objectifs et de moyens, mais c'est difficile lorsqu'on ne connait pas les moyens alloués ...
Sénatrice des Français de l'étranger, j'ai pu visiter de nombreux bureaux de Campus France, à certaines saisons remplis d'étudiants se faisant conseiller. Savez-vous quel pourcentage de ces étudiants part effectivement étudier en France ? Le cas échéant, pour quelles raisons ne viennent-ils pas ? Est-ce un projet insuffisamment étayé, un refus des universités françaises, un refus de visa ?
Le chiffre de 121 000 membres de France Alumni après seulement quelques années d'expérience est très encourageant.
Où en est le projet de suivi plus spécifique par Campus France des étudiants venus en France ? Quel est leur taux de réussite dans leurs études en France et leur devenir après leurs études ?
Très souvent, les étudiants étrangers présentent un dossier dès le baccalauréat obtenu mais nous ne les acceptons pas en premier cycle universitaire. Cela a t-il un rapport avec les filières sous tensions ? La réforme prévue pour l'entrée à l'université aura-t-elle un impact sur l'action de Campus France ?
Merci pour cette présentation qui me laisse perplexe. Malgré vos ambitions, les moyens ne sont pas à la hauteur. À partir d'un cas concret, celui des archéologues syriens, vous verrez les difficultés à accueillir des scientifiques étrangers. Le monde entier s'est ému du dynamitage du temple de Bêl à Palmyre mais pas de la disparition d'une profession entière ... Arrivés en France, accueillis sans visas, sans logement, dans des conditions lamentables, ces scientifiques ont été reçus par la seule bonne volonté de certains professeurs et universités. Or, ils sont la condition même de la reconstruction des sites du patrimoine syrien. Il a manqué une coordination des ministères de l'enseignement supérieur et de la recherche, de l'intérieur, des universités et des bailleurs sociaux et ce bricolage a été catastrophique. Nos collègues sont venus en France car notre pays conserve une bonne image, construite depuis cinquante ans. Mais si nous n'arrivons pas à les accueillir correctement, d'autres prendront notre place, notamment l'Allemagne. Il faudrait que Campus France fasse le lien entre ces deux ministères. En tant qu'élu, je suis moi-même allé chercher des visas ou des logements pour ces archéologues ! Organiser un colloque avec des scientifiques venant du Proche-Orient est désormais quasiment impossible compte tenu des difficultés à obtenir des visas.
Certains pays ont une politique agressive pour attribuer des bourses à des étudiants étrangers venant dans leur pays mais aussi pour des étudiants français travaillant en France sur des sujets qui les intéressent ...
Ainsi, de nombreux travaux sur le génocide arménien sont financés, mais pas par l'Arménie...
J'ai rencontré des étudiants anglais à Londres qui s'inquiétaient des conséquences du Brexit sur leurs études, alors que le Parlement ne débattait que des conséquences économiques. Ces étudiants voulaient poursuivre leurs études à l'étranger et je les ai renvoyés vers Campus France.
Avez-vous recensé la part d'hommes et de femmes parmi les étudiants et selon les pays ? Il y a probablement une majorité d'hommes parmi les étudiants indiens ...
Les chiffres de l'explosion de la mobilité internationale sont éloquents. C'est à nous, qui votons le budget, d'apporter la garantie à Mme Khaiat qu'elle disposera de moyens suffisants. Nous allons, dans les prochains jours, nous prononcer sur le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et celui du ministère des affaires étrangères. Utilisons notre pouvoir de donner un avis pour alerter sur cette situation et demandons une vision à long terme - et non une année après l'autre - même si cet avis n'aura probablement pas d'incidence sur le budget de cette année ...
Nous assumerons toujours nos responsabilités. J'ai fait inscrire à l'ordre du jour un débat sur l'avenir de l'Institut français, à la suite des réserves que nous avons émises sur ses moyens lors de l'examen du projet de COM de cet établissement, l'hiver dernier.
Quelle part représentent les étudiants étrangers francophones parmi tous ceux venant en France ? Le fait de ne pas parler français constitue-t-il un obstacle à des études en France ?
Une de nos études montre que, dans le monde, les trois quarts des étudiants anglophones se dirigent vers des pays anglophones pour leurs études à l'étranger, alors que seulement 55 % des étudiants francophones qui se dirigent vers la France : il y a donc une forte déperdition de ces étudiants.
