Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de vous retrouver dans cette nouvelle configuration, mais je peux vous dire que, dans un contexte international très tendu, mon objectif reste le même : servir notre pays. Avons-nous déjà connu autant de tensions sur de si nombreux théâtres d'opérations ? Je ne le crois pas. Nous vivons en fait un véritable paradoxe : le monde n'a jamais été aussi interdépendant, mais nous connaissons de graves crises multilatérales. C'est dans un tel contexte que la France entend défendre et faire vivre le multilatéralisme.
La lutte contre le terrorisme constitue la première priorité de la France. Et je dois vous dire que l'annonce, hier, de la chute de Raqqa a été un grand plaisir pour moi : le Bataclan n'est pas resté impuni ! En janvier 2016, j'avais réuni les ministres de la défense des pays de la coalition internationale et j'avais insisté auprès de mes collègues pour que Raqqa soit retenue comme un but de guerre, au même titre que Mossoul. Il fallait à la fois renforcer les frappes aériennes et trouver un outil d'intervention terrestre. Ce sont les forces démocratiques syriennes, composées de Kurdes et d'Arabes, qui ont réussi cette opération, avec l'appui de la coalition, dont la France.
Certes, la défaite territoriale de Daech est essentielle, car elle prive cette organisation terroriste de son récit politique, fondé sur le rétablissement d'un prétendu califat. Mais nous devons rester particulièrement vigilants et penser à l'après. Les combattants ne vont pas disparaître comme par enchantement, ils vont se diriger vers d'autres territoires, que ce soit l'Afghanistan ou plus à l'est, jusqu'à la Malaisie ou les Philippines. Certains, même si l'histoire des deux organisations est différente, vont se tourner vers Al Qaïda, qui a bénéficié d'apports ces derniers mois.
La bataille de Raqqa a fait de nombreux morts et blessés, la ville est largement détruite, sa population a chuté. Or, la France a un intérêt particulier pour cette ville, puisque les assassins du Bataclan y prenaient leurs ordres, et nous avons un devoir particulier à la fois en termes d'aide humanitaire et de reconstruction, mais aussi pour trouver plus largement une gouvernance adaptée et un processus politique de sortie de crise.
Quelques mots sur la zone d'Idlib, au nord de la Syrie. Durant le conflit, les forces du régime ont constamment fait en sorte que ce territoire accueille des militants affiliés d'une manière ou d'une autre aux organisations liées à Al Qaïda, dont certains en provenance du Liban. Aujourd'hui, entre deux et trois millions d'habitants y vivent. La Turquie est très sensible à la situation dans cette zone frontalière, en particulier au regard de la question kurde, son armée y a récemment pénétré et des combats ont eu lieu.
Les forces loyalistes syriennes, appuyées par les Russes, ont pénétré jusqu'à Deïr ez Zôr, voire jusqu'à Mayadine. Elles se dirigent vers la frontière séparant la Syrie de l'Irak, où se retrouveront vraisemblablement les combattants de Daech ayant fui Raqqa et ceux venant de Mossoul, avec les dégâts que cela entraînera. Les forces du régime sont sur la rive droite de l'Euphrate et les forces de FDS, soutenues par la coalition, sont sur l'autre rive, tous cherchant à atteindre le plus vite possible la frontière avec l'Irak.
Il y a deux processus politiques parallèles concernant la Syrie. Il y a premièrement le processus d'Astana. Il s'agit d'une commission se réunissant au Kazakhstan et rassemblant depuis plusieurs mois les Russes, les Iraniens et les Turcs pour engager des zones de désescalade. L'objectif est de définir les moyens d'un cessez-le-feu et un mode de gouvernance pour chacune des quatre parties identifiées : Idlib, Homs, Ghouta est et le sud de la Syrie, à l'est de Der'â, près de la frontière avec la Jordanie. Il s'agit de trouver un accord politico-militaire dans ces quatre zones pour que l'aide humanitaire puisse être acheminée.
Ce processus est lent ; il a abouti pour l'instant à un seul résultat : la quatrième zone, le Sud syrien, près de la frontière jordanienne, est une zone de désescalade confirmée, avec un contrôle permettant un cessez-le-feu, une stabilisation et l'acheminement de l'aide humanitaire. Les Jordaniens, les Américains et les Russes se sont mis d'accord, en relation avec Israël, pour assurer la sécurité dans la zone. Il fallait définir qui protège ces zones ; il était inacceptable pour les Israéliens que ce soient des Iraniens, ce sont donc des Tchétchènes, qui sont sunnites. Ce processus, même s'il est difficile, continue.
Le second projet parallèle est le processus de Genève, en lien avec les Nations unies, dirigé par le représentant du secrétaire général de l'ONU, M. de Mistura.