Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, seules des circonstances exceptionnelles pouvaient conduire le Gouvernement à vous proposer une troisième fois de modifier le budget de l’année en cours.
Vous vous en souvenez, notre précédent rendez-vous était guidé par notre détermination à respecter nos engagements européens. C’est avec le même objectif que nous nous présentons de nouveau devant vous.
Le 7 mai dernier, soit dès le lendemain du vote par le Parlement d’un dispositif de soutien à la Grèce, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro se sont de nouveau réunis le soir et la nuit pour un Conseil européen un peu exceptionnel – habituellement, les chefs d’État et de gouvernement se réunissent à vingt-sept et non pas à seize – pour demander à la Commission européenne et aux ministres des finances et de l’économie des 27 États membres de l’Union européenne de trouver, dans les plus brefs délais, un mécanisme de nature à assurer la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro.
Une telle mobilisation, moins d’un mois après le soutien européen exceptionnel consenti à la Grèce, s’explique évidemment, lui aussi, par des circonstances exceptionnelles.
Les rendements exigés par les marchés à l’égard des États dits « périphériques », et non envers ceux qui appartiennent au cœur de la zone euro, étaient tels que toute demande de financement ou de refinancement de l’un d’entre eux était quasiment impossible.
Ces tensions s’étaient propagées aux marchés interbancaires, qui, de nouveau, présentaient des signes de tension typiques de ceux que nous avions connus lors de la crise financière du mois d’octobre 2008.
Enfin, les marchés boursiers se ressentaient également de cette situation, et l’euro commençait à se déprécier.
C’est pourquoi les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro ont demandé aux ministres des finances et de l’économie de l’Union européenne de mettre en place un mécanisme européen de stabilisation destiné à préserver la stabilité financière en Europe. Deux jours plus tard, au terme d’un week-end durant lequel nous avons travaillé à l’élaboration de solutions éventuelles, nous avons décidé, dans la nuit du 9 mai – jour célébrant le centième anniversaire de l’appel de Robert Schuman pour l’Europe ! –, de mettre en place un mécanisme dit à trois « étages ».
Le premier étage, qui comprend une première tranche de 60 milliards d’euros, permet à la Commission européenne de mobiliser, sur le fondement de l’article 122-2 du traité de Lisbonne, des moyens pour venir en aide à un État membre.
Le deuxième étage est constitué, à hauteur de 440 milliards d’euros, de prêts garantis qui peuvent être obtenus sur le marché, puis accordés à des États dans le besoin par le biais du Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Ce dernier est un véhicule juridique à détermination très spécifique : le soutien des États membres de la zone euro en difficulté, qui bénéficient de la garantie des États de la zone euro à concurrence de 440 milliards d’euros. C’est cet étage particulier du mécanisme de soutien qui justifie le texte qui vous est soumis aujourd’hui par François Baroin et moi-même.
Le troisième étage, qui complète les deux premiers, correspond à la contribution du Fonds monétaire international, le FMI, accordée à concurrence de 50 % pour tout concours qui serait consenti par le Fonds européen de stabilité financière.
Au total, avec les 60 milliards d’euros prévus au premier étage, les 440 milliards d’euros programmés, au deuxième étage, sous forme de prêts garantis au titre du FESF et un potentiel supplémentaire de 50 % de tous les montants mobilisés, inscrit au troisième étage, ce sont, optimalement, 750 milliards d’euros qui pourraient être rassemblés pour soutenir les États membres en difficulté de la zone euro.
Quid du Fonds européen de stabilité financière ?
Tout d’abord, nous sommes convenus qu’il était préférable de le soumettre au droit luxembourgeois, dans la mesure où il recourra aux services et au soutien administratif de la Banque européenne d’investissement, qui, de tout temps, a été régie selon le droit du Luxembourg.
Le conseil d’administration de cet établissement comprendra un représentant de chacun des États membres de la zone euro, et les principales décisions afférentes au fonctionnement du fonds, notamment aux décaissements, seront prises à l’unanimité des membres.
La constitution de ce fonds, ses règles de gouvernance et les principes généraux qui le guident ont été débattus et sont bien évidemment le résultat d’un compromis.
Les modalités juridiques de création et de fonctionnement de ce fonds sont en cours de finalisation, en lien avec la Commission européenne, et je vous tiendrai bien sûr informés, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’achèvement des travaux.
Sachez-le, pour s’assurer que l’assistance et les prêts du Fonds européen de stabilité financière permettront à l’État bénéficiaire de faire face aux défis économiques et budgétaires auxquels il est confronté, nous avons exigé – et cela figurera dans le véritable pacte d’actionnaires que passeront ensemble les États membres du FESF – que l’octroi de ces financements s’accompagne de conditionnalités très strictes, négociées entre l’État qui souhaite bénéficier du soutien de ce fonds, la Commission, le FMI et, bien sûr, la Banque centrale européenne.
C’est dans ces conditions que nous avons mis en place les mécanismes de conditionnalité et de suivi avec l’État grec, et c’est selon ces mêmes modalités que nous souhaitons faire fonctionner ce fonds. D’ailleurs, pour ceux qui s’en souviennent, le fonds que nous avions institué pour soutenir les établissements financiers à l’occasion de la crise d’octobre 2008 fonctionnait un peu selon les mêmes conditions.
Par ailleurs, le FESF bénéficiera de garanties apportées par l’ensemble des États membres de la zone euro, à l’entité elle-même et à chacune des émissions que celui-ci réalisera sur les marchés. Je précise – c’est un point important – que les garanties des États membres ne sont pas conjointes et solidaires : chacun apportera une garantie individuelle et proportionnelle à sa quote-part dans le capital libéré de la BCE, augmentée, à titre conventionnel, de 20 %.
Cette majoration volontaire vise à prendre en compte le fait qu’un ou plusieurs États pourraient ne pas participer au mécanisme. Il convient donc de majorer la part de chacun des États membres pour prendre en compte cette éventualité. Cette majoration devrait également faciliter une bonne notation de chacune des émissions.
Il va sans dire que la garantie ouvre droit à rémunération des États membres octroyant celle-ci, à l’instar du mécanisme mis en place dans le cadre du plan français de soutien aux banques ou du mécanisme du prêt que nous avons consenti à la Grèce.
Quel est le montant de la quote-part de la France ?
Selon le mode de calcul que nous avons retenu – c’est ce que l’on appelle « la clé BCE » –, la part détenue par la Banque de France dans le capital libéré de la BCE s’élève à 92 milliards d’euros. Cette garantie sera majorée de 20 %, pour prendre en compte les éventualités que j’ai évoquées tout à l'heure. C’est donc une somme de 111 milliards d’euros que nous sollicitons au titre de la mise en place du Fonds européen de stabilité financière. À cet égard, je laisserai à mon collègue François Baroin le soin de vous expliquer l’impact de cette mesure sur le solde budgétaire et la trésorerie de l’État.
L’autre disposition essentielle de ce projet de loi de finances rectificative concerne le FMI, auquel, tirant les enseignements de la crise, nous souhaitons octroyer des moyens supplémentaires.
À l’occasion du G20 de Londres, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé d’augmenter considérablement les ressources du Fonds monétaire international – à hauteur de 500 milliards de dollars –, sous la forme d’une contribution additionnelle aux nouveaux accords d’emprunt qui lient le FMI et certains de ses membres, telle que révisée à la suite de l’assemblée d’avril 2010.
Or, comme elle l’a fait valoir depuis le début de la crise, la France doit avoir un comportement exemplaire dans la traduction, au niveau national, de cet engagement du G20.
À l’instar de nos partenaires, nous nous sommes engagés à prendre, dans cette contribution additionnelle, une part conforme à notre participation au FMI, soit 18, 7 milliards de droits de tirage spéciaux ou l’équivalent de 21 milliards d’euros environ.
Le projet de loi de finances rectificative que nous soumettons à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, vise à traduire cet engagement de la France. La mise en œuvre de celui-ci doit être d’autant plus rapide que le FMI, concerné par le troisième étage du mécanisme européen de stabilisation, pourrait avoir besoin de mobiliser les sommes prévues dans le cadre de la mise en jeu du Fonds européen de stabilité financière.
Tels sont, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter.
En outre, je tiens à remercier tout particulièrement M. le rapporteur général pour la qualité de son rapport.