Depuis la « loi Fioraso », Campus France recense près de 1 400 programmes en anglais (ou à la fois en anglais et en français) mais n'oublions pas que l'objectif est aussi que les étudiants étrangers apprennent le français lors de leur séjour. Mais en Grande-Bretagne, un étudiant anglophone peut obtenir un master en anglais en un an, alors que pour étudier en France, il faut d'abord étudier le français durant un an, puis faire deux ans de master. Or les étudiants asiatiques sont dans une logique d'efficacité tournée vers leur insertion professionnelle. Nous devons continuer à développer des cursus en anglais pour ces étudiants asiatiques, sur le modèle de ce que font les Pays-Bas et l'Allemagne.
Nous avons réalisé une étude sur le genre et la mobilité en France : l'étudiant type venant en France est à 55 % une fille, venant souvent d'Asie - Chine, Japon, Corée - ou d'Amérique, et qui étudie les sciences sociales. Je vous ferai parvenir les chiffres sur les étudiants indiens. Et on remarque que le Brésil envoie désormais plus d'étudiantes faisant des études d'ingénieur.
Selon une étude, les 300 000 étudiants étrangers en France rapportent chaque année 5 milliards d'euros à la France. Si l'on en retranche le coût de l'enseignement supérieur, il reste tout de même un solde de net de 2 milliards d'euros pour notre économie, sans compter l'effet important d'animation du territoire.
La politique d'attractivité se joue dès le lycée : en Chine, les parents veulent tellement être sûrs que leurs enfants étudient à l'étranger qu'ils les envoient dès la seconde, la première ou la terminale. La Suisse, les États-Unis ou la Grande-Bretagne mènent une politique de développement des internats, alors que la France n'a qu'un seul internat pour des lycéens étrangers, l'École des Roches, qui vient d'être rachetée par un groupe de Dubaï. Vous êtes des élus territoriaux, sachez qu'il y a là un marché à développer ...
Mieux connaître le devenir des étudiants est aussi l'un des objectifs de l'outil France Alumni. La francophonie s'entretient, gardons le lien avec ces personnes ayant souvent des positions importantes en rentrant dans leur pays après des études en France.
Un programme « Élysée » a attribué exceptionnellement 7 millions d'euros pour trois ans pour les étudiants syriens mais ce montant est faible comparé aux 50 millions d'euros par an attribués par l'Allemagne pour les Syriens ...
Ma collègue Laure Darcos et moi-même allons vous présenter ce matin notre avis sur les crédits de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur », qui constitue l'une des plus importantes missions de l'État avec près de 28 milliards d'euros inscrits pour 2018.
Hier, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation nous a présenté en détail les crédits et je n'y reviendrai donc pas pour concentrer mon propos sur mes principales observations.
Je vous rappellerai à titre liminaire, et pour replacer notre débat dans le contexte budgétaire du précédent quinquennat, que les crédits de l'enseignement supérieur ont été relativement préservés depuis 2012. Certaines années « sanctuarisés », ils ont même augmenté en 2013 et 2017 et atteignent, pour 2018, 13,4 milliards d'euros pour les formations et 2,7 milliards d'euros pour la vie étudiante, soit une augmentation d'un peu plus d'1 %. Je note toutefois que la répartition des 718 millions d'euros de crédits supplémentaires est largement plus favorable à la recherche qu'à l'enseignement supérieur qui ne bénéficie, à ce stade, que d'un quart des crédits nouveaux.
L'un des enjeux majeurs de notre enseignement supérieur pour les prochaines années est l'augmentation des effectifs accueillis dans nos établissements Le comité de la Stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) avait évalué le besoin de financement de notre enseignement supérieur à 1 milliard d'euros supplémentaires chaque année d'ici à 2020 afin de tenir compte de ces évolutions démographiques. J'estime quant à moi qu'il ne faut pas tout attendre de l'État et que le modèle économique de notre enseignement supérieur doit évoluer si nous voulons offrir un enseignement supérieur de qualité aux prochaines générations. Car, ne nous leurrons pas, l'État ne sera pas en mesure de consacrer 1 milliard d'euros supplémentaires à l'enseignement supérieur chaque année. Or, nous devons absolument intensifier notre investissement collectif dans ce secteur : la France est en queue de peloton dans l'OCDE en termes de dépenses d'enseignement supérieur rapportées au nombre d'étudiants.
Un budget qui augmente de 1,3 % cette année, c'est donc à la fois insuffisant au regard des enjeux mais reste plutôt une bonne nouvelle dans le contexte budgétaire actuel. Mais si les crédits qui nous sont présentés aujourd'hui augmentent ce n'est pas tant pour absorber la démographie étudiante que pour éponger les mesures prises les années précédentes par le gouvernement Hollande : 61 millions d'euros pour la montée en charge du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), environ 50 millions d'euros pour compenser en 2018 le glissement vieillesse-technicité (GVT), 28 millions d'euros pour l'extension en année pleine des 950 créations d'emplois de 2017, 5 millions d'euros liés à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et aussi des crédits pour la poursuite du plan de relance de l'apprentissage, pour la compensation de la décharge au titre de la formation des maîtres de conférences, ou encore pour la réforme du contrat doctoral.
