Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 14 novembre 2017 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Article 7, amendement 406

Gérald Darmanin, ministre :

Mais vous ne signalez pas les 10 milliards d’euros de baisses d’impôt consentis par le Gouvernement dans son projet de budget que représente l’exonération de la taxe d’habitation ! Soyons honnêtes : mettons les dispositifs en miroir. « Quand on chante la liberté, on n’en chante pas la moitié », disait Thierry Le Luron, en pastichant Jean Ferrat.

L’augmentation de la fiscalité touchera surtout les retraités percevant chacun plus de 2 500 euros de revenus. Je salue la démarche intellectuelle empreinte d’honnêteté du rapporteur général ; le Gouvernement n’a jamais caché qu’il voulait augmenter la fiscalité de ces personnes. D’ailleurs, pour ma part, je n’ai jamais utilisé le terme de « privilégiés » pour les désigner. Il faut simplement considérer que, à 2 500 euros par mois, par personne, il ne s’agit pas de retraités modestes. Ces retraités modestes, nous les connaissons, dans notre région notamment. Cette somme de 2 500 euros ne fait pas pour autant de ceux qui la perçoivent des gens riches. Elle leur permet seulement de se situer au-dessus du salaire moyen.

À ce stade, arrêtons-nous quelques instants sur la démarche du Gouvernement, qui n’atteint manifestement pas la majorité des membres de cette assemblée. Mais rien de plus normal que d’avoir cette discussion !

Avec ces amendements, vous prenez la défense de ceux qui gagneraient plus de 2 500 euros nets par mois en considérant – l’argument est valable, il n’est pas caricatural ! – que, ayant travaillé toute leur vie, ils en récoltent désormais les fruits. Il serait donc normal que leur fiscalité ne soit pas alourdie.

Toutefois, vous oubliez un argument important. Les dispositifs proposés ne prévoient pas de supprimer les cotisations. Mme Lienemann disait tout à l’heure – je ne voudrais pas trahir sa pensée – que les mesures préconisées par le Gouvernement mettaient fin aux droits ouverts par la perception des cotisations et que nous organisions en quelque sorte la fin de la sécurité sociale telle qu’elle avait été imaginée par le général de Gaulle et Ambroise Croizat.

Or les dispositifs prévus dans les amendements proposés concernent une augmentation de la fiscalité ou le remplacement de l’augmentation de la CSG par une augmentation de la TVA, avec des mix. J’en profite pour vous dire, madame Doineau, que l’amendement n° 406 me semble plutôt gagé sur les droits sur le tabac. Mais je veux bien comprendre que le gage porte sur une augmentation de la TVA, je ne vous en fais pas procès.

Désormais, on ne parle ici que de corriger la copie de Gouvernement, et non plus de fin de l’augmentation du pouvoir d’achat par les cotisations.

Avec tous ces amendements, vous défendez le principe de permettre aux retraités gagnant plus de 2 500 euros par mois de conserver leur pouvoir d’achat. C’est tout à fait louable, mais ce n’est pas le choix du Gouvernement. Le Gouvernement considère que ces retraités, non pas qu’ils soient privilégiés, mais qui sont les moins modestes, doivent faire preuve de solidarité nationale.

Aujourd'hui, la pauvreté, la difficulté concernent plutôt les salariés, notamment les plus jeunes. Vos amendements sont aussi défendables en miroir. La position du Gouvernement est de défendre ceux qui rentrent dans la vie active par la suppression de cotisations, et d’augmenter la fiscalité des retraités gagnant plus de 2 500 euros par mois.

L’argument de M. Watrin sur les pensions d’invalidité n’est pas recevable. Il a certes raison de dire que les retraités ou les personnes souffrant d’un handicap connaissent un important taux de pauvreté. Néanmoins, ils ne sont pas concernés par la mesure, laquelle, je le rappelle, ne touche pas tous ceux qui gagnent moins de 1 400 euros nets par mois. Quant à ceux qui ont des revenus supérieurs, ils paient une taxe d’habitation, qui, en moyenne, s’élève à 600 euros, même si les disparités sur le territoire sont très grandes.

Pour finir, madame la présidente, j’en viens aux personnes âgées placées en maison de retraite, pour lesquelles il est proposé d’aligner la mesure fiscale sur le coût moyen mensuel d’une telle maison. Cela pose la question du montant de la retraite. Il est vrai que percevoir 1 400 euros quand on habite à Paris, Marseille, Tourcoing ou Valenciennes, madame la présidente, ce n’est pas la même chose, mais cette question nous emmène sur un autre terrain. Nous aurons ce débat pour les retraités en maison médicalisée ou en EHPAD plus tard, lorsque nous aborderons les dispositions extrêmement fortes prises par le Gouvernement pour accompagner ceux qui, de ce fait, ne paient pas la taxe d’habitation mais devraient subir une hausse de la CSG.

Au nom de la cohérence de sa position, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, y compris celui qui a été déposé par la commission des affaires sociales. Mais je suis sûr, monsieur le rapporteur général, que nous ne serons pas fâchés pour autant !

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