Intervention de Bruno Le Maire

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 novembre 2017 à 17h55
Projet de loi de finances pour 2018 — Audition de M. Bruno Le maire ministre de l'économie et des finances

Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Je vous présenterai les crédits de la mission « Économie » ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Je commencerai par mettre en perspective les choix budgétaires et fiscaux faits par le Gouvernement. L'objectif est la transformation économique en profondeur de l'économie française, grâce à une amélioration de son financement. Cela passe par un choix de rupture : l'allégement de la fiscalité sur le capital, qui doit permettre d'améliorer le financement de notre économie et de favoriser l'investissement et l'innovation de nos entreprises face aux révolutions technologiques en cours. Les indicateurs sont positifs, la croissance est solide, mais il faut être lucide sur l'état de l'appareil productif français, qui reste fragile.

Nous souhaitons profiter de la trajectoire budgétaire et de nos choix fiscaux pour transformer notre économie et renforcer le tissu économique. Le projet de loi sur la transformation des entreprises que je présenterai l'année prochaine au Parlement nous permettra également d'aller en ce sens.

Certains chiffres sont préoccupants : les emplois industriels continuent de reculer, la balance commerciale extérieure est toujours déficitaire. Nous avons donc du pain sur la planche pour redresser notre industrie et retrouver une véritable vitalité économique. Je préfère annoncer la couleur : ce travail prendra des années, car on ne transforme pas l'économie française en quelques jours.

S'agissant du volet fiscal, les choix ont été les suivants : mise en place d'un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les intérêts du capital, suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, ce qui doit permettre aussi de libérer des capitaux pour notre économie, et baisse du taux de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % aujourd'hui à 25 % en 2022.

En matière d'innovation, nous avons maintenu l'intégralité du crédit d'impôt recherche et nous mettrons en place début 2018 un fonds pour l'innovation de rupture, qui sera financé par des cessions d'actifs de l'État à hauteur de 10 milliards d'euros.

C'est donc une politique de l'offre ambitieuse qui est clairement affichée, dont le but est de restaurer la compétitivité de notre économie. Elle va de pair avec des mesures de soutien à ceux qui travaillent - allégement des cotisations salariales assurance maladie et assurance chômage. Ainsi, le travail sera mieux rémunéré.

Nous avons également une politique en direction des plus modestes, au travers de mesures portant sur l'allocation adulte handicapé et sur le crédit d'impôt pour les personnes qui emploient des aides à domicile mais qui ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. Nous ne voulons laisser personne de côté.

Cette première étape sera complétée par la loi sur la transformation des entreprises à laquelle je vous invite à participer, qui portera sur la création, la croissance et la transmission d'entreprises, le partage de la valeur avec les salariés, le meilleur financement des entreprises, la numérisation des PME, la simplification et la conquête de l'international.

Nos choix budgétaires s'inscrivent dans une stratégie économique de consolidation de l'outil productif français, qui est fragile, pas assez digitalisé et mal financé.

J'en viens maintenant aux grandes masses budgétaires de la mission « Économie », composée des programmes 134 « Développement des entreprises et régulation », 220 « Statistiques et études économiques », 305 « Stratégie économique et fiscale » et 343 « Plan France Très Haut Débit ». Avec un peu moins de 1,9 milliard d'euros de crédits de paiement et 2,1 milliards d'autorisations d'engagement, les moyens de cette mission sont stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

La masse salariale représente un peu moins de 50 % des crédits de cette mission, qui regroupe 12 017 agents. Il s'agit principalement des effectifs de la Direction générale des entreprises, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de l'Insee, de la Direction générale du Trésor et de la Direction de la législation fiscale. 182 suppressions d'emplois sont prévues, ce qui représente un taux d'effort de 1,5 % à la maîtrise des effectifs de la fonction publique d'État et au redressement de nos finances publiques. Les crédits dédiés aux dépenses de personnel représentent une part importante et peu flexible du budget de cette mission.

Au travers de ces directions et des crédits hors personnel dont elles disposent, la mission « Économie » offre aux PME et aux entreprises artisanales différents dispositifs d'accompagnement et de soutien. Elle finance en particulier l'action de la BPI en matière de financement des PME et d'assurance export. Elle finance également l'agence Business France, qui aide les PME à ouvrir de nouveaux marchés à l'exportation. Nous essaierons, dans la prochaine loi de transformation des entreprises, d'améliorer et de simplifier ces dispositifs d'aide à l'exportation.

Le plan France Très Haut Débit, dont le financement est actuellement assuré par le fonds pour la société du numérique, basculera progressivement sur le programme 343 de la mission « Économie ». Le Gouvernement a souhaité accélérer ce plan essentiel pour la compétitivité mondiale de notre territoire. Notre objectif est le haut débit pour tous dès 2020 et le très haut débit pour tous en 2022. Nous voulons éviter que les richesses ne se concentrent sur les métropoles, car telle n'est pas notre vision du développement économique français. Aucun territoire ne doit être laissé de côté, et les territoires ruraux doivent avoir accès au très haut débit. Nous travaillons d'ailleurs sur de nouvelles solutions techniques qui doivent permettre de remédier aux difficultés du filaire dans les zones les plus éloignées. Car personne n'y développera d'activité économique si l'accès au très haut débit n'est pas assuré.

J'en viens maintenant au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui constitue le support budgétaire de l'État actionnaire, et dont la doctrine d'emploi a été précisée à l'article 48 de la loi de finances pour 2006.

Le portefeuille de l'État actionnaire est constitué de 81 entreprises qui représentent près de 100 milliards d'euros de capitaux propres, 400 milliards d'euros de chiffre d'affaires cumulé et 1,8 million d'emplois. Il représente donc une part très importante de notre économie. Depuis 2015, l'État actionnaire a fait tourner son portefeuille, avec des cessions et des investissements : privatisation des aéroports de Nice et de Lyon, ouverture du capital de l'aéroport de Toulouse, cession de PSA à Bpifrance, cession de blocs d'actions Safran et Engie ; acquisition de titres Renault, revendus ces derniers jours avec une plus-value importante pour l'État, et de titres Air France-KLM en 2015, rachat de la participation de Bpifrance au capital d'Eramet en 2016, rachat de 51 % de Technicatome et recapitalisations d'EDF et d'Areva en 2017.

Avec le Président de la République, nous voulons recentrer les biens de l'État sur les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays - je pense aux domaines de la défense et du nucléaire -, sur les grands services publics nationaux ou locaux, comme La Poste et la SNCF, et sur les entreprises qui peuvent contribuer de façon spécifique à la politique industrielle du pays. Pour les autres activités, les cessions de participations continueront et serviront au financement du fonds pour l'innovation de rupture.

Ces choix traduisent une vision nouvelle du rôle de l'État dans l'économie française. Le rôle qu'on lui a fait jouer jusqu'à présent n'est pas le bon. L'État n'a pas vocation à diriger des entreprises à la place des entrepreneurs, il n'en a ni la capacité ni la légitimité. En revanche, il doit garantir la protection de certains intérêts de souveraineté de notre pays et la préservation d'un certain nombre de services publics auxquels tous les Français sont attachés. Il n'est pas question de céder des actifs de La Poste ou de la SNCF, qui resteront des services publics. Enfin, l'État doit davantage investir dans l'innovation de rupture et préparer notre économie aux transformations technologiques. Les États-Unis et la Chine le font au profit des entreprises privées. Le succès de SpaceX, le lanceur récupérable, s'explique par la combinaison d'investissements privés et d'un soutien massif de l'État fédéral américain, via les installations de la Nasa et les fonds apportés par la Darpa. Cette agence nous servira de modèle pour le fonds de l'innovation de rupture proposé par le Président de la République, à l'échelle nationale d'abord, puis franco-allemande, puis européenne.

Redéfinir le rôle de l'État dans l'économie est l'un des enjeux fondamentaux des dix prochaines années : c'est ce que nous faisons en cédant des participations de l'État dans certaines activités du secteur concurrentiel et en investissant davantage dans l'innovation et dans la préparation de l'avenir.

En 2018, le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est présenté en équilibre, avec 5 milliards de recettes et 5 milliards de dépenses ainsi répartis : 1 milliard consacré au désendettement de l'État au travers de la contribution à la Caisse de la dette publique à partir du programme 732 et 4 milliards d'euros consacrés aux opérations d'investissement à partir du programme 731.

Pour répondre à la question posée par Mme la présidente sur les CCI, j'ai bien conscience de l'effort qui leur est demandé. Le Gouvernement s'est fortement engagé en faveur de la baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises. Parmi ces prélèvements, la taxe affectée aux CCI représentait 925 millions d'euros en 2017. Nous en diminuons le montant à 775 millions d'euros, ce qui représente effectivement un effort de 150 millions d'euros. En 2017, les ressources des CCI avaient été maintenues de façon à faciliter les restructurations, qui ont cependant été variables d'un département ou d'une région à l'autre. En contrepartie de l'effort qui leur est aujourd'hui demandé, nous prenons l'engagement de garantir la stabilité de leurs ressources en 2019-2022. Il est maintenant indispensable d'engager une réflexion de fond sur les missions des CCI, notamment sur le périmètre de missions de service public. Des travaux en ce sens sont en cours, dont les conclusions devraient être rendues d'ici à la fin de l'année. Ceux qui voudront participer à cette réflexion seront les bienvenus, car l'enjeu est majeur.

En ce qui concerne Alstom, son rachat par General Electric (GE) ne change pas la situation. Les activités concernées par les trois joint-ventures que vous avez mentionnées, madame la présidente, sont au coeur de la stratégie de GE ; elles ne sont pas concernées par les restructurations annoncées par le nouveau président de GE. Je veux rassurer les salariés concernés. Je m'entretiendrai avec lui dans les prochains jours pour faire un point précis sur les orientations de GE en France et sur les engagements qui ont été pris et qui doivent être tenus en matière de création d'emplois, c'est-à-dire la création nette de 1 000 emplois d'ici à la fin de l'année 2018.

Dans le domaine du nucléaire, je rappelle que l'État conserve une action de préférence (golden share) et que la propriété intellectuelle est sécurisée : il dispose donc d'un droit de veto sur les opérations stratégiques. L'activité d'Alstom dépendra aussi des choix que nous ferons avec le ministre d'État, le Premier ministre et le Président de la République dans quelques mois. Le meilleur gage de la tenue des engagements de GE, c'est de lui offrir des perspectives claires tant d'un point de vue fiscal qu'en termes de politique énergétique et de répartition des charges entre énergies renouvelables et énergie nucléaire. Nicolas Hulot a déjà eu l'occasion d'indiquer que l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique ne pourrait être atteint en 2025. Je partage cette sage décision. Il faudra ensuite préciser les moyens d'accélérer le développement des énergies renouvelables en France. Toutes ces questions font actuellement l'objet de discussions au sein du Gouvernement.

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