La compensation intégrale du GVT prévue en 2018 dans le budget des établissements est une mesure courageuse prise par le Gouvernement et je tiens à la saluer. Une compensation partielle avait été budgétée en 2015 mais, depuis, le Gouvernement n'avait plus rien budgété, laissant les établissements faire face à des augmentations de charges salariales imputables à des décisions prises par l'État.
En revanche, je suis inquiet de voir que le Gouvernement, à ce stade, n'a rien prévu au budget 2018 pour compenser les effets induits de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG). La ministre nous a annoncé hier que le PPCR serait reporté d'un an mais que le montant nécessaire pour compenser la hausse de la CSG n'est pas encore connu.
Le projet de budget ne comporte pas non plus de dotations pour accompagner les prochaines dévolutions de patrimoine aux universités candidates. Quatre ont fait part de leur volonté de reprendre ce patrimoine mais contrairement aux établissements de la « première vague » elles ne bénéficieront ni d'une dotation de remise à niveau ni d'une dotation récurrente ce qui risque, je le crains, de freiner leurs ambitions et de limiter les cas de dévolutions du patrimoine qui pourtant portent ensuite leurs fruits en termes de meilleure gestion.
Mon dernier sujet d'inquiétude concerne le gel, pour la troisième année consécutive, des droits d'inscription à l'université. Je considère qu'il faudrait les augmenter « raisonnablement » avec, en contrepartie, la mise en place d'un système de bourses sur critères sociaux. Les établissements bénéficieraient ainsi de ressources supplémentaires et cela contribuerait à la motivation des étudiants. Le Gouvernement prend la direction inverse et je le déplore.
S'agissant de la hausse de la démographie étudiante et de la réforme du 1er cycle, rien n'était prévu dans ce budget mais les annonces du Gouvernement de la semaine dernière comblent cette lacune initiale avec l'annonce d' 1 milliard d'euros sur cinq ans, dont 450 millions d'euros au titre du Grand Plan d'investissement et 500 millions d'euros dans les budgets successifs de la MIRES d'ici 2022.
Enfin, je reste inquiet quant à l'enseignement supérieur privé d'intérêt général. Les crédits qui lui sont alloués augmenteront, certes, en 2018 de 1,26 %, mais cela ne doit pas nous faire oublier que l'engagement de l'État a baissé de 17 % au cours du précédent quinquennat, et même de 35 % au regard des effectifs accueillis. N'oublions pas que ces établissements contribuent aussi à la qualité et à la diversité de notre enseignement supérieur !
Mes sujets d'inquiétude sont nombreux mais, soucieux de laisser sa chance à ce Gouvernement et souhaitant qu'il réussisse au profit de nos étudiants et de notre pays tout entier, je vous propose néanmoins d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur dans le budget 2018 en attendant de juger le nouveau Gouvernement sur ses résultats.
Les crédits consacrés à la recherche sont répartis dans sept programmes qui dépendent de cinq ministères différents. Dans le projet de loi de finances pour 2018, ils s'élèvent à 11,49 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 11,55 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse respectivement de 3,6 % pour les autorisations d'engagement et de 4,6 % pour les crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2017. En tenant compte des crédits de recherche du programme 150 « formations supérieures et recherche universitaire », qui s'élèvent à près de 3,9 milliards d'euros en AE et en CP, le budget de la recherche s'élève en réalité à plus de 15 milliards d'euros.
Quelles sont les grandes lignes de ce premier budget de ce nouveau quinquennat ?
En dépit du renouvèlement de l'exécutif, ce budget ne constitue pas une rupture par rapport à la politique initiée par l'ancien Secrétaire d'Etat à la recherche, Thierry Mandon, avec ses forces et ses limites.
Parmi les points positifs, il faut noter le souci d'une réelle sincérité budgétaire et l'augmentation des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR).
La Cour des comptes a critiqué la sous-budgétisation chronique de la contribution de la France aux organisations internationales scientifiques et aux très grandes infrastructures de recherche, alors même qu'il s'agit de dépenses obligatoires, gérées par des accords internationaux. L'actuel Gouvernement s'est engagé à mettre fin à ces pratiques. Concrètement, les crédits liés à la contribution de la France aux organisations internationales augmentent ainsi de 150 millions d'euros en CP. Cette démarche avait été entamée partiellement l'année dernière. Elle est pleinement appliquée dans le projet de loi de finances pour 2018.
