Commission des affaires économiques

Réunion du 14 novembre 2017 à 17h55

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous recevons M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, et plus particulièrement de la mission « Économie ».

Les crédits de cette mission, qui est l'une des principales missions budgétaires de soutien à l'activité des entreprises, sont, à périmètre constant, quasi stables, avec une baisse de 1 % par rapport à 2017. Les principales mesures affectant les entreprises ne relèvent pas de cette mission, mais de la première partie du projet de loi de finances - relèvement des seuils d'imposition des micro-entrepreneurs - et d'articles non rattachés à la mission - diminution du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi -, ou encore du projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec la baisse des cotisations sociales patronales.

Cependant, cette stabilité contraste avec l'augmentation forte, de 32 % entre 2018 et 2020, des crédits de la mission prévue par le projet de loi de programmation des finances publiques. Pour analyser cette hausse, il faut toutefois prendre en compte le processus « Action publique 2022 » et les éventuels efforts nécessaires pour tenir les objectifs de dépenses de l'État fixés par le Gouvernement ou financer les mesures du plan d'action en faveur de la croissance des entreprises annoncé en septembre dernier.

La saisine pour avis de notre commission nous permet d'examiner plus largement les moyens mis en oeuvre par l'État pour assurer la conduite des politiques publiques en faveur des entreprises.

Ma première question porte sur le nouvel abaissement de 150 millions d'euros du plafond de la taxe pour frais de chambres, qui impactera fortement les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Le réseau peut sans doute encore réduire ses coûts, mais le caractère immédiat de cette mesure mettrait à mal la continuité de son offre au service des entreprises. Je m'inquiète aussi de l'impact sur l'offre de formation.

Une réflexion d'ensemble doit être menée sur les synergies et les complémentarités à trouver entre les réseaux consulaires - chambres de commerce, chambres de métiers, chambres d'agriculture -, les autres acteurs de l'accompagnement des entreprises - Business France et Bpifrance - et les régions.

Ma deuxième question concerne l'avenir des coentreprises entre Alstom et General Electric dans trois domaines d'activité stratégiques pour la France : turbines à vapeur des réacteurs des centrales EDF, réseaux énergétiques et énergies renouvelables. Si l'État n'est plus au capital d'Alstom et si Alstom met en oeuvre en 2018 l'option de vente des participations qu'il détient, de quels outils disposera la France pour garantir le maintien sur son territoire de l'activité, des emplois et des compétences dans ces domaines d'avenir ?

Enfin, j'aimerais connaître votre avis quant aux conséquences de la forte baisse des capacités d'investissement des bailleurs sociaux sur l'économie du bâtiment. Comment anticipez-vous le ralentissement de leurs investissements ? Quel sera l'impact sur l'emploi et l'activité économique ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

Je vous présenterai les crédits de la mission « Économie » ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Je commencerai par mettre en perspective les choix budgétaires et fiscaux faits par le Gouvernement. L'objectif est la transformation économique en profondeur de l'économie française, grâce à une amélioration de son financement. Cela passe par un choix de rupture : l'allégement de la fiscalité sur le capital, qui doit permettre d'améliorer le financement de notre économie et de favoriser l'investissement et l'innovation de nos entreprises face aux révolutions technologiques en cours. Les indicateurs sont positifs, la croissance est solide, mais il faut être lucide sur l'état de l'appareil productif français, qui reste fragile.

Nous souhaitons profiter de la trajectoire budgétaire et de nos choix fiscaux pour transformer notre économie et renforcer le tissu économique. Le projet de loi sur la transformation des entreprises que je présenterai l'année prochaine au Parlement nous permettra également d'aller en ce sens.

Certains chiffres sont préoccupants : les emplois industriels continuent de reculer, la balance commerciale extérieure est toujours déficitaire. Nous avons donc du pain sur la planche pour redresser notre industrie et retrouver une véritable vitalité économique. Je préfère annoncer la couleur : ce travail prendra des années, car on ne transforme pas l'économie française en quelques jours.

S'agissant du volet fiscal, les choix ont été les suivants : mise en place d'un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les intérêts du capital, suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, ce qui doit permettre aussi de libérer des capitaux pour notre économie, et baisse du taux de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % aujourd'hui à 25 % en 2022.

En matière d'innovation, nous avons maintenu l'intégralité du crédit d'impôt recherche et nous mettrons en place début 2018 un fonds pour l'innovation de rupture, qui sera financé par des cessions d'actifs de l'État à hauteur de 10 milliards d'euros.

C'est donc une politique de l'offre ambitieuse qui est clairement affichée, dont le but est de restaurer la compétitivité de notre économie. Elle va de pair avec des mesures de soutien à ceux qui travaillent - allégement des cotisations salariales assurance maladie et assurance chômage. Ainsi, le travail sera mieux rémunéré.

Nous avons également une politique en direction des plus modestes, au travers de mesures portant sur l'allocation adulte handicapé et sur le crédit d'impôt pour les personnes qui emploient des aides à domicile mais qui ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu. Nous ne voulons laisser personne de côté.

Cette première étape sera complétée par la loi sur la transformation des entreprises à laquelle je vous invite à participer, qui portera sur la création, la croissance et la transmission d'entreprises, le partage de la valeur avec les salariés, le meilleur financement des entreprises, la numérisation des PME, la simplification et la conquête de l'international.

