Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons examiner est l’occasion pour moi d’aborder la question ô combien sensible de l’indépendance énergétique de la France.
Vous l’avez rappelé devant nous, monsieur le ministre d’État, l’objectif posé par la loi relative à la transition énergétique de passer de 75 % à 50 % d’électricité d’origine nucléaire à l’horizon de 2025 – cette date semble susceptible d’être modifiée – suppose de fermer non pas 17, mais 25 des 58 réacteurs du parc nucléaire français. Il suppose également de faire évoluer dans des délais très courts notre mix énergétique. Or, nous le savons, les énergies renouvelables ne pourront pas répondre à nos besoins à l’instar du nucléaire, sans rupture technologique s’agissant du stockage et du transport de l’électricité, ce qui ne semble pas de dessiner dans un horizon très court.
Parallèlement, le texte vise à mettre fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures sur le territoire français, en fermant une soixantaine de gisements pétroliers et gaziers couvrant près de 1 % de la consommation nationale. Mesure symbolique, dira le Gouvernement. Pas vraiment ! Car c’est une filière industrielle qui est tout simplement amenée à disparaître.
L’activité d’exploration et de production d’hydrocarbures a été au cœur de la constitution d’une filière pétrolière et gazière d’excellence, engendrant actuellement un chiffre d’affaires de 35 milliards d’euros, employant 64 000 personnes en France et faisant vivre quelques-uns de nos territoires. Ce texte aura pour conséquence de fragiliser une filière industrielle dans laquelle la France est en pointe, ainsi qu’un tissu économique composé d’entreprises de toutes tailles. Pour autant, ce texte n’aura pas pour conséquence de faire diminuer la consommation nationale d’hydrocarbures. En outre, leur importation à hauteur de 1 % de notre consommation aura un impact environnemental important, puisque cela entraînera trois fois plus d’émission de gaz à effet de serre que leur production sur le territoire national, ce qui est tout à fait paradoxal, vous en conviendrez.
Les travaux de la commission des affaires économiques ont permis de rendre ce texte plus réaliste. Je tiens à ce stade à saluer l’excellent travail des deux rapporteurs.
Les décisions du Gouvernement sont hasardeuses et ne feront que renforcer notre dépendance énergétique à l’égard des pays tiers.
L’enjeu primordial de l’indépendance énergétique, c’est aussi la question de la survie des biocarburants français, aujourd’hui menacés à la suite d’une baisse importante des droits de douane européens. Le contexte dans lequel se trouve la filière française et européenne de biocarburants est, vous le savez, très alarmant. En septembre, l’Union européenne a pris la décision de réduire significativement les droits antidumping appliqués au biodiesel argentin.
Telle est la concurrence déloyale qui va être installée grâce au gouvernement français, si rien n’est entrepris en l’état actuel. Une hausse massive des importations de ce carburant fait craindre des effets désastreux non seulement sur l’environnement, mais aussi sur un secteur de l’économie performant, qui verra sacrifiés les emplois qu’il génère, c’est-à-dire environ 20 000 emplois. Ainsi, la filière va subir la concurrence de biodiesels étrangers, notamment argentins, mais aussi, demain, indonésien, à base d’huile de palme, massivement subventionnés par leur pays d’origine et soumis à des critères de durabilité moins exigeants qu’en Europe. C’est une réalité !
Ce texte nous donne l’opportunité de prendre des mesures transitoires permettant de répondre à l’urgence de la situation, le temps que la Commission européenne se penche sur la question. J’aurai l’occasion d’y revenir pendant les débats, à l’occasion de la défense de deux amendements que j’ai déposés. Je proposerai ainsi de relever le niveau d’exigence en termes de durabilité, c’est-à-dire en termes d’émissions de gaz à effets de serre, soit pour les seuls biocarburants importés depuis un pays situé hors de l’Union européenne, soit pour tous les biocarburants importés, sans exception.
Je souhaite enfin préciser que je ne suis pas opposé à la décroissance des hydrocarbures. Mais, si tel doit être notre objectif, il manque très clairement, dans ce texte, un volet sur la consommation et un autre sur le soutien à l’évolution du mix énergétique. C’est là toute la faiblesse de votre initiative, monsieur le ministre d’État. Nous priver de ressources de notre sous-sol et nous rendre encore plus dépendants des pays tiers que nous ne le sommes aujourd’hui est à mon sens une erreur grave, qui entraînera des conséquences durables tant sur l’environnement que sur l’emploi et sur notre économie.