De même, la hausse importante de la contribution de la France au développement des satellites de météorologie EUMETSAT (+ 25,2 millions d'euros par rapport à 2017 pour atteindre 83,3 millions d'euros) et à l'agence spatiale européenne ESA (+ 132 millions d'euros par rapport à 2017 pour atteindre 965 millions d'euros) constitue un signe fort en direction de nos partenaires européens et témoigne de la priorité accordée par la France à une politique spatiale d'envergure.
Le principe de sincérité budgétaire est également appliqué aux grandes infrastructures nationales de recherche qui bénéficient de 8,1 millions d'euros supplémentaires ainsi qu'aux mesures « Fonction publique » adoptées en fin de législature par le précédent gouvernement. 44,9 millions d'euros supplémentaires y sont consacrés, même si ce montant pourrait évoluer à la baisse en raison du report de certaines mesures pour 2019. Les arbitrages sont en cours de discussion.
Autre mesure phare : la poursuite de l'augmentation des crédits d'intervention de l'ANR qui s'élèveront en 2018 à 706 millions d'euros en AE et 743 millions d'euros en CP.
Je rappelle que ces crédits étaient tombés à 515 millions d'euros en 2015 et 2016, avec pour corollaire un taux de sélection des projets qui avait chuté à 9,5 %, remettant en cause l'utilité de l'ANR aux yeux des chercheurs. Si on ajoute à cette diminution drastique des crédits des modalités de sélection complexes, souvent défavorables à la sélection des projets de recherche les plus innovants et une gouvernance contestée, on comprend mieux la crise de confiance qui régnait entre l'ANR et la communauté scientifique.
Le Gouvernement semble avoir pris conscience de la gravité de la situation. Le taux de sélection devrait désormais atteindre 13 % en 2018 pour les appels à projet génériques. En outre, les réformes entreprises pour simplifier et clarifier le processus des appels à projets ainsi que la nomination prochaine d'un nouveau président à la tête de l'ANR permettront de lui donner une nouvelle impulsion. Il sera néanmoins nécessaire de poursuivre l'augmentation de son budget pour atteindre le taux de 20 % défendu par la communauté scientifique, qui correspond au taux appliqué globalement par les agences de recherche étrangères.
Au-delà de ces éléments positifs, on peut s'inquiéter de la diminution constante de la subvention en investissement accordée à Universcience par le ministère de la culture à travers le programme 186. En 2018, celle-ci diminuera encore de 5 millions d'euros pour atteindre 3,1 millions d'euros, alors que parallèlement 23,4 millions d'euros d'investissements sont prévus pour faire face à un grand nombre d'opérations d'entretien courant en raison du vieillissement des bâtiments d'Universcience. Le fonds de roulement sera donc de nouveau sollicité, mais cette pratique n'est pas viable à long terme.
Plus généralement, on peut regretter que les crédits proposés pour 2018 ne permettent pas de remédier à l'érosion constante des budgets des opérateurs de recherche. Alors que les subventions pour charge de service public stagnent, voire baissent, les opérateurs de recherche sont confrontés à l'augmentation croissante de leurs dépenses de personnel liée notamment au glissement vieillesse-technicité (GVT). Pour faire face à cet effet ciseaux, les opérateurs de recherche ont réduit le nombre de leurs agents depuis une dizaine d'années. Pour autant, leur marge de manoeuvre ne s'est pas améliorée, les contraignant à diminuer constamment leur budget de fonctionnement et d'investissement. Ainsi, en dépit d'une diminution de 9 % du personnel scientifique à l'INRIA depuis 2013, la subvention disponible pour l'établissement hors masse salariale accuse une baisse de plus de 20 % depuis 2010. Cette forte contrainte budgétaire ne permet pas aux établissements de dégager les financements nécessaires à leurs équipes pour développer des projets de recherche autonomes d'envergure.
Certes, le développement des financements sur appels à projets - par le biais de l'ANR, de l'Europe, des crédits du Programme d'investissements d'avenir (PIA) ou des contrats avec les entreprises ou les collectivités locales - compense en partie cette situation. Toutefois, l'activité de recherche des organismes reste très dépendante du montant de la subvention pour charges de service public, qui représente entre 70 et 85 % du budget selon les organismes et reste très stable dans le temps.
Les opérateurs de recherche souffrent également du fait que les ressources contractuelles ne financent les projets qu'à leur coût marginal. Concrètement, ne sont inclus que les moyens complémentaires nécessaires à la réalisation du projet. Les coûts indirects (comme les coûts de fonctionnement et de structure, ou l'amortissement des investissements) ne sont pris que partiellement en compte. La restauration d'un bon équilibre entre financement de base et financement sur projets nécessiterait une prise en compte du coût complet des projets financés sur appels d'offres compétitifs, incluant les coûts directs et indirects.
Autre limite des ressources contractuelles : elles sont aléatoires. Or, les grandes avancées scientifiques sont souvent le résultat de stratégies de recherche de longue haleine qui ont bénéficié de financements récurrents sur une longue période. Les ressources contractuelles peuvent efficacement soutenir un projet de recherche en renforçant les moyens d'action du laboratoire. Toutefois, elles ne peuvent se substituer aux dotations de base et restent complémentaires.
En ce début de quinquennat, quelles sont donc les attentes en matière de recherche vis-à-vis du nouveau Gouvernement?
Interrogés sur ce sujet, les opérateurs de recherche sont unanimes et réclament tous une meilleure visibilité à moyen terme. Plusieurs d'entre eux ont utilisé le terme de « contrat de confiance sur plusieurs années ». Afin d'assurer une recherche de bonne qualité, les opérateurs ont besoin de connaître les montants financiers dont ils disposeront sur une période de trois à cinq ans afin de pouvoir calibrer leurs actions et leurs investissements en conséquence. Tel devrait être le rôle des contrats d'objectifs et de performance (COP) signés entre les organismes de recherche et l'Etat. Ce n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui. Si le projet de loi de programmation pour la recherche publique, préconisé par mon collègue Michel Berson, a été abandonné, il semblerait néanmoins que la nouvelle ministre chargée de la Recherche, Madame Frédérique Vidal, défende cette nécessité d'une visibilité à cinq ans. Il faudra désormais s'assurer que cette volonté trouve une application concrète. Le futur contrat d'objectif et de performance que devrait signer l'Etat avec le CNRS pour la période 2019-2024 pourrait servir de test avec la mise en place d'une véritable contractualisation des objectifs et des moyens entre l'opérateur de recherche et sa tutelle.
Les organismes auditionnés se sont également prononcés pour une clarification des choix stratégiques de l'Etat en matière de recherche. En effet, l'Etat renonce trop souvent à son rôle de stratège, comme en témoigne le résultat en demi-teinte du Plateau de Saclay. Forte de ses deux universités, de ses neuf écoles et de sept organismes de recherche, la Communauté d'Universités et Établissements (COMUE) Paris-Saclay, créée en janvier 2015, devait devenir un « cluster » scientifique et technologique de rang mondial, avec près de 20 000 chercheurs, plus de 30 000 étudiants et 9 000 doctorants, stagiaires et post-doctorants. Pourtant, les problèmes de gouvernance entre Polytechnique et la COMUE ont fait échouer ce projet. Il y a une semaine, le président de la République a pris une décision pragmatique en actant la constitution de deux pôles, l'un autour de l'Université Paris-Sud, l'autre de Polytechnique, et nous sommes nombreux à toujours espérer l'émergence d'un nouvel acteur mondial intégrant recherche, enseignement supérieur et innovation, capable de figurer dans les premières places du classement de Shanghaï.
Dans d'autres cas, l'Etat assume son rôle de stratège, mais il n'en tire pas les conséquences au niveau financier. C'est ainsi que l'INSERM a été chargé par l'ancien gouvernement de plusieurs projets tel que le lancement du consortium REACTing pour coordonner la recherche en cas d'émergence infectieuse, le pilotage du plan France Médecine Génomique 2025, ou encore la mise en place d'une infrastructure de service au bénéfice de la communauté de recherche dans le cadre du Système national des Données de Santé (SNDS) pour ne citer que ces trois projets. Ces programmes ont été annoncés à grand renfort de communication mais leur financement n'a pas été assuré et a dû être pris en charge par l'INSERM à travers le redéploiement de ses propres ressources. Les arbitrages pour 2018 n'ont pas encore été rendus, mais il serait très regrettable que l'Etat ne respecte pas ses engagements.
Pour assumer pleinement son rôle de stratège, l'Etat doit au préalable répondre à la question suivante : quelle recherche pour quelle France ? Avec une dépense de recherche et développement de la France représentant 2,24 % du PIB, notre pays n'a jamais atteint l'objectif de la stratégie de Lisbonne de 2000, qui fixait ce taux à 3 % du PIB. Les moyens pour y parvenir sont connus : investir davantage dans la recherche publique, mais également encourager le développement de la recherche privée. Aucun gouvernement toutes majorités confondues n'y est parvenu. Au cours de la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron s'y est engagé. Nous observerons donc avec attention l'action de l'actuel Gouvernement et ses résultats dans ce domaine. D'ores et déjà, une piste devrait être privilégiée : renforcer davantage les Instituts Carnot qui assurent avec efficacité le lien entre recherche et innovation et incitent les entreprises, et notamment les PME, à investir dans la recherche.
Une autre action doit être menée en parallèle, à savoir la définition de priorités claires en matière de recherche. C'est ce qui explique le succès de l'Espagne et du Royaume-Uni dans le cadre des appels à projet européens ou encore le rayonnement de la recherche du Royaume-Uni ou des Pays-Bas au niveau international, alors même que ces pays investissent proportionnellement moins d'argent dans la recherche que notre pays. C'est un chantier délicat, mais indispensable, auquel le Gouvernement semble vouloir s'attaquer. Nous verrons si, au-delà du constat partagé, les actes suivront.
En conclusion, vous l'aurez compris, je proposerai d'émettre un avis favorable sur les crédits de la mission « recherche et enseignement supérieur ». Compte tenu des contraintes budgétaires fortes, je salue les réels efforts de sincérité du Gouvernement. J'aurais également souhaité que celui-ci nous présente dès cette année sa stratégie en matière de recherche sur le quinquennat. Toutefois, j'ai conscience que depuis sa prise de fonction, la ministre a dû consacrer la plupart de son temps et de son énergie à l'enseignement supérieur. Pour autant, les discussions que j'ai menées avec son cabinet laissent penser qu'une vraie réflexion est à l'oeuvre sur la recherche, dans un double souci d'efficacité de la recherche et de visibilité par rapport à la communauté scientifique, notamment au regard de la précarité qui touche de nombreux scientifiques.
Je vous rappelle que c'est à la commission des finances, saisie au fond du projet de loi de finances, qu'il appartient d'adopter ou de rejeter les crédits. Nous devons juste émettre un avis à leur sujet. Et nos deux rapporteurs vous proposent de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Notre groupe donnera bien entendu un avis favorable à ces crédits. Je voudrai revenir sur la rationalisation et la consolidation des moyens qui sont mis à la disposition de la recherche. J'ai été rapporteur sur le programme-cadre pour la recherche et l'innovation « Horizon 2020 » et, dans le cadre de mes entretiens, j'avais noté un phénomène gênant : la politique dynamique du président Sarkozy en direction de l'ANR a détourné nos centres de recherche des financements européens pour la recherche. Mener de front des dossiers sur le plan national et sur le plan européen est compliqué. Et la France, jusqu'en 2014, sous-utilisait le potentiel représenté par les financements européens. Durant ces trois dernières années, la France a fait de gros efforts et a obtenu plus de financements européens. Du coup, les centres de recherche concourent moins sur les appels à projets nationaux. A l'inverse le modèle britannique, toujours très pragmatique, me semble très intéressant. Les centres de recherche sont incités à concourir au niveau européen et les premiers projets non retenus mais dont l'excellence a été reconnu sont systématiquement réorientés vers les appels à projets nationaux. C'est extrêmement intéressant car les centres de recherche n'ont qu'un seul dossier à constituer. Ils privilégient l'argent auxquels ils ont droit au niveau européen avant de se tourner vers le budget national. Cela me semble être une bonne approche.
La décision que proposent les rapporteurs me semble raisonnable et de bon sens. Je souhaiterais insister sur l'insertion professionnelle des jeunes qui doit constituer une véritable priorité. Les universités doivent se remettre en question et en finir avec les formations qui n'aboutissent sur aucun débouché. Elles doivent tenir compte du marché du travail et je regrette l'insuffisance de lien entre le monde universitaire et le monde socio-professionnel. Une réflexion sur les filières pourrait être une source d'économie. Certains dispositifs comme les salons, les portes ouvertes, les stages sont à développer. Cela m'amène à poser la question des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE) qui sont partie intégrante des universités et la façon de valoriser la profession d'enseignant. Y-a-t-il une stratégie pour réorienter les étudiants vers les filières en manque d'effectifs et éviter les effets de mode ?
Il est un peu singulier que votre avis soit en contradiction avec vos propos. Nous pouvons cependant comprendre vos positons sur la recherche. Concernant l'enseignement supérieur, nous partageons les réserves émises et certaines de vos observations sauf celle sur le gel des droits d'inscription des étudiants. Il n'est pas possible de régler la question des droits universitaires dans le cadre d'une loi de finances, mais au regard d'une prochaine grande réforme.
