Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 18 octobre 2017 à 15h05
Situation internationale — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Je ferai de mon mieux pour répondre à toutes les questions dans le temps qui nous est imparti. Nous avons eu sous le quinquennat précédent des relations très régulières, et je demeure tout aussi disposé à échanger avec vous.

Notre relation avec l'Italie au sujet de la Libye a connu quelques épisodes de tension. Depuis la réunion de Lyon, l'atmosphère est apaisée. J'ai rencontré mon homologue Angelino Alfano quatre fois ces deux derniers mois. Les Italiens ont des intérêts en Libye, et sont intéressés aux questions de migration : nous le comprenons et agissons désormais de concert.

Sur l'Iran, nous ne sommes absolument pas contraints. D'ailleurs, Total vient d'y remporter un contrat d'un milliard d'euros et Airbus leur a vendu une centaine d'appareils. Les banques sont en revanche plus frileuses en raison des difficultés rencontrées naguère par la BNP. Nous sommes en train de monter un dispositif avec la BPI ne dépendant pas de groupes bancaires présents aux États-Unis. Avec la non-certification de l'accord sur le nucléaire iranien, les choses vont tanguer un peu. C'est aussi une manière de semer le doute et de freiner l'investissement sans imposer de nouvelles sanctions. Il faudra toutefois reparler des questions d'extraterritorialité avec nos partenaires américains - Bruno Le Maire l'a redit il y a quelques jours aux États-Unis. Je me rends pour ma part en Iran dans quelques jours.

La gouvernance de Raqqa doit être assurée par les habitants de Raqqa. Cela a été vu par le général Mazloum, commandant kurde des forces du YPG. Comme à Manbij, les forces kurdes combattent mais ne sont pas chez elles à Raqqa. Les Kurdes, monsieur Le Gleut, ne sont pas unis ! La seule légitimité que l'on connaisse aujourd'hui est celle du Kurdistan irakien - et encore - et l'UPK de Souleymanieh. Pour le reste, l'apaisement n'est pas pour demain : le PKK et le PDK allié d'Erdogan ne s'entendent pas. La France respecte beaucoup les Kurdes et a toujours soutenu l'autonomie du peuple kurde. Ce sont nos alliés, sauf ceux du PKK, reconnu par l'Union européenne et la France comme un groupe terroriste.

La Turquie reste dans l'Otan et siège aux réunions des ministres des affaires étrangères de l'Alliance. Nos conceptions respectives des droits varient cependant. Je prends toujours soin, en Turquie, de rencontrer les représentants du Gouvernement, de l'opposition, ainsi que les ONG, aux yeux de tous, et je ne suis toujours pas en prison ! Nous avons avec le président Erdogan des relations...toniques, mais nous discutons toujours. Et cela n'a pas empêché la libération de Loup Bureau.

Mme Perol-Dumont m'a interrogé sur la force conjointe du G5 Sahel. L'enjeu est majeur, il faut tout faire pour réussir ! Aujourd'hui le dispositif n'est pas finalisé. Il coûtera 250 millions d'euros l'année de démarrage - le chiffre de 400 millions n'a pas été instruit - puis 60 millions par an. Si cela doit permettre aux Africains de disposer d'une force, cela vaut la peine d'y réfléchir... Pour comparaison, la Minusma au Mali coûte 1 milliard d'euros. Les Africains suggèrent qu'on leur donne ce milliard pour créer une force africaine : ce n'est pas si simple, il faut d'abord former les hommes et structurer cet ensemble. Quoi qu'il en soit, un choix important a été fait, mais aujourd'hui 118 millions d'euros seulement sont financés. Nous aurons en décembre une réunion à Bruxelles, nous ferons un appel à contributeurs, au-delà de la France et de l'Allemagne. L'Union européenne apporte 50 millions d'euros.

À l'Unesco, nous avons remporté une belle victoire diplomatique, non sans mal. Mme Azoulay saura, je n'en doute pas, redonner à cette institution ses lettres de noblesse et revenir aux fondamentaux : cela pourrait conduire les États-Unis et Israël à s'interroger sur leur retrait. Reconnaissons que l'immobilisme de l'ONU a peut-être causé une dérive de l'Unesco, tentée par une action de substitution. Or sa mission concerne l'éducation, la préservation du patrimoine, la dimension culturelle de l'humanité. J'ai du reste noté que les candidats arabes, la représentante de l'Egypte comme celui du Qatar, tenaient des propos très atténués sur la question des pays adhérents.

Le G5 est incontournable, je le répète. Si nous n'atteignons pas l'objectif, notre posture dans cette zone deviendra difficile. Quant à la Catalogne, notre position est claire : respect du droit constitutionnel espagnol et appel au dialogue - je ne parle pas de « médiation », ... Reste qu'il faut trouver une porte de sortie honorable. Je serai à Madrid après-demain, mais sans doute la situation aura-t-elle encore évolué entretemps. Trouver une solution est aussi dans notre intérêt, car il ne serait pas confortable d'avoir un voisin catalan non membre de l'Union européenne, n'employant plus la monnaie européenne, et plus au Sud, un partenaire espagnol terriblement affaibli. Ce pays ami saura trouver en son sein les moyens de sortir de cette crise. Je vous parlerai lors de notre prochaine rencontre de la Palestine, du Liban, de l'Ukraine... en espérant qu'il n'y aura pas d'autre crise entretemps.

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