Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2017 à 16h35
Projet de loi de finances pour 2018 — Audition de M. Jean Michel blanquer ministre de l'éducation nationale

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Monsieur le Président, vous m'avez questionné sur le programme SIRHEN et sur les risques de dérapage qu'ont pu connaître certains logiciels de l'État. Le coût global de SIRHEN s'élève à 393 millions d'euros. Les financements s'étalent de 2009 à 2020. Aujourd'hui, nous sommes en route vers un SIRHEN réussi.

Antoine Lefèvre m'a interrogé sur les troubles d'apprentissage et sur la médecine scolaire. Ces questions font partie des grandes difficultés du système scolaire. C'est un problème non pas de moyens, mais d'attractivité de la fonction de médecin scolaire. La première mission que je m'impose est de réussir la visite médicale pour tous les élèves de six ans. Pour y arriver, j'ai engagé un travail interministériel avec la ministre de la santé, notamment pour que les médecins non scolaires puissent contribuer à la médecine scolaire. Par ailleurs, nous essaierons à moyen terme d'attirer davantage de personnes vers la médecine scolaire en proposant cette discipline comme spécialité lors du concours de l'internat. Nous envisageons également de faire évoluer les missions, en relation avec les médecins et les infirmières.

Cette question fait écho à celle soulevée par Gérard Longuet tout à tout à l'heure sur notre capacité à mieux impliquer les élus locaux. Les collectivités territoriales, qui doivent souvent lutter contre les déserts médicaux, peuvent contribuer à élaborer une vision d'ensemble des solutions à mettre en oeuvre.

Emmanuel Capus m'a questionné sur les contrats aidés. Dans quelle proportion les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) s'y substituent-ils ? Les choses se préciseront avec le temps, en lien avec le ministère du travail. Notre priorité est l'accueil des élèves en situation de handicap. Les contrats aidés que nous conserverons viseront à accueillir ces élèves. Ils étaient 50 000 cette année. Toute diminution en termes de contrats aidés sera compensée par des AESH. Une fois encore, les enjeux qualitatifs sont plus importants que les enjeux quantitatifs.

Aujourd'hui, nous avons 80 000 supports : 50 000 contrats aidés et 30 000 AESH, contre 22 000 l'année précédente. Nous rencontrons encore quelques difficultés pour arriver à satisfaire toutes les demandes. Notre pays compte environ 300 000 élèves en situation de handicap, même si tous n'ont pas besoin d'un accompagnement à plein temps. Il existe deux sources de difficultés : premièrement, l'inflation des demandes, qui augmentent de 15 % ; deuxièmement, nous n'arrivons pas toujours à recruter toutes les personnes sur les emplois aidés. Cette inflation doit nous interroger sur notre système et sur la façon dont se passent les préconisations. Je travaille sur tous ces sujets avec Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, de façon à proposer des évolutions dans l'intérêt des élèves.

Emmanuel Capus m'a également interrogé sur le service national et sur son financement. Le service national n'est pas prévu pour 2018, même si nous avons prévu d'honorer cet engagement présidentiel au cours du quinquennat. Cela suppose un très gros travail interministériel qui impliquera notamment le ministère de la défense et celui de l'éducation nationale. Avant d'envisager la question de la budgétisation, il faut définir le concept. Je m'appuierai aussi sur mes compétences jeunesse et vie associative.

Jean Pierre Vogel m'a interrogé sur le financement des activités périscolaires. Je me suis peut-être mal exprimé lors des questions au Gouvernement, mais il n'y aura pas de changement. L'aide de 90 euros par élève sera maintenue. Nous travaillons avec la caisse d'allocations familiales pour que le soutien soit au moins aussi important que par le passé et surtout plus simple sur le plan administratif.

Pour répondre à Georges Patient, je confirme les engagements pris par le Président de la République il y huit jours en Guyane en faveur des collectivités territoriales pour les constructions scolaires du second degré. L'aide s'élèvera à 250 millions d'euros sur cinq ans. S'y ajouteront 150 millions d'euros sur dix ans pour les constructions scolaires du premier degré. Les sommes en jeu sont très importantes, de l'ordre de 400 millions d'euros. Cet engagement sera tenu. De façon plus générale, nous travaillons à trouver des solutions originales pour la Guyane sur la question des ressources humaines dans l'académie. On pourrait aussi parler de Mayotte. Nous avons besoin de nouvelles règles du jeu, dans l'intérêt de tous. Il est essentiel d'avoir plus de professeurs guyanais, le cas échéant, recrutés et formés différemment. Parmi les objectifs très ambitieux du ministère, nous souhaitons une école supérieure du professorat qui soit la locomotive du système guyanais dans la nouvelle université. C'est ce à quoi nous nous attèlerons avec les élus.

Sophie Taillé-Polian a posé la question des méthodes d'évaluation. C'est un sujet qui n'est pas binaire. La mise en perspective est importante. Il ne s'agit pas d'être pour ou contre l'évaluation, mais de savoir comment nous évaluons les élèves. Les sciences cognitives prouvent qu'il est bon de se tester pour connaître. C'est ce que font les jeunes lorsqu'ils jouent aux jeux vidéo, qui sont composés de tests permanents. En sport, la question du dépassement de soi ne pose aucun problème. Je m'étonne toujours que cela en pose dans le débat scolaire. Vous avez à juste titre repris à votre compte le mot de « confiance ». L'idée est bien d'instituer une sorte de contrat de confiance avec l'élève, non pas pour moins d'évaluation, mais pour plus d'évaluations et pour mieux d'évaluations. Cela inclut l'autoévaluation et l'instauration d'objectifs sur l'année. Nous visons le progrès personnalisé de l'élève.

En ce qui concerne l'accès à la restauration scolaire, il existe une hétérogénéité des situations. Nous avons la possibilité d'agir au travers des fonds sociaux, qui seront stabilisés, voire augmentés dans certains cas. J'alerte les académies pour qu'il y ait une plus grande homogénéité sur le territoire et qu'elles prennent mieux en compte les différentes situations sociales. Il y a aussi des enjeux qualitatifs, sur les circuits courts. Un de nos grands objectifs est, par exemple, la lutte contre l'obésité. J'en profite pour aborder un sujet que vous n'avez pas évoqué, mais qui est corrélatif : celui des toilettes. Cela fait toujours sourire, mais c'est une question dramatique, car les toilettes sont aussi des lieux de violence, qui manquent souvent d'hygiène. C'est un sujet sur lequel il faudra aussi mener des discussions avec les collectivités territoriales.

Je n'ai pas très bien compris la question de Pascal Savoldelli. Il n'existe aucune augmentation disproportionnée du budget de l'enseignement privé. Ce point mériterait d'être approfondi ultérieurement. Ce budget est un budget de justice sociale. Les augmentations les plus importantes ont trait à ce que nous faisons en REP et en REP+, notamment pour y attirer les professeurs. Je ne vois pas davantage de déséquilibre entre l'académie de Paris et celle de Créteil.

Michel Canevet m'a questionné sur la charge horaire dans le premier et le second degré. Ces différences ont des justifications anciennes. Par exemple, les agrégés enseignent 15 heures contre 18 heures pour les professeurs certifiés. Dans le futur, nous nous efforcerons d'affecter davantage les agrégés dans les lycées et dans l'enseignement supérieur. L'agrégation est une magnifique institution française. Elle tire notre système vers le haut. Nous devons donc positionner les professeurs là où ils sont utiles pour les élèves. C'est un exemple d'une politique de gestion des ressources humaines plus qualitative.

Pour répondre à Sylvie Vermeillet, le secteur rural est une des priorités du Président de la République. Nous ne devons plus être sur la défensive, mais le temps est à l'offensive. La question des seuils de fermeture ne doit plus être le sujet principal. Notre ambition est d'inverser la logique en rendant les écoles primaires et les collèges ruraux plus attractifs. Je rappelle que les écoles primaires rurales ont des résultats supérieurs à la moyenne nationale, contrairement aux collèges ruraux. Une analyse trop rapide nous conduirait à fermer les collèges dans ces zones et à maintenir les écoles primaires, mais je souhaite aller plus loin et redynamiser les collèges ruraux. Le rural a notamment une capacité d'innovation que je souhaite explorer. L'exemple typique que je cite souvent est le collège de Marciac dans le Gers. Cet établissement comptait 80 élèves il y a vingt ans, contre 250 aujourd'hui grâce à un festival de jazz, à des classes de musique et à l'existence d'un internat. Il ne doit pas y avoir de clivage entre l'urbain et le rural. Les politiques doivent au contraire être très complémentaires. Cela passe par la renaissance des internats ruraux. Un internat, ce n'est pas quatre murs, un lit et un toit, c'est un projet éducatif. Nous relancerons donc prochainement la politique des internats, au bénéfice du rural.

Charles Guené m'a questionné sur le dispositif « devoirs faits ». Oui, ce dispositif a vocation à s'étendre à l'école primaire dès la rentrée prochaine. Je lève une ambiguïté : même à l'école primaire, il est pertinent de faire des devoirs dès lors que la démarche est bien pensée.

Je ne peux pas détailler davantage sur le « plan mercredi ». L'idée est de concentrer les moyens du programme « Jeunesse et vie associative », auxquels viendront s'adjoindre ceux de la culture et du sport, dans un ensemble cohérent se déclinant dans les territoires, en appui aux efforts des collectivités. L'objectif est de donner une visibilité aux familles par rapport à l'offre périscolaire proposée sur le territoire.

Julien Bargeton m'a interrogé sur la mission « bac ». Elle vient d'être mise en place, ses conclusions seront connues début 2018. De grandes tendances se dégagent, conformément aux engagements de campagne du Président de la République : des épreuves sur quatre matières, le reste en contrôle continu. Bien des éléments restent à définir, ce sera la tâche de la mission. Notre ambition est d'avoir un bac plus « musclé », préparant mieux à la réussite.

Didier Rambaud a évoqué l'enseignement supérieur : il faut mieux prendre en compte les premiers désirs et les forces de l'élève. Nous concilierons excellence et réussite de tous par une capacité de choix plus forte et des effets de levier.

Didier Rambaud m'a aussi questionné sur la crise des vocations. Je crois beaucoup au prérecrutement ; la politique universitaire menée par Frédérique Vidal coïncidera avec ce que nous faisons sur le plan scolaire.

Sébastien Meurant m'a interrogé sur les méthodes de management pour mener à bien les réformes. Il y aurait beaucoup à dire. L'école de la confiance constitue la première des réponses. Les personnels doivent être heureux de travailler pour l'éducation nationale et se sentir estimés par leur institution. Cela ira de pair avec les évolutions en matière d'autonomie. Elle signifie non pas caporalisme, mais esprit d'équipe à l'échelle des établissements. Il y aura des ouvertures en termes de carrière au sein de l'éducation nationale comme en dehors.

Christine Lavarde a évoqué le numérique dans le programme d'investissement d'avenir (PIA). Il est exact que nous entrons dans une nouvelle phase. Les engagements pris en matière de tablettes numériques seront honorés. Nous insisterons néanmoins davantage sur la formation des professeurs. Ce PIA dessinera notamment la formation des professeurs du futur, qui mettra plus d'accent sur la dimension numérique.

La réunion est close à 18 h 25.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat

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