Intervention de Ladislas Poniatowski

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 novembre 2017 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2018 — Mission « action extérieure de l'etat » - programme 105 « action de la france en europe et dans le monde » - examen du rapport pour avis

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, rapporteur :

Nous allons vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 105, et de la mission, mais non pas parce que les chiffres sont extraordinaires puisque globalement les chiffres sont stables par rapport à l'année 2017. Le budget de la mission défense augmente de 5,2 %, le budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères augmente globalement de 2 % et le budget de la mission action extérieure de l'État diminue de 0,17 %. Ce ne sont donc pas les chiffres qui nous font adopter cette position favorable mais le fait que le Sénat a été entendu. Les recommandations émises par celui qui était rapporteur du budget l'année dernière, Christian Cambon, ont été, en partie, suivies d'effet. Il me semble qu'il faut retenir 5 points principaux sur ce budget, et je ne présenterai pas de façon détaillée les chiffres du programme qui figurent dans le rapport.

Je vais tout d'abord vous parler des deux lignes budgétaires les plus importantes qui représentent 40 % du programme 105, soit 757,6 millions d'euros en 2018. Les crédits dédiés aux contributions internationales obligatoires atteignent 372,7 millions d'euros en 2018 sont en légère diminution de 2,7 %. Je vous rappelle que ce n'est pas la France qui décide de ces contributions mais qu'elles sont déterminées en fonction de quotes-parts définies par le règlement des organisations internationales et en fonction de la croissance économique d'un pays. Cette évolution comporte de bonnes et de mauvaises surprises : par exemple la contribution à l'ONU augmente de 3,9 millions d'euros, la contribution à l'OTAN diminue de 3 millions d'euros. D'une manière générale ces contributions sont diminuées, que ce soit celle à l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), à l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), à l'organisation de coopération et de développement économique(OCDE), à l'organisation mondiale de la santé(OMS), ou à l'organisation internationale du travail (OIT).

Deuxième point retenir, les opérations de maintien de la paix (OMP), sont stables, pour atteindre 384,86 millions d'euros en 2018. Je vous rappelle que la France le 5e contributeur aux OMP. Ce sont 840 militaires et policiers français qui participent aux différentes opérations et -cela ne vous aura pas échappé, vous vous en souvenez-, lorsque nous avons auditionné M. Jean-Yves Le Drian avant la période budgétaire, il a consacré l'essentiel de son intervention à ces opérations et plus largement à la situation du Sahel. Il avait raison puisque, dans cette région, l'action se partage entre le ministère des armées et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères : 4 000 hommes au titre de la défense et la participation des affaires étrangères au titre des contributions aux OMP dont je viens de vous parler. D'ailleurs, la ministre des armées était à Dakar en début de semaine pour convaincre les pays africains de relayer la France et d'amener 9000 hommes de manière à ce que nous réduisions notre présence militaire. Dans le même temps le ministre de l'Europe et des affaires étrangères était à Bruxelles pour trouver les moyens de financer les troupes africaines.

Le 3e point concerne le modèle de gestion immobilière du Quai d'Orsay, sur lequel nos précédents rapporteurs avaient exprimé plusieurs observations qui ont été au moins pour partie entendues. Je vous rappelle que le patrimoine du ministère de l'Europe et des affaires étrangères est évalué à plus de 4 milliards d'euros. Un tel patrimoine doit être entretenu au risque de se dévaloriser. Ce qui est inscrit au budget pour entretenir ce patrimoine consiste en 12 millions d'euros, on pourrait trouver ça ridicule ! En dehors de ces crédits, pour réaliser les grandes restructurations, on utilise le produit des cessions. On vend l'argenterie de la famille, et à force de vendre il n'en reste presque rien. Vous vous souvenez de la vente du campus de Kuala Lumpur, qui représentait une recette d'un niveau exceptionnel. Le ministère s'était toutefois vu appliquer une surcontribution au désendettement de l'État et n'avait pas perçu l'intégralité de la recette enregistrée. On avait déjà dû constater une perte liée au risque de change qui a ramené la recette attendue de 223 millions à 203 millions d'euros, mais de plus Bercy en a gardé presque la moitié et il est ainsi revenu au ministère beaucoup moins d'argent pour entretenir son patrimoine. Ce sont ainsi 207 millions d'euros en 4 ans qui ont abondé le compte d'affectation spéciale au titre du désendettement. Il a été réformé. Et cette année nous avons, lors de nos auditions, reçu l'assurance qu'aucune contribution sur le produit des cessions n'était prévue. En cela, notre commission a été entendue.

Un certain nombre de ventes est prévu en 2017 et en 2018. Le produit espéré pour chacune de ces deux années est de l'ordre de 20 millions d'euros. Les ventes ne sont toutefois pas encore toutes réalisées au titre de 2017 et incertaines au titre de 2018, alors que les crédits qu'elles représentent sont indispensables à la restructuration et à l'entretien du réseau diplomatique.

La question de ces cessions soulève de nouveau, - et vous vous y étiez particulièrement intéressé Monsieur le Président-, la problématique des dépenses des recettes en devises étrangères du programme 105. Les recommandations de notre commission ont été entendues, partiellement. En 2018 l'Agence France Trésor couvre enfin 80 % des contributions internationales payables en devises. Il reste 20 % non couverts. Il me semble qu'il faut aller plus loin et que la couverture du risque de change doit s'appliquer aux frais locatifs, au paiement des travaux d'entretien et paies des agents du réseau en devises étrangères et aux opérations de cession.

J'en viens maintenant à la modernisation de notre réseau diplomatique que nous recalibrons de différentes façons. Nous mettons en place des partenariats, notamment avec l'Allemagne et les services de l'Union européenne. Nous sommes assez avancés dans notre collaboration avec l'Allemagne qui prend la forme de constructions d'ambassades en commun, de colocalisation de services consulaires ou services culturels. De même avec Bruxelles, plusieurs dossiers de colocalisation ont abouti. En revanche je regrette que nous n'arrivions pas encore à mettre en oeuvre les complémentarités qui nous seraient très favorables avec le réseau britannique en Asie. Nous pourrions également avoir de nombreux partenariats avec un pays comme l'Espagne, très bien implanté en Amérique du Sud, et avec lequel nous entretenons d'excellentes relations diplomatiques.

Enfin, je voudrais revenir sur les postes de présence diplomatique, les fameux PPD, qui nous permettent de rester présents dans certains pays avec un format plus économique : un ambassadeur et un cadre B plutôt qu'un cadre C, plus deux à six contrats de droit local. L'extension du dispositif prévu en 2017 a bien eu lieu et 25 PPD ont donc été créés en tout. Ces postes me semblent bien fonctionner, même si toutes les économies attendues n'ont pas été réalisées. Dans les postes concernés qui étaient autrefois vus comme le lieu tranquille d'une fin de carrière honorable, on privilégiera désormais des ambassadeurs, souvent plus jeunes, en début de carrière, motivés par le défi qui consiste à faire bien avec peu de moyens sur un petit nombre de priorités. De ce point de vue-là, il me semble que l'expérience a bien fonctionné. Je sais bien que le programme est pour l'instant arrêté à 25 PPD, je pense qu'il faut faire preuve de pragmatisme dans ce domaine et ne pas se priver de cet outil. Il vaut mieux rester présents en plus petit format que de quitter un pays. J'avais questionné le ministre lors de son audition devant notre commission sur notre place au niveau international. Il est vrai que nous ne sommes plus que le 3e réseau derrière les États-Unis et la Chine et il est indéniable que la puissance de notre réseau renforce notre poids en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Pour ma part j'ai été frappé en lisant un compte rendu du Conseil de sécurité il y a 10 jours de constater qu'on ne parlait presque plus jamais des 5 membres permanents du Conseil. On parle des 5 plus 1, incluant ainsi l'Allemagne. Cela donne l'impression que les décisions importantes sont prises à 6. Notre position en tant que membre permanent n'est peut-être pas inscrite dans le marbre à vie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion