Pour répondre au rapporteur général, oui, nous avons une stratégie face au recul de la France dans différents classements, notamment Pisa. Regardons d'abord les pays qui ont progressé vite, comme l'Allemagne dans les années 2000 - elle était très en-dessous de la France, elle est aujourd'hui légèrement au-dessus -, mais aussi le Portugal, la Pologne, qui ont réussi de belles performances grâce à des politiques volontaristes, ou les pays asiatiques, tel Singapour, qui ont fortement remonté dans les classements.
Un constat : nos résultats moyens s'expliquent par les écarts entre nos territoires et entre les élèves. Dans la partie ouest de la France, notre système scolaire a des résultats honorables, voire très honorables. Il ne faudrait pas détruire des choses qui fonctionnent bien. Je rappelle que les établissements français à l'étranger sont très attractifs, ce qui doit nous donner confiance en nous-mêmes. L'hétérogénéité des territoires et des publics doit nous conduire à mener une politique très volontariste d'acquisition des savoirs fondamentaux. Que reflètent l'enquête Pisa ou l'enquête Timss, qui concerne des élèves plus jeunes ? Tout simplement un niveau faible en français et en mathématiques, qui prend sa racine à l'école primaire. D'où notre volontarisme dans les territoires les plus défavorisés, en CP et en CE1. L'école maternelle sera rénovée également. Cela portera ses fruits à moyen terme, mais les tout premiers se verront dès la fin de cette année, non dans les résultats à Pisa, mais dans les résultats des élèves. Nous avons laissé s'accumuler les retards des élèves, au nom d'une fausse bienveillance. L'échec en licence peut s'expliquer ainsi par ce qui n'a pas été acquis lors des premières années. Cela s'accompagne d'une stratégie pour le collège, dont les résultats, je l'espère, se reflèteront dans le classement Pisa. La mesure « devoirs faits » en fait partie.
Sur la maîtrise des langues étrangères, la future réforme du baccalauréat doit nous permettre de réfléchir aux points de repères et aux évolutions pédagogiques, notamment avec les nouvelles technologies, qui ouvrent de belles perspectives.
La question des manuels scolaires est aussi stratégique. La question immédiate porte sur les budgets d'acquisition de manuels dans les collèges. Au-delà, nous devons nous interroger sur les manuels au XXIe siècle et leur économie. Je voudrais vous rassurer sur les enjeux de court terme : nous avons mis 13 millions d'euros dans le budget pour les manuels scolaires, ce qui peut sembler à certains insuffisants, mais en 2016 et 2017, 105 millions d'euros ont été engagés chaque année, en raison des changements de programmes. Revenons à la normale. Cette réponse ne nous exonère pas d'une réflexion plus structurelle. Le financement par l'État des manuels scolaires au collège peut apparaître comme une anomalie, alors que ce sont les communes qui l'assurent pour le primaire et les régions pour les lycées. Des discussions doivent s'ouvrir entre l'État et les collectivités territoriales à ce sujet. On peut vivre avec cette exception mais elle n'a pas de justification logique. Au-delà, c'est le rôle du manuel qui est interrogé. Je fais une différence entre l'école primaire et l'enseignement secondaire et je prends en compte les évolutions technologiques.
Nous avons besoin de manuels en papier, particulièrement à l'école primaire. Il ne faut pas aller vers l'extrémité du « tout numérique ». Mais ces manuels peuvent être plus minces, particulièrement dans le primaire, où la fonction structurante du manuel, y compris pour la communication avec les familles, doit être préservée. Or seulement 40 % des élèves ont un manuel à l'école primaire. Nous devons viser 100 %. Cela doit rendre optimistes ceux qui se préoccupent de l'économie éditoriale.
Il faut aussi, à partir du collège, une plus grande complémentarité entre le manuel, fixant l'ossature, et le numérique, fournissant la chair, si vous me permettez cette métaphore. Cela doit aller dans le sens de l'amincissement des manuels, donc un moindre coût et un moindre poids, et d'un usage harmonieux du numérique.
Les éditeurs ne doivent pas être inquiets à cet égard, quoique votre question traduise leur inquiétude, car cette évolution peut être positive, pour l'élève, bien sûr, mais aussi pour eux. Nous devons soutenir l'industrie des « EdTech » scolaires, objet du déplacement que je ferai tout à l'heure. Les éditeurs du futur feront des manuels, mais aussi des ressources numériques et des outils d'intelligence artificielle, à l'échelle nationale et internationale. Ayons cette vision large, plus vaste que la reconduction des habitudes... Je vois la possibilité d'un consensus avec l'ensemble des acteurs, afin de donner les outils pédagogiques nécessaires à nos élèves.