Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une pièce importante du dispositif mis en place par le Gouvernement pour ramener le déficit effectif à 0,2 % du PIB en 2022, contre 3,4 % du PIB en 2016, conformément à la trajectoire qui a été prévue par la loi de programmation des finances publiques.
Compte tenu de la baisse des prélèvements obligatoires prévue au cours de la période, l'effort de redressement des comptes publics reposerait exclusivement sur la maîtrise active de la dépense publique.
Or les administrations de sécurité sociale (ASSO) représentent environ la moitié des dépenses publiques. La trajectoire des administrations de sécurité sociale revêt donc une importance capitale.
Alors que le respect de la trajectoire de dépense du Gouvernement implique la mise en oeuvre d'un plan d'économies d'environ 80 milliards d'euros au cours du quinquennat, 36 milliards d'euros devraient être portés par les administrations de sécurité sociale. La part très importante des économies portée par les ASSO serait donc en ligne avec leur poids dans la dépense publique.
Dans le champ des organismes de sécurité sociale, un effort de consolidation important est prévu en 2018, conditionnant le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale à l'horizon 2020.
Le régime général retrouverait un solde excédentaire en 2018 de 1,2 milliard d'euros. Toutefois, il convient d'intégrer les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour disposer d'une image plus fidèle des comptes sociaux. Or celui-ci est toujours déficitaire, malgré le transfert du minimum contributif à la branche vieillesse réalisé en 2017. Ainsi, le déficit du régime général et du FSV s'élèverait à 2,2 milliards d'euros en 2018, soit une réduction du déficit de 2,7 milliards d'euros par rapport au solde de 2017. Il s'agit d'une consolidation du même ordre de grandeur que les années précédentes.
De façon rétrospective, l'amélioration des soldes à l'intérieur de cette courbe assez linéaire est très hétérogène entre les branches : elle a principalement porté sur les branches famille, au prix d'une mise en cause de la politique familiale, et vieillesse, grâce à la réforme des retraites de 2010. Le déficit de la branche maladie enregistré en 2016 par le présent projet de loi de financement ne s'améliore que de 1 milliard d'euros et de 700 millions d'euros en 2017. L'amélioration précaire des comptes sociaux n'a donc pas permis comme annoncé le retour à l'équilibre du régime général en 2017, dont le solde est toujours déficitaire de 1,6 milliard d'euros.
De façon prospective, la réduction prévue des déficits repose notamment sur le dynamisme des recettes, portées par des hypothèses d'une forte dynamique de la masse salariale du secteur privé, notamment par la réduction du chômage.
Le fait que près de la moitié des économies attendues sur le quinquennat relèvent de la sphère sociale est plutôt inquiétant. S'agissant des organismes de sécurité sociale, les économies attendues pour 2018 reposent sur des leviers traditionnels déjà largement exploités, comme les mesures du plan ONDAM 2015-2017, aux effets inégaux et limités, qui ressortent dans le graphique n°6. Ces prévisions de réduction des dépenses ne sont pas réellement pérennes, mais plutôt liées à des opérations one shot. De plus, ces prévisions intègrent des mesures de gestion non reconductibles comme la maîtrise des dépenses de gestion courante ou le décalage de la date de revalorisation des pensions.
Dans un contexte de relèvement de l'ONDAM à 2,3 % jusqu'en 2020 - il était à 2,1 % l'an dernier - et de dynamisme à venir des prestations de retraite et des dépenses d'assurance maladie, la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale d'ici 2020 paraît optimiste. Les chiffres annoncés pour les années à venir prévoient un retour à l'équilibre très rapide, voire des excédents et l'apurement total de la dette en 2024. Un tel optimisme nous laisse quelque peu songeurs compte tenu des besoins en termes de santé, d'autant que la réforme du régime des retraites n'est pas encore à l'ordre du jour.
Pourtant, c'est sur cette trajectoire de redressement que compte le Gouvernement pour apurer les déficits portés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), c'est-à-dire les 20 milliards d'euros de « dette » du régime cumulés en 2017 qui n'ont pas été transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
S'agissant de la dette sociale portée par la Cades, l'amortissement qu'elle réalise est plutôt efficace, dans un contexte de faibles taux de refinancement, ce qui rend « probable » la perspective de son apurement d'ici à 2024 si le différentiel de taux d'intérêt entre les emprunts remboursés et les emprunts nouvellement contractés se maintient dans les années à venir. Il reste encore 121 milliards d'euros à amortir, sachant que la Cades en a déjà amorti 140 milliards, conformément aux prévisions réalisées voilà plusieurs années.
Les recettes font l'objet de plusieurs mesures significatives : deux d'entre elles sont examinées avec une attention plus particulière par la commission des finances.
La première traduit l'engagement du Président de la République de modifier structurellement le financement de la sécurité sociale, en élargissant son mode de financement, qui repose à l'heure actuelle majoritairement sur les revenus du travail. Nous approuvons cette orientation, même si nos propositions sont différentes de celles du Gouvernement.
En contrepartie d'une hausse de 1,7 point du taux de CSG, comme le propose le Gouvernement, la mesure proposée consiste à supprimer les cotisations salariales d'assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé en deux temps en 2018. Je vous renvoie au rapport pour le détail des mesures de compensation prévues pour les autres catégories d'actifs, mais concrètement, nous allons supprimer l'équivalent de 3,15 % de charges patronales sur le montant brut du salaire d'un salarié du secteur privé, soit 2,2 % au mois de janvier, dont la totalité des retenues pour l'assurance maladie et une partie des cotisations chômage, la suppression de ces dernières étant prévue en octobre 2018.
Je suis favorable à la hausse de la CSG, qui est un impôt universel. Cette mesure me semble satisfaisante, à l'exception des retraités qui ne bénéficient d'aucune mesure de compensation contrairement aux salariés. En outre, elle s'ajoutera au gel des pensions de retraite, à savoir une année blanche qui résultera du report de la revalorisation des pensions.
Les retraités concernés sont ceux qui sont assujettis au taux plein de CSG. Cela équivaut à une pension mensuelle de 1 286 euros pour les moins de 65 ans, et 1 392 euros pour les plus de 65 ans. On peut difficilement qualifier ces personnes de retraités « riches ». Or ils prennent de plein fouet la hausse de 1,7 point du taux de CSG, et ce sans aucune compensation. Pour une personne seule de plus de 65 ans percevant 1 440 euros de pension mensuelle, cette augmentation représente une perte de revenus de 27 euros par mois, soit 324 euros par an. Ce sont 60 % des retraités, soit 8,2 millions de personnes qui se verront appliquer dès le 1er janvier 2018 une augmentation de la CSG.
Je vous propose donc la suppression de la hausse de la CSG sur les retraités concernés.
La deuxième mesure prévoit, pour 2019, d'instaurer un allégement permanent de cotisation patronale maladie de 6 points, en contrepartie de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) prévue pour 2019, et ramené à 6 % pour les revenus de 2018. Un renforcement du dispositif des allégements généraux est également prévu.
Je suis également favorable à la transformation proposée du CICE en baisse de cotisations patronales. La réduction pérenne des charges me semble une bonne mesure, quand le CICE s'apparentait à une subvention aléatoire. L'État a récupéré 1 % au passage, puisque la compensation sera effectuée sur la base de 6 %, et non de 7 %. Je ne propose pas à la commission de revenir sur ce dispositif, car le principe même de la compensation nous paraît satisfaisant.
De plus, le renforcement des allégements généraux est plutôt bienvenu. Je rappelle que les cotisations patronales expliquent en partie, vous en conviendrez tous, les différences de coûts horaires moyens de la main-d'oeuvre entre pays européens. Cette mesure devrait favoriser notre compétitivité.
J'en viens à la présentation de la situation financière de chaque branche.
La branche maladie concentre les déficits et les inquiétudes. Son solde serait de - 4,1 milliards d'euros en 2017, mais de - 0,8 milliard d'euros en 2018. Elle serait de nouveau la seule branche déficitaire en 2018. L'ONDAM est relevé à 2,3 % en 2018, ce qui nécessite 4,2 milliards d'euros d'économies. Je regrette toutefois que les économies attendues proviennent non pas de nouvelles mesures, mais de la poursuite des axes déjà mis en oeuvre entre 2015 et 2017, pour des résultats limités.
La branche vieillesse enregistrerait un solde positif de 200 millions d'euros en 2018. Ce retour à l'équilibre ne serait que temporaire, et traduit les derniers effets de la réforme engagée en 2010. Néanmoins, les dépenses de la branche vont repartir à la hausse. Il serait utile de remettre ce sujet sur la table. Sinon, le déficit de la branche va remonter à 3 milliards d'euros en 2022.
Excédentaire depuis 2013, la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) devrait présenter un excédent de 500 millions d'euros en 2018.
Enfin, après un déficit record de 3,2 milliards d'euros en 2013, le solde de la branche famille serait excédentaire de 1,3 milliard d'euros en 2018. Ce retour à l'équilibre s'explique essentiellement par le biais de modifications des conditions d'attribution des prestations familiales.
Je souhaite mettre en évidence le trait commun des mesures proposées en dépenses sur les branches famille et vieillesse de ce projet de loi de financement. Sur ces deux branches, des mesures nouvelles en dépenses sont annoncées par le Gouvernement, mais sont en réalité plus que compensées par de nouvelles mesures d'économies, prises au détriment des familles et des pensionnés.
Le Gouvernement propose ainsi une revalorisation du minimum vieillesse, financé par le FSV. Le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA, sera progressivement porté de 803 à 903 euros par mois d'ici à 2020. Cette mesure coûtera 115 millions d'euros en 2018. En même temps, sous prétexte d'une volonté « d'unifier » les dates de revalorisation de versement des pensions et du minimum vieillesse, l'alignement de ces revalorisations au 1er janvier conduit à repousser de trois mois la date de revalorisation des pensions de retraite et donc à une année blanche en 2018. Cette mesure représente une économie de 380 millions d'euros pour la branche vieillesse en 2018.
De même, l'augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde pour les 44 000 familles concernées coûterait 40 millions d'euros d'ici à 2022. En même temps, le montant et les plafonds d'éligibilité de la prestation d'accueil du jeune enfant, la Paje, sont alignés par le bas sur ceux du complément familial. À titre d'exemple, un jeune couple d'instituteurs perdrait ainsi le droit à près de 2 000 euros d'allocations l'année suivant la naissance de son premier enfant. Cette mesure devrait permettre d'économiser 500 millions d'euros par an à compter de 2022.
Tels sont les quelques éléments sur lesquels nous opposons notre désaccord. Je vous propose donc la suppression de l'abaissement du montant et des plafonds de la Paje.
En conclusion, mes chers collègues et sous réserve de l'adoption des deux amendements annoncés, je vous propose de donner un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 dont la commission des finances s'est saisie.