Intervention de Bernard Jomier

Réunion du 13 novembre 2017 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2018 — Discussion générale

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Madame la ministre, la présentation de votre premier projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion de donner corps aux orientations de votre politique de santé, d’autant plus que vous avez annoncé les quatre priorités de la stratégie nationale de santé.

Cela dit, l’objectif de la politique de santé doit être avant tout de répondre aux enjeux de la transition épidémiologique, du développement des pathologies chroniques, de la dépendance, de l’intrication du médical et du social et de la place des facteurs environnementaux. Il importe que le rôle des différents acteurs du système de soins, leurs missions, leurs modes d’organisation et leur coordination répondent bien à ces enjeux et ne restent pas figés dans des représentations passées.

L’hôpital d’aujourd’hui et de demain n’est bien sûr plus celui de 1958, ni même celui de 2007. Or les moyens qui lui sont accordés ne lui suffisent clairement plus pour assurer ses missions actuelles. Il nous faut garantir sa pérennité en tant qu’institution porteuse d’un accès égalitaire à des soins de qualité, sur tout le territoire, et cela nécessite de nouvelles orientations, tant pour ce qui concerne le financement de l’hôpital public que pour ce qui touche au périmètre des activités hospitalières.

Les investissements nécessités par le développement de l’ambulatoire, les technologies numériques et les impératifs écologiques ne trouvent pas de réponse satisfaisante dans les modes actuels de financement. Ceux-ci peinent à assurer le fonctionnement courant et les investissements d’entretien. Les retards s’accumulent alors que le personnel est de plus en plus désemparé par les plans successifs d’économie.

L’hôpital est un bien commun apprécié des Français, qui donne du sens à la solidarité et à l’engagement de l’État pour la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Les défis auxquels il est confronté doivent être résolus par un nouvel engagement national. Mieux inséré dans les parcours de soins, doté de capacités suffisantes pour rester à la pointe de la recherche et de l’innovation, garant de l’accès égal et de la participation des usagers à ses services, notre hôpital a un bel avenir devant lui ; nous devons lui en donner les outils.

Or la fixation à 2 % de l’ONDAM hospitalier, même abondé de la hausse du forfait journalier, pose un nouveau cadre financier très contraint ; l’heure d’un nouveau « plan Hôpital » est donc venue, madame la ministre.

Si l’on revient aux priorités, appréciables, de la stratégie nationale de santé, force est de constater qu’il n’est pas toujours aisé de les retrouver dans ce texte. La prévention est l’objet de mesures de fiscalité et d’une obligation concernant les vaccins ; l’Assemblée nationale y a ajouté le financement d’une consultation de dépistage pour les jeunes femmes.

Nous approuvons la décision concernant les vaccins, tout en prêtant une grande attention au message envoyé par plusieurs sociétés savantes, dont le Collège national des généralistes enseignants, qui nous alertent sur les risques que l’obligation accroisse in fine le phénomène de défiance, tant il est vrai que, en santé publique, les logiques d’autorité fonctionnent assez mal. Il est néanmoins tout aussi vrai que l’intérêt général et collectif doit être respecté par chaque individu.

C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle était parvenue, l’an dernier, la concertation nationale sur la vaccination, pilotée par le professeur Alain Fischer, qui insistait sur l’importance de plusieurs mesures : écoute de la population et des professionnels, transparence de l’information et des experts, diffusion d’informations validées, implication de l’école, campagnes de sensibilisation dans les médias ou encore facilitation de la pratique de la vaccination. C’est en complément de ces actions que le comité recommandait l’élargissement des obligations vaccinales de l’enfant. Il recommandait également la prise en charge à 100 % des vaccins obligatoires. C’est l’ensemble de ces axes qu’il faut appliquer pour réussir.

Une politique de prévention en santé doit s’attaquer aux causes : au tabac, certes, mais aussi à l’alcool, aux polluants, dont ceux de l’air, et aux substances chimiques, notamment aux perturbateurs endocriniens, dont le rôle dans l’accroissement de nombreuses pathologies se révèle, au fil des études scientifiques, bien plus important que ce que l’on imaginait. Que vienne le temps où la loi s’appuiera sur des recettes prélevées sur les polluants de l’alimentation pour financer un fonds alimentation-santé ainsi qu’une politique plus active en la matière !

À l’aune des évolutions sanitaires et sociales, notre système doit évoluer, et vite. C’est sans doute consciente de cette situation que vous avez introduit l’article 35 dans ce projet de loi, un article qui suscite l’intérêt, en raison des perspectives qu’il ouvre, mais qui ne doit pas terminer en déceptions multiples. Nous approuvons cette volonté, mais il faudra mieux en préciser les objectifs : la lutte contre les inégalités, la prévention et la participation des usagers sont essentielles et les modes d’organisation doivent se penser avec les territoires.

Madame la ministre, votre projet contient des pistes intéressantes, mais aussi des ambiguïtés, relatives par exemple au tiers payant intégral, et il ne faudrait pas que cette ambiguïté se mue en un rendez-vous manqué avec la réduction des inégalités sociales. C’est un objet précieux, car il s’agit de la sécurité sociale et, au fond, pour ce qui concerne la santé, de la capacité de notre pays à réaliser de nouveaux progrès.

Madame la ministre, ne nous décevez pas, portez la santé publique, toute la santé publique. C’est cela qui nous anime et qui fondera nos positions dans la discussion qui s’ouvre.

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