Je salue Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, avec lequel j'ai l'habitude de travailler.
Monsieur le ministre, vous arrivez à ce poste précédé d'une réputation flatteuse. Vous avez été recteur dans des territoires difficiles, en Guyane, à Créteil, mais avez également travaillé en administration centrale. Vous avez donc une caractéristique rare à ce poste : vous avez la compétence, manifestement des convictions, et sans doute aussi du caractère, ce qui ne nuit pas dans l'exercice de la fonction. Pour dire la vérité, nous avons plutôt envie de vous soutenir.
Dans ce budget, quel est l'héritage de la politique précédente - qui était bien plus quantitative que qualitative - qui vous ralentit ? Le Président de la République précédent s'était efforcé de mettre en place son programme d'embauches, qui a engendré des difficultés. Dans l'augmentation de 1,3 milliard d'euros de votre budget, quelle est la part du prolongement des « coups partis », par exemple du fait de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) ?
Quelle est la répartition de cet héritage de création de 54 000 postes ? Ces postes ont-ils été vers votre priorité, que nous partageons, à savoir l'enseignement primaire ? En d'autres termes, subissez-vous l'inertie de décisions précédentes qui s'imposent à vous ?
En matière d'effectifs, le budget démontre une attitude réfléchie. Les quelque 2 800 postes créés dans le primaire sont équilibrés par une diminution dans le secondaire de 2 600 postes de stagiaires non pourvus - cela révèle d'ailleurs une limite de la politique quantitative, celle de la difficulté à trouver des candidats qui satisfassent les exigences du concours - et dans l'administration centrale, de 200 postes.
Votre effort en faveur du primaire se poursuit, avec la prolongation du dédoublement des classes au CP. Qu'en est-il du recrutement dans le secondaire ? Le problème du recrutement est justement une des raisons de renoncer à la politique quantitative. Certains considèrent que l'enseignement secondaire est mieux servi que le primaire, sauf pour des matières magistrales telles que les lettres, les mathématiques, l'anglais et l'allemand.
Au sein de la commission des finances, nous avions travaillé sur les heures supplémentaires. Envisagez-vous des pistes d'assouplissement, d'annualisation du temps de travail des enseignants ? Quel est votre sentiment sur l'année scolaire ? Notre beau pays a pour spécificité d'avoir les horaires les plus lourds et l'année la plus courte.
Je voudrais ensuite vous faire part d'une réflexion de sénateur, plus personnelle. L'école de la confiance suppose que l'école ait confiance en elle-même et qu'elle trouve des alliés. Vous avez des alliés naturels : les élus locaux. Ils peuplent les conseils d'administration des collèges et des lycées ; ils sont présents dans l'enseignement agricole. Mais ils sont assez peu mobilisés, si ce n'est pour des considérations logistiques. Cela les prive d'une participation plus effective à la vie des établissements. Vous avez l'intention de mobiliser des talents nouveaux, aux côtés des enseignants : les volontaires du service civique, le monde associatif - je partage cette conviction. Mobilisez aussi les élus pour des tâches autres que le périscolaire, qui leur a été imposé sans qu'ils soient volontaires, ayant le sentiment qu'avant d'apprendre le macramé et la confection de boîtes en coquillages, il fallait renforcer les enseignements principaux.
L'excellente initiative « devoirs faits » nous rappellera de très bons souvenirs d'approfondissements ou de rigolade - les deux sont possibles à l'école.
Quelle est l'autorité du chef d'établissement sur ses enseignants ? On a pu entendre que l'enseignement public était la plus grande profession libérale. Ne serait-il pas temps de trouver un bon compromis avec l'esprit de liberté et la responsabilité de l'enseignant devant sa classe, la communauté éducative étant une vaste plaisanterie car le chef d'établissement n'a pas d'autorité - il ne cherche pas non plus à en avoir ?
Une autre catégorie d'alliés, ce sont les parents. Comment les associer, les responsabiliser et les conduire à faire respecter les règles de l'école ? Il faut une confiance réciproque entre parents et enseignants pour obtenir un résultat. Finalement, ce qui compte, c'est la volonté. La vôtre nous rassure mais nous avons soif de détails et d'ouverture sur des projets.