Comme l'an passé, cet avis porte sur les crédits de deux programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : le programme 181 « Prévention des risques » et le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».
Ces deux programmes représentent environ 3,8 milliards d'euros, soit 34 % du total de la mission « Écologie ». Je vous propose d'évoquer en premier lieu le programme 217, qui constitue le programme support des politiques des ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires.
À périmètre constant, en neutralisant les mesures de transferts, les crédits du programme 217 demandés pour 2018 sont relativement stables par rapport à 2017.
Hors dépenses de personnel, ces crédits passeront de 268 à 265 millions d'euros, soit une légère baisse de 1 %, résultant essentiellement d'une diminution des dépenses immobilières.
Concernant les dépenses de personnel, toujours à périmètre constant, les crédits du programme 217 passeront de 1 879 à 1 861 millions d'euros, soit une baisse également d'environ 1 %, résultant principalement de l'effet des schémas d'emplois.
Cette évolution permet au ministère de contribuer à l'effort de réduction du déficit public à un niveau qui me semble raisonnable, sans remettre en cause la conduite des politiques publiques.
Je précise que les moyens de fonctionnement et d'intervention du Commissariat général au développement durable (CGDD), précédemment portés par le programme 217, ont été transférés vers le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».
J'en viens au programme 181 « Prévention des risques », qui finance les actions de l'État en matière de prévention des risques naturels, technologiques et miniers, ainsi que des risques sanitaires d'origine environnementale.
Dans le projet de loi de finances pour 2018, le programme comporte également l'ensemble du budget de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Ce changement de périmètre a un impact important sur le volume du programme, car ses crédits s'élèveront à 854 millions d'euros en autorisations d'engagement et 843 millions en crédits de paiement, contre respectivement 238 et 227 millions en 2017.
Au sein de cette enveloppe globale, les crédits de l'Ademe sont portés par une action nouvelle n° 12, dotée de 613 millions d'euros pour 2017.
Auparavant assuré par l'affectation d'une part de la taxe générale sur les activités polluantes, le financement de l'agence était confronté à plusieurs difficultés qui ont justifié son intégration au programme 181 : le montant de l'affectation était insuffisant par rapport aux interventions de l'agence et son versement était concentré chaque année entre mai et novembre.
Cette budgétisation dans le programme 181 nous permet ainsi d'examiner l'ensemble des ressources de l'Ademe. Il s'agit d'une agence dont les missions sont structurées par les objectifs fixés par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Pour cela, elle intervient principalement par l'intermédiaire de plusieurs fonds qui lui permettent de soutenir financièrement des initiatives des collectivités territoriales, des entreprises ou des particuliers, en faveur de la transition écologique.
Ses principaux programmes d'intervention concernent la chaleur renouvelable, l'économie circulaire, la rénovation thermique, l'accompagnement des collectivités territoriales dans leurs démarches énergie-climat et la mise en sécurité des sites pollués. En 2018, un nouveau programme dédié à la qualité de l'air et aux mobilités sera mis en place.
Toutefois, les moyens de l'Ademe resteront contraints en 2018. En effet, le niveau élevé de ses crédits de paiement permettra d'abord de couvrir les restes-à-payer qui ont été accumulés ces dernières années, tandis que sa capacité d'engagement devrait être progressivement orientée à la baisse à partir de l'année prochaine.
Par ailleurs, tous reconnaissent, y compris l'Ademe, qu'avec 220 millions d'euros par an en moyenne ces dernières années, le fonds chaleur reste insuffisamment doté pour atteindre les objectifs ambitieux de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation nationale. La contribution de la chaleur renouvelable est pourtant indispensable à l'évolution globale du mix énergétique de notre pays. La promesse d'un doublement du fonds par le précédent gouvernement, réitérée lors de la campagne présidentielle par l'actuel Président de la République, ne s'est pas encore concrétisée.
J'en viens aux autres actions portées par le programme. En raisonnant à périmètre constant, c'est-à-dire hors transfert des crédits de l'Ademe, le programme connaît une hausse bien plus modeste de ses crédits, d'environ 1,3 %, en passant de 238 à 241 millions d'euros en autorisations d'engagement, et de 227 à 231 millions en crédits de paiement.
En d'autres termes, les ressources de la politique de prévention des risques sont préservées par rapport à l'année précédente, sans toutefois connaître de revalorisation majeure.
Comme l'an passé, la prévention des risques technologiques et des pollutions demeure une action importante du programme avec près de 107 millions d'euros en autorisations d'engagement et 91 millions en crédits de paiement.
En 2018, la priorité de cette action restera l'élaboration et l'application des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) autour des sites Seveso, afin de rattraper le retard pris par rapport à la loi de 2003, qui prévoyait un achèvement du processus en 2008. Mi-2017, sur un total de 392 PPRT prescrits, 361 étaient approuvés.
En 2018, les crédits permettront de poursuivre l'élaboration des PPRT prescrits et de mettre en oeuvre les plans approuvés, en finançant des mesures d'expropriation et de délaissement, ainsi que des mesures supplémentaires de réduction des risques.
Un effort d'1 million d'euros est dégagé en faveur des PPRT, ce qui me semble être une bonne décision, compte tenu de l'importance de ces sujets pour les populations résidant autour des sites à hauts risques. Rappelons que les PPRT ont été créés en 2003 à la suite de la catastrophe de l'usine AZF.
Cette action porte également des ressources dédiées à la prévention des risques en matière de santé-environnement. Outre les activités de l'Anses en matière de produits phytosanitaires, sur lesquelles je reviendrai dans un instant, un effort d'environ 2 millions d'euros en 2018 permettra de mettre en oeuvre le troisième plan national santé-environnement. Ces actions porteront en particulier sur les perturbateurs endocriniens et les nanomatériaux.
En matière de prévention des risques naturels, l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN) se poursuit, en mettant toujours l'accent sur la prévention des inondations, dès lors que 17 millions d'habitants résident dans une zone partiellement inondable.
L'élaboration des PPRN progresse, avec, au 1er août 2017, 11 395 communes couvertes par un PPRN approuvé, et 2 217 communes concernées par un PPRN prescrit en cours d'élaboration.
Les programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI), portés par les collectivités territoriales avec un cofinancement de l'État, sont également des outils importants de cette politique. Ces programmes d'actions seront soumis à un nouveau cahier des charges à partir du 1er janvier 2018, qui prévoit notamment d'améliorer la coordination des programmes avec les autres politiques existantes, en particulier en matière d'urbanisme et d'aménagement du territoire.
Les crédits dédiés aux risques naturels enregistrent une légère baisse, qui résulte presque exclusivement d'un report de 2018 à 2019 lié à des retards dans la réalisation des travaux sur la digue ferroviaire de Tarascon.
Il faut également relever, au titre des risques naturels, le plafonnement de la ressource affectée au Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) à partir de 2018. Alimenté par un prélèvement sur les contrats d'assurance, dont le montant était supérieur à ses dépenses, le fonds a accumulé une trésorerie importante.
Le Gouvernement a donc décidé de plafonner à 137 millions d'euros le montant de cette affectation. Ce montant étant inférieur aux dépenses observées les années précédentes, la trésorerie du fonds devra sans doute être utilisée pour maintenir son niveau actuel d'intervention.
Ce plafonnement ne devrait certes pas avoir d'effet à court ou moyen terme sur la prévention des risques, tout en contribuant à la maîtrise des dépenses publiques, mais nous devrons être attentifs à l'évolution des ressources du fonds dans les prochaines années.
S'agissant de la prévention des risques miniers, le programme 181 prévoit 38,6 millions d'euros, soit une hausse de 2,4 %.
Cette action finance des mesures visant à limiter au maximum l'effet des anciennes exploitations minières sur la sécurité des personnes et des biens.