Nous avons particulièrement apprécié l'audition de Mme Frédérique Vidal dont les réponses nous ont apporté des éclaircissements précis. Mais sur l'adéquation des moyens et des ambitions, je constate qu'ils ne sont pas à la hauteur dans les filières en tension. Enfin, il reste de grandes interrogations sur la dévolution des locaux. Concernant la recherche, le budget est en augmentation et nous partageons les interrogations émises par notre collègue. Sur l'intelligence artificielle, les moyens ne sont pas là. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra.
Je vous remercie pour vos rapports très détaillés. Notre groupe partage l'essentiel de vos critiques.
Concernant l'université, l'augmentation de la population estudiantine est sans précédent et le projet de budget ne permet pas de l'accompagner. L'autonomie des universités, que vous avez voulue, permet au Gouvernement de reporter la gestion de la pénurie sur les universités dans un contexte où les moyens nationaux ne permettent pas de satisfaire la demande estudiantine. Cela n'est pas honnête !
Sur le budget de la recherche, la baisse des crédits consacrés à l'emploi scientifique envoie un autre signal négatif. Les nombreux départs de chercheurs ne sont pas intégralement remplacés. C'est un signal catastrophique envoyé aux doctorants. Il y a un désaccord logique entre le bilan que vous avez dressé et que nous partageons, et l'avis que vous formulez, qui aurait dû être négatif. Mais vous partagez l'objectif du Gouvernement sur la baisse de la dépense publique. L'augmentation de la population estudiantine est une chance pour la France et si nous voulons nous en sortir à l'échelle européenne, nous devons investir davantage dans l'économie de la connaissance et donc consacrer des moyens publics à la recherche. Pour ces raisons, notre groupe donnera un avis défavorable à l'adoption des crédits.
Je souhaite revenir sur l'entrée en université et me réjouir que les ministres, puisque c'est à la fois celui de l'enseignement scolaire et celui de l'enseignement supérieur, aient décidé de s'emparer de ce sujet. Quelles sont les pistes d'actions qui ont été évoquées et surtout quels moyens sont inscrits au budget dans cette perspective ?
Les deux rapporteurs nous ont présenté des rapports simples et tout à fait compréhensibles. Nous irons dans le même sens qu'eux, avec un vote favorable sur ces deux rapports. Les contrats d'objectifs et de performances sont nécessaires car comment peut-on imaginer des programmes de recherche sans visibilité ? Même une échéance à cinq ans pour la recherche paraît courte. Le temps de la recherche n'a rien à voir avec « notre » temps budgétaire. Il faut véritablement revoir les méthodes de travail pour acquérir et développer une recherche efficace en France et mettre des outils en place pour offrir de vraies perspectives.
Concernant l'université, pourquoi nous entêtons-nous à continuer à ouvrir des places dans des filières sans débouchés ? Je pense, par exemple, aux filières de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS). Connait-on le nombre de places supplémentaires ouvertes à la rentrée prochaine ? Pourquoi continuer à envoyer dans ces filières des étudiants qui ne trouveront pas de travail à l'issue de leurs études ?
Enfin, sur la recherche, pouvez-vous nous préciser dans quel programme sont situés les crédits pour les plans d'investissement d'avenir ?
M. Gattolin, vous avez rendu hommage à M. Sarkozy. J'en suis ravi. Les temps changent. Votre intervention est conforme à ce que démontre notre rapport.
Mme Mélot, votre décision est raisonnable. Lorsque vous précisez que la réflexion porte trop sur les savoirs et que l'insertion professionnelle doit se mettre en place au niveau de l'université en lien avec le tissu économique, je voudrais rappeler l'excellent rapport de notre collègue Guy-Dominique Kennel sur la question de l'orientation. Celui-ci a proposé des pistes pour renforcer des liens entre le monde de l'éducation et le monde économique. Néanmoins, de nombreuses universités sont en lien étroit avec leur tissu économique local. Les statistiques d'insertion professionnelle que vous appelez de vos voeux existent, elles se généralisent et j'espère qu'elles seront très apparentes dans la prochaine plateforme qui remplacera prochainement « Admission post-bac » (APB).
J'entends bien l'interrogation de Sophie Robert par rapport au caractère favorable de notre avis. Nous avons en effet formulé de nombreuses critiques : inquiétude sur la compensation de la hausse de la CSG qui n'est pas financée, présentation d'un budget qui n'est pas véritablement en rupture avec ceux du précédent quinquennat, etc. Mais accordons le bénéfice du doute au Gouvernement. Hier, la ministre a eu le courage de parler d'insincérité budgétaire pour les années précédentes.
M. Ouzoulias, je partage vos inquiétudes sur le manque de moyens mais j'en tire une conclusion différente : en augmentant raisonnablement de 100 € les droits d'inscription pour 1,5 million d'étudiants, et avec un taux de boursiers de 40%, 100 millions d'euros supplémentaires chaque année pourraient financer les universités.
M. Carle, s'agissant des nouveaux moyens évoqués, il nous faut rester prudent, des incertitudes persistant. Nous espérons qu'elles seront levées au cours de cette année.
Mme Billon, il existe effectivement des filières en tension, les STAPS en particulier. La ministre nous assure qu'il existe de nombreux débouchés pour ces filières. Mais j'en doute fort : ces étudiants trouvent des débouchés ailleurs que dans leur métier, parce que leur formation demeure intéressante. Il y a aussi des effets d'aubaine pour les universités, et notamment pour les UFR STAPS qui augmentent leur budget en accueillant de plus en plus d'étudiants.
Pour répondre à nos collègues étonnés de nous voir assez critiques dans notre rapport tout en proposant d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits, je précise que, appliquant la philosophie anglo-saxonne des encouragements, nous commençons par dire « you do your best ». Nous accordons à ce Gouvernement une sorte de préjugé favorable au départ. J'ai été touchée par l'audition qui s'est déroulée hier, la ministre maîtrisant son sujet et étant de très bonne foi. Elle hérite d'une certaine situation : pendant le précédent quinquennat, Thierry Mandon, que j'apprécie beaucoup, est arrivé très tard au ministère, tandis que nous avions perdu un temps fou avec la ministre précédente. Je pense sincèrement que, aujourd'hui, ce ministère de plein exercice est sur ses rails et le terme « innovation », ajouté à « recherche-enseignement supérieur » montre une véritable ambition. Après avoir longuement discuté avec la présidente et mon collègue rapporteur pour avis, des crédits de l'enseignement supérieur, proposer un avis favorable à l'adoption des crédits est une façon de donner au Gouvernement un bon accessit. Mais nous serons d'autant plus vigilants les années suivantes et examinerons précisément quelles sont leurs résultats.
M. Gattolin, concernant le H20-20 et les appels européens, je pense que nous sommes en retard par rapport à d'autres pays. C'est très compliqué. Beaucoup d'organismes nous ont informés qu'ils avaient à gérer une multitude d'appels d'offre : appels à projets européens, ANR, investissements d'avenir. Tout ce système est à revoir. Doit-on faire comme au Royaume-Uni ? Je ne suis pas sûre que ce soit dans l'esprit français. La ministre nous a précisé hier que tout ce système d'aides et d'appels à projets sera examiné afin de voir ce qui fonctionne et éventuellement encourager certains à se diriger vers les appels européens et, au contraire, demander à d'autres de se tourner plus vers les appels à projets de l'ANR.
Il serait bon de mettre en place une pédagogie et une aide au sein même des laboratoires afin que ce ne soit pas le chercheur lui-même qui se retrouve à rédiger un pensum administratif. La présidente de Paris Sud a ainsi créé un système de tutorat dans lequel les chercheurs, dont les projets ont été sélectionnés au niveau européen, aident d'autres laboratoires à répondre à des appels à projets.
Concernant l'intelligence artificielle, je suis en accord avec les remarques formulées par Sylvie Robert. Pour en avoir discuté avec l'INRIA ou le CNRS, l'attente est forte quant aux conclusions du rapport de M. Crédric Villani. Il serait souhaitable que ce ne soit pas un énième rapport, les autres pays étant déjà très en avance par rapport à nous. J'ai également apprécié le pragmatisme de la ministre qui a donné la direction à prendre et a précisé qu'il faudra y apporter les moyens. Nous espérons que le Grand Plan d'Investissement qui prévoit 4,6 milliards d'euros pour soutenir la compétitivité de la France, notamment dans l'intelligence artificielle, nous le permettra.
M. Ouzoulias, je vous remercie car votre avis de spécialiste « m'inquiétait ». J'ai répondu sur l'avis favorable, qui est plutôt un préjugé favorable. La baisse de l'emploi scientifique est regrettable. En pratique, il y a peu de départs à la retraite dans certains organismes comme le CNRS ou l'INSERM. Ils s'astreignent néanmoins à embaucher plus qu'ils ne devraient compte tenu de leur contrainte budgétaire. Il nous faudra rester très vigilants sur une augmentation des crédits des organismes de recherche mais aussi une meilleure définition des priorités au sein des organismes.
Merci beaucoup à nos rapporteurs qui ont répondu à toutes vos questions. Nous ne pouvons que constater que les crédits budgétaires sont en augmentation. Comme vous le soulignez, cela peut constituer un élément de satisfaction.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et Enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2018.
La réunion est close à 10 h 50.