En premier lieu, il n’est pas question de contester l’urgence à agir pour le climat. D’ailleurs, sur ce sujet, le Sénat, notre commission en particulier, a prouvé sa détermination. Je rappelle que c’est grâce au soutien de notre commission qu’a été fixée une trajectoire ambitieuse de hausse de la taxe carbone dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. C’est encore le souci du climat qui a guidé notre défense d’un mix de production électrique décarboné reposant sur ses deux pieds, le nucléaire et les énergies renouvelables. Et, chaque fois que notre commission a dû se prononcer sur des textes européens, elle a plaidé pour une tarification la plus incitative possible du carbone.
Sur ces questions, le Sénat a toujours défendu une vision à la fois ambitieuse et pragmatique. Or, où est le pragmatisme dans ce texte, dont le Gouvernement insiste sur la portée éminemment symbolique, le caractère pionnier et l’effet d’entraînement recherché sur d’autres pays ? Et qui peut raisonnablement imaginer que les grands pays producteurs d’hydrocarbures renonceront à leur rente pétrolière pour suivre l’exemple français, bien qu’ils soient pour la plupart signataires de l’Accord de Paris ?
Une autre voie était possible pour agir sur le climat. Elle consistait à traiter le problème à la racine, c’est-à-dire par la consommation. Les hydrocarbures représentent encore plus des trois quarts de notre consommation énergétique finale. Dès lors, comment atteindre l’objectif d’une baisse de la consommation des énergies fossiles de 30 % en 2030 ?
C’est la question à laquelle devrait prioritairement répondre le Gouvernement. Les pistes sont du reste nombreuses, bien qu’elles soient plus difficiles à mettre en œuvre et plus coûteuses, au moins à court terme, qu’une interdiction de la production nationale, qui fait office de paravent bien commode. Il faudrait, en particulier, « muscler » les dispositifs d’aide à la conversion des véhicules, développer de nouvelles solutions de mobilité, relancer le transport ferroviaire, maritime et fluvial de marchandises, renforcer les aides à la rénovation thermique des bâtiments plutôt que de tenter de les diminuer.
Derrière le symbole de l’interdiction, il y a surtout une réalité économique, sociale, industrielle et environnementale que l’on ne saurait ignorer, celle des 1 500 emplois directs et 4 000 emplois indirects de l’exploration-production sur le territoire national qui vont disparaître sans que la question de la reconversion soit abordée autrement que par la promesse d’un rapport et par l’annonce de « contrats de transition écologique et solidaire » dont le contenu comme les moyens restent à préciser.
Au-delà de ces conséquences immédiates, on pressent déjà une perte d’attractivité auprès des jeunes, qui n’iront pas vers ces métiers, et une dégradation de l’image de la France aux yeux des investisseurs étrangers.