Intervention de Nicolas Hulot

Réunion du 7 novembre 2017 à 14h30
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Nicolas Hulot, ministre d'État :

En outre, la chimie fondée sur les hydrocarbures conduit à la mise en décharge de nombreux produits et a donc pour effet de réalimenter le cycle des émissions de gaz à effet de serre. L’avenir, me semble-t-il, c’est donc plutôt l’économie circulaire. C’est là-dessus qu’il faudra miser !

S’agissant des permis en cours, je me permets de le dire, les auteurs de certains des amendements dont nous aurons à discuter aujourd’hui ou demain rament un peu à contre-courant. L’objectif de l’Accord de Paris, c’est bien de sortir des énergies fossiles ; c’est nécessaire si nous voulons atteindre la neutralité carbone et maîtriser le réchauffement de la planète en le limitant à 2 °C. Commençons par fermer les vannes ! Quelques gouttes continueront quand même à passer après 2040, mais si, en plus, nous autorisons les quarante et quelques demandes qui étaient en attente, l’impact sera encore réduit d’autant.

Les permis qui sont en cours d’examen ne disposeront donc pas du droit de suite. Je suis très attaché au droit de suite, parce que le Conseil d’État, avec raison, nous a bien alertés sur ce point. Mais, pour moi, l’intérêt du projet de loi est d’envoyer de bons signaux. Pourquoi accorderions-nous des permis alors que nous savons qu’il va falloir nous passer des énergies fossiles ? Nous mentirions aux acteurs économiques en leur délivrant de nouveaux permis tout en proclamant la nécessité de sortir, un jour ou l’autre, des énergies fossiles. Il faut mettre tout le monde dans une même trajectoire, au service d’un même objectif.

Deux cas se présentent : pour les permis déjà accordés, leurs détenteurs disposent d’un droit de suite et pourront en faire usage ; les permis non encore délivrés, comme je conçois les choses, seront eux refusés.

S’agissant de la recherche, préoccupation légitime évoquée tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous n’accorderons pas de permis de recherches sans droit de suite – faire le contraire n’obéirait à aucune logique économique. Personne, en effet, n’investira dans la recherche s’il n’y a aucun droit d’exploration à la clé. Une telle disposition aurait en outre pour conséquence de fragiliser la loi, car les acteurs économiques pourraient ensuite nous mettre sous pression en nous demandant de mettre en œuvre des droits de suite, chose qui aura pourtant été rendue impossible.

Sur le fond, nous sommes confrontés à deux défis. Le premier est celui de la connaissance de notre sous-sol, que certains imaginent perdue sans la recherche des hydrocarbures. C’est faux ! Nous continuerons à chercher et à comprendre ce qui se trouve dans notre sous-sol. Dans le cadre de la transition énergétique en effet, nous aurons besoin d’un certain nombre de ressources, et je serais heureux de les exploiter chez nous plutôt que de les faire venir d’Extrême-Orient. Je ne vois donc pas en quoi nous ne pourrions pas continuer à évaluer les ressources de notre sous-sol, en matière de géothermie notamment.

Deuxièmement, certains s’alarment légitimement de la perte de compétence des ingénieurs et géologues français. Mais ne faisons pas preuve de naïveté : c’est sur les grands gisements que se construit cette expertise ; or 80 % de l’activité des entreprises concernées par la fin de l’exploration – il est important de le rappeler – se fait à l’étranger, et non en France. C’est plus qu’un détail : économiquement, ces entreprises ne sont pas dépendantes de leur seule activité sur le territoire métropolitain, et leurs compétences ne disparaîtront pas, du moins immédiatement, puisqu’elles vont continuer à s’exercer.

Voilà, à ce stade, une première salve de réactions. Pardon de me répéter : je comprends les arguments de chacun. En vous écoutant tous, mesdames, messieurs les sénateurs, je repensais à cette phrase de Bossuet, qui disait : « Nous sommes d’étranges créatures qui nous affligeons des effets dont nous continuons à adorer les causes. » D’une manière ou d’une autre, il faut que nous sortions des énergies fossiles ! Je n’ai pas dit que vous aviez dit le contraire. Certains d’entre vous ont simplement dit que ce 1 % serait peut-être la dernière goutte non utilisée et que, à nous priver en priorité de cette goutte-là, nous augmenterions nos importations. Non ! C’est probablement ce pronostic qui nous oppose. Nous ferons l’un et l’autre : nous allons montrer l’exemple, entraîner d’autres pays, qui feront la même chose que nous – être exemplaire ne signifie pas être unique ! Et nous allons, en parallèle, réduire massivement nos importations.

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