Elle s'appuie sur l'élaboration de plans de prévention des risques miniers, analogues aux PPRN, et sur la réalisation de travaux de mise en sécurité des sites miniers. Ces crédits financent également certaines mesures d'expropriation lorsque l'aléa minier menace gravement la sécurité des personnes.
J'en viens maintenant à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Le programme 181 apporte une dotation budgétaire à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante chargée d'assurer la sûreté du secteur nucléaire. Pour cela, l'autorité s'appuie sur l'expertise de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Encore récemment, nous avons pu mesurer la réactivité de l'IRSN, qui a rapidement détecté une fuite de ruthénium, venant vraisemblablement d'un accident dans une région proche de l'Oural.
Comme je l'avais souligné l'an passé, ces deux organismes sont confrontés à un accroissement de leurs missions, avec plusieurs dossiers majeurs à traiter dans les prochaines années : les réexamens périodiques du parc vieillissant, l'application de nouveaux standards suite à l'accident de Fukushima ou encore la construction de nouvelles installations comme ITER ou l'EPR de Flamanville.
Par ailleurs, la situation financière des principaux exploitants, EDF et Areva, qui sont les premiers responsables de la sûreté nucléaire, reste fragile.
A ces problématiques s'est ajoutée la découverte de falsifications au cours de l'année 2016 dans la fabrication industrielle de certaines pièces pour l'EPR, ce qui a été un véritable « coup de tonnerre » dans le secteur.
L'ASN m'a indiqué que les exploitants se sont engagés dans une revue exhaustive de leurs commandes passées depuis 50 ans, en vue d'identifier d'autres irrégularités, et de déterminer le cas échéant si celles-ci s'accompagnent d'anomalies dangereuses pour la sûreté nucléaire.
Les ressources de l'ASN pour 2018 s'élèvent à 58,5 millions en autorisations d'engagement et 63,5 millions en crédits de paiement, soit une légère hausse d'environ 1 %. Quant à la dotation de l'IRSN apportée par le programme 190, elle est stable par rapport à 2017.
En matière d'effectifs, après avoir obtenu une hausse de 50 ETPT sur la période 2015-2017, l'ASN souhaite renforcer ses effectifs pour constituer une équipe d'inspection capable d'identifier les éventuelles fraudes. Comme les années précédentes, l'Autorité, qui vise à terme un objectif de quinze postes, n'a obtenu que partiellement satisfaction, avec un surcroît de deux emplois pour 2018.
Face à ces enjeux sans précédent, le caractère hautement prioritaire de cette mission de l'État - que je qualifierais de régalienne vu son importance pour la sécurité des populations - ne fait aucun doute. Malgré des efforts pour l'ASN, le budget de la sûreté nucléaire reste sous tension.
À titre personnel, je regrette qu'au-delà de ces concessions au coup par coup, une véritable trajectoire budgétaire crédible n'ait pas été définie par une réforme du financement de la sûreté nucléaire en France.
Des solutions crédibles existent pourtant, comme la mise en place au profit de l'ASN d'une contribution due par les exploitants d'installations nucléaires, ou l'augmentation du plafond pour le prélèvement qui bénéficie à l'IRSN. Ces évolutions permettraient d'accroître les ressources de la sûreté nucléaire, en valorisant à leur juste valeur les services rendus par ces organismes publics aux exploitants.
Pour terminer, je souhaiterais évoquer la contribution de l'Anses en matière de santé-environnement. Outre ses travaux de recherche et d'expertise sur des sujets majeurs comme les perturbateurs endocriniens et les nanomatériaux dans le cadre du plan national santé-environnement, l'Anses joue un rôle essentiel par l'évaluation et l'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et biocides.
Dans le cadre d'un déplacement au siège de l'Anses, j'ai pu échanger avec les services de l'agence sur ces différents sujets. Ces discussions ont été passionnantes et je ne peux qu'encourager notre commission à s'y rendre, compte tenu de l'importance des sujets traités par l'Anses.
Je souhaiterais tout d'abord rappeler qu'en matière de produits phytopharmaceutiques, un partage des tâches est établi entre le niveau européen et le niveau national : au niveau européen, l'évaluation et l'autorisation portent sur les substances actives, comme actuellement le glyphosate ; au niveau national, l'évaluation et l'autorisation portent sur les préparations, qui intègrent des substances actives et d'autres coformulants.
Au niveau européen, les États membres contribuent au traitement des demandes d'autorisation des substances actives, et la Commission européenne leur soumet en fin de procédure une proposition d'autorisation ou de non-autorisation.
Depuis le 1er juillet 2015, l'Anses est chargée d'évaluer et d'accorder les AMM pour les préparations. Ce sujet avait été discuté par notre commission l'an dernier, car l'augmentation attendue des dossiers déposés nous faisait craindre une possible saturation des travaux de l'agence.
Afin de faire face à ce surcroît d'activité, l'Anses a prévu une augmentation de ses effectifs consacrés aux produits réglementés de 123 ETPT d'ici 2022, dont 15 emplois supplémentaires dès 2018. Cette évolution suivra l'augmentation de ses recettes, tout en étant sécurisée par un excédent de fonctionnement courant permettant de faire face à une éventuelle diminution des recettes.
Je pense que nous pouvons saluer cette stratégie de priorisation des actions de l'agence, en faveur d'une activité importante pour la santé publique, et pour laquelle la sensibilité de la société civile ne fait que s'accroître.
Comme vous le savez par ailleurs, en application de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, l'Anses a été chargée par le législateur d'établir un bilan des solutions de substitution ou des méthodes alternatives aux produits comprenant des substances de la famille des néonicotinoïdes, qui seront interdits le 1er septembre 2018, avec la possibilité de dérogations accordées par le Gouvernement jusqu'au 1er juillet 2020.
Ce bilan sera rendu au premier semestre 2018. En 2017, l'Agence a publié un avis précisant la méthodologie et les critères retenus pour évaluer les solutions de substitution. Lors des échanges avec les services de l'agence, j'ai été informé que la part d'utilisations dites « orphelines » suite à l'interdiction, qui était initialement estimée à plus de 30 %, devrait être plus faible que prévu compte tenu des solutions alternatives disponibles. Si cette perspective se confirme, il s'agit d'une bonne nouvelle, qui facilitera la transition vers des produits moins risqués.
Je terminerai sur ce sujet en soulignant qu'il est indispensable d'accorder le temps et les moyens nécessaires à l'expertise scientifique pour établir sereinement des connaissances, et, le cas échéant, identifier les incertitudes persistantes, avant une prise de décision politique sur des sujets aussi complexes.
Je serais tenté d'établir un parallèle entre la situation observée aujourd'hui sur le glyphosate, et ce que nous avions constaté à propos du Levothyrox dans le domaine médical. Des polémiques vives et aussi soudaines qu'éphémères font parfois prévaloir une approche très politique, voire caricaturale, avant même que l'état de la science n'ait été établi. À ce titre, l'Anses nous a confirmé que le classement du glyphosate parmi les substances cancérigènes reste incertain, au regard de la littérature scientifique existante.
Si la transparence et l'impartialité des procédures d'évaluation sont des enjeux majeurs pour la confiance en matière sanitaire, il ne s'agit pas de créer un climat de soupçon permanent qui conduirait à décrédibiliser a priori le rôle des organismes publics.
Pour conclure, vous l'aurez compris mes chers collègues, les crédits examinés dans le cadre de cet avis pour 2018 témoignent davantage d'un effort de priorisation à moyens contraints que d'un souffle nouveau en faveur de la prévention des risques. Toutefois, la hiérarchisation des enjeux me semble responsable et appropriée, dans le cadre d'un effort budgétaire global.
Tout en restant critiques et vigilants sur les mesures qui seront proposées dans les prochains mois par le Gouvernement, et sous réserve des informations que nous apportera le ministre lors de son audition prévue demain, je vous proposerai donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.