Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue une pièce importante du dispositif mis en place par le Gouvernement pour ramener le déficit effectif à 0,2 % du PIB en 2022, contre 3,4 % du PIB en 2016, conformément à la trajectoire qui a été prévue par la loi de programmation des finances publiques.
Compte tenu de la baisse des prélèvements obligatoires prévue au cours de la période, l'effort de redressement des comptes publics reposerait exclusivement sur la maîtrise active de la dépense publique.
Or les administrations de sécurité sociale (ASSO) représentent environ la moitié des dépenses publiques. La trajectoire des administrations de sécurité sociale revêt donc une importance capitale.
Alors que le respect de la trajectoire de dépense du Gouvernement implique la mise en oeuvre d'un plan d'économies d'environ 80 milliards d'euros au cours du quinquennat, 36 milliards d'euros devraient être portés par les administrations de sécurité sociale. La part très importante des économies portée par les ASSO serait donc en ligne avec leur poids dans la dépense publique.
Dans le champ des organismes de sécurité sociale, un effort de consolidation important est prévu en 2018, conditionnant le retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale à l'horizon 2020.
Le régime général retrouverait un solde excédentaire en 2018 de 1,2 milliard d'euros. Toutefois, il convient d'intégrer les comptes du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour disposer d'une image plus fidèle des comptes sociaux. Or celui-ci est toujours déficitaire, malgré le transfert du minimum contributif à la branche vieillesse réalisé en 2017. Ainsi, le déficit du régime général et du FSV s'élèverait à 2,2 milliards d'euros en 2018, soit une réduction du déficit de 2,7 milliards d'euros par rapport au solde de 2017. Il s'agit d'une consolidation du même ordre de grandeur que les années précédentes.
De façon rétrospective, l'amélioration des soldes à l'intérieur de cette courbe assez linéaire est très hétérogène entre les branches : elle a principalement porté sur les branches famille, au prix d'une mise en cause de la politique familiale, et vieillesse, grâce à la réforme des retraites de 2010. Le déficit de la branche maladie enregistré en 2016 par le présent projet de loi de financement ne s'améliore que de 1 milliard d'euros et de 700 millions d'euros en 2017. L'amélioration précaire des comptes sociaux n'a donc pas permis comme annoncé le retour à l'équilibre du régime général en 2017, dont le solde est toujours déficitaire de 1,6 milliard d'euros.
De façon prospective, la réduction prévue des déficits repose notamment sur le dynamisme des recettes, portées par des hypothèses d'une forte dynamique de la masse salariale du secteur privé, notamment par la réduction du chômage.
Le fait que près de la moitié des économies attendues sur le quinquennat relèvent de la sphère sociale est plutôt inquiétant. S'agissant des organismes de sécurité sociale, les économies attendues pour 2018 reposent sur des leviers traditionnels déjà largement exploités, comme les mesures du plan ONDAM 2015-2017, aux effets inégaux et limités, qui ressortent dans le graphique n°6. Ces prévisions de réduction des dépenses ne sont pas réellement pérennes, mais plutôt liées à des opérations one shot. De plus, ces prévisions intègrent des mesures de gestion non reconductibles comme la maîtrise des dépenses de gestion courante ou le décalage de la date de revalorisation des pensions.
Dans un contexte de relèvement de l'ONDAM à 2,3 % jusqu'en 2020 - il était à 2,1 % l'an dernier - et de dynamisme à venir des prestations de retraite et des dépenses d'assurance maladie, la perspective d'un retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale d'ici 2020 paraît optimiste. Les chiffres annoncés pour les années à venir prévoient un retour à l'équilibre très rapide, voire des excédents et l'apurement total de la dette en 2024. Un tel optimisme nous laisse quelque peu songeurs compte tenu des besoins en termes de santé, d'autant que la réforme du régime des retraites n'est pas encore à l'ordre du jour.
Pourtant, c'est sur cette trajectoire de redressement que compte le Gouvernement pour apurer les déficits portés par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), c'est-à-dire les 20 milliards d'euros de « dette » du régime cumulés en 2017 qui n'ont pas été transférés à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
S'agissant de la dette sociale portée par la Cades, l'amortissement qu'elle réalise est plutôt efficace, dans un contexte de faibles taux de refinancement, ce qui rend « probable » la perspective de son apurement d'ici à 2024 si le différentiel de taux d'intérêt entre les emprunts remboursés et les emprunts nouvellement contractés se maintient dans les années à venir. Il reste encore 121 milliards d'euros à amortir, sachant que la Cades en a déjà amorti 140 milliards, conformément aux prévisions réalisées voilà plusieurs années.
Les recettes font l'objet de plusieurs mesures significatives : deux d'entre elles sont examinées avec une attention plus particulière par la commission des finances.
La première traduit l'engagement du Président de la République de modifier structurellement le financement de la sécurité sociale, en élargissant son mode de financement, qui repose à l'heure actuelle majoritairement sur les revenus du travail. Nous approuvons cette orientation, même si nos propositions sont différentes de celles du Gouvernement.
En contrepartie d'une hausse de 1,7 point du taux de CSG, comme le propose le Gouvernement, la mesure proposée consiste à supprimer les cotisations salariales d'assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé en deux temps en 2018. Je vous renvoie au rapport pour le détail des mesures de compensation prévues pour les autres catégories d'actifs, mais concrètement, nous allons supprimer l'équivalent de 3,15 % de charges patronales sur le montant brut du salaire d'un salarié du secteur privé, soit 2,2 % au mois de janvier, dont la totalité des retenues pour l'assurance maladie et une partie des cotisations chômage, la suppression de ces dernières étant prévue en octobre 2018.
Je suis favorable à la hausse de la CSG, qui est un impôt universel. Cette mesure me semble satisfaisante, à l'exception des retraités qui ne bénéficient d'aucune mesure de compensation contrairement aux salariés. En outre, elle s'ajoutera au gel des pensions de retraite, à savoir une année blanche qui résultera du report de la revalorisation des pensions.
Les retraités concernés sont ceux qui sont assujettis au taux plein de CSG. Cela équivaut à une pension mensuelle de 1 286 euros pour les moins de 65 ans, et 1 392 euros pour les plus de 65 ans. On peut difficilement qualifier ces personnes de retraités « riches ». Or ils prennent de plein fouet la hausse de 1,7 point du taux de CSG, et ce sans aucune compensation. Pour une personne seule de plus de 65 ans percevant 1 440 euros de pension mensuelle, cette augmentation représente une perte de revenus de 27 euros par mois, soit 324 euros par an. Ce sont 60 % des retraités, soit 8,2 millions de personnes qui se verront appliquer dès le 1er janvier 2018 une augmentation de la CSG.
Je vous propose donc la suppression de la hausse de la CSG sur les retraités concernés.
La deuxième mesure prévoit, pour 2019, d'instaurer un allégement permanent de cotisation patronale maladie de 6 points, en contrepartie de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) prévue pour 2019, et ramené à 6 % pour les revenus de 2018. Un renforcement du dispositif des allégements généraux est également prévu.
Je suis également favorable à la transformation proposée du CICE en baisse de cotisations patronales. La réduction pérenne des charges me semble une bonne mesure, quand le CICE s'apparentait à une subvention aléatoire. L'État a récupéré 1 % au passage, puisque la compensation sera effectuée sur la base de 6 %, et non de 7 %. Je ne propose pas à la commission de revenir sur ce dispositif, car le principe même de la compensation nous paraît satisfaisant.
De plus, le renforcement des allégements généraux est plutôt bienvenu. Je rappelle que les cotisations patronales expliquent en partie, vous en conviendrez tous, les différences de coûts horaires moyens de la main-d'oeuvre entre pays européens. Cette mesure devrait favoriser notre compétitivité.
J'en viens à la présentation de la situation financière de chaque branche.
La branche maladie concentre les déficits et les inquiétudes. Son solde serait de - 4,1 milliards d'euros en 2017, mais de - 0,8 milliard d'euros en 2018. Elle serait de nouveau la seule branche déficitaire en 2018. L'ONDAM est relevé à 2,3 % en 2018, ce qui nécessite 4,2 milliards d'euros d'économies. Je regrette toutefois que les économies attendues proviennent non pas de nouvelles mesures, mais de la poursuite des axes déjà mis en oeuvre entre 2015 et 2017, pour des résultats limités.
La branche vieillesse enregistrerait un solde positif de 200 millions d'euros en 2018. Ce retour à l'équilibre ne serait que temporaire, et traduit les derniers effets de la réforme engagée en 2010. Néanmoins, les dépenses de la branche vont repartir à la hausse. Il serait utile de remettre ce sujet sur la table. Sinon, le déficit de la branche va remonter à 3 milliards d'euros en 2022.
Excédentaire depuis 2013, la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) devrait présenter un excédent de 500 millions d'euros en 2018.
Enfin, après un déficit record de 3,2 milliards d'euros en 2013, le solde de la branche famille serait excédentaire de 1,3 milliard d'euros en 2018. Ce retour à l'équilibre s'explique essentiellement par le biais de modifications des conditions d'attribution des prestations familiales.
Je souhaite mettre en évidence le trait commun des mesures proposées en dépenses sur les branches famille et vieillesse de ce projet de loi de financement. Sur ces deux branches, des mesures nouvelles en dépenses sont annoncées par le Gouvernement, mais sont en réalité plus que compensées par de nouvelles mesures d'économies, prises au détriment des familles et des pensionnés.
Le Gouvernement propose ainsi une revalorisation du minimum vieillesse, financé par le FSV. Le montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA, sera progressivement porté de 803 à 903 euros par mois d'ici à 2020. Cette mesure coûtera 115 millions d'euros en 2018. En même temps, sous prétexte d'une volonté « d'unifier » les dates de revalorisation de versement des pensions et du minimum vieillesse, l'alignement de ces revalorisations au 1er janvier conduit à repousser de trois mois la date de revalorisation des pensions de retraite et donc à une année blanche en 2018. Cette mesure représente une économie de 380 millions d'euros pour la branche vieillesse en 2018.
De même, l'augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde pour les 44 000 familles concernées coûterait 40 millions d'euros d'ici à 2022. En même temps, le montant et les plafonds d'éligibilité de la prestation d'accueil du jeune enfant, la Paje, sont alignés par le bas sur ceux du complément familial. À titre d'exemple, un jeune couple d'instituteurs perdrait ainsi le droit à près de 2 000 euros d'allocations l'année suivant la naissance de son premier enfant. Cette mesure devrait permettre d'économiser 500 millions d'euros par an à compter de 2022.
Tels sont les quelques éléments sur lesquels nous opposons notre désaccord. Je vous propose donc la suppression de l'abaissement du montant et des plafonds de la Paje.
En conclusion, mes chers collègues et sous réserve de l'adoption des deux amendements annoncés, je vous propose de donner un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 dont la commission des finances s'est saisie.
Je remercie le rapporteur pour avis d'avoir établi la synthèse du budget de la sécurité sociale, dont le poids, parmi les budgets publics, est très important. Il en est du projet de loi de financement de la sécurité comme du projet de loi de finances : concrètement, le Gouvernement compte plus sur la spontanéité des cotisations que sur les réformes de structure pour améliorer les soldes.
Je me concentrerai sur la question de la CSG et de la baisse des charges.
À l'instar du rapporteur pour avis, je suis très favorable à la baisse des charges. Je considère que le CICE était une erreur, car il n'était pas affecté. En outre, d'après les comparatifs internationaux et les études des cabinets d'audit, le coût du travail et le poids des cotisations sont les plus élevés en France. La priorité était donc à la baisse de charges. Cette mesure va dans le bon sens. En revanche, j'ai un peu plus de mal à comprendre les moyens prévus pour financer cette baisse de charges. Appartenant à une majorité qui avait voté la TVA compétitivité dont le corollaire était la baisse des charges, je persiste à croire que la TVA est une piste bien meilleure. En effet, l'impact de cette taxe frappe largement les produits importés. De plus, la France se situe plutôt dans la moyenne basse des taux européens. Son augmentation est envisageable dans les périodes de faible inflation, lorsque la concurrence va absorber une partie des hausses de TVA. De nombreux pays y ont eu recours. C'est sans doute le seul moyen, dans une économie ouverte, de taxer les importations.
Néanmoins, l'augmentation de la CSG alimentant une baisse des charges ne doit pas déclencher de fortes critiques, dans la mesure où ce dispositif est neutre, voire positif pour les salariés. En revanche, la question reste ouverte pour les retraités, qui ne bénéficient pas de baisse de cotisations, ne sont pas forcément éligibles à la baisse de la taxe d'habitation, donc, en clair, sont victimes purement et simplement de la hausse de la CSG.
C'est la raison pour laquelle je soutiendrai pleinement l'amendement à l'article 7 déposé par le rapporteur pour avis. Autant on peut porter un regard différent sur la délocalisation, qui va dans le sens de la compétitivité des entreprises, autant on peut regretter que cela soit mis en oeuvre par la voie de la CSG.
Je souhaiterais poser trois questions.
La première porte sur les économies qui sont demandées sur la période. À priori, les 36 milliards d'euros sur les 80 milliards d'euros sont calculés en tendanciel. De quoi s'agit-il exactement ? Comment les retrouve-t-on sur la période ? Le tendanciel qu'il est demandé aux collectivités représente 1,2 %. Qu'en est-il de l'État ? Il serait souhaitable que la commission des finances clarifie ces points avant les discussions en séance publique.
La deuxième question porte sur l'apurement de la dette. Le rapporteur pour avis a l'air optimiste, et j'aimerais partager ce sentiment. Le Gouvernement souhaiterait, à partir de 2019, profiter des excédents de la sécurité sociale pour abonder le budget de l'État. Cet éventuel prélèvement ne remettrait-il pas en question l'apurement de la dette sociale ?
Ma troisième question a trait à la CSG. Son augmentation s'appliquerait aux retraités percevant 1 400 euros par mois. Quant au dégrèvement de la taxe d'habitation, jusqu'à quel seuil de revenu s'appliquerait-il ?
Je remercie le rapporteur pour avis d'avoir présenté ces points d'accord avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je note que, comme souvent, on se dit favorable à la maîtrise de la dépense publique, mais qu'ensuite très peu de mesures d'économies trouvent un écho favorable. Or s'il faut faire des économies en général, il faut bien en faire aussi en particulier.
Le financement est un rééquilibrage entre les actifs et les inactifs, et aussi entre le travail et le capital via la CSG, taux le plus élevé s'appliquant aux revenus du capital. Les retraités vont tout de même bénéficier de la baisse de la taxe d'habitation, pour 35 % d'entre eux - je le dis de mémoire -, si l'on compte la hausse de la CSG et la réduction de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages.
Enfin, sur l'universalité et la dévitalisation de la branche famille, la politique n'est pas nouvelle, puisque la volonté de concentrer les efforts sur ceux qui en ont le plus besoin s'était déjà manifestée. Je souligne notamment le renforcement des aides en faveur des familles monoparentales. Il est très important d'aider ces familles, notamment pour retrouver un emploi.
Ma question est simple et pratique : existe-t-il un dispositif qui exonère les retraités vivant en maison de retraite de l'augmentation de la CSG ?
Ma question concerne également l'application de la CSG aux retraités. Dans le document que vous nous présentez, une colonne comprend le revenu fiscal de référence et les deux autres le niveau de pension au-delà ou en deçà de 65 ans.
Qu'entend-on par niveau de pension ? L'ensemble de ce qui est perçu au régime général et aux régimes complémentaires : c'est en agrégeant le tout que l'on pourrait savoir si le seuil est dépassé en fonction de l'âge.
Pour ce qui est de la référence au revenu fiscal de référence, deux seuils différents seraient pris en compte pour l'application de la mesure. Tout cela n'est pas très clair. De nombreux retraités m'interrogent pour savoir s'ils vont être concernés par la hausse de 1,7 %. Honnêtement, j'ai du mal à leur répondre. Pourriez-vous nous éclairer sur la façon dont les deux colonnes doivent être interprétées ?
Le rapporteur pour avis a-t-il évalué le coût de la mesure proposée dans l'amendement, à savoir la suppression de la hausse de la CSG pour les retraités ?
Mon intervention sera plus une explication de vote qu'un questionnement.
La CSG rapportera 122 milliards d'euros en 2018, les exonérations de cotisations sociales 45 milliards d'euros, à quoi s'ajoutent 21 milliards d'euros du fait de la transformation du CICE.
Nous sommes contre la hausse de la CSG, ce n'est pas une révélation, au-delà du principe même de la CSG que nous réfutons. C'est pourquoi nous allons voter un amendement sur lequel nous ne raisonnons pas du tout de la même manière. Mais l'essentiel est que chacun puisse s'exprimer. Je comprends l'intention qui sous-tend la hausse de la CSG, mais quelle sera son incidence sur la pension mensuelle d'un retraité ? En moyenne, si l'on tient compte du régime général et des complémentaires, un retraité paiera 440 euros. On pourrait se rassembler sur ce point, si l'on omettait les 11 vaccins obligatoires, qui coûteront 360 euros à nos concitoyens.
Quant à l'hôpital, il bénéficiera de 1,2 milliard d'euros en moins. Comment allons-nous expliquer que notre vote a entraîné une réduction des moyens alloués aux hôpitaux ? Ce n'est pas un projet idéologique, en fonction du lieu d'implantation de l'hôpital. En l'espèce, il existe des passerelles entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances.
Cette explication de vote est destinée à éviter toute confusion des genres. Le débat en séance publique sera l'occasion de débattre ensemble de ces sujets.
Je m'interroge sur la lutte contre la fraude, par branche. Ce phénomène est très difficile à quantifier. Le rapporteur pour avis a-t-il un avis circonstancié en la matière ?
Je m'interroge sur le lien entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances. Dans le projet de loi de programmation des finances publiques, nous avons constaté une période difficile entre 2018 et 2019 qui provient de la transformation du CICE en baisse de charges. Je suis totalement favorable à cette mesure structurelle, contrairement au crédit d'impôt qui était conjoncturel et pouvait de ce fait être remis en cause beaucoup plus facilement. Néanmoins, cela va entraîner une modification des bases imposables, donc un surplus, avec un an de décalage, de l'impôt sur les sociétés. Ces liens ont-ils bien été chiffrés dans le processus de transformation du CICE en baisse de charges ? Certes, des abus ont été commis. Certains responsables politiques et patronaux ont même déclaré que cette transformation contribuait à l'augmentation du coût horaire du travail, ce qui est totalement aberrant !
Les tableaux qui nous sont présentés montrent un redressement très significatif, durant les cinq dernières années, des comptes de la sécurité sociale, jusqu'à des résultats jamais atteints par le passé. Il convient également de rappeler que ce redressement a été réalisé sans retentissement sur la qualité du service ni déremboursement de médicaments, comme cela avait cours fréquemment au cours des périodes antérieures. Une telle amélioration était pourtant considérée comme quasiment impossible.
Lors d'une analyse prospective, il faut d'abord revenir sur quelques éléments qui permettent de comprendre notre orientation. Nous constatons un certain nombre de reculs parmi les propositions du Gouvernement afin de trouver des recettes nouvelles, et nous le regrettons. Je pense en particulier à l'alignement du plafond et du montant de la Paje, de la modération de la progression du Fonds national d'action sanitaire et social (FNASS).
Concernant la CSG, nous vous suivrons, monsieur le rapporteur pour avis, car le seuil retenu pour considérer qu'un retraité est suffisamment riche nous paraît extrêmement faible. L'inquiétude des retraités est légitime, car ils ont apporté une large contribution financière et connaissent une situation très difficile par rapport à leurs aînés et leurs enfants. La solidarité familiale doit jouer. Demander un nouvel effort aux retraités nous paraît disproportionné.
Par ailleurs, on ne peut pas décider la baisse de la taxe d'habitation pour certains et pas pour d'autres, annulant l'effet de la CSG.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cet amendement.
Je souhaiterais poser une question sur les recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Un article du journal Le Monde écrit par un chercheur économiste de Berkeley s'attache aux conséquences de la mise en place de la flat tax, avec un transfert potentiel d'une part de la rémunération des dirigeants vers des revenus de type dividendes, en vue d'une forme d'optimisation fiscale. Or cela aboutirait à une baisse des cotisations, estimée à environ 10 milliards d'euros par an, et donc potentiellement à de moindres recettes inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette question est préoccupante au regard de l'équilibre proposé. Sur le reste, je rejoins la position de Claude Raynal.
Je souhaiterais au préalable formuler quelques considérations générales.
Des interactions toujours plus nombreuses apparaissent entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Aujourd'hui, de plus en plus de décisions prises dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale trouvent leur conclusion dans le projet de loi de finances. Ce phénomène s'amplifie, ce qui correspond notamment à un refinancement par l'État d'un certain nombre de dépenses de santé qui étaient auparavant exclusivement financées par un système contributif fermé.
Je ne répondrai pas directement à la question portant sur la flat tax, car ce sujet relève du projet de loi de finances.
Pour ce qui est de la CSG et de la TVA, j'étais personnellement plutôt favorable à la TVA, mais nous n'avons pas les moyens de tout réécrire. Il convient donc d'accepter le principe de la CSG, tout en essayant d'en diminuer les effets néfastes, notamment concernant les retraités. La TVA est un outil de compétitivité, un impôt beaucoup plus juste et proportionnel qu'on ne veut le dire.
Claude Raynal a souligné la façon dont nous avons travaillé. Il a reconnu que mon analyse était plutôt équilibrée, je lui donne aussi acte d'avoir constaté une réduction du déficit global de notre modèle social au cours des cinq dernières années. C'est d'ailleurs ce qui me conduit à être relativement modéré dans la contestation des prévisions, même si elles me paraissent très optimistes, dans la mesure où la trajectoire est quasiment identique sans recettes nouvelles ! Ma crainte est que les anciennes recettes soient à bout de souffle pour les cinq années à venir, et que l'on soit « à l'os » sur des mesures qui ne produiront pas les mêmes effets.
Nous devons donc être attentifs par rapport à ces prévisions. Dans le même temps, celles-ci se fondent sur les cinq années précédentes qui viennent de s'écouler à un rythme presque identique : là où la réduction du déficit était de l'ordre de 2 milliards d'euros de déficit par an, on se situe plutôt entre 3 milliards et 4 milliards d'euros.
Comment retrouve-t-on les 36 milliards d'euros ? Sur la base de quels critères ? Le Gouvernement ne nous a pas transmis les prévisions d'évolution tendancielle des dépenses. Il s'agit d'un quantum d'économies calculé par la commission des finances à partir des prévisions d'évolution tendancielle des dépenses de la Cour des comptes.
Mes prévisions optimistes sur l'apurement de la dette concernaient la Cades. Sous réserve de maintenir la dette de la Cades à périmètre constant et si les taux d'intérêt ne se mettent pas à flamber, la réduction de la dette devrait être effective d'ici 2024.
Quant à l'exonération de la taxe d'habitation, elle ne concernera que les retraités qui ont moins de 2 500 euros de revenus.
La hausse de la CSG sera donc couverte pour les retraités jusqu'à 2 500 euros de revenus ?
Oui.
Julien Bargeton, il y a économies et économies. Nous réclamons des économies structurelles dans la mécanique du fonctionnement de l'État, pas des économies qui consisteraient en une réduction de prestations. Voilà pourquoi je ne suis pas d'accord. En ce qui concerne la politique familiale, je reste attaché à l'universalité des prestations.
Je dirai à Jean-François Rapin que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comporte aucun dispositif qui concernerait spécifiquement les retraités en maison de retraite. En revanche, il y a des éléments sur ce sujet dans le projet de loi de finances.
Je précise à Philippe Dallier que les 1 200 euros intègrent les revenus complémentaires.
Pascal Savoldelli, on évalue à 4,5 milliards d'euros le coût de la suppression de l'augmentation du taux de la CSG pour les retraités. Compte tenu de l'interpénétration du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances, il faudra trouver ce même montant d'économies dans le projet de loi de finances. Pour l'instant, nous gageons sur le tabac. Nous verrons au fur et à mesure.
Je confirme à Marc Laménie que la fraude mérite effectivement qu'on s'y intéresse. Les mesures qui sont mises en place sont assez peu pertinentes.
Le gage tabac est pertinent quand il s'agit de gager quelques centaines de millions d'euros. C'est beaucoup plus compliqué quand on parle de 4,5 milliards d'euros.
Gérald Darmanin a récemment mentionné la possibilité d'un examen concomitant de la première partie du projet de loi de finances et des recettes du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui permettrait de prendre en compte les excédents à réinjecter dans le budget général de l'État. Une réforme par amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale alors qu'il est aussi mal bouclé en termes de recettes n'est pas une méthode qui convient à notre commission. Pour l'instant, nous restons contraints par la différenciation des deux textes.
Je suis d'accord. Sans cette contrainte, nous aurions pu mettre en oeuvre une stratégie budgétaire efficace pour l'État, en la reconstruisant toute entière à partir des deux textes. La Constitution nous en empêche et nous ne disposons d'aucune solution technique pour résoudre la difficulté.
Présenter un amendement non gagé par une vraie recette, ce n'est pas très responsable. Combien rapporte la taxe sur le tabac ? Est-ce plus ou moins que 4,5 milliards d'euros ?
Toute la difficulté vient des transferts entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances. En supprimant l'augmentation du taux de la CSG pour les retraités, on alourdit le montant des dépenses de manière importante et on devra le compenser par des économies sur le budget de l'État. Or, nous ne sommes pas dans l'examen du projet de loi de finances. Le gage tabac est un gage d'attente.
Pour que nous soyons à moitié pardonnés de présenter un tel amendement, peut-être pourrions-nous préciser dans son objet qu'il prévoit une hausse des taxes sur le tabac en raison de l'examen séparé du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances ?
Vous pouvez bien sûr modifier l'objet de votre amendement. Cependant le compte rendu de notre réunion sera parfaitement explicite.
On évalue les droits de tabac totaux à 14 milliards d'euros. On ne peut pas les rehausser de 4,5 milliards d'euros sans explication. Mieux vaut préciser que c'est temporaire.
Il est clair que cet amendement est une affirmation politique plus qu'un amendement technique. C'est du moins la lecture que nous en faisons. Pour autant, Monsieur Joyandet, ne croyez pas que nous approuvons l'ensemble de votre rapport.
Ne croyez pas non plus que je suis d'accord avec tout ce que vous avez fait pendant cinq ans.
De quelle réforme structurelle parlez-vous dans votre rapport ? La formule ne cache-t-elle pas un vide des idées ? Pour vous être agréable et compte tenu des amendements que vous présentez, nous irons jusqu'à l'abstention.
Je rappelle que mon amendement n° 1 supprime l'augmentation du taux de la CSG proposée par le Gouvernement pour les retraités.
La commission adopte l'amendement n° 1.
Article 26
Mon amendement n° 2 supprime l'article 26 qui prévoit la révision à la baisse de la Paje.
Notre groupe a voté contre l'amendement précédent, car on ne peut pas transférer une telle mesure sur une recette non atteignable. Nous tenons le même raisonnement sur l'amendement n° 2. Les comptes de la Sécurité sociale doivent revenir rapidement à l'équilibre et même être excédentaires pour financer la dette. Dans cette logique, nous sommes contre l'amendement que vous présentez.
Nous sommes favorables aux économies quand il s'agit de la mécanique interne des organismes de sécurité sociale. Je rappelle que le projet de loi de finances prévoit la suppression de 1 600 postes en 2018 sur 120 000 suppressions annoncées dans les cinq ans, ce qui revient à reporter 95 % de l'effort de réforme sur les quatre ans qui restent. Voilà ce que j'appelle faire des économies.
Dans cet article, il s'agit de réduire de 8,5 % le montant de l'allocation de base pour 1,6 million de familles. L'alignement des plafonds sur ceux du complément familial aura pour conséquence de resserrer les conditions d'accès à l'allocation de base et à la prime à la naissance pour près de 150 000 familles, soit environ 10 % des allocataires. En définitive, selon les revenus et la configuration des familles, cette mesure représentera entre 1 108 et 2 030 euros de perte de prestations par an pour 150 000 familles, souvent jeunes, concernées par l'abaissement des plafonds et entre 94 et 187 euros en moins chaque année pour les 1,6 million de familles concernées par la baisse des montants. Ces baisses de prestation sont importantes et il ne s'agit pas pour nous d'économies. Nous n'y sommes pas favorables.
La commission adopte l'amendement n° 2.
Nous devons à présent nous prononcer sur l'ensemble des articles dont nous nous sommes saisis pour avis.
Nous nous abstiendrons.
Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission a émis un avis favorable aux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 dont elle s'est saisie.
En 2018, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 15,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ce budget traduit des choix clairs, et d'abord celui d'une réduction importante des dépenses de plus de quatre milliards d'euros en AE et de deux milliards d'euros en CP, hors rebudgétisation de l'ensemble des dépenses d'allocations de solidarité. Cet effort traduit la participation de la mission à la baisse des déficits publics.
Quatre leviers principaux seront utilisés. Premièrement, la diminution des subventions pour charges de service public versées aux opérateurs de la mission, à hauteur de 50,2 millions d'euros. En particulier, la subvention versée à Pôle emploi devrait passer de 1,5 milliard d'euros en 2017 à 1,46 milliard d'euros en 2018. Cette diminution sera plus que compensée par une hausse de la contribution de l'Unédic et ne devrait donc pas avoir d'impact significatif sur l'activité de l'opérateur.
Deuxièmement, la non-reconduction de certains dispositifs, tels que l'aide à l'embauche à destination des PME, créée en 2016 et opportunément prolongée jusqu'en 2017 par le précédent Gouvernement. La pérennisation de cette aide aurait conduit à un important effet d'aubaine alors que son coût pour les finances publiques était compris entre 3,5 milliards d'euros et 4 milliards d'euros. De même, le contrat de génération, qui n'a pas fonctionné, ne sera pas reconduit.
Troisièmement, l'enveloppe de contrats aidés sera revue à la baisse. Seuls 200 000 contrats dans le secteur non-marchand seront conclus. 765 millions d'euros en AE et 1,45 milliard d'euros en CP seront consacrés aux contrats aidés, soit une baisse de plus d'un milliard d'euros en AE et de 950 millions d'euros en CP par rapport à 2017.
Enfin, quatrièmement, les efforts en matière d'effectifs et de masse salariale, qui avaient été engagés par le précédent Gouvernement, seront poursuivis.
Ce budget réduit les dépenses tout en restant efficace. En effet, les crédits de la mission « Travail et emploi » seront maintenus à un niveau élevé, le plus important depuis 2009, hors prévision 2017, qui était marquée par d'importantes mesures de périmètre, de l'ordre de deux milliards d'euros.
Le choix a cependant été fait de cibler la dépense sur ce qui fonctionne. Bien évidemment, on ne peut nier l'utilité des contrats aidés pour les collectivités territoriales et le secteur associatif. Cependant, le recours à ces contrats était une réponse de court-terme, parfois motivée par des raisons purement statistiques, au problème du chômage. C'est pourquoi un plan ambitieux d'investissement dans les compétences a semblé préférable à cette solution de facilité. Il garantira d'une part la poursuite de la montée en puissance de la Garantie jeunes, avec 160 millions d'euros en CP versés aux missions locales pour assurer l'accompagnement de 100 000 jeunes. Il facilitera d'autre part la mise en place d'un plan de formation à destination des demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et des jeunes décrocheurs. Au total, deux millions d'actions de formation devraient être proposées sur le quinquennat.
Plus de 14,5 milliards d'euros seront consacrés à ce plan sur le quinquennat, dont près de 14 milliards d'euros sur la mission « Travail et emploi ».
Enfin, le présent budget fait le choix de la sincérité. La décision prise à l'été 2017 de redimensionner l'enveloppe de contrats aidés n'était pas facile. Elle a été rapide, elle était nécessaire. Pas moins de 70 % de l'enveloppe votée en loi de finances initiale avait été consommée dès le premier semestre 2017, le précédent Gouvernement ayant poussé les collectivités territoriales à recruter. On s'acheminait vers un dérapage comparable à celui des années précédentes. En 2016, la dépense en faveur des contrats aidés avait été supérieure aux prévisions à hauteur de 1,8 milliard d'euros en AE et de 1 milliard d'euros en CP en 2016. Je rappelle cependant que 310 000 contrats seront conclus en 2017 contre 280 000 programmés.
Pour 2018, les choses sont claires et le choix affiché du Gouvernement de se tenir à l'enveloppe votée par le Parlement permettra d'améliorer la sincérité du budget.
Je rappelle que, depuis 2009, la prévision n'a été respectée qu'en 2011, 2013 et 2014 en AE, et qu'en 2014 en CP.
La diminution de l'enveloppe globale des contrats aidés prévue dans le présent projet de loi de finances va en outre très clairement dans le sens préconisé par le Sénat et par sa commission des finances, lors de l'examen des projets de lois de finances pour 2015 et 2016, même si la baisse du volume de contrats aidés votée par notre assemblée ne concernait que le secteur non-marchand.
Le budget qui nous est présenté est un budget de transformation, qui se concentre sur l'essentiel : améliorer l'employabilité des personnes les plus éloignées du marché du travail. Des choix clairs de politique publique y sont exprimés, au prix c'est vrai de la non-reconduction de dispositifs dont l'efficacité statistique est indéniable mais dont l'impact sur le marché du travail est faible.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
Cela ne vous surprendra pas, la tonalité de mon intervention sera quelque peu différente de celle de mon collègue co-rapporteur. Nous sommes cependant d'accord sur un point : le choix est à la baisse des dépenses.
Je considère que la diminution des crédits de la mission « Travail et emploi », de 2,7 milliards d'euros en AE et de 295 millions d'euros en CP, est un très mauvais signal adressé aux personnes précaires, alors que le taux de chômage demeure élevé - 9,5 % de la population active au deuxième semestre 2017 - de même que le nombre de demandeurs d'emploi, qui s'élevait à 5,6 millions de personnes. Bien sûr, certains diront que le chômage est en baisse pour certaines catégories. Il n'en reste pas moins qu'il a augmenté de 6 % pour les personnes de plus de cinquante ans et de plus de 11 % pour les demandeurs d'emploi de la catégorie C. L'embellie des chiffres cache des disparités très importantes.
Comme l'a rappelé mon collège Emmanuel Capus, hors compensation de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité, la diminution des crédits de la mission sera record et atteindra près de 4,2 milliards d'euros en AE et 2,4 milliards d'euros en CP.
Force est tout d'abord de constater que la baisse des crédits prévue par le présent budget touchera principalement les personnes les plus fragiles. La diminution du nombre de contrats aidés en est probablement l'exemple le plus emblématique.
Pourtant, la décision brutale prise à l'été 2017 de réduire l'enveloppe de contrats aidés - qui s'est traduite par d'importantes difficultés pour les collectivités territoriales et les associations - a bien montré l'utilité de ces derniers, sans parler de la détresse dans laquelle les bénéficiaires non reconduits ont été jetés...
Ces contrats constituent des instruments importants pour l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires. En l'absence de contrats aidés, la plupart des personnes concernées n'auraient tout simplement pas eu accès au marché du travail.
La baisse prévue dans le présent budget conduira donc à une fragilisation de certains services publics et de certaines actions associatives, et elle aura des conséquences sociales importantes.
Elle jette en outre l'opprobre sur les collectivités territoriales soupçonnées de tirer profit de l'effet d'aubaine provoqué par ce dispositif pour bénéficier de financements complémentaires. Or les recrutements réalisés l'ont souvent été à la demande de l'État et la grande majorité des collectivités territoriales ont mis en place une véritable insertion professionnelle des bénéficiaires. En plus de la réduction du nombre de contrats aidés, le taux de prise en charge sera revu à la baisse de 70 % à 50 %.
Ce budget porte un coup aux actions en faveur de l'amélioration des conditions de travail avec la baisse du montant de la subvention versée à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et la poursuite de la réduction des effectifs de l'inspection du travail, alors même que la mise en oeuvre des ordonnances « Travail » complexifie et favorise une hétérogénéité du droit.
Le budget qui est soumis à notre examen est révélateur de l'incohérence de la politique menée par le Gouvernement qui souhaite relancer l'apprentissage et « en même temps » supprime l'aide financière en faveur des jeunes apprentis, alors même que les centres de formation d'apprentis ont du mal à recruter.
Le Gouvernement lance un grand plan d'investissement dans les compétences et, « en même temps », il diminue les crédits consacrés aux opérateurs. La subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi diminuera ainsi de 50 millions d'euros, en contradiction avec le montant inscrit dans la convention tripartite Pôle emploi/État/Unédic. Certes, l'Unédic augmentera sa contribution, mais dans le même temps les effectifs de l'opérateur devraient diminuer de 297 ETPT, 3 783 ETPT si l'on inclut les effectifs hors plafond. Pôle emploi risque d'être en difficulté pour accompagner les demandeurs d'emploi.
Que dire de la division par deux des crédits consacrés aux maisons de l'emploi ? En les privant des moyens leur permettant d'exercer leurs missions on crée les conditions de leur suppression...
Le Gouvernement ne réévalue pas sa contribution au financement des missions locales, alors que celles-ci devront accompagner près de 15 000 jeunes supplémentaires avec la généralisation de la Garantie jeunes.
Le Gouvernement estime que la baisse du coût du travail, qui se traduira par la transformation du CICE en diminution de cotisations patronales en 2019, doit favoriser les recrutements et, « en même temps », il supprime l'aide à l'embauche à destination des petites et moyennes entreprises.
Concernant le plan d'investissement dans les compétences, présenté par le Gouvernement comme l'alpha et l'oméga de sa politique de l'emploi, je constate que l'effort réel est bien inférieur au montant mis en avant dans la communication du Gouvernement, tant sur le nombre de personnes formées que sur les moyens dégagés. En effet, dans la mesure où les crédits consacrés à la Garantie jeunes et au plan « 500 000 formations » étaient déjà portés par la mission « Travail et emploi », l'effort consenti ne s'élèvera qu'à 750 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en CP. Des questions demeurent en suspens s'agissant du financement de ce plan et des moyens humains qui y seront consacrés. On peut aussi s'interroger sur le nombre de personnes touchées, qui sera certainement inférieur au plan 500 000 formations auquel il se substitue. On nous annonce deux millions de formation sur cinq ans, soit 400 000 personnes accompagnées chaque année.
Le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » est un mauvais budget, car il accompagnera moins les personnes en difficulté. La dynamique baissière qu'il contient sera en outre aggravée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui prévoit une diminution des crédits de 17 % entre 2018 et 2020.
Je vous propose de rejeter les crédits de la mission « Travail et emploi », car ils ne sont pas adaptés à la situation sociale et à la hausse du chômage des publics en difficulté qui se poursuit.
Je partage le point de vue du rapporteur spécial Emmanuel Capus. Je ne suis pas un fanatique des contrats aidés, qui servent davantage à améliorer les statistiques du chômage qu'à la réinsertion sur le marché de l'emploi. Le taux de contrats aidés qui débouchent à la sortie sur une embauche reste faible et cela d'autant plus dans le secteur non-marchand que dans le secteur marchand. Sans politique d'accompagnement, ce dispositif ne peut pas être efficace. Mieux vaut privilégier la formation des personnes durablement éloignées de l'emploi.
Je n'ai pas bien compris si l'on nous proposait d'adopter les crédits de cette mission ou pas. Je n'ai jamais été un grand « fan » des contrats aidés à tout prix. Pourtant, j'y ai eu recours comme maire, il y a quelques années, pour former des jeunes susceptibles de remplacer des personnes qui partaient à la retraite. En 2016, les emplois aidés ont été beaucoup utilisés pour améliorer les statistiques du chômage. Je regrette surtout la brutalité de la décision qui a été prise d'en réduire le nombre. Les préfets avaient écrit aux maires pour qu'ils incitent les associations à recruter des contrats aidés et d'un coup, tout s'arrête. La méthode est extrême. Pour autant, j'adopterai les crédits de la mission.
En 2017 et 2018 les CP ont augmenté de manière significative. Cette hausse correspond-elle à des changements de périmètre ?
La brutalité de la baisse du nombre des contrats aidés m'a aussi frappé. Cependant, ces contrats doivent être un moyen d'insertion professionnelle et pas une activité occupationnelle. Nous sommes face à un paradoxe : on recense près de six millions d'inscrits à Pôle emploi et pourtant les employeurs peinent à trouver de la main d'oeuvre. C'est le signe d'une inadaptation flagrante entre l'offre d'emploi et les besoins des employeurs. La mission de Pôle emploi est-elle pleinement assurée ? Les employeurs recourent à d'autres supports dans 70 % des cas. Il faudrait une remise à plat complète. Les crédits de cette mission doivent baisser si l'on veut réduire le déficit public.
S'agissant des missions locales, vous avez en commun de privilégier la vigilance et de nourrir une certaine satisfaction à l'idée que les crédits seront reconduits. L'État n'est pas le seul partenaire des missions locales. Dans un contexte de baisse des dotations, les subventions des communes, des départements et des régions aux missions locales stagnent voire diminuent. Dans la Creuse, le département a baissé ses subventions à la mission locale qui a dû accomplir un travail de mutualisation en regroupant ses trois permanences d'accueil, d'information et d'orientation.
Dans leur rapport, François Patriat et Jean-Claude Requier préconisent de pérenniser la dotation de base aux missions locales en la stabilisant. En effet, la Garantie jeunes a changé le financement d'une mission locale. La subvention versée est supérieure lorsque le jeune sort du dispositif en situation d'emploi ou de formation. Les missions locales qui sont souvent des associations et des groupements d'intérêt public et dont les recettes ne sont pas stabilisées doivent faire des provisions pour risques afin de garantir la situation de ces jeunes en situation délicate. Les missions locales sont le dernier rempart contre l'exclusion.
Des crédits de 15,4 milliards d'euros en CP, c'est important. Or la santé et la sécurité au travail ne représentent qu'une partie infime de cette mission, alors que ces domaines devraient être prioritaires. Comment interpréter la faiblesse du montant qui leur est consacré ?
La période actuelle oblige les citoyens à se former et à s'adapter aux nouvelles missions qui leur sont proposées. Beaucoup d'employeurs cherchent à embaucher sans trouver de candidat aux postes qu'ils offrent. Nous sommes dans une période de mutation de l'emploi. Supprimer les emplois aidés ne contribuera pas à améliorer la situation de l'emploi.
Les évolutions rugueuses du marché du travail font qu'il est difficile de s'y insérer. Il est indispensable que le secteur public intervienne pour faciliter l'insertion professionnelle.
Je m'interroge : on supprime les emplois aidés par mesure d'économie ? Pourtant l'Assemblée nationale vient de voter le transfert du financement de l'assurance chômage des cotisations sociales vers la CSG augmentée de 1,7 point. Cela signifie-t-il que l'on devra augmenter la CSG l'an prochain pour payer les chômeurs supplémentaires ? C'est incohérent. On déplace des emplois aidés financés par l'État vers le chômage également financé par l'État. C'est n'importe quoi, tant du point de vue budgétaire que du point de vue humain : les emplois aidés jouent un rôle important dans les petites collectivités. On aurait pu attendre que le chômage baisse avant de réduire le nombre des emplois aidés.
Je suis en désaccord avec les orientations prises sur les contrats aidés. Le taux de sortie positive ne peut être le seul critère. D'ailleurs, si l'on supprime les contrats des quelque 60 % ou 70 % qui ne sont pas en emploi après leur contrat, ils deviendront des demandeurs d'emploi, ce qui a aussi un coût pour la collectivité. Bien sûr, les bénéficiaires préfèreraient un emploi durable - mais ils préfèrent aussi un contrat aidé à un statut de demandeur d'emploi. Quelle est la part des renouvellements dans le chiffre de 310 000 contrats aidés pour 2017 ?
Les crédits pour la formation augmentent, mais nous consacrons déjà 30 milliards d'euros par an à ce poste : ne pourrait-on plutôt optimiser la dépense existante ?
Les contrats aidés sont utiles pour leurs bénéficiaires, bien sûr, mais aussi pour les associations et les collectivités territoriales, surtout en milieu rural, où certains services ne pourraient sans doute pas être maintenus si ces contrats étaient supprimés.
Je ne suis guère convaincu par la présentation d'Emmanuel Capus. Ce n'est pas parce que nous sommes en commission des finances que notre vision doit être déshumanisée. Or vos propos sont ceux d'un animal à sang froid. Comme Alain Joyandet, je souhaite rappeler que derrière ces chiffres, il y a de la pâte humaine. D'ailleurs, les résultats ne sont pas si mauvais, même si vous parlez d'inefficacité. Même dans l'entreprise, les taux de réembauche n'atteignent pas 100 % six mois après la fin d'un contrat. Et si leur effet est que des jeunes très éloignés de l'emploi acquièrent une expérience professionnelle et se remettent dans l'idée de travailler, les contrats aidés restent très positifs - même s'ils ne garantissent pas un emploi à vie. Je suis effondré par le lien entre chômage, maladie et dépression. Aussi me semble-t-il que ce coût budgétaire ne doit pas être immédiatement tranché.
De plus, la continuité de l'État, mentionnée par Philippe Dallier, n'est pas un gros mot ! Il est pour le moins étrange que des représentants de l'État incitent, interrompent... Cette mesure est prise dans un but exclusivement budgétaire, selon une argumentation contestable et qui mériterait une analyse plus qualitative. En même temps qu'on supprime brutalement ces aides, on se prive des recettes de l'ISF. Comment ne pas faire le parallèle ? Pourtant, il y avait moins urgence à diminuer l'ISF qu'à supprimer les crédits des emplois aidés.
Notre gestion publique a ses qualités et ses défauts, mais toutes les études ont montré que, grâce à ce type de dispositifs, qui constituent le fondement social de notre République, la France est le pays qui a le mieux absorbé les conséquences de la crise. Gardons-nous donc de casser ces amortisseurs !
Les contrats aidés étaient intéressants pour les bénéficiaires comme pour leurs employeurs, et je dénonce la brutalité de leur suppression, quinze jours avant la rentrée scolaire. C'est comme si l'on pensait que la suppression des allocations chômage ferait disparaître les chômeurs... L'économie que cette suppression représente pour l'État est en fait prélevée sur les collectivités territoriales. La charge ainsi transférée a-t-elle été chiffrée ? Est-elle incluse dans les 13 milliards d'euros demandés aux collectivités territoriales ?
Maire, j'ai utilisé pendant deux décennies les contrats aidés, en essayant toujours de les faire déboucher sur une embauche. Mais le dispositif a dérapé, puisqu'on a atteint en 2015-2016 le chiffre de 400 000 contrats, sans doute en vue d'inverser la courbe du chômage. Alors que ces contrats ont vocation à aider des jeunes éloignés de l'emploi et se heurtant à des difficultés d'insertion, certaines collectivités territoriales et associations ont pris l'habitude de les utiliser pour procéder à des recrutements dans des conditions financières allégeant leurs charges de personnel. La mesure va donc dans la bonne direction, même si j'en regrette la brutalité - quoique celle-ci résulte du fait que le financement n'avait pas été assuré jusqu'à la fin de l'année. Les contrats aidés ne sont pas supprimés, puisque 200 000 contrats sont prévus pour 2018, ce qui est un niveau plus raisonnable, et correspond mieux aux besoins d'insertion, qui sont le critère prioritaire.
Si c'est dans le secteur public que les contrats aidés ont le taux de sortie vers l'emploi le plus faible, c'est aussi que le profil des personnes retenues est différent : les personnes les moins éloignées de l'emploi sont embauchées par le secteur marchand.
Il s'agit tout de même d'une manière de proposer une activité ayant une utilité sociale. Ainsi, à Pôle Emploi, le travail d'accueil effectué par ces personnes est très apprécié.
Pour répondre à Michel Canevet, l'ensemble des allocations de solidarité ont été rebudgétisées du fait de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité destinée à compenser la hausse de la CSG pour les fonctionnaires. À périmètre constant, la baisse des crédits est très importante.
Pôle Emploi a dédié 4 000 conseillers au travail avec les entreprises pour mieux analyser le marché de l'emploi local. Ce travail porte ses fruits, et nombre d'entreprises se déclarent satisfaites de cette amélioration. Pour autant, Pôle Emploi n'a pas les moyens de mettre en oeuvre un accompagnement fort des personnes éloignées de l'emploi : seules 40 % d'entre elles en bénéficient. D'après l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales, 50 % des personnes en accompagnement renforcé n'ont pas de rendez-vous trois mois après leur inscription. Et la dématérialisation totale de la procédure allonge sans doute le délai d'inscription des personnes très éloignées de l'emploi.
Les crédits des missions locales sont maintenus, mais 15 000 jeunes supplémentaires bénéficieront de la Garantie jeunes et le financement intégral n'est pas toujours acquis : il faut accomplir nombre de démarches, et l'insertion totale du jeune est requise. Un mouvement de mutualisation est en marche, mais nous devons rester vigilants.
La santé et la sécurité au travail représentent une petite part du budget de cette mission, qui comporte notamment les crédits de l'inspection du travail. L'accession des contrôleurs au statut d'inspecteurs du travail a demandé des efforts de formation et des moyens supplémentaires, puisque c'est un passage - bienvenu - de la catégorie B à la catégorie A. mais ce mouvement s'est accompagné d'une diminution du nombre d'agents sur le terrain. Il faudra donc rester vigilant.
Quant à la question de savoir si les contrats aidés supprimés comptent dans les 13 milliards d'euros demandés aux collectivités territoriales, nous n'y avons pas la réponse !
J'avais conscience, en demandant ce rapport, que la mission serait délicate et l'équilibre, difficile à trouver. J'avais peut-être sous-estimé la tâche ! Il est vrai que certains ont changé d'avis en fonction des récentes élections...
Le rapporteur général partage mon souci de maîtrise des dépenses publiques, et je l'en remercie. Philippe Dallier n'est pas un « fan » des contrats aidés et constate qu'ils ont beaucoup servi à un traitement statistique du chômage. Il s'inquiète de la rapidité de suppression de certains contrats. Soyons clairs : la situation était invraisemblable, puisque le Parlement avait autorisé 295 000 emplois aidés pour 2016 et que le Gouvernement en a validé 458 697. Scandaleux !
Même chose en 2017 : en août, 70 % de l'enveloppe de contrats était déjà consommée. Le choix était simple : laisser filer sans se soucier du vote du Parlement, ou reprendre le contrôle et limiter le nombre de contrats à 310 000 à 320 000. Certes, il aurait pu y avoir davantage de concertation.
Michel Canevet, ma collègue, Sophie Taillé-Polian vous a déjà répondu, en 2017, certaines exonérations de charges ont été rebudgétisées et en 2018, la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité est compensée par le budget de l'État.
Alain Joyandet nous dit que ce n'est pas le moment de supprimer les contrats aidés. Je veux bien être humble, puisque je n'étais pas là il y a deux ans. Mais pourquoi, alors, son groupe a-t-il demandé la suppression pure et simple des contrats aidés dans le secteur non-marchand ? La situation économique, ce me semble, n'a guère changé depuis. Et cette année, il ne faudrait plus les supprimer ? D'ailleurs, il n'est pas proposé de les supprimer, car dans le secteur non-marchand ils ont une utilité, et pour les territoires et pour les bénéficiaires. C'est pourquoi je ne vous propose pas de supprimer les 200 000 contrats prévus l'an prochain.
Marc Laménie, le budget de la santé et de la sécurité au travail est quasi-stable, il augmente de 0,13 % en AE mais baisse de 2,15 % en CP.
Claude Raynal, la chaleur de mon propos montre assez, je crois, que je ne suis pas un animal à sang froid. Sans doute l'Anjou et sa douceur chantée par du Bellay sont-ils trop éloignés de la Haute-Garonne ? Je suis un Gaulliste libéral et, comme Jean Bodin, je considère qu'il n'est de richesse que d'hommes. Aussi n'ai-je pas de leçons d'humanisme à recevoir de votre banc.
La question de Sylvie Vermeillet est sans doute la plus pertinente : l'an dernier, vous proposiez de supprimer les contrats aidés dans le secteur non-marchand...
La question est de savoir s'il faut les maintenir plutôt dans le secteur marchand ou non-marchand. Les points de vue divergent. Alain Joyandet estime que, dans le secteur non-marchand, ils sont indispensables, et le Gouvernement propose d'en maintenir 200 000. Cela me paraît la bonne décision.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail et Emploi » ainsi que ceux du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ».
- Présidence de M. Bernard Delcros, vice-président -
La mission « Culture » est dotée dans le projet de loi de finances pour 2018 d'un montant de crédits de 2 942,1 millions d'euros en CP. Elle regroupe les crédits de la politique culturelle consacrée aux patrimoines, à la création artistique, à l'enseignement supérieur culture et à l'accès à la culture. Elle comprend également les fonctions de soutien du ministère de la culture.
Les crédits de cette mission ne représentent cependant pas l'ensemble des crédits des politiques publiques consacrées à la culture. Il convient d'y ajouter les crédits de la recherche culturelle, ceux consacrés au livre et aux industries culturelles et enfin la part des concours financiers aux collectivités locales destinée aux bibliothèques.
L'ensemble de ces crédits consacrés à la culture progresse en 2018 d'un peu plus de 17 millions d'euros. Le soutien à la culture a donc été préservé, malgré le contexte budgétaire contraint, et les crédits de la culture représentent un peu moins de 1 % du budget de l'État en 2018.
La prévision triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques inscrit également la mission en progression sur la période, avec une augmentation de 50 millions d'euros sur trois ans.
Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) gèrent plus d'un tiers des crédits, hors dépenses de personnel. Le Gouvernement souhaite d'ailleurs renforcer la dimension territoriale de la politique de la culture en renforçant la déconcentration de la gestion des crédits.
Les conséquences de la fusion des DRAC sur la consommation des crédits déconcentrés avaient été soulignées l'année dernière. Les directions régionales fusionnées avaient en effet davantage de difficultés à consommer leur enveloppe. En 2018, le constat est moins net puisque certaines DRAC fusionnées présentent un taux de consommation parmi les plus élevés.
Par ailleurs, ces directions régionales connaissent actuellement une réorganisation administrative avec la constitution de pôles qui correspondent aux grands domaines d'intervention du ministère : l'architecture et le patrimoine, la création, l'action culturelle et territoriale.
Une part importante des crédits est également confiée aux nombreux opérateurs de la mission. Au final, les services centraux du ministère ne gèrent qu'un cinquième des crédits de la mission.
Vingt-deux dépenses fiscales, pour un montant total évalué à 315 millions d'euros en 2018, sont rattachées à la mission. Une taxe affectée complète les crédits de la mission. Son produit, d'environ 33 millions d'euros, finance le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV).
Le ministère de la culture conduit depuis l'année dernière une politique de rattrapage indemnitaire destinée à renforcer l'attractivité de son administration par rapport aux autres secteurs ministériels. Des différences substantielles existent encore entre le régime indemnitaire du ministère de la culture et celui des autres ministères. Le rattrapage représente un coût, non négligeable, de 7 millions d'euros en 2018.
Nous nous réjouissons, d'abord, que la priorité soit donnée à l'éducation artistique et culturelle.
Les crédits qui y étaient consacrés étaient auparavant répartis dans les différents programmes du ministère. Au total, 15,4 millions d'euros sont re-ventilés vers le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Mais l'éducation artistique et culturelle bénéficie également de 35 millions d'euros de mesures nouvelles en CP. Cette priorité s'accompagne d'objectifs ambitieux en matière d'accès des jeunes publics à la culture et de réalisation d'un parcours complet d'éducation artistique et culturelle dans ses trois composantes : la pratique artistique, la fréquentation des oeuvres et la rencontre avec les artistes et l'acquisition de connaissances dans le domaine des arts et de la culture.
Le développement des pratiques artistiques et culturelles implique une collaboration renforcée entre le ministère de la culture et le ministère de l'éducation nationale. Les crédits de la mission contribueront par exemple à l'amplification du plan du ministère de l'éducation nationale en faveur des chorales. Les crédits supplémentaires dédiés à l'éducation artistique et culturelle en 2018 permettront également d'approfondir des dispositifs existants tels que les contrats territoire-lecture.
Le financement de cette politique s'articule autour de cinq postes de dépenses. Outre le développement des pratiques artistiques que nous venons d'évoquer, il s'agit de : développer le goût de la lecture ; décrypter le monde ; former les acteurs de l'éducation artistique et culturelle ; renforcer les partenariats.
Les établissements publics opérateurs de la mission contribuent eux aussi à des actions d'éducation artistique et culturelle, pour un montant total de 30 millions d'euros.
Deuxième point positif : l'effort budgétaire est maintenu, voire renforcé, pour les autres pans de la politique culturelle.
C'est d'abord le cas pour le soutien à l'entretien et à la restauration des monuments historiques. Un effort particulier est fait à destination des collectivités locales à faibles ressources financières. Une grande partie des 43 000 monuments historiques est localisée sur le territoire des communes de moins de 2 000 habitants, dont les ressources financières sont peu élevées. Par ailleurs, on constate que les départements se désengagent progressivement du financement des opérations de restauration. Un fonds de 15 millions d'euros, réparti et géré par les DRAC, permettra une participation financière de l'État là où les régions décideront de financer des projets. Nous parlons dans le rapport d'une baisse des dotations dans les départements, mais c'est plutôt l'accroissement des charges imparfaitement compensé qui est en cause.
C'est là un exemple du renforcement de la dimension territoriale de la politique du ministère de la culture.
Notons que cette action se conjuguera à la mission confiée par le président de la République à Stéphane Bern qui consiste à identifier le patrimoine immobilier en péril et chercher des solutions innovantes pour assurer le financement des travaux indispensables. Cette mission n'implique pas de coût budgétaire dédié mais les services du ministère de la culture chargés des monuments historiques seront mobilisés. Des priorités seront dégagées parmi les projets recensés.
Une plateforme électronique a été mise en ligne sur le site du ministère de la culture pour que les monuments concernés soient déclarés. L'analyse et la cartographie du patrimoine en péril seront réalisées avec le concours des services du ministère.
Les crédits destinés au soutien à la création artistique sont également maintenus à un niveau permettant notamment de poursuivre et d'accentuer la labellisation des structures.
Dans ce domaine comme en matière de patrimoines, la mission continuera de porter en 2018 des projets culturels ambitieux. C'est le cas de la Cité du Théâtre aux ateliers Berthier, qui a retenu notre attention cette année.
L'intérêt culturel de ce projet est incontestable. Il consiste à réunir sur le site des anciens ateliers Berthier, dans le 17e arrondissement de Paris, trois institutions culturelles : la Comédie française, l'Odéon-Théâtre de l'Europe et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique.
Le déménagement de l'Opéra national de Paris du site de Berthier vers Bastille s'effectuera en parallèle, conformément au projet initial.
Ce projet va apporter une réponse aux besoins exprimés par chacun des trois établissements, en l'inscrivant dans le cadre du Grand Paris et de la promotion des tournées, puisque ces équipements supplémentaires offriront de nouvelles possibilités pour renforcer les capacités de tournée.
Les locaux du Conservatoire d'art dramatique étaient devenus trop exigus et présentaient des insuffisances en matière de sécurité. Le conservatoire sera installé entièrement sur le site de Berthier. Il conservera uniquement la salle de représentation du site historique du Conservatoire, dans le 9e arrondissement de Paris.
Le montant global du projet est actuellement évalué à 145 millions d'euros HT, toutes dépenses comprises - y compris les études.
Le financement de l'État est évalué à 125 millions d'euros, les 20 millions d'euros restants devant être apportés d'une part par la vente d'une partie des locaux actuels du conservatoire, d'autre part, pour les 10 millions d'euros restants, par le mécénat.
En 2018, 27 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP sont prévus. L'objectif pour les établissements est de pouvoir absorber le coût de fonctionnement de ces nouveaux locaux par les recettes supplémentaires et les économies de gestion.
Une attention particulière devra être apportée au respect des échéances et des montants. Ce projet réunit plusieurs acteurs dont les besoins pourraient diverger à certains stades du projet, même si on doit souligner l'évidente synergie qui existe entre les équipes dirigeantes des établissements participants.
La mise en oeuvre du « Pass culture » est à suivre avec attention. Seuls 5 millions d'euros en CP sont inscrits au budget. Ils financeront les études et la conception d'un outil informatique innovant. La ministre est allée voir comment le Pass fonctionne en Italie, où le bilan est plus nuancé que ce qui a pu être écrit. La réflexion va également s'inspirer de ce que font déjà certaines collectivités.
Le coût pour l'État est de 140 millions d'euros par an, ce qui ne représente qu'un tiers du coût total. Il faudra obtenir la participation des distributeurs physiques et des grands acteurs d'Internet.
Deuxième point de vigilance : le fonds d'urgence pour le spectacle vivant. Créé à la suite des attentats récents, la loi prévoit qu'il dure jusqu'à fin 2018 mais il risque de manquer de crédits dès la fin de cette année.
La fréquentation des musées nationaux s'est améliorée après la diminution importante de l'année 2016, mais le niveau n'est pas encore équivalent à celui d'avant les attentats de 2015. Au Louvre, par exemple, la fréquentation est encore 12 % en dessous de son niveau de 2014.
Troisième point de vigilance : les chantiers immobiliers d'envergure du ministère et de ses opérateurs. Ces projets concernent l'ensemble des programmes de la mission : le Grand Palais, la Cité du théâtre, la relocalisation du Centre national des arts plastiques à Pantin, les nombreux schémas directeurs tels que celui de l'établissement public de Versailles. Pour chacun de ces chantiers, il faudra suivre avec attention le respect des coûts et des délais.
Enfin, le fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle n'a pas connu le succès attendu. Le dispositif juridique n'est pas encore finalisé, puisqu'il manque encore quatre des neuf décrets nécessaires à la mise en oeuvre du fonds. Ce fonds est destiné à soutenir activement l'emploi pérenne dans le spectacle vivant et enregistré, dans le secteur public ou privé. Les aides financées par ce fonds doivent jouer directement sur la création d'emplois en soutenant financièrement les entreprises et en consolidant l'emploi des salariés.
La consommation a été bien inférieure aux prévisions : 55 millions d'euros étaient inscrits dans la loi de finances pour 2017. Ce montant a fait l'objet d'une prévision à la baisse à 29 millions d'euros et seulement 17 millions d'euros avaient été consommés à la fin du mois de septembre. Le montant de crédits inscrits pour l'année 2018 est donc de 25 millions d'euros.
En somme, l'effort budgétaire pour la culture est maintenu. Une priorité claire est donnée à l'accès à la culture pour tous et en particulier pour les jeunes et sur tous les territoires. Cette politique ne se fait pas au détriment des patrimoines et de la création puisque le soutien à ces deux secteurs se poursuit en 2018. On peut donc se satisfaire du budget de la mission « Culture » proposé par le projet de loi de finances, tout en restant attentif à la mise en oeuvre des politiques et des projets proposés. Compte tenu de ces observations, nous vous invitons à adopter ces crédits.
Ce budget comporte des points très positifs, en particulier l'accès de tous les publics à la culture et l'engagement envers le patrimoine, dont les crédits remontent après des années difficiles.
De même, la création du fonds incitatif territorial est satisfaisante. Toutefois, nous devons être vigilants s'agissant des engagements des collectivités. Les départements intervenaient beaucoup en complément de l'État, mais ils le peuvent de moins en moins. Il n'est pas certain que ce fonds suffise à compenser cette diminution.
En outre, certaines directions régionales des affaires culturelles, ou DRAC, peinent à consommer leurs crédits. Les procédures sont lourdes et complexes et les DRAC ont sans doute été désorganisées par la création des grandes régions. Nous votons donc des crédits budgétaires qui ne sont pas tous utilisés, alors que notre patrimoine se dégrade.
Il faudra innover en matière de procédures et observer ce que font les autres pays, comme la Grande-Bretagne, où le National Trust bénéficie de l'adhésion populaire au patrimoine, en plus des ressources extrabudgétaires qui lui sont consacrées. La France est, avec l'Italie, le pays du monde qui a le patrimoine le plus important et les visiteurs viennent pour en profiter. Cela mérite que nous nous y intéressions au-delà des aspects purement budgétaires.
Nous devons donc rester vigilants sur les crédits consommés, le rapport de notre ancien collègue Yann Gaillard avait en son temps constaté de grandes disparités entre les DRAC à ce sujet. Certaines d'entre elles étaient contentes de rendre de l'argent chaque année à Bercy. Ce n'est pas le but.
Je me réjouis que l'essentiel des crédits soit préservé, et que le soutien à la création et à la production augmente un peu. Pour cela, il faut parvenir à maîtriser le soutien apporté aux différents opérateurs, grâce aux contrats d'objectifs et de performance. Il importe également que les conditions de fonctionnement des différents opérateurs soient harmonisées, notamment en matière de rémunérations.
Ces deux points entrent-ils dans les objectifs de ces contrats ?
La hausse des crédits est une bonne chose. S'agissant du regroupement des sites du ministère de la culture, vous indiquez que trois des sept sites seraient conservés. Le coût de l'opération relèverait du compte d'affectation spéciale, avec un engagement de près de 33 millions d'euros, financé par la cession d'anciens bâtiments et se déroulerait entre 2019 et 2021. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Les DRAC consomment en effet leurs crédits selon des rythmes différents. Elles ont récupéré des conséquences de la réorganisation, mais des écarts subsistent. Ainsi, au 30 septembre, le taux de consommation de la région Auvergne-Rhône-Alpes atteignait 81 % des crédits, contre 61 % pour Bourgogne-Franche-Comté. Cela n'est plus lié à la réforme ; il apparaît, au contraire, que certaines DRAC fusionnées consomment autant que d'autres qui ne l'ont pas été.
Les contrats d'objectifs et de performance figurent en annexe du rapport. On constate un retard dans les signatures de ces contrats avec certains opérateurs, nous avons demandé au ministère d'accélérer le processus.
Je ne peux pas vous répondre au sujet de la rémunération, mais l'amélioration de la gestion des opérateurs fait partie des objectifs de ces contrats, ainsi que leur capacité à répondre aux attentes du ministère, par exemple en matière d'accueil des publics et d'éducation artistique.
S'agissant des opérations immobilières, le ministère va en effet passer de sept à trois sites. Cette opération doit s'autofinancer grâce à la cession des immeubles de la rue des Pyramides et de la rue Richelieu. Les travaux commenceront en 2019 rue des Bons-Enfants et s'achèveront en 2021 sur le site des Archives nationales. Les cessions doivent financer l'agrandissement et la rénovation des autres sites concernés.