Nos choix budgétaires s'inscrivent dans une stratégie économique de consolidation de l'outil productif français, qui est fragile, pas assez digitalisé et mal financé.

J'en viens maintenant aux grandes masses budgétaires de la mission « Économie », composée des programmes 134 « Développement des entreprises et régulation », 220 « Statistiques et études économiques », 305 « Stratégie économique et fiscale » et 343 « Plan France Très Haut Débit ». Avec un peu moins de 1,9 milliard d'euros de crédits de paiement et 2,1 milliards d'autorisations d'engagement, les moyens de cette mission sont stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

La masse salariale représente un peu moins de 50 % des crédits de cette mission, qui regroupe 12 017 agents. Il s'agit principalement des effectifs de la Direction générale des entreprises, de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de l'Insee, de la Direction générale du Trésor et de la Direction de la législation fiscale. 182 suppressions d'emplois sont prévues, ce qui représente un taux d'effort de 1,5 % à la maîtrise des effectifs de la fonction publique d'État et au redressement de nos finances publiques. Les crédits dédiés aux dépenses de personnel représentent une part importante et peu flexible du budget de cette mission.

Au travers de ces directions et des crédits hors personnel dont elles disposent, la mission « Économie » offre aux PME et aux entreprises artisanales différents dispositifs d'accompagnement et de soutien. Elle finance en particulier l'action de la BPI en matière de financement des PME et d'assurance export. Elle finance également l'agence Business France, qui aide les PME à ouvrir de nouveaux marchés à l'exportation. Nous essaierons, dans la prochaine loi de transformation des entreprises, d'améliorer et de simplifier ces dispositifs d'aide à l'exportation.

Le plan France Très Haut Débit, dont le financement est actuellement assuré par le fonds pour la société du numérique, basculera progressivement sur le programme 343 de la mission « Économie ». Le Gouvernement a souhaité accélérer ce plan essentiel pour la compétitivité mondiale de notre territoire. Notre objectif est le haut débit pour tous dès 2020 et le très haut débit pour tous en 2022. Nous voulons éviter que les richesses ne se concentrent sur les métropoles, car telle n'est pas notre vision du développement économique français. Aucun territoire ne doit être laissé de côté, et les territoires ruraux doivent avoir accès au très haut débit. Nous travaillons d'ailleurs sur de nouvelles solutions techniques qui doivent permettre de remédier aux difficultés du filaire dans les zones les plus éloignées. Car personne n'y développera d'activité économique si l'accès au très haut débit n'est pas assuré.

J'en viens maintenant au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », qui constitue le support budgétaire de l'État actionnaire, et dont la doctrine d'emploi a été précisée à l'article 48 de la loi de finances pour 2006.

Le portefeuille de l'État actionnaire est constitué de 81 entreprises qui représentent près de 100 milliards d'euros de capitaux propres, 400 milliards d'euros de chiffre d'affaires cumulé et 1,8 million d'emplois. Il représente donc une part très importante de notre économie. Depuis 2015, l'État actionnaire a fait tourner son portefeuille, avec des cessions et des investissements : privatisation des aéroports de Nice et de Lyon, ouverture du capital de l'aéroport de Toulouse, cession de PSA à Bpifrance, cession de blocs d'actions Safran et Engie ; acquisition de titres Renault, revendus ces derniers jours avec une plus-value importante pour l'État, et de titres Air France-KLM en 2015, rachat de la participation de Bpifrance au capital d'Eramet en 2016, rachat de 51 % de Technicatome et recapitalisations d'EDF et d'Areva en 2017.

Avec le Président de la République, nous voulons recentrer les biens de l'État sur les entreprises stratégiques qui contribuent à la souveraineté de notre pays - je pense aux domaines de la défense et du nucléaire -, sur les grands services publics nationaux ou locaux, comme La Poste et la SNCF, et sur les entreprises qui peuvent contribuer de façon spécifique à la politique industrielle du pays. Pour les autres activités, les cessions de participations continueront et serviront au financement du fonds pour l'innovation de rupture.

Ces choix traduisent une vision nouvelle du rôle de l'État dans l'économie française. Le rôle qu'on lui a fait jouer jusqu'à présent n'est pas le bon. L'État n'a pas vocation à diriger des entreprises à la place des entrepreneurs, il n'en a ni la capacité ni la légitimité. En revanche, il doit garantir la protection de certains intérêts de souveraineté de notre pays et la préservation d'un certain nombre de services publics auxquels tous les Français sont attachés. Il n'est pas question de céder des actifs de La Poste ou de la SNCF, qui resteront des services publics. Enfin, l'État doit davantage investir dans l'innovation de rupture et préparer notre économie aux transformations technologiques. Les États-Unis et la Chine le font au profit des entreprises privées. Le succès de SpaceX, le lanceur récupérable, s'explique par la combinaison d'investissements privés et d'un soutien massif de l'État fédéral américain, via les installations de la Nasa et les fonds apportés par la Darpa. Cette agence nous servira de modèle pour le fonds de l'innovation de rupture proposé par le Président de la République, à l'échelle nationale d'abord, puis franco-allemande, puis européenne.

Redéfinir le rôle de l'État dans l'économie est l'un des enjeux fondamentaux des dix prochaines années : c'est ce que nous faisons en cédant des participations de l'État dans certaines activités du secteur concurrentiel et en investissant davantage dans l'innovation et dans la préparation de l'avenir.

En 2018, le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » est présenté en équilibre, avec 5 milliards de recettes et 5 milliards de dépenses ainsi répartis : 1 milliard consacré au désendettement de l'État au travers de la contribution à la Caisse de la dette publique à partir du programme 732 et 4 milliards d'euros consacrés aux opérations d'investissement à partir du programme 731.

Pour répondre à la question posée par Mme la présidente sur les CCI, j'ai bien conscience de l'effort qui leur est demandé. Le Gouvernement s'est fortement engagé en faveur de la baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises. Parmi ces prélèvements, la taxe affectée aux CCI représentait 925 millions d'euros en 2017. Nous en diminuons le montant à 775 millions d'euros, ce qui représente effectivement un effort de 150 millions d'euros. En 2017, les ressources des CCI avaient été maintenues de façon à faciliter les restructurations, qui ont cependant été variables d'un département ou d'une région à l'autre. En contrepartie de l'effort qui leur est aujourd'hui demandé, nous prenons l'engagement de garantir la stabilité de leurs ressources en 2019-2022. Il est maintenant indispensable d'engager une réflexion de fond sur les missions des CCI, notamment sur le périmètre de missions de service public. Des travaux en ce sens sont en cours, dont les conclusions devraient être rendues d'ici à la fin de l'année. Ceux qui voudront participer à cette réflexion seront les bienvenus, car l'enjeu est majeur.

En ce qui concerne Alstom, son rachat par General Electric (GE) ne change pas la situation. Les activités concernées par les trois joint-ventures que vous avez mentionnées, madame la présidente, sont au coeur de la stratégie de GE ; elles ne sont pas concernées par les restructurations annoncées par le nouveau président de GE. Je veux rassurer les salariés concernés. Je m'entretiendrai avec lui dans les prochains jours pour faire un point précis sur les orientations de GE en France et sur les engagements qui ont été pris et qui doivent être tenus en matière de création d'emplois, c'est-à-dire la création nette de 1 000 emplois d'ici à la fin de l'année 2018.

Dans le domaine du nucléaire, je rappelle que l'État conserve une action de préférence (golden share) et que la propriété intellectuelle est sécurisée : il dispose donc d'un droit de veto sur les opérations stratégiques. L'activité d'Alstom dépendra aussi des choix que nous ferons avec le ministre d'État, le Premier ministre et le Président de la République dans quelques mois. Le meilleur gage de la tenue des engagements de GE, c'est de lui offrir des perspectives claires tant d'un point de vue fiscal qu'en termes de politique énergétique et de répartition des charges entre énergies renouvelables et énergie nucléaire. Nicolas Hulot a déjà eu l'occasion d'indiquer que l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production électrique ne pourrait être atteint en 2025. Je partage cette sage décision. Il faudra ensuite préciser les moyens d'accélérer le développement des énergies renouvelables en France. Toutes ces questions font actuellement l'objet de discussions au sein du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Les crédits budgétaires du programme 134, qui concerne notamment le financement de Bpifrance et de son activité de garantie, doublent par rapport à 2017 ; c'est évidemment satisfaisant. Toutefois la source principale de financement de Bpifrance provient en réalité du recyclage des dividendes issus de ses participations, pratique qui a été dénoncée par la Cour des comptes car elle est contraire aux principes budgétaires. Cependant, même si cette pratique perdurait, on constaterait en 2018 un manque de financement de l'activité de Bpifrance à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui signifie que Bpifrance devra réduire son offre de garanties et donc que les PME n'auront plus le même accès au crédit. Qu'en pensez-vous ?

Les crédits en faveur des associations agréées de défense des consommateurs ainsi qu'aux instituts de consommation sont en repli de 40 % par rapport à l'an passé. Ce n'est pas négligeable. Cette baisse n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable, si bien que les associations vont se trouver dans une impasse financière immédiate. Pensez-vous pouvoir revenir sur cette baisse ? Les sommes en jeu sont relativement faibles. L'Assemblée nationale envisage d'aller dans ce sens. Êtes-vous favorable à une réflexion stratégique de l'État sur le rôle de ces acteurs qui contribuent à la protection des droits des consommateurs ?

En juillet dernier, j'avais présenté un rapport d'information sur la normalisation. Je proposais notamment de cesser de réduire la subvention accordée à l'Association française de normalisation (l'Afnor). Je constate que le programme 134 prévoit une petite augmentation de celle-ci, et je m'en réjouis. Mais ne serait-il pas opportun de mettre en place un véritable mécanisme afin que la puissance publique joue son rôle de stratège en orientant davantage les travaux de normalisation ? Ensuite ne serait-il pas pertinent de procéder à une harmonisation du taux de crédit d'impôt applicable aux dépenses de normalisation avec celui applicable aux autres dépenses éligibles au CIR pour inciter les entreprises à participer à l'oeuvre de normalisation ? Enfin, vous nous avez proposé de travailler en amont sur le prochain projet de loi sur la transformation des entreprises. Avez-vous des précisions sur le calendrier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Le Gouvernement a fait le choix d'alléger la fiscalité du capital. Il envisagerait aussi, ai-je lu dans la presse, de baisser à terme les charges pour les salaires supérieurs à 2,5 SMIC, ce qui qui coûterait 5 milliards d'euros. S'il est une mesure pourtant que les TPE-PME ont particulièrement appréciée, c'est le mécanisme de suramortissement qui a permis de soutenir efficacement l'investissement productif. Pourquoi ne pas le prolonger en le recentrant vers les industries du futur afin de combler notre retard en matière de digitalisation ? Selon Bpifrance, il y aurait 200 000 robots en activité en Allemagne, contre 40 000 en France. On achète en France 3 045 robots par an, quand l'Allemagne en achète 20 000, ce qui signifie que notre retard ne se comble pas. Nous disposons de cinq ans pour rattraper notre retard en la matière, après cela sera très difficile.

Je trouve que vous faites preuve de beaucoup d'optimisme s'agissant des annonces de General Electric. J'ai lu la presse : je suis extrêmement inquiet, et je ne suis pas le seul. Une mission d'information sera créée au Sénat sur Alstom et la politique industrielle de la France. Les syndicats m'ont appelé. Comptez-vous les recevoir ? Je n'ai pas compris votre stratégie. Pourquoi ne pas avoir racheté les actions de Bouygues, ce qui aurait donné à l'État un droit de regard à la fois sur les activités ferroviaires et sur celles liées à l'énergie ?

La création de la flat tax et la réforme de l'ISF sont des choix politiques. Le Gouvernement espère que cela sera bon pour l'investissement. Ce sera en tout cas un beau cadeau de Noël pour certains, que les retraités vont payer très cher...Je suis heureux que le Sénat propose de supprimer la hausse de la CSG pour les retraités. Ne craignez-vous pas que cet argent aille à la rente plutôt qu'à l'investissement productif ? Le scandale des Paradise Papers devrait nous alerter. Nous avons besoin de développer l'investissement. Selon l'institut Coe-Rexecode, il n'y a plus d'écart de coût du travail entre l'Allemagne et la France. L'enjeu désormais est de combler notre retard en matière de digitalisation. Pour cela, il faut investir !

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Le gouvernement travaille sur les modalités de refonte du plan France Très Haut Débit. Lors de la conférence nationale des territoires, qui s'est tenue au Sénat, le Président de la République a tenu un discours de responsabilité en reconnaissant qu'il n'était pas possible de « tirer la fibre dans tous les logements de la République » et en souhaitant la mise en place de nouvelles solutions technologiques. Le satellite constitue une de ces options. Pourtant il n'existe actuellement aucun projet de fabrication de satellites par nos industriels pour couvrir la France, et certains opérateurs envisagent de recourir à un satellite américain alors que la France dispose d'une industrie de pointe en matière spatiale. Nous risquons de perdre une occasion de montrer notre savoir-faire. Il serait paradoxal que la France qui vend des satellites dans le monde entier ne puisse satisfaire les besoins de son marché national !

La dotation versée par l'État à la Poste pour assurer la distribution de la presse écrite, six jours sur sept sur l'ensemble du territoire et à des tarifs préférentiels, va baisser. Pourrions-nous avoir connaissance de l'étude qui a inspiré ces mesures ? Il en va de l'égal accès de nos citoyens à la culture et à la presse écrite.

Certains économistes estiment que la flat tax est une bombe à retardement pour les finances publiques ? Comment le Gouvernement est-il parvenu à chiffrer le manque à gagner à un milliard d'euros ? Envisagez-vous d'informer le Parlement sur le coût réel de cette flat tax par le biais d'un rapport annuel ?

Enfin, où en est la révision de la directive TVA ? Ce sujet concerne notamment la filière cheval. On évoque une privatisation de la Française des Jeux : cette décision aurait des conséquences majeures sur l'ensemble de la filière cheval.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Depuis de nombreuses années, l'économie française se fragilise, ne crée pas assez d'emplois et notre balance commerciale est en déficit. C'est la réalité. Je suis ouvert à toutes les solutions mais je refuse le statu quo qui n'est plus tenable. Le Président de la République est décidé à changer les choses en profondeur.

Le programme 134 avait été conçu pour aider les entreprises, notamment les PME, à sortir de la crise. Il convient maintenant de réfléchir à d'autres moyens pour accompagner nos PME, notamment pour l'accès au crédit. Cela sera un des enjeux de la loi de transformation des entreprises. Des consultations sont en cours. Les conclusions des différents groupes de travail seront publiées le 10 décembre. Les propositions seront mises en ligne. Le travail législatif devrait débuter au printemps. Je souhaite que les sénateurs soient associés le plus étroitement possible à ces travaux.

Les subventions représentent une petite fraction (2 %) du budget des associations de consommateurs. Le Gouvernement est prêt, le cas échéant, à une approche au cas par cas. Je rappelle toutefois qu'une médiation indépendante a été mise en place en 2016 et que la numérisation permet aussi aux consommateurs d'être mieux renseignés. Pourquoi enfin ces associations, dont le rôle pour l'information et la défense des consommateurs est essentiel, ne pourraient-elles pas se rassembler, comme d'autres organismes le font déjà, pour réduire leurs dépenses de fonctionnement ?

Je ne crois pas que nous ayons réglé le problème de différentiel de coût du travail entre la France et l'Allemagne. Nous avons choisi d'alléger le coût du travail sur les bas salaires pour favoriser l'emploi. Le CICE sera maintenu sous la forme d'un allègement de charges pérenne. Cela ne suffira pas toutefois : n'est-il pas contradictoire d'inciter les entreprises à investir dans les technologies innovantes, à mieux former leurs personnels pour qu'ils acquièrent de nouvelles qualifications plus pointues, donc mieux rémunérées, et en même temps de limiter les baisses des charges aux bas salaires ? C'est pourquoi je souhaite que l'on ouvre le débat sur l'allégement des charges sur les salaires supérieurs à 2,5 SMIC. Louis Gallois a d'ailleurs salué ma démarche dans l'hebdomadaire Marianne. Tout le monde s'inquiète de la désindustrialisation, mais si on refuse d'envisager des solutions nouvelles, elle se poursuivra ! Or l'industrie, au même titre que l'agriculture, est un élément clef de notre puissance économique. Un pays ne doit pas mettre tous ses oeufs dans le même panier en misant sur un seul secteur. Aussi je propose une stratégie différente : alléger les charges au-dessus de 2,5 SMIC tout en mettant l'accent sur la formation. Il faut aussi gagner la bataille culturelle pour inciter les jeunes à travailler dans l'industrie. L'industrie par définition est un mélange d'activité manufacturière et de services. Voyez Michelin, qui non seulement fabrique des pneumatiques, mais propose aussi une offre de services aux entreprises tout en s'appuyant sur un laboratoire de recherche innovant. Il faut donc agir sur ces trois leviers : l'innovation, avec le CIR et le soutien aux innovations de rupture, les services, en allégeant le coût du travail, et l'industrie manufacturière, en réfléchissant à des allégements de charges, au-dessus de 2,5 SMIC de façon à ce que nos entreprises restent compétitives. Le président de la République entend développer une stratégie offensive pour l'industrie. Même si cet allègement supplémentaire coûte cinq milliards d'euros, il mérite que l'on y réfléchisse et que l'on prenne en compte les effets bénéfiques pour la compétitivité. Le suramortissement a été efficace mais ce mécanisme ne saurait devenir permanent : son efficacité diminuerait tandis que son coût augmenterait. L'aide à l'investissement et à l'innovation passe d'abord par un allégement de la fiscalité sur le capital. Les mesures que nous avons prises en matière fiscale pour alléger la fiscalité sur le capital permettront aux entreprises d'investir et d'innover. La baisse de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % améliorera la profitabilité de nos entreprises et leur permettra d'investir. La transformation de l'ISF va aussi dans le bons sens. Je suis prêt à réaliser dans deux ans une évaluation de notre politique fiscale.

Je suis avec vigilance et attention les annonces de General Electric. Il ne s'agit pas de faire preuve « d'optimisme ». Je comprends les inquiétudes des salariés. J'ai déjà rencontré les organisations syndicales à Belfort. Je suis prêt à les recevoir à nouveau. Nous sommes déterminés à faire respecter les engagements de GE en France. Le rachat des actions de Bouygues n'aurait rien changé. Je veux couper court ici à toute illusion. La branche énergie d'Alstom n'a rien à voir avec sa branche transport : même en prenant la place de Bouygues au capital de la branche transports, l'État n'aurait eu aucune influence sur la branche énergie. Ensuite il ne faut pas croire que l'État, avec 5 ou 10 % du capital d'une entreprise et un strapontin au conseil d'administration (CA), peut diriger une entreprise. Ce sont les actionnaires majoritaires qui décident de sa stratégie. Ne leurrons pas les Français ! On ne gouverne pas une entreprise avec 5 ou 10 % du capital ! De plus le rachat des parts de Bouygues aurait coûté un milliard d'euros...

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Au lieu d'un strapontin au CA, nous avons préféré garder des marges de manoeuvre pour agir sur l'entreprise grâce à la commande publique et l'achat de trains. C'est un levier beaucoup plus efficace !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Cela aurait coûté le double, deux milliards d'euros au lieu d'un. Gouverner c'est tenir compte des contraintes, notamment budgétaires, et faire des choix stratégiques. C'est ce que nous faisons en soutenant l'innovation et en baissant la fiscalité des entreprises.

Certaines études présentent la flat tax comme une bombe à retardement pour le budget ; d'autres montrent l'inverse ! Je rappelle que les possibilités d'optimisation entre dividendes et salaires sont très réduites. L'analyse que vous mentionnez s'appuie sur l'étude d'un type d'entreprise très spécifique et qu'on ne peut pas généraliser.

S'agissant du très haut débit, nous réfléchissons effectivement à une solution satellitaire française associant Eutelsat et Orange ; j'ai rencontré l'ensemble des acteurs de la filière spatiale française. Il convient de vérifier si cette option tient la route, technologiquement et financièrement, et d'en peser les avantages et les inconvénients.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

La volonté de maîtrise des dépenses publiques inspire ce budget pour 2018. Les collectivités territoriales, dont les budgets représentent 12 % du PIB, prennent leur part à cet effort. Entre 2014 et 2017, cet effort s'est manifesté notamment par la baisse des dotations. Cette logique a été abandonnée au profit d'une logique partenariale entre l'État et les collectivités. Pourriez-vous nous donner des précisions sur le mécanisme de prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales ? Les régions se verraient allouer une fraction des recettes de TVA pour un montant de 4 milliards d'euros, ce qui ferait plus que compenser la baisse de leur dotation globale de fonctionnement de 3,9 milliards d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

L'Inspection générale des finances vous a remis un rapport sur la taxe à 3 % sur les dividendes. Quelles leçons avez-vous tirées de ce scandale d'État ? L'embellie pour l'économie française est certaine mais le déficit de notre balance commerciale ne se résorbe pas. Comment comptez-vous soutenir nos entreprises exportatrices ? La réduction du budget des chambres de commerce et d'industrie (CCI) est un mauvais signal.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Navarro

Je tiens à saluer ce budget qui respecte enfin nos engagements européens et qui contribuera à restaurer notre crédibilité en Europe. Ce Gouvernement est favorable à l'économie collaborative et prône la simplification. Pourquoi ne pas instaurer un prélèvement à la source de l'impôt par les plateformes d'économie collaborative ? S'il est facile de louer son logement ou sa voiture en ligne, il est beaucoup plus complexe de déclarer les revenus perçus de ces micro-activités. On pourrait s'inspirer du mécanisme en vigueur pour la taxe de séjour qui est simple et efficace.

Les Paradise papers ont dévoilé les pratiques d'optimisation fiscale. Pourquoi ne pas soutenir davantage le projet d'assiette commune pour l'IS au niveau européen plutôt qu'un hypothétique impôt basé sur le chiffre d'affaires pour les géants du web ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Le projet de loi de finances prévoyait une baisse du budget des agences de l'eau de 195 millions d'euros. Les députés ont adopté un amendement reportant cette baisse d'un an, avec l'accord du Gouvernement, tout en substituant pour 2018 un prélèvement sur ressources de 200 millions d'euros...Les territoires ruraux seront les premiers concernés, car les agences y assument des missions importantes aidant les collectivités territoriales à mettre en oeuvre la loi Gemapi ou contribuant au financement des syndicats d'eau et d'assainissement. Vous disiez vouloir une économie conquérante. C'est bien mais il ne faut pas oublier les territoires ruraux!

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Mayet

Je suis sénateur de l'Indre et ancien président de la chambre de commerce de ce département. Il n'est certes pas douteux que les chambres de commerce peuvent réaliser des économies de fonctionnement. Elles dispensent des services de grande qualité bénéfiques pour les usagers et le territoire. C'est le cas aussi des chambres des métiers et des chambres d'agriculture. Plutôt que des fusions, ne serait-il pas judicieux de favoriser des rapprochements des services de back office afin d'amortir les frais ? J'ai essayé de le faire mais cela n'a pas fonctionné ; il faudrait que l'initiative vienne de plus haut.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Vous avez annoncé une réflexion sur les missions des chambres de commerce. Que pensez-vous d'un rapprochement entre les chambres de commerce et les chambres de métiers ? Beaucoup de leurs membres appartiennent d'ailleurs à l'une et à l'autre. Il y a en effet plus de différences entre un commerçant franchisé Leclerc et le petit épicier de village qu'entre le même épicier et un ébéniste ! N'est-ce pas l'occasion de faire des économies ?

Notre taux de croissance, légèrement en hausse, s'élève à 1,8 %, quand celui de la zone euro se situe à 2,5 % et celui de l'Espagne dépasse 3 %. Vous avez annoncé des mesures, mais celles de nature financière et fiscale ne sont pas suffisantes. Il faut répondre à l'urgence. Réduire le nombre de députés et de sénateurs ne sauvera pas le pays ! Ce qui est urgent, c'est la simplification administrative et le soutien aux PME. Les freins sont connus, et répertoriés dans des rapports !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Vous avez dit que l'industrie et l'agriculture étaient nécessaires à la réussite de notre pays. Or, s'agissant de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), le foncier agricole et le foncier forestier ne sont pas reconnus dans le projet de loi de finances comme des éléments clefs de notre économie. C'est un choc terrible.

Pour ce qui concerne le développement du numérique, vous avez évoqué les échéances de 2020 et 2022. Je rappelle que ce sont les collectivités - régions et départements - qui financent la réduction de la fracture numérique. La collectivité régionale du Grand Est investira ainsi 1,2 milliard d'euros dans le programme Horizon 2022. Les pauvres paient pour avoir le numérique !

Vous avez dit qu'il fallait encourager ceux qui travaillent. Au lieu de procéder à un ajustement des taxes, on va pénaliser une fois de plus les personnes qui ont besoin d'un véhicule pour se déplacer et auxquelles on avait expliqué, à une certaine époque, que le diesel était meilleur pour la santé. C'est un très mauvais signal.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

En tant que président du groupe d'études « Économie sociale et solidaire » du Sénat, je souhaite connaître l'impact de la suppression du dispositif de réduction de l'ISF pour l'actionnariat solidaire, c'est-à-dire l'investissement dans les entreprises solidaires d'utilité sociale (ESUS).

Ce dispositif permet de mobiliser des fonds propres dans un secteur qui en manque cruellement et de prendre soin des Français en situation de précarité. Dans le journal La Croix, vous vous disiez prêt à envisager le relèvement du taux de réduction de l'impôt sur le revenu pour l'actionnariat solidaire. Cette proposition n'atteindra pas son objectif si elle ne s'accompagne pas de l'abandon du plafonnement à 10 000 euros de la réduction de l'impôt sur le revenu.

Au vu de l'impact social des ESUS - 5 500 personnes relogées et 30 000 emplois créés en 2016 pour un coût fiscal de 7,5 millions d'euros -, il me paraît cohérent d'exclure cet actionnariat du plafonnement précité.

Pour ce qui concerne les CCI, ne serait-il pas judicieux de diminuer d'une trentaine de millions d'euros l'effort demandé et de lisser celui-ci sur cinq ans ? Ce serait le gage que vous poursuivez l'engagement de stabilité pris par le gouvernement précédent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Avez-vous mesuré l'impact des réformes relatives aux revenus du patrimoine - suppression de l'ISF, flat tax de 30 % sur les revenus du capital - sur l'investissement immobilier, notamment dans le secteur résidentiel locatif ?

Selon le Gouvernement, l'efficacité du crédit d'impôt recherche (CIR) est démontrée pour ce qui est de stimuler les dépenses de recherche et de développement des entreprises. Dans les Alpes-Maritimes, pourtant, la fermeture en septembre 2018 du laboratoire de dermatologie Galderma entraînera la suppression de 550 emplois. Cette entreprise a touché 24 millions d'euros au titre du CIR et continuera à en bénéficier l'année prochaine.

Vous avez annoncé que le CIR serait sanctuarisé. Or ce dispositif n'est ni encadré ni évalué. Ne pourrait-on envisager sa territorialisation et conditionner son attribution à l'implication des entreprises auprès des acteurs locaux, en particulier les collectivités, les universités et les grandes écoles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Conconne

L'article 19 du projet de loi de finances prévoit une baisse de 150 millions d'euros de la taxe pour frais de CCI, soit 17 % de la ressource fiscale des chambres de commerce et d'industrie, lesquelles avaient déjà subi une baisse de crédits de 35 % sous le précédent quinquennat. Ce choix est paradoxal à l'heure où le Gouvernement promeut les grands chantiers de l'apprentissage, de l'internationalisation des entreprises, de la numérisation, et alors même qu'une mission d'inspection sur la redéfinition des réseaux consulaires est en cours.

Les CCI ultramarines sont particulièrement touchées. Dans les outre-mer, où le dynamisme entrepreneurial est plus important et les entreprises plus petites qu'en métropole, ces chambres ont perdu plusieurs concessions depuis 2010, et leur volume budgétaire est passé de 300 à 117 millions d'euros. Quant au contexte économique et géographique, il ne se prête guère à la réalisation d'économies. Il est impossible, par ailleurs, que des CCI aussi éloignées les unes des autres fusionnent.

La proposition de l'Assemblée nationale visant à augmenter le fonds de modernisation et de péréquation des CCI n'est pas satisfaisante, car elle ne permettra pas de compenser l'intégralité de la baisse.

Nous devons garantir aux CCI d'outre-mer leurs capacités de fonctionnement, car elles constituent un élément stratégique pour le développement économique de ces territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je m'associe à la question de Catherine Conconne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

À propos de l'aménagement du territoire, il est à la mode de parler du très haut débit (THD). Mais celui-ci ne sera qu'un jouet dans la vitrine s'il n'y a plus de gares, d'hôpitaux de proximité, de services publics et de tribunaux dans les territoires ruraux.

Je suis très favorable au THD, en particulier au réseau FTTH de fibre optique jusqu'au domicile, mais le développement du numérique se heurte à des problèmes techniques. Un système serait simple et rapide à mettre en place : le déploiement de la fibre jusqu'à un certain point de mutualisation, puis sur le réseau cuivre existant, propriété de l'opérateur historique.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Madame la présidente, pour ce qui concerne le secteur de la construction, nous avons prévu un taux du livret A à 0,75 % permettant de réduire le coût de la ressource pour la construction de logements sociaux. Cet allégement et le dynamisme actuel des mises en chantier laissent penser que le secteur est en bonne santé.

Monsieur Théophile, les questions que vous m'avez posées n'étant pas de ma compétence, je laisserai le soin à Gérald Darmanin de vous répondre.

Monsieur Decool, je vous recommande la lecture du rapport de l'IGF. L'annulation par la Cour de justice de l'Union européenne, puis par le Conseil constitutionnel, de la taxe à 3 % sur les dividendes nous a conduits à chercher une recette de 10 milliards d'euros dans des délais très brefs. J'ai voulu que toute la lumière soit faite sur cette affaire.

En 2012, quand la taxe a été adoptée à l'Assemblée nationale, d'aucuns se sont interrogé sur sa conformité avec la directive « mère-fille ». Celle-ci comporte deux articles importants, l'un relatif à la retenue à la source, l'autre au risque de rupture d'égalité de traitement entre les sociétés selon qu'elles sont basées ou non dans un État membre. Les interrogations qui ont été levées cette année-là concernaient la seule question de la retenue à la source. Or la difficulté portait sur la rupture d'égalité.

En 2015, les alertes se sont multipliées et auraient dû donner lieu à des décisions politiques. La Commission européenne a adressé une mise en demeure au gouvernement français, considérant que cette taxe était contraire à la directive. La direction de la législation fiscale a également tiré la sonnette d'alarme, indiquant que l'annulation de cette taxe non conforme aurait un impact très important sur les finances publiques françaises. Sur la base de ces deux faits, les contentieux ont explosé - plus de 600 à la fin de 2015 -, de nombreuses entreprises réclamant le remboursement de la taxe.

La taxe a ensuite fait l'objet d'une annulation partielle par la Cour de justice, puis totale, à effet immédiat, par le Conseil constitutionnel le 6 octobre dernier : l'État français devait rembourser 10 milliards d'euros.

Il y a eu des failles importantes dans le dispositif institutionnel et administratif français ainsi que dans les choix politiques. Il est responsable et sage de les combler. J'ai donc fait des propositions en vue de sécuriser et de stabiliser la loi fiscale, d'assurer plus de transparence en informant mieux le Parlement, de permettre un meilleur suivi du contentieux fiscal avec l'Union européenne. Nous ne pouvons pas laisser en l'état l'élaboration de la loi fiscale.

Vous m'avez interrogé sur le déficit commercial. Notre objectif est que le nombre d'entreprises exportatrices passe de 125 000 à 200 000. Les produits français doivent être plus innovants, de meilleure qualité, plus compétitifs. Il faut également améliorer le système de soutien à l'exportation.

Monsieur Navarro, je suis prêt à étudier votre proposition de prélèvement à la source pour l'économie collaborative.

Sur l'optimisation fiscale, nous souhaitons mettre en place une liste européenne plus conséquente que celle de l'OCDE et nous travaillons sur des dispositifs de sanction : tout État n'ayant pas fourni les informations nécessaires n'aurait plus accès aux dispositifs de soutien européens, pas plus qu'aux financements du FMI et de la Banque mondiale. Le Président de la République est déterminé à poursuivre les efforts entrepris par les précédents gouvernements et à progresser sur le sujet.

Je suis déterminé à faire aboutir le dossier de la taxation des géants du numérique, pour des raisons de justice - le traitement inégal des entreprises sur le plan fiscal est indéfendable - et d'efficacité économique - il est absurde de continuer à taxer les seuls biens manufacturés à l'heure de la digitalisation de l'économie. Il en va de la survie de nos services publics. La France est en tête de ce combat majeur.

Pour ce qui concerne les CCI, l'effort doit être partagé et leurs moyens sécurisés pour la période 2019-2022.

Vous le savez, monsieur Raison, le rapprochement des CCI et des chambres de métiers et de l'artisanat est un sujet sensible, car ces dernières sont très attachées à leur identité propre. Comme le disait M. Mayet, on peut envisager des mises en commun de moyens, de back office, mais pour le reste, restons prudents.

Monsieur Gremillet, rien ne justifiait un tel écart de taxation entre les véhicules diesel et ceux à essence. Il ne s'agit pas de surtaxer le diesel, mais de rapprocher les deux fiscalités. Je réunirai dans les prochaines semaines tous les acteurs de la filière diesel, constructeurs et sous-traitants, pour envisager avec eux sa réorientation vers d'autres activités industrielles.

S'agissant de l'ISF-PME et de l'IR-PME, nous sommes prêts à relever le taux de réduction de l'impôt sur le revenu en cas d'investissement dans l'économie sociale et solidaire. Cependant, on ne peut pas conjuguer le relèvement du taux et la modification du plafond ; l'impact budgétaire serait considérable.

Madame Estrosi Sassone, je suis d'accord pour que le CIR soit mieux évalué. Prenons garde, toutefois, à ne pas multiplier les contraintes. Je connais la situation du laboratoire Galderma et je sais combien le sujet est sensible dans votre département.

Le CIR fonctionne bien, mais il a une faiblesse : il est trop difficile d'accès pour les PME. Je souhaite donc que le dispositif soit simplifié pour ces entreprises, et déplafonné pour les grands groupes.

Madame Conconne, les CCI d'outre-mer seront traitées comme celles de métropole. Nous veillerons à ce qu'elles bénéficient, à partir de 2019, d'une bonne visibilité.

Monsieur Tissot, vous m'avez interrogé sur le THD. L'option du durcissement du réseau cuivre ne donne pas les mêmes résultats techniques que la fibre. Or on doit éviter toute rupture d'égalité entre nos concitoyens dans ce domaine. Je suis très sceptique sur la montée en puissance du cuivre. Il faut passer immédiatement au THD via la fibre ou via l'option franco-française satellitaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Je proposais que l'on combine les deux options, le cuivre et la fibre !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Je tiens à redire à Mme Estrosi Sassone que nous suivons le dossier Galderma avec beaucoup d'attention. Je regrette la décision de Nestlé, qui a choisi de délocaliser en Suisse ; il ne s'agit donc pas d'un problème de niveau de salaire. Il y a des règles à respecter au niveau de la recherche de repreneur, sur le plan social et en termes d'accompagnement financier des salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Tous les sujets ont été abordés et la discussion a été riche.

Monsieur le ministre, nous reviendrons avec vous en séance publique sur les CCI, le logement, la répartition des 10 milliards d'euros à rembourser à la suite de l'annulation de la taxe sur les dividendes, la territorialisation du CIR.

Enfin, la commission des affaires économiques et la délégation aux entreprises du Sénat souhaitent travailler avec vous sur le projet de loi que vous présenterez au cours du premier semestre de 2018.

La réunion est close à 19 h 35.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.