Intervention de Antoine Karam

Réunion du 7 novembre 2017 à 14h30
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Antoine KaramAntoine Karam :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi présenté devant notre assemblée vise à faire de la France une nation pionnière de la sortie des énergies fossiles. En pratique, ce texte permet aussi à l’État de sortir d’une forme de duplicité qui, s’agissant des demandes de permis, l’a souvent conduit à ne pas prendre de décisions, laissant les tribunaux le faire à sa place.

Vous en conviendrez, la Guyane pâtit de cette duplicité depuis de nombreuses années. D’un côté, la majorité des demandes de permis restent sans réponse et, de l’autre, le décret censé transférer compétence en matière de titres miniers offshore à la collectivité territoriale se fait attendre depuis dix-sept ans, sans que les condamnations prononcées par le Conseil d’État soient prises en compte.

Dans ce contexte, vous comprendrez aisément que, en dépit d’une ambition partagée, mon collègue Georges Patient, sénateur de la Guyane, et moi-même portions des amendements visant à défendre les intérêts de notre territoire. En effet, comment expliquer aux Guyanais, en proie à des difficultés économiques et sociales profondes, qu’on leur interdit d’explorer leurs hydrocarbures, alors que chez nos voisins du Guyana, ExxonMobil annonce l’une des plus importantes découvertes d’hydrocarbures des dix dernières années. Imaginez un instant : si un tel projet venait à voir le jour en Guyane, comme le souhaite le géant américain, on parlerait d’un chiffre d’affaires potentiel de 100 milliards de dollars avec des retombées fiscales d’environ 420 millions de dollars par an pour la Guyane, et proches du milliard pour l’État.

Je pose donc une première question, soulevée implicitement par le Conseil d’État lui-même : quelles contreparties réelles la Guyane et les outre-mer en général retirent-ils de ce texte, symbole qu’ils vont pourtant payer au prix fort ? Hormis quelques dispositions concernant les îles Wallis-et-Futuna, je regrette qu’aucune mesure d’adaptation ne soit prévue pour les territoires ultramarins, malgré leur faible contribution au réchauffement climatique et des difficultés économiques réelles.

Certes, le Gouvernement a prolongé un permis d’exploration détenu par Total, avant de s’engager à prendre, d’ici à la fin de l’année, le décret tant attendu. Si je salue ces engagements, je crains néanmoins que nous soyons encore loin du compte, tant cette compétence ne sera plus qu’une coquille vide, une fois ce texte adopté.

Monsieur le ministre d’État, vous dites avoir prolongé ce permis au titre de droits acquis, mais qu’en est-il des droits retenus, littéralement pris en otage par les gouvernements successifs – de droite comme de gauche – préférant garder le silence pour entraîner des décisions implicites de rejet plutôt que de refuser expressément des demandes et d’avoir à les motiver ? À cet égard, le texte de la commission présente une avancée intéressante.

En descendant massivement dans la rue, les Guyanais ont voulu faire savoir à toute la France qu’il ne peut y avoir, dans notre République, d’un côté opulence et puissance et, de l’autre, un sentiment d’abandon et de soumission. Au-delà de l’exaspération, je vous demande d’entendre l’aspiration profonde portée lors de cette mobilisation historique, celle de faire des Guyanais les premiers acteurs de leur développement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion