Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2017 à 16h35
Projet de loi de finances pour 2018 — Audition de M. Jean Michel blanquer ministre de l'éducation nationale

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Je suis très heureux de présenter ce budget, le premier de la Nation, ce qui traduit la priorité accordée à l'éducation. Il illustre l'importance du projet d'école de la confiance. Notre société doit être davantage une société de confiance, une société qui fasse plus confiance à son école et dont l'école produise plus de confiance en la société. C'est insuffisamment le cas aujourd'hui.

Les moyens doivent être articulés avec des finalités claires, l'augmentation budgétaire n'étant évidemment pas une fin en soi. Nous devons surtout partager avec nos concitoyens des principes clairs sur l'école, d'où la définition de priorités et un lien avec l'autre politique dont j'ai la charge, celle de la jeunesse et la vie associative.

Nos idées fondamentales sont de donner plus à ceux qui ont besoin de plus, d'où l'importance de l'éducation prioritaire ; d'insister sur la qualité des savoirs fondamentaux, c'est-à-dire « lire, écrire, compter, respecter autrui » ; de transmettre les valeurs de la République. C'est la fonction de l'école primaire qui est la première de mes priorités.

Pour la première fois, le budget de l'éducation nationale dépasse le seuil des 50 milliards d'euros, pour s'établir à 50,1 milliards d'euros - hors cotisations et pensions de l'État, qui feraient dépasser le seuil des 70 milliards d'euros -, soit une augmentation d'1,3 milliard d'euros par rapport à 2017. Ce chiffre permet d'envisager les transformations profondes du système éducatif que nous souhaitons.

Notre priorité est d'abord l'école primaire, qui apporte le socle fondamental qu'est « lire, écrire, compter, respecter autrui ». S'il n'est pas acquis, aucun autre savoir ne peut l'être. Aussi, nous voulons combattre l'échec scolaire à la racine en nous attachant aux premières années de la vie et aux territoires les plus défavorisés, c'est-à-dire aux réseaux d'éducation prioritaire renforcés, les REP + et, dès la rentrée prochaine, aux réseaux d'éducation prioritaires (RGP). Cela signifie un dédoublement de 2 500 classes de cours préparatoire en REP + cette année ; en 2018, les classes de CE1 en REP + seront elles aussi divisées par deux, tout comme les CP en REP ; en 2019, ce sera le cas des CE1 en REP. L'engagement du Président de la République sera ainsi tenu.

Nous nous donnons les moyens de cette ambition en programmant 3 900 postes supplémentaires dans le premier degré à la prochaine rentrée scolaire, afin de ne pas porter atteinte aux moyens de remplacement. Nous avons également prévu le financement en 2018 du début de montée en charge de l'engagement présidentiel d'une prime de 3 000 euros au personnel des réseaux d'éducation prioritaire renforcés. Cette mesure va de pair avec une politique plus générale de ressources humaines qui a pour objectif de mieux pourvoir les postes en REP et d'offrir une gestion plus attractive, plus dynamique, plus souple, au bénéfice du personnel et des élèves dans la lignée des recommandations de la Cour des comptes, qui a rappelé récemment le besoin de modernisation des ressources humaines de l'éducation nationale.

Nous voulons aussi réussir une véritable évolution du collège. La mesure emblématique des « devoirs faits », entrée en vigueur hier, sera dotée d'une enveloppe globale de 220 millions d'euros en 2018. Il s'agit de la systématisation d'un véritable soutien scolaire gratuit dans les 7 100 collèges de France, une heure par jour, quatre jours par semaine. Ce dispositif mobilise les professeurs, en heures supplémentaires, ainsi que les assistants d'éducation, les associations et les collectivités territoriales. Quelque 7 000 volontaires du service civique sont mobilisés actuellement ; ils seront ensuite 10 000.

Grâce à cet effort collectif, nous franchissons une nouvelle étape en matière de devoirs. L'ambiguïté est levée : oui, il faut donner des devoirs aux élèves pour leur apprendre l'autonomie et le travail personnel. Pour autant, ces devoirs doivent-ils être laissés aux conditions particulières de chacun en fonction de sa famille ? Non. La mesure « devoirs faits » diminue les différences pour que tous les élèves, quelle que soit leur classe sociale, en bénéficient. Nous évaluons à 25 % le nombre d'élèves qui demanderont à s'inscrire. Lors des conseils de classe du premier trimestre, nous inciterons aussi les élèves qui en ont le plus besoin à rejoindre le dispositif.

Nous répondons également à la fragilité scolaire, qui touche toutes les classes sociales, par les stages de réussite pendant les vacances scolaires. Leurs moyens augmenteront l'année prochaine de plus du double, passant de 15 millions d'euros à 35 millions d'euros. Les élèves s'y inscriront volontairement mais y seront également incités s'ils en ont besoin.

La fragilité sociale est également traitée, avec la revalorisation de 25 % des bourses de collège attribuées sur critères sociaux - le mérite étant davantage pris en compte - soit 43 millions d'euros supplémentaires.

La fragilité peut aussi être liée au handicap. Notre effort est sans précédent, avec 50 000 personnes en contrats aidés dont 11 200 seront transformées en accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), des emplois plus stables, plus pérennes et plus professionnalisés. Notre politique vise à réduire le nombre de contrats aidés pour les remplacer par des contrats plus solides et plus qualitatifs.

Au-delà de ces transformations, 4 500 AESH supplémentaires seront directement recrutés. En outre, 100 postes de professeurs des écoles seront mis à disposition des 100 nouvelles unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS). Là aussi, le quantitatif est pris en compte, mais au service du qualitatif, c'est-à-dire la formation des personnels.

Bien d'autres dotations disent notre détermination à faire de l'école un lieu de travail et d'épanouissement pour les élèves, car c'est bien le but de toute éducation. Je pense en particulier à l'enveloppe consacrée à l'éducation artistique et culturelle qui progressera de 50 % l'an prochain et aux synergies que nous aurons avec le ministère de la culture. C'est ensemble que nous procéderons à une relance de l'éducation artistique et culturelle. La rentrée en musique en septembre 2017 était un premier signal de notre objectif d'une plus grande systématicité des pratiques artistiques et culturelles dans nos écoles. La musique, mais aussi la lecture - avec le lancement d'un plan lecture - et le théâtre font partie de nos priorités communes.

J'en viens au programme « Jeunesse et vie associative ». Il articule le temps des apprentissages que l'enseignement scolaire porte et le temps de l'accès à l'autonomie et à l'engagement que ce programme budgétaire soutient. C'est toute la cohérence du rattachement de ce programme au ministère de l'éducation nationale lors de la constitution du Gouvernement. Le but est de donner des bases solides aux jeunes de ce pays pour qu'ils se projettent en confiance vers leur avenir.

Le premier objectif consiste à les accompagner vers l'autonomie, par l'information, la mobilité internationale et l'accès de tous à des loisirs de qualité : le présent budget y consacre 25 millions d'euros.

Le tissu associatif constituant un facteur clé de réussite de cette politique, les associations du secteur « jeunesse et éducation populaire » seront financées à hauteur de 52 millions d'euros dont 31 millions d'euros via le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) qui soutient plus de 5 000 emplois et 21 millions d'euros destinés aux associations agréées aux échelons national et local.

Le deuxième objectif est de développer l'engagement dans la vie associative, qui rassemble 20 millions d'adhérents, 15 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés qui occupent une place sociale et économique irremplaçable dans la vie de la Nation. Ces associations sont au coeur de la société de confiance que j'évoquais précédemment.

À périmètre constant, l'appui transversal au développement de la vie associative connaîtra une hausse de 60 % en 2018, passant de 10 millions d'euros à 16 millions d'euros. Le soutien au bénévolat, pilier du monde associatif, connaîtra un renforcement par la mise en oeuvre du nouveau compte d'engagement citoyen (CEC) qui valorise l'engagement au service de l'intérêt général de chacun de nos concitoyens.

Nous répondrons de façon spécifique aux besoins de toutes les associations en prenant leur taille en considération. Il est en effet nécessaire de distinguer les grandes associations, qui emploient jusqu'à des centaines de salariés, des plus petites, qui jouent un rôle décisif dans la vie sociale locale, notamment rurale.

Les dispositions de l'article 43 de ce projet de loi de finances prévoient la suppression du crédit d'impôt sur les taxes sur les salaires (CITS) et du CICE à partir de 2019, au bénéfice d'une réduction des cotisations patronales inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Cette diminution des cotisations patronales engendrera pour les associations une économie de 1,4 milliard d'euros chaque année à partir de 2019. Ce soutien considérable à la vie associative profitera aux associations qui emploient des salariés. Pour tenir compte des petites associations, dans le cadre de l'examen en séance publique des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » à l'Assemblée nationale la semaine dernière, j'ai proposé un amendement au nom du Gouvernement relevant de 25 millions d'euros les crédits du programme 163 « Jeunesse et vie associative ». Le but est de compenser, selon des modalités d'attribution renouvelées, la diminution de crédits ouverts au bénéfice du tissu associatif après la suppression de la réserve parlementaire. J'ai été très heureux de constater que cet amendement avait été adopté à l'unanimité. C'est le signe que l'ensemble de la représentation nationale a salué l'existence d'une compensation à la suppression de la réserve parlementaire. Ces crédits supplémentaires abonderont le Fonds de développement de la vie associative (FDVA). Comme l'amendement du Gouvernement le précise, ces 25 millions d'euros de crédits supplémentaires s'adresseront en priorité aux associations qui ne bénéficient pas des allègements de charge que j'évoquais précédemment. Il ne s'agit pas de faire renaître la réserve parlementaire. Un groupe de travail sera mis en place pour définir l'échelle et les modalités d'attribution de ces moyens. Le but est d'aller au plus près du terrain, en association avec les représentants de la Nation.

Le troisième objectif est d'accroître l'engagement par le service civique, dispositif plébiscité par les jeunes. L'immense majorité d'entre eux en ont une bonne image et neuf anciens volontaires sur dix se déclarent satisfaits de leur expérience. Le service civique est le reflet de la diversité de notre jeunesse ; il s'inscrit pleinement dans la continuité de la politique éducative, avec un quart de volontaires peu ou pas diplômés. C'est une école de l'engagement, de la détermination, de la persévérance, du dépassement de soi, une école de la vie. Ce succès se traduit dans les chiffres : en 2017, environ 130 000 volontaires ont bénéficié du dispositif. Notre objectif en 2018 est de parvenir à 150 000 volontaires. C'est pourquoi les crédits augmentent de 63 millions d'euros pour atteindre 448 millions d'euros. Cette dynamique sera portée par une diversification grandissante des employeurs et, s'agissant du ministère de l'éducation nationale, par une participation de 10 000 volontaires au dispositif « devoirs faits ».

Vous le constatez, ce budget traduit le plein engagement du Gouvernement en faveur de la jeunesse et de la vie associative et fait du ministère de l'éducation nationale le ministère de l'avenir, avec une vision complète des enjeux de la scolarité et de l'engagement des jeunes.

Cette action déterminée sera complétée et renforcée par la mise en place d'un autre engagement présidentiel, le service national universel, qui associera les ministères de l'éducation nationale et de la défense et dont les modalités sont en cours d'élaboration.

Nous avons là des perspectives d'avenir pour la jeunesse mais aussi pour l'ensemble de la Nation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion