Séance en hémicycle du 3 juin 2010 à 9h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • grèce
  • rectificative
  • stabilité

La séance

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La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (projet n° 511, rapport n° 513).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, seules des circonstances exceptionnelles pouvaient conduire le Gouvernement à vous proposer une troisième fois de modifier le budget de l’année en cours.

Vous vous en souvenez, notre précédent rendez-vous était guidé par notre détermination à respecter nos engagements européens. C’est avec le même objectif que nous nous présentons de nouveau devant vous.

Le 7 mai dernier, soit dès le lendemain du vote par le Parlement d’un dispositif de soutien à la Grèce, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro se sont de nouveau réunis le soir et la nuit pour un Conseil européen un peu exceptionnel – habituellement, les chefs d’État et de gouvernement se réunissent à vingt-sept et non pas à seize – pour demander à la Commission européenne et aux ministres des finances et de l’économie des 27 États membres de l’Union européenne de trouver, dans les plus brefs délais, un mécanisme de nature à assurer la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro.

Une telle mobilisation, moins d’un mois après le soutien européen exceptionnel consenti à la Grèce, s’explique évidemment, lui aussi, par des circonstances exceptionnelles.

Les rendements exigés par les marchés à l’égard des États dits « périphériques », et non envers ceux qui appartiennent au cœur de la zone euro, étaient tels que toute demande de financement ou de refinancement de l’un d’entre eux était quasiment impossible.

Ces tensions s’étaient propagées aux marchés interbancaires, qui, de nouveau, présentaient des signes de tension typiques de ceux que nous avions connus lors de la crise financière du mois d’octobre 2008.

Enfin, les marchés boursiers se ressentaient également de cette situation, et l’euro commençait à se déprécier.

C’est pourquoi les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro ont demandé aux ministres des finances et de l’économie de l’Union européenne de mettre en place un mécanisme européen de stabilisation destiné à préserver la stabilité financière en Europe. Deux jours plus tard, au terme d’un week-end durant lequel nous avons travaillé à l’élaboration de solutions éventuelles, nous avons décidé, dans la nuit du 9 mai – jour célébrant le centième anniversaire de l’appel de Robert Schuman pour l’Europe ! –, de mettre en place un mécanisme dit à trois « étages ».

Le premier étage, qui comprend une première tranche de 60 milliards d’euros, permet à la Commission européenne de mobiliser, sur le fondement de l’article 122-2 du traité de Lisbonne, des moyens pour venir en aide à un État membre.

Le deuxième étage est constitué, à hauteur de 440 milliards d’euros, de prêts garantis qui peuvent être obtenus sur le marché, puis accordés à des États dans le besoin par le biais du Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Ce dernier est un véhicule juridique à détermination très spécifique : le soutien des États membres de la zone euro en difficulté, qui bénéficient de la garantie des États de la zone euro à concurrence de 440 milliards d’euros. C’est cet étage particulier du mécanisme de soutien qui justifie le texte qui vous est soumis aujourd’hui par François Baroin et moi-même.

Le troisième étage, qui complète les deux premiers, correspond à la contribution du Fonds monétaire international, le FMI, accordée à concurrence de 50 % pour tout concours qui serait consenti par le Fonds européen de stabilité financière.

Au total, avec les 60 milliards d’euros prévus au premier étage, les 440 milliards d’euros programmés, au deuxième étage, sous forme de prêts garantis au titre du FESF et un potentiel supplémentaire de 50 % de tous les montants mobilisés, inscrit au troisième étage, ce sont, optimalement, 750 milliards d’euros qui pourraient être rassemblés pour soutenir les États membres en difficulté de la zone euro.

Quid du Fonds européen de stabilité financière ?

Tout d’abord, nous sommes convenus qu’il était préférable de le soumettre au droit luxembourgeois, dans la mesure où il recourra aux services et au soutien administratif de la Banque européenne d’investissement, qui, de tout temps, a été régie selon le droit du Luxembourg.

Le conseil d’administration de cet établissement comprendra un représentant de chacun des États membres de la zone euro, et les principales décisions afférentes au fonctionnement du fonds, notamment aux décaissements, seront prises à l’unanimité des membres.

La constitution de ce fonds, ses règles de gouvernance et les principes généraux qui le guident ont été débattus et sont bien évidemment le résultat d’un compromis.

Les modalités juridiques de création et de fonctionnement de ce fonds sont en cours de finalisation, en lien avec la Commission européenne, et je vous tiendrai bien sûr informés, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’achèvement des travaux.

Sachez-le, pour s’assurer que l’assistance et les prêts du Fonds européen de stabilité financière permettront à l’État bénéficiaire de faire face aux défis économiques et budgétaires auxquels il est confronté, nous avons exigé – et cela figurera dans le véritable pacte d’actionnaires que passeront ensemble les États membres du FESF – que l’octroi de ces financements s’accompagne de conditionnalités très strictes, négociées entre l’État qui souhaite bénéficier du soutien de ce fonds, la Commission, le FMI et, bien sûr, la Banque centrale européenne.

C’est dans ces conditions que nous avons mis en place les mécanismes de conditionnalité et de suivi avec l’État grec, et c’est selon ces mêmes modalités que nous souhaitons faire fonctionner ce fonds. D’ailleurs, pour ceux qui s’en souviennent, le fonds que nous avions institué pour soutenir les établissements financiers à l’occasion de la crise d’octobre 2008 fonctionnait un peu selon les mêmes conditions.

Par ailleurs, le FESF bénéficiera de garanties apportées par l’ensemble des États membres de la zone euro, à l’entité elle-même et à chacune des émissions que celui-ci réalisera sur les marchés. Je précise – c’est un point important – que les garanties des États membres ne sont pas conjointes et solidaires : chacun apportera une garantie individuelle et proportionnelle à sa quote-part dans le capital libéré de la BCE, augmentée, à titre conventionnel, de 20 %.

Cette majoration volontaire vise à prendre en compte le fait qu’un ou plusieurs États pourraient ne pas participer au mécanisme. Il convient donc de majorer la part de chacun des États membres pour prendre en compte cette éventualité. Cette majoration devrait également faciliter une bonne notation de chacune des émissions.

Il va sans dire que la garantie ouvre droit à rémunération des États membres octroyant celle-ci, à l’instar du mécanisme mis en place dans le cadre du plan français de soutien aux banques ou du mécanisme du prêt que nous avons consenti à la Grèce.

Quel est le montant de la quote-part de la France ?

Selon le mode de calcul que nous avons retenu – c’est ce que l’on appelle « la clé BCE » –, la part détenue par la Banque de France dans le capital libéré de la BCE s’élève à 92 milliards d’euros. Cette garantie sera majorée de 20 %, pour prendre en compte les éventualités que j’ai évoquées tout à l'heure. C’est donc une somme de 111 milliards d’euros que nous sollicitons au titre de la mise en place du Fonds européen de stabilité financière. À cet égard, je laisserai à mon collègue François Baroin le soin de vous expliquer l’impact de cette mesure sur le solde budgétaire et la trésorerie de l’État.

L’autre disposition essentielle de ce projet de loi de finances rectificative concerne le FMI, auquel, tirant les enseignements de la crise, nous souhaitons octroyer des moyens supplémentaires.

À l’occasion du G20 de Londres, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé d’augmenter considérablement les ressources du Fonds monétaire international – à hauteur de 500 milliards de dollars –, sous la forme d’une contribution additionnelle aux nouveaux accords d’emprunt qui lient le FMI et certains de ses membres, telle que révisée à la suite de l’assemblée d’avril 2010.

Or, comme elle l’a fait valoir depuis le début de la crise, la France doit avoir un comportement exemplaire dans la traduction, au niveau national, de cet engagement du G20.

À l’instar de nos partenaires, nous nous sommes engagés à prendre, dans cette contribution additionnelle, une part conforme à notre participation au FMI, soit 18, 7 milliards de droits de tirage spéciaux ou l’équivalent de 21 milliards d’euros environ.

Le projet de loi de finances rectificative que nous soumettons à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, vise à traduire cet engagement de la France. La mise en œuvre de celui-ci doit être d’autant plus rapide que le FMI, concerné par le troisième étage du mécanisme européen de stabilisation, pourrait avoir besoin de mobiliser les sommes prévues dans le cadre de la mise en jeu du Fonds européen de stabilité financière.

Tels sont, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter.

En outre, je tiens à remercier tout particulièrement M. le rapporteur général pour la qualité de son rapport.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. J’ai notamment été très sensible à l’ensemble des considérations relatives aux CDS, les credit default swaps, et aux CDS souverains, qui, on s’en souvient, ont alimenté un certain nombre des difficultés rencontrées sur les marchés, notamment au regard de la crise grecque.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines, vous avez adopté un projet de loi de finances rectificative visant à permettre un prêt de la France à la Grèce. Aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même vous présentons un nouveau projet de loi de finances rectificative, approuvé très récemment par l’Assemblée nationale, projet qui tend notamment à autoriser la France à participer au mécanisme européen de stabilité financière que les pays de la zone euro viennent d’adopter. Nous sommes très heureux de représenter le Gouvernement devant vous pour évoquer cet important sujet.

C’est à nous, membres de la zone euro, de donner à cette période complexe, faite de tensions, la marque que nous souhaitons lui imprimer. C’est donc à nous d’agir et de prouver la solidarité de la zone euro, en dépit du scepticisme de certains. En effet, les plus pessimistes considèrent peut-être cette période comme un obstacle majeur, voire un constat d’échec de la construction européenne. Mais ceux dont Christine Lagarde et moi-même, avec l’ensemble du Gouvernement, faisons partie pensent au contraire que cette épreuve est l’occasion d’un resserrement durable des liens entre les pays européens.

Certes, on constate des incertitudes et des faiblesses dans l’Europe que nous avons construite, mais nous ne devons pas pour autant nous décourager. Au contraire, nous devons saisir cette occasion, car c’est le fait de prendre conscience des difficultés qui permet d’avancer. L’histoire est jalonnée de telles crises, qui ont permis de renforcer la construction européenne.

Les tensions sur les marchés financiers menacent la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro. Le mécanisme que nous vous présentons aujourd’hui vise à les contrer. La France agit de façon solidaire, car attaquer un pays de la zone euro, c’est s’en prendre aux États membres dans leur ensemble et s’exposer à une réponse ferme et déterminée, ce que propose le plan.

Les difficultés rencontrées par la Grèce ont indiscutablement joué un rôle de révélateur, en mettant en évidence l’absence de dispositif permettant de venir en aide à un État membre de la zone euro en difficulté financière. Les marchés auraient pu spéculer sur une possible contagion de la crise grecque au sein de la zone euro. C’est la raison pour laquelle les États de la zone euro ont voulu avec force se prémunir d’une telle éventualité. Ne pouvant se contenter du sauvetage au cas par cas, ils ont donc adopté une approche globale et coordonnée.

C’est dans un esprit de responsabilité et d’exemplarité que les chefs d’État et de gouvernement européens ont agi. Début mai, ils ont choisi de doter l’Europe de moyens financiers importants, mobilisables en cas de besoin par l’ensemble des pays membres de la zone euro. La réponse européenne fait d’ailleurs partie d’un ensemble plus vaste de résolutions visant à tirer les leçons de la crise grecque. Les États membres sont ainsi convenus d’assurer rapidement la consolidation des finances publiques et la mise en œuvre de réformes structurelles. C’est donc tout un dispositif qui permettra à l’Union européenne d’améliorer la gouvernance économique européenne.

Comme Mme Christine Lagarde l’a évoqué tout à l’heure avec le talent qu’on lui connaît, nous avons souhaité que le mécanisme européen repose sur deux piliers, l’un communautaire et l’autre intergouvernemental. Par ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de tirer les conséquences de l’accord du G20 visant à octroyer de nouvelles capacités d’emprunt au FMI.

Des épisodes successifs de tensions sur les marchés financiers expliquent la mise en place de ce mécanisme européen de stabilisation financière. Le volet communautaire permettra à l’Union européenne de mobiliser jusqu’à 60 milliards d’euros, tandis que le volet intergouvernemental prendra la forme d’un fonds européen de stabilité financière.

Vous le savez, ce projet de loi vise aussi à octroyer de nouvelles capacités d’emprunt au FMI, pour lui permettre, en cas de besoin, de participer au mécanisme de stabilisation. À cet égard, je souhaite apporter une précision : il nous est apparu plus cohérent, politiquement plus sincère à l’égard de la représentation nationale et plus marquant de présenter conjointement le plan de soutien à la zone euro et le renforcement des ressources du Fonds monétaire international.

Par ailleurs, ce nouveau projet de loi de finances rectificative ne modifiera aucun des équilibres budgétaires fixés lors du dernier collectif. Les ressources et les charges de l’État demeurent inchangées ; le solde budgétaire reste par conséquent à son niveau actuel, soit moins 152 milliards d’euros. Toutefois, la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, que nous appliquons nous impose de passer par une loi de finances. Ainsi, une transparence totale sera assurée en ce qui concerne les engagements de l’État.

Par ailleurs, il n’y a pas de modification du tableau de financement, et donc pas de modification du programme d’émission français.

Plusieurs raisons expliquent cette absence d’impact budgétaire du projet de loi. Tout d’abord, le volet communautaire relève de l’Union européenne. Quant au fonds européen de stabilité financière, il s’agit d’une garantie, donc avant tout d’un dispositif de précaution à vocation dissuasive, dont la mise en œuvre devrait être exceptionnelle. Il ne pourrait y avoir d’impact budgétaire qu’en cas d’appel effectif de la garantie, c’est-à-dire en cas de défaut de remboursement d’un État bénéficiaire. Enfin, le relèvement de la contribution de la France au FMI, conformément aux Nouveaux accords d’emprunt, n’aura pas d’incidence sur le solde budgétaire. Des mécanismes de compensation entre l’État et la Banque de France permettent en effet d’assurer la neutralité de cette opération.

Je rappelle, en guise de conclusion, que l’Europe a déjà traversé nombre d’épreuves ; il a fallu beaucoup de recul, mais aussi de détermination pour y faire face. Il est évidemment de la responsabilité de la France, comme de celle des autres États membres, de continuer à tracer le chemin que nous avons encore à parcourir ensemble.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouirais de voir que ces convictions sont aussi les vôtres.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord permettez-moi de dire que notre commission retrouve toujours avec grand plaisir le ministre du budget pour l’examen d’une loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faut s’en réjouir, mes chers collègues, car plutôt que de voter, à la fin de l’année précédente, un document théorique et de le laisser vivre, il est préférable que le Parlement soit associé aux événements et aux choix. Et mieux vaut, dans les périodes difficiles, avoir des rendez-vous réguliers dans l’hémicycle avec le ministre du budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il vaudrait mieux qu’il n’y ait pas de crise financière !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le ministre de l’économie, je voudrais, au début de ce bref exposé, vous dire toute l’admiration que beaucoup d’entre nous éprouvent pour la manière dont vous exercez vos fonctions, en particulier le volet international de ces dernières, compte tenu des événements exceptionnels que nous vivons et de la nécessité où vous êtes de représenter la France, de négocier sans cesse, de trouver le juste équilibre dans ce monde si périlleux. Je crois, mes chers collègues, que nous pouvons, s’agissant d’une tâche aussi délicate, aussi lourde de responsabilités, remercier et féliciter Mme la ministre pour la manière dont elle nous représente toutes et tous.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le projet de loi que nous examinons vise à autoriser l’État à garantir un dispositif opérationnel au plus vite. À cet égard, soulignons notre réactivité, puisque nous serons le deuxième État dont le Parlement approuvera ce plan de stabilité financière de l’Europe et de l’euro. L’Allemagne s’étant déjà livrée à cet exercice législatif, il nous appartient maintenant de le faire, pour que l’accord intergouvernemental du 9 mai dernier puisse se traduire dans les faits.

Vous avez bien voulu, madame, monsieur le ministre, nous présenter les grandes lignes de ce dispositif. Je rappelle que l’entité ad hoc pourrait émettre jusqu’au 30 juin 2013 et à concurrence de 440 milliards d’euros. Notre garantie, accordée à hauteur de 111 milliards d’euros, viendrait s’ajouter aux autres garanties déjà allouées, notamment celles qui ont été créées dans le cadre de la crise financière.

Permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, qu’au 31 décembre 2009, la dette garantie de la France s’élevait à 150 milliards d’euros, dont 108 milliards d’euros au titre des mesures de soutien à l’économie et au secteur financier adoptées en octobre 2008.

Le dispositif que vous nous proposez, madame, monsieur le ministre, est adapté aux circonstances. Il est surtout porteur d’un changement profond et indispensable de la gouvernance de la zone euro.

Les marchés, ces dernières semaines, se sont efforcés d’introduire des différenciations, d’enfoncer un coin entre les différents États membres de la zone euro. Normalement, celle-ci devrait être considérée comme un tout : l’euro est une seule et même monnaie, et les émissions de titres souverains des États membres de la zone devraient bénéficier d’une crédibilité unique.

Or le comportement des opérateurs et la réalité des marchés ont abouti ces dernières semaines à des différenciations croissantes, qui constituent une grave menace à laquelle il a fallu répondre sous la forme de l’accord intergouvernemental du 9 mai dernier, qui engendrera un changement profond. En effet, même si les États qui participent à l’accord intergouvernemental n’apportent pas de garanties conjointes et solidaires, il n’en reste pas moins que le principe de solidarité financière entre les États membres de la zone euro est réaffirmé. En d’autres termes, le « centre » se porte garant pour la « périphérie », celle-ci ayant vocation à converger avec le centre pour que la zone euro retrouve une seule et même crédibilité.

Nous le savons, madame le ministre, ce dispositif n’est pas encore parfait. Les éléments de mise en œuvre sont toujours en cours de négociations, mais il n’est pas indispensable de connaître la conclusion effective et juridique de ces dernières pour souscrire à la garantie qu’il nous est demandé d’autoriser.

J’en viens aux aspects un peu plus structurels de toute cette affaire. Je voudrais vous convier, mes chers collègues, à quelques instants de réflexion sur une double crise, celle de l’Europe, mais aussi celle de la confiance en l’Europe. Agissant comme un révélateur, elle est l’enfant de la crise financière et économique qui a commencé en 2007, avant de prendre le tour dramatique que nous connaissons en 2008. Elle projette une lumière crue qui renvoie les États membres à leurs responsabilités. Après avoir créé et assumé la zone euro et l’euro, ils ont pour mission de les faire vivre dans la durée.

Nous le savons bien, nous n’avons pas le choix : il nous faut redevenir totalement maîtres de notre monnaie et des conditions de sa crédibilité.

Il n’est pas acceptable que des intervenants de marché, des agences de notation soient en situation de sanctionner des États soit parce que ceux-ci sont trop laxistes, soit parce qu’ils sont trop rigoureux. Pour autant, je ne veux pas incriminer ces opérateurs, ces intermédiaires ou ces agences de notation, dont il sera question dans le projet de loi de régulation bancaire et financière que le Sénat examinera prochainement, car, aussi imparfait soit-il, le thermomètre n’est pas responsable de la température ! Les données qu’il affiche, si cruelles soient-elles, sont bien le signe d’un mal qu’il faut combattre.

C’est pourquoi nous devons veiller à rétablir ensemble les conditions d’une confiance qui nous permette d’aller de l’avant pour sortir de la crise. À cette fin, nous devons prendre rapidement des mesures concrètes et crédibles.

Incontestablement, les esprits évoluent. J’en veux pour preuve les propositions de la Commission européenne et du groupe Van Rompuy en faveur d’un « semestre européen ». Même si, sur le plan technique, on ne sait ce que recouvre très précisément cette notion, on devine néanmoins l’orientation qu’elle sous-tend.

Ces propositions font écho à nos débats internes sur la trajectoire des finances publiques et la crédibilité des engagements de la France.

Madame, monsieur le ministre, l’ensemble de ces éléments conduisent la commission des finances à réaffirmer quatre principes.

Premièrement, l’Eurogroupe doit être renforcé. S’il doit se doter d’un secrétariat susceptible de travailler en lien étroit avec la commission, encore convient-il de préciser que la zone euro est d’abord l’affaire des pays ayant adopté l’euro comme monnaie unique, et, très secondairement à mon sens, celle des autres États membres, c'est-à-dire de ceux qui n’ont pas voulu s’astreindre à cette discipline et à cette association.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’Eurogroupe n’est pas une maison de tolérance !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le renforcement de l’Eurogroupe représente un enjeu absolument fondamental, car lui seul peut exercer une fonction de surveillance mutuelle et multilatérale.

Mes chers collègues, selon qu’on estime qu’un gouvernement devrait soumettre son projet de budget à la Commission ou bien que l’on considère qu’un État membre de la zone euro a le devoir de jouer le jeu vis-à-vis des autres États membres de ladite zone, et donc accepter de se livrer à un processus itératif, à des allers et retours, à des consultations, les enjeux diffèrent considérablement. Le premier terme de cette alternative n’est pas acceptable du point de vue de la souveraineté des États, tandis que le second est, au contraire, la conjugaison logique des engagements déjà pris.

Deuxièmement, nous devons lever les doutes qui existent – et ils perdureront si nous n’agissons pas – dans l’esprit des acteurs de marché sur les données comptables des États. De ce point de vue, les États sont comme des entreprises : de même qu’un opérateur ne peut intervenir sur un marché sans respecter les normes comptables internationales, un État ne peut s’affranchir des règles en la matière. La situation dramatique de la Grèce nous rappelle cette règle de base, s’il en était besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… les astuces, la créativité permettent sans doute de vivre au jour le jour, mais ils minent la confiance. La création d’une sorte d’autorité européenne des normes comptables, ainsi que le préconise la commission, permettrait d’objectiver cette surveillance multilatérale que j’évoquais plus haut et garantirait à l’ensemble de nos interlocuteurs extérieurs que le budget – et, peut-être, à terme, les éléments patrimoniaux – de chacun des États membres de la zone euro fait l’objet d’un examen et d’un contrôle rigoureux, garantie de la stabilité.

Troisièmement, les prévisions macroéconomiques qui servent de base à l’élaboration des documents financiers, des lois de programmation budgétaire, des lois de finances, des lois de financement de la sécurité sociale doivent être à la fois homogènes et, à terme, incontestables.

Madame, monsieur le ministre, le taux de croissance ne doit plus être un outil de communication politique, ce qu’il n’aurait d’ailleurs jamais dû être.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Vous avanciez encore cet argument lorsque nous examinions le projet de suppression de la taxe professionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Chacun doit faire son autocritique. Ces sujets doivent échapper aux débats partisans. Ils sont beaucoup trop fondamentaux pour que nous nous échangions des quolibets à leur égard !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est vous qui êtes aux responsabilités !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues de l’opposition, vous seriez plus crédibles si vous reconnaissiez avoir fait de même par le passé. Cette polémique est inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il s’agit non pas d’une polémique, mais d’un débat public !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous devons afficher notre volonté d’affronter la situation telle qu’elle est et d’accepter les changements de position et de raisonnement qu’entraînent les circonstances nouvelles. C’est d’ailleurs ce que vous dites souvent, chère Nicole Bricq.

Les hypothèses macroéconomiques, quant à elles, doivent faire, à terme, l’objet d’un consensus européen et de consultations itératives multilatérales. Le temps où le taux de croissance sortait d’un chapeau doit être révolu. C’est l’un des éléments forts dont il faudra se souvenir et qui représentera l’un des acquis de la crise, en particulier de la crise de la gouvernance de la zone euro.

Quatrièmement, les États doivent s’engager en faveur de la convergence. Quant à la France, ses engagements vis-à-vis de l’Union européenne – un déficit ramené à 6 % du PIB en 2011, et à 3 % du PIB en 2013 – doivent être…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… crédibles et tenus, mais aussi assumés et mis en œuvre en interne. C’est cet accord entre les paroles et les actes, c’est ce refus du double langage, si souvent pratiqué par les États au cours de la période passée, c’est cette renonciation aux attitudes légères d’autrefois vis-à-vis de nos partenaires qui rendront réellement crédible la démarche de convergence.

Mes chers collègues, je conclurai mon propos en évoquant nos prochains travaux.

Au sujet du projet de loi de régulation bancaire et financière, Mme la ministre a bien voulu évoquer les commentaires du rapport écrit sur les marchés de produits dérivés, en particulier les credit default swaps, ou CDS. Nous reviendrons sur ce sujet en faisant preuve d’exigence et de constance dans nos méthodes.

Très prochainement, le débat d’orientation budgétaire sera l’occasion d’examiner l’évolution du cadre budgétaire pour les années qui viennent. Cette année, monsieur le ministre, ce débat revêtira une forme exceptionnelle, car il ne sera plus seulement une déclaration du Gouvernement suivie des déclarations de principe juxtaposées des commissions et des différents orateurs. En effet, ce sera un débat conclu par une expression politique du Parlement, débat qui conduira ce dernier à faire siens les chiffres du programme de stabilité et de croissance adressé en son nom à la Commission européenne, en février dernier, pour la dernière fois par le seul exécutif.

Ce débat d’orientation budgétaire sera donc annonciateur d’une nouvelle conception pluriannuelle des fonctions publiques.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les niches fiscales coûtent 50 milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je disais donc que ce débat d’orientation budgétaire d’un type nouveau débouchera sur l’expression politique du Parlement, sur l’adhésion au programme de stabilité et de croissance. Il sera le prélude à une nouvelle forme de programmation budgétaire et à une révision de la Constitution visant à établir clairement, d’une part, la prééminence de cette programmation sur les lois de finances annuelles, d’autre part, la compétence exclusive des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour toute décision susceptible d’influer de manière significative sur le solde des finances publiques, c'est-à-dire sur la dette. Mes chers collègues, nous n’avons donc pas fini de débattre de ces sujets.

Mes chers collègues, je souhaite que ces épisodes si périlleux et si difficiles soient pour notre pays l’occasion de rebondir efficacement, de gagner en visibilité, de dépasser la crise et d’être plus crédible vis-à-vis de l’ensemble de nos partenaires européens et internationaux.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Marcel Deneux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Permettez-moi, en préambule, de m’associer pleinement aux compliments que M. le rapporteur général vous a adressés, madame la ministre, et de vous saluer tout particulièrement, monsieur le ministre.

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà moins d’un mois, nous examinions ici même un projet de loi de finances rectificative pour résoudre une crise précise, la crise grecque.

Aujourd’hui, nous sommes saisis d’un nouveau projet de loi de finances rectificative qui vise à traiter le même problème, mais d’une manière générale puisqu’il s’agit d’assurer la stabilité de la zone euro dans son ensemble.

On peut porter des appréciations diverses sur la manière dont ce problème a été traité et sur certaines hésitations, mais le résultat est là : il y a tout lieu de croire que ce mécanisme permettra de dissuader les spéculateurs et de rétablir la confiance.

Il nous faut à présent traiter le problème de fond. La crise résulte non seulement de l’action néfaste de spéculateurs, mais aussi, et surtout, de l’absence d’une réelle gouvernance à l’intérieur de la zone euro.

C’est pourquoi les événements que nous venons de vivre revêtent, paradoxalement, un aspect prometteur, l’Europe étant en train d’en tirer les leçons.

En effet, la tourmente que nous traversons oblige l’Union européenne à réfléchir à son fonctionnement et à prendre position. Chacun le sait, les fondements du projet européen ont d’abord été économiques. La solidarité de fait évoquée par Robert Schuman a progressivement abouti à la mise en place d’une monnaie unique, aujourd’hui partagée par seize États membres. Mais ces solidarités ne peuvent jouer que si chacun des partenaires présente sa situation économique de manière transparente, en se fondant sur des statistiques fiables et des évaluations crédibles.

Personnellement, je conçois le mécanisme européen de stabilisation comme une opportunité de contraindre les États de la zone euro à mettre leurs actes en concordance avec leurs engagements. D’une part, il soustrait à la pression des marchés financiers les États les plus fragiles, alors à même de redresser la situation de leur économie. D’autre part, et surtout, le mécanisme européen arrêté s’accompagne d’engagements de la part de l’ensemble des États de la zone euro à assainir leurs finances publiques.

Selon quelles modalités l’Europe peut-elle se doter d’un gouvernement économique ? Cette question, on le sait, est controversée. Vieille revendication française, la mise en place d’un gouvernement économique européen est longtemps apparue, en particulier aux yeux des Allemands, comme une tentative de constituer un contre-pouvoir face à la Banque centrale européenne, et donc de limiter l’indépendance de cette dernière. La chancelière allemande, Angela Merkel, a toutefois récemment modifié sa position, en évoquant la possibilité de créer un fonds monétaire européen. Celui-ci constituerait, en quelque sorte, le bras armé d’un gouvernement économique européen. Le Conseil européen de mars dernier a confié à son président, Herman Van Rompuy, la tâche d’en préciser les contours possibles. La Commission a récemment formulé des propositions en ce sens, dont la plus commentée vise à instituer un semestre européen. Il s’agirait d’un système de surveillance des grands équilibres budgétaires des États, avant le dépôt des projets de lois de finances devant les parlements nationaux. Cette question mérite débat. Nous devons tous ensemble mener une réflexion sur la manière de concilier le nécessaire respect de nos engagements européens, gage de notre crédibilité économique et financière, et la préservation de la souveraineté nationale, qui s’exprime d’abord par le vote du budget par le Parlement. Il nous faudra préciser la place, indispensable, que doivent occuper les parlements nationaux dans l’élaboration de cette architecture économique européenne globale. Il ne doit y avoir, sur ce point précis, ni ambigüités ni atermoiements. Selon moi, quelles que soient les modalités pratiques retenues, nous devons impérativement parvenir à une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres de la zone euro, afin que l’union monétaire devienne également une union économique.

Le dispositif conçu au début du mois de mai constitue l’un des premiers éléments mis en place par l’Europe pour améliorer sa gouvernance et rééquilibrer, en son sein, le pouvoir économique. Jusqu’à présent, une trop grande place était accordée aux seules questions monétaires. Nous sommes probablement au commencement d’une période nouvelle, voire d’une Europe nouvelle. L’élaboration du dispositif sera progressive et pragmatique, selon des modalités qui restent encore à définir.

Le mécanisme européen de stabilisation repose, pour l’essentiel, sur les États membres. Il est fortement marqué jusqu’à présent par un caractère intergouvernemental. À cet égard, nous devons nous interroger sur le rôle de la Commission, très en retrait depuis le début de la crise. Force est aussi de le constater, les situations de crise, qui réclament des mesures d’urgence, sont pour l’essentiel traitées entre États membres. En conséquence, les procédures de prise de décisions communautaires se trouvent de facto marginalisées.

Ne nous leurrons pas ! Les obstacles à l’émergence d’un véritable gouvernement économique européen seront nombreux, ne serait-ce que pour des raisons politiques. Je rappelle que, en 2005, la France et l’Allemagne avaient été à l’origine de l’assouplissement de la procédure pour déficit excessif, alors qu’elles y étaient précisément soumises.

Un échec aurait toutefois de graves conséquences. Faute de réformes ambitieuses, nous risquerions en effet un retour en arrière, un repli sur des positions nationales, dont on perçoit mal les perspectives dans un monde globalisé. Je me demande où en serait l’économie grecque, où en serait la Grèce elle-même, si la zone euro n’avait pas fait preuve de solidarité. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontées, mes chers collègues, ne relèvent plus de solutions nationales. Pour autant, la réponse européenne ne sera efficace que si elle est pleinement légitime. C’est pourquoi le dispositif de surveillance multilatérale à venir devra faire une large place à la démocratie parlementaire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de la monnaie unique était prévisible, dès sa création par le traité de Maastricht en 1991. J’ai moi-même, en son temps, dénoncé le transfert de la souveraineté monétaire à une Banque centrale européenne indépendante, entièrement déconnectée du suffrage universel, et sans aucun pilotage politique. La monnaie unique était un canard sans tête. Cela sautait aux yeux en lisant le texte du traité. Aujourd’hui, cela nous saute à la figure !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Comme l’a très bien souligné M. Marini, la zone euro est une zone monétaire hétérogène, dépourvue d’un gouvernement économique capable de permettre aux États de coordonner leurs politiques. Ce constat ne s’applique non pas seulement en matière budgétaire, mais aussi s’agissant de la dette des ménages, des entreprises, de l’évolution de l’investissement, de la compétitivité, et donc de l’emploi, et enfin de tout ce qui touche à la balance des paiements des pays concernés.

On ne peut que regretter rétrospectivement, madame la ministre, le projet de monnaie commune, dit encore « hard écu », soutenu à l’époque par la Grande-Bretagne. Ce dispositif prévoyait un cours commun vers l’extérieur mais laissait subsister, à l’intérieur, des monnaies nationales inconvertibles autrement qu’à travers un accord politique fixant leur parité par rapport à la monnaie commune. Ce système simple permettait, sous un toit européen commun, les ajustements monétaires rendus nécessaires par les évolutions divergentes des économies, que le pacte de stabilité de 1997, arbitraire et rudimentaire, n’a pas permis d’empêcher.

Les marchés financiers se déchaînent aujourd’hui contre les États les plus endettés. Ils leur font payer cher le refinancement de leur dette, même si celle-ci a été contractée, par eux ou d’autres États, pour renflouer les banques et relancer l’économie. Les bons Samaritains, disons-le, ne sont pas remerciés par les marchés financiers, c’est-à-dire par la spéculation. Cette dernière s’est d’ailleurs mise en place non par hasard, mais sous l’effet de déréglementations successives, dont la première fut la libération des mouvements de capitaux – y compris vis-à-vis des pays tiers –, sans le préalable initialement posé, en vertu de l’Acte unique de 1987, par une directive de la Commission européenne de 1988.

Après les 110 milliards d’euros accordés hier à la Grèce, on nous demande aujourd’hui de garantir 440 milliards d’euros pour une entité ad hoc, le fonds européen de stabilité financière, dont 111 milliards d’euros, soit un peu plus de 25%, seraient à la charge de la France.

La responsabilité de tous ceux qui ont soutenu le traité de Maastricht doit être engagée. Ils sont nombreux sur ces travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Néanmoins, nous devons tous, comme l’a dit M. Marini, faire notre autocritique. Je n’insisterai pas, par délicatesse, mais, d’après moi, il ne faut pas faire la politique du pire en prenant par avance son parti du défaut possible de tel ou tel pays, et de l’éclatement de la zone euro. La monnaie unique est devenue réalité. Elle a demandé beaucoup de sacrifices et représente un symbole fort. Mais elle a aussi beaucoup d’inconvénients. Ainsi, un euro trop fort pénalise nos exportations et favorise les délocalisations industrielles. En revanche, il faut le reconnaître, si la Banque centrale européenne avait échoué à obtenir une parité un peu plus réaliste, le traitement de la crise actuelle a provisoirement réussi. La méthode n’est tout de même pas satisfaisante.

Si je suis partisan, pour ma part, de défendre la zone euro dans son intégrité, et dans son intégralité, afin d’éviter les effets domino, je considère en revanche qu’il convient de changer les règles du jeu.

Madame, monsieur le ministre, que nous proposez-vous par les articles 3 et 4 de ce projet de loi rectificative ?

D’abord, un mécanisme européen de stabilité financière que nous pourrions approuver sous certaines réserves. Ensuite, le relèvement du plafond des prêts de la France au FMI à hauteur de 21 milliards d’euros, à la suite des accords signés lors du sommet du G20 à Londres, 2 avril 2009. Nous approuvons évidemment cette décision. Mais vous nous proposez aussi, implicitement madame la ministre, un concours de plans de rigueur qui, mis bout à bout, ne peuvent conduire qu’à une récession généralisée. J’ai bien entendu les propos de M. Marini, et lu avec attention son rapport. Mais nous ne pouvons pas cautionner cette orientation, déjà mise en œuvre d’ailleurs.

Vous nous proposez un mécanisme de stabilité financière. Il s’agit du fonds européen de stabilité financière, le FESF, alimenté par les États à hauteur de 440 milliards d’euros, auquel viendrait s’ajouter une contribution du budget de l’Union européenne de 60 milliards d’euros et 250 milliards émis par le FMI. Ainsi, la zone euro contribuera à raison des deux tiers de l’aide financière et le FMI à raison d’un tiers. Après la Grèce, c’est le tour du Portugal et de l’Espagne de subir les assauts de la spéculation. L’Espagne est un gros morceau. Elle représente 10 % du PIB de la zone euro et trois fois l’endettement de la Grèce. Il faut, bien évidemment, défendre l’appartenance de l’Espagne à la zone euro. La question ne se pose pas, car notre solidarité ne doit pas faire défaut.

Nous sommes cependant fondés à poser quelques questions.

Première question, quel sera, madame la ministre, la durée des prêts garantis ? Cinq ans, avec trois ans en franchise de remboursement, ai-je entendu. Êtes-vous sûr que des pays très endettés pourront rembourser sous ce bref délai ?

Deuxième question, est-il exact que l’Allemagne ne veut accorder sa garantie que tranche par tranche, et sur la base des fonds qu’elle lèvera elle-même, autrement dit sur la base de sa propre crédibilité ? Un tel dispositif ne risque-t-il pas de faire le jeu de la spéculation, en accroissant les écarts de taux d’intérêt, ou spreads, auxquels les différents pays prêteurs pourront emprunter sur le marché ? Ne s’agirait-il pas d’un mécanisme accélérateur plutôt que stabilisateur ?

Troisième question, relative aux garanties demandées par un pays en difficulté : si ces garanties devaient être honorées, cela ne resterait pas sans incidence sur l’équilibre budgétaire et sur l’endettement public. À mes yeux, l’article 2 du projet de loi de finances rectificative ne trompera que ceux qui veulent bien l’être.

Mme Nathalie Goulet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Quatrième question, pourquoi le Gouvernement français a-t-il critiqué l’Allemagne quand celle-ci, à juste titre à mon sens, a interdit le principe des ventes à découvert ?

Nous n’avons pas d’objection quant au déblocage éventuel, sur décision du Conseil européen, des 60 milliards d’euros actuellement disponibles sur le budget européen, en vertu de l’article 122-2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Je constate simplement que l’article 125 du même traité passe à la trappe ! Il en est de même de l’interdiction faite à la Banque centrale européenne d’acheter des titres de dette émis par les États, comme le font déjà depuis un an le Federal Reserve Board américain et la Banque d’Angleterre. Ces coups de canif dans l’orthodoxie me paraissent aller dans le bon sens, et je vous invite au pragmatisme.

Cinquième question enfin, je m’interroge sur la mise en vigueur des concours du FMI. La zone euro n’aurait-elle pas accepté la tutelle du FMI ? Chaque fois qu’elle devra faire appel à la solidarité de ses membres, le FMI interviendra pour moitié. C’est lui qui pilotera le programme d’ajustement.

Une quarantaine de parlementaires américains se sont émus d’un tel déploiement de moyens en faveur de la zone euro : 250 milliards, contre 180 milliards accordés aux pays les plus fragiles depuis le début de la crise. Ils ont demandé que le conseil d’administration du FMI soit saisi à chaque intervention du FMI pour le sauvetage d’un pays de la zone euro. Permettez-moi de rappeler que les États-Unis disposent, avec 17% des voix, d’une minorité de blocage. Dès lors, les États-Unis ne disposent-ils pas d’un droit de regard, alors qu’ils n’ont pas forcément intérêt à laisser s’apprécier le dollar par rapport à l’euro ?

Il ne faudrait pas que le remodelage de la zone euro soit l’objectif des États-Unis pour pousser l’euro vers le haut. Sous réserve des explications que vous nous fournirez, madame la ministre, j’approuve, au nom de la majorité des membres du RDSE, le dispositif de soutien financier que vous nous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je le fais par réalisme, sans illusion excessive !

Ce que nous ne pouvons en revanche approuver, c’est l’envers de la médaille, c’est-à-dire le concours des plans de rigueur qui s’organisent dans toute la zone euro sous l’impulsion de Mme Merkel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Il est sans doute nécessaire de responsabiliser les États : solidarité de l’Europe et responsabilité des États, tels sont les deux principes qui doivent guider notre action, votre action, madame la ministre. Mais l’on ne peut raisonnablement pas demander à la Grèce de ramener son déficit de 13, 6 % de son PIB en 2009 à 3 % d’ici à 2013. Ce n’est pas réaliste. D’autres pays affichent un déficit important : 13, 4 % pour l’Irlande, 9, 4 % pour le Portugal et 11, 2 % pour l’Espagne.

La purge imposée à ces pays, avec un blocage, voire une diminution des salaires et des retraites, à la clé, n’a aucune chance de réussir en si peu de temps. Elle sera contre-productive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je vais conclure, monsieur le président.

Le pronostic de Joseph Stiglitz pour la monnaie unique est pessimiste : « Pour Athènes, Madrid ou Lisbonne se posera sérieusement la question de savoir s’ils ont intérêt à poursuivre le plan d’austérité imposé par le FMI et par Bruxelles ou, au contraire, à redevenir maîtres de leur politique monétaire. » Le président de la BCE a déclaré que l’on n’avait pas prévu de plan B. Est-ce prudent ? Je ne le crois pas. Il faut préparer un plan B. Il n’est pas nécessaire de le dire, mais il faut le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

S’agissant de la France, pouvez-vous sérieusement envisager de réaliser 90 milliards d’euros d’économies d’ici à 2013 ? Au passage, j’élève une vive protestation contre le gel des dotations de l’État aux collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Est-il raisonnable, comme le propose le Président Sarkozy, d’inscrire la réduction du déficit budgétaire dans la Constitution ? Non ! Même M. Giscard d’Estaing ne le pense pas. Nous nous lions les mains à l’avance, imprudemment, sous la double pression de l’Allemagne, qui a adopté cette disposition sans nous demander notre avis, et des marchés financiers.

En fait, il faut revoir le diagnostic sur la crise de l’euro. Le déficit budgétaire des pays méditerranéens est très largement de nature conjoncturelle, et seulement pour une faible part d’ordre structurel.

Ne cassons pas une reprise économique à peine esquissée.

C’est très largement la déflation salariale excessive pratiquée par l’Allemagne depuis dix ans qui explique son excédent commercial : entre 120 et 200 milliards d’euros, dont 60 % sur la zone euro.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Il vous faut maintenant conclure, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je termine, monsieur le président.

M. le Président Sarkozy a proposé à juste titre un forum des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. Un tel forum est en effet souhaitable, à condition qu’il ne s’agisse pas d’entériner la zone euro comme communauté de sanctions. Nous devons aller vers un « gouvernement économique de la zone euro », mais tout est dans la définition qu’on lui donne. C’est là que se joue une certaine idée de l’Europe. Il ne serait pas réaliste de vouloir redécouper la zone euro pour en exclure ceux que l’on désignait naguère du nom de « pays du Club Med ».

La France ne pourrait pas accepter un tête-à-tête avec l’Allemagne dans un « noyau dur » comparable à celui qui était proposé autrefois dans le plan Schaüble et Lammers.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous prie de conclure, monsieur Chevènement, car vous avez largement dépassé votre temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je conclus, monsieur le président.

Nous ne saurions accepter davantage le visa préalable de la Commission européenne sur les budgets nationaux. C’est le Parlement qui vote le budget.

Lorsque M. Trichet évoque l’idée d’un « fédéralisme budgétaire », il sort de son rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Cela n’a pas de sens, surtout lorsque l’on sait que la part du financement du budget européen représente 1 % du PIB des États et que, parallèlement, le taux des prélèvements obligatoires est en moyenne pratiquement de 40 % du PIB.

Alors, fixons des normes d’augmentation salariale plus généreuses, lançons un grand emprunt européen pour financer les infrastructures, la recherche et l’innovation, laissons filer l’euro pour qu’il retrouve une parité réaliste, sa parité initiale par rapport au dollar.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vais devoir couper le micro, monsieur Chevènement, car vous avez déjà dépassé de moitié le temps de parole qui vous était imparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Madame la ministre, la situation est grave. Il faudra beaucoup de résolution et d’habileté pour y remédier. Mais nous ne sommes pas seuls. Les États-Unis ont besoin que l’Allemagne et l’Europe, sans oublier la Chine, viennent à leur secours. Nous devons donc travailler à une Europe de la croissance et du progrès social.

Pour toutes ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE ne votera pas contre le présent projet de loi de finances rectificative, mais ne l’approuvera pas non plus. Nous suivrons l’exemple du SPD, en Allemagne : nous vous laissons une chance, pour le courage et l’imagination !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – MM. Denis Badré et Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Vous m’avez placé dans l’embarras, monsieur Chevènement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Je défendais des idées originales, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Certes, mais si l’originalité autorise tous les dépassements, nous risquons l’inflation !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois depuis le début de l’année nous sommes réunis en séance publique pour examiner un collectif budgétaire.

Cette profusion de textes fiscaux et financiers intervient – faut-il y voir un paradoxe ? – alors même que les comptes de l’État et de la sécurité sociale n’ont jamais atteint de tels déficits et que, hormis les périodes de guerre et de grande calamité, la dette publique n’a jamais été aussi importante.

Cela nous conduit à jeter un regard rétrospectif sur l’évolution des comptes publics depuis le début de la législature et à procéder à un examen critique de ce qu’il faut bien appeler le « bilan du sarkozysme », c’est-à-dire l’état des lieux au bout de trois ans de mandat de l’actuel locataire de l’Élysée.

En nous fondant sur les données fournies par les services statistiques officiels, nous pouvons résumer les trois années qui viennent de s’écouler de la manière suivante.

Tout d’abord, le chômage s’est accru. Notre pays comptait 2, 243 millions de chômeurs de catégorie 1 au second trimestre de 2007, mais 2, 727 millions à la fin de l’année 2009, et Pôle emploi indemnise aujourd’hui plus de 2, 835 millions de personnes.

Vous l’aurez compris, la situation de l’emploi salarié s’est profondément dégradée, au point que le nombre des emplois disponibles dans le secteur privé est aujourd’hui proche de celui de 2007.

Ensuite, sur le plan de la croissance économique, malgré la loi de modernisation de l’économie – ou à cause d’elle – et bien d’autres « pseudo-réformes » mises en œuvre depuis le printemps 2007, comme la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, nous avons connu une récession de 2, 2 points en 2009, même si nous enregistrons une très faible progression de la production intérieure, d’un dixième de point en ce premier trimestre 2010.

Cette faible croissance situe la production nationale à un niveau inférieur à celui quelle avait atteint à la fin de l’année 2007.

L’économie française fait donc du surplace depuis 2007. Et cela s’accompagne de la progression continue du chômage ainsi d’ailleurs que des déficits publics.

Nous étions, en 2007, à peu de chose près dans les critères européens et nous nous retrouvons, en ce printemps 2010, avec une dette publique de plus de 1 500 milliards d’euros et un déficit supérieur à 7 % du PIB !

Vous me rétorquerez sans doute que cette situation est due à la crise. Mais la crise a bon dos, en la matière, puisque ce déficit a été alimenté autant par une conjoncture économique plus que délicate, mettant en accusation directe les règles de fonctionnement de la mondialisation libérale, que par des choix, en matière de fiscalité, particulièrement meurtriers.

S’il fallait le résumer, le bilan du sarkozysme pourrait être ainsi énoncé : plus de chômage, peu de croissance, plus de déficits et de dette publics !

Cette situation devrait en toute logique conduire certains responsables à s’interroger sur la pertinence de choix antérieurs. Or, que nous propose-t-on dans ce projet de loi de finances rectificative ? Rien, ou presque rien de nouveau.

La rigueur budgétaire, dont nous connaissons les postulats – non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, gel en valeur des dépenses publiques de l’État, mise en cause de la compensation des charges transférées aux collectivités locales – continue de battre son plein, ce qui contribue, je le souligne, à l’asphyxie lente mais sûre de nombre d’activités économiques.

On ne trouve dans les politiques publiques aucune trace d’une démarche nouvelle, visant notamment à prendre en compte les besoins sociaux, à corriger les effets d’une précarisation galopante de la population. Il faut savoir que le nombre de personnes qui bénéficient du RSA est aujourd’hui plus élevé que ne l’a jamais été le nombre d’allocataires du RMI.

Mieux encore – si l’on peut dire –, le Gouvernement va récupérer cette année les 450 millions d’euros qu’il avait renoncé à prélever, l’an dernier, sur les trois millions de redevables de l’impôt sur le revenu acquittant les plus faibles contributions !

La seule raison d’être de ce collectif est donc de constater la création d’un instrument juridique, un véhicule ad hoc qui va cantonner, pour le compte de l’État, sans que l’on sache exactement de quoi il s’agira, les 111 milliards d’euros que les instances européennes nous demandent de consacrer à la prise en garantie des éventuelles défaillances financières dont souffriraient, après la Grèce, certains pays de la zone euro.

Ainsi, après être venus au secours des banques et des compagnies d’assurance créancières de l’État grec, qui redoutaient de détenir des produits irrécouvrables, nous sommes aujourd’hui enjoints de secourir ces mêmes banques et compagnies d’assurance, parce qu’elles ont quelques craintes sur les titres des dettes publiques espagnole, portugaise, italienne, irlandaise, belge – que sais-je encore –, figurant dans leur portefeuille, le tout, bien entendu, accompagné d’une véritable épidémie de politiques d’austérité.

La mise en cause de la retraite à soixante ans, comme le gel des dotations aux collectivités locales, annoncé pour le projet de loi de finances pour 2011, en passant par le non-remplacement prévu de 100 000 fonctionnaires appelés à faire valoir leur droit à la retraite d’ici à 2013, tout participe de votre volonté profonde de vous placer parmi les meilleurs élèves de l’Europe libérale dans ce qu’elle a de plus détestable pour le respect de la volonté populaire et, bien sûr, des besoins collectifs.

Ce projet de loi de finances rectificative, en poursuivant une politique forcenée de réduction des déficits, enclenche de fait le processus qui, selon vous, devrait ramener la France dans les critères du traité de Lisbonne et de l’Union économique et monétaire, c'est-à-dire un processus qui alourdira de 100 milliards d’euros les prélèvements fiscaux subis par nos compatriotes pour avoir, dans trois ans, la même qualité de service public qu’aujourd’hui !

Et, comme aucune modification sensible des profondes inégalités devant l’impôt ne semble devoir être mise en œuvre, ce sera en réalité toujours plus d’impôts pour les plus modestes pour toujours moins de services publics !

Nous avons d’ores et déjà quelques doutes sur votre volonté de réduire le coût sans cesse accru des niches fiscales – une bonne douzaine ont été ouvertes depuis 2007 –, si ce n’est en réduisant le nombre de celles qui bénéficient aux plus modestes, comme nous l’avons vu voilà peu avec la suppression de la demi-part accordée aux contribuables parents isolés, ou encore avec la fiscalisation des indemnités versées en cas d’accidents du travail !

Nous vous attendons donc de pied ferme sur la lutte contre les niches dont bénéficient les revenus du capital, les patrimoines importants, les grandes entreprises, les marchés financiers !

Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous ne voterons pas le présent projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de conférer à notre discussion une tonalité différente de celle que lui ont donnée les deux orateurs qui m’ont précédé.

« Sur la route qui nous conduira au succès, il y a de multiples obstacles, mais nous parviendrons à les franchir à force de courage, de patience, de volonté. Faire l’Europe, ce n’est pas faire un miracle, ce sera la récompense magnifique d’un long effort. ». Ainsi s’exprimait Paul-Henri Spaak, en 1949. Il se heurtait, déjà, à des difficultés. Il pressentait qu’il faudrait en surmonter d’autres et savait que la construction européenne serait d’abord affaire de volonté politique.

Vincent Auriol répondait en ces termes : « Aucun pays n’est plus attaché que la France à l’Europe qui, lentement, s’édifie, et dont la réalisation est indispensable à la paix, à la stabilité et à la prospérité du monde. » Tout était dit !

Crises il y eut, dans les années cinquante. Crises il y eut depuis. Crise il y a, indéniablement, aujourd’hui, sur un sujet emblématique et très sensible : l’euro ! Crise, donc, éminemment dangereuse, ne laissant aucun droit à l’erreur !

Nous sommes en effet dans un des domaines où l’Europe est allée le plus loin, alors que c’était, sans doute, le plus difficile puisque, avec la monnaie, on touche directement à la souveraineté.

On prend conscience, avec cette crise, que, même en étant allé aussi loin, on n’a parcouru que la moitié du chemin ! Une monnaie « orpheline d’État » devait poser problème un jour : nous y sommes !

Il faut maintenant éteindre l’incendie ; vous vous y employez, madame la ministre.

Le plan dont la mise en œuvre exige le présent projet de loi de finances rectificative doit être opérationnel très rapidement. Il est indispensable que nul n’ignore la volonté commune inébranlable des seize pays de l’Eurogroupe de sortir de la crise par le haut.

Le monde doit également savoir que, une fois le feu éteint, nous ferons le choix d’offrir un État à l’euro, c’est-à-dire un gouvernement économique à l’Europe.

Je sais que c’est exactement votre préoccupation, madame la ministre. Nous vous en remercions d’autant plus que certains eurosceptiques tentent de saisir une si belle occasion pour entraver, voire casser une construction européenne qui les dérange. Certains relancent même l’idée d’un retour au franc… Gribouille n’est pas mort !

Oui, madame la ministre, nous vous remercions d’autant plus que, si les enjeux sont lourds pour le présent, ils le sont également pour l’avenir. Toutes les décisions prises, tous les choix faits orientent la suite. Il faut donc qu’ils soient à la fois opérationnels pour le présent et porteurs de sens pour l’avenir. Que cela plaise ou dérange, c’est sous nos yeux, à chaud, que se poursuit la construction de l’Europe politique.

La crise, et c’est tant mieux, nous oblige à sortir de notre réserve et de nos doutes, à prendre conscience du fait que nous sommes engagés avec des partenaires qu’il nous faut écouter, comprendre, respecter.

Parmi eux figure la Grèce. Je ne reviens pas ici sur les responsabilités des gouvernements successifs qui ont mis ce pays en situation d’apparaître comme un « maillon faible », mais nous ne devons pas oublier non plus que nous portons tous une part de responsabilité, pour défaut de surveillance ou même, reconnaissons-le, pour ne pas avoir découragé la Grèce de poursuivre un effort militaire qui n’est plus vraiment de saison, mais qui nous intéressait.

Parmi ces partenaires figure également l’Espagne, qui connaît des difficultés assez différentes. Sa dette publique restait jusqu’à présent mesurée, mais elle voit sa notation secouée du fait de l’immobilier, du poids de la dette des particuliers, du niveau de son chômage – même s’il semble qu’il cesse de se dégrader –, ainsi que, disons-le, des premiers effets de mesures de rigueur nécessaires mais mal reçues par les Espagnols. La confiance des investisseurs dans la reprise étant atteinte, la notation de l’Espagne baisse, le crédit se renchérit et la dette publique dérape très vite.

On pourrait ainsi analyser les situations de chacun de nos partenaires, la nôtre également. Je dirai simplement qu’il faut porter, jour après jour, la plus grande attention à la confiance mutuelle qui doit, plus que jamais, souder le couple franco-allemand.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Badré

J’arrête sur ce point, en soulignant simplement que les marchés sont aux aguets, prompts à monter en épingle le cas d’un nouveau « maillon faible ».

Nous l’avons déjà dit : la crise est d’abord une crise de confiance. Or la confiance ne se décrète pas, elle se construit. La solidarité entre nos États doit être perçue comme sans faille, faute de quoi, le doute s’installera sur la robustesse de ceux qui n’ont pas encore été « ciblés » et, plus généralement, sur notre capacité collective à la solidarité.

La dernière Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l’Union européenne, la COSAC, réunie en début de semaine à Madrid, fut passionnante, car nous y avons vu l’Europe en mouvement. Elle a été l’occasion de mettre en évidence une grande convergence des analyses des parlementaires nationaux et européens à cet égard. Il est apparu clairement que nous partageons très largement une même volonté politique : nous devons réagir solidairement, fermement et immédiatement face à la crise si nous voulons pouvoir reprendre ensemble le chemin de la croissance, sachant qu’aucun des membres de l’Union n’est capable de le retrouver seul.

Dès lors que nous nous serons remis en ordre de marche, nous pourrons miser sur nos atouts, qui restent très porteurs dans le contexte de la mondialisation : des finances publiques et un appareil financier qui demeurent relativement sains, quoi qu’on en dise, un potentiel de recherche et de développement qui ne demande qu’à s’exprimer, un rayonnement commercial structuré, des amortisseurs sociaux qui jouent leurs rôles social et macroéconomique.

Notre handicap majeur est d’un autre ordre. Face à des marchés mondiaux qui réagissent dans l’instant, la sphère publique dans le monde reste éclatée entre deux cents États souverains. Nous n’avons donc plus le choix ! La gouvernance mondiale doit progresser, et nous attendons donc beaucoup du G20, madame la ministre. De son côté, l’Union européenne doit devenir l’acteur politique majeur dont on parlait toujours jusqu'à présent sans forcément vouloir qu’il advienne.

Lorsque l’on évoque l’idée que certains pourraient être poussés vers la sortie, c’est pour souligner immédiatement le caractère irréaliste ou absurde de cette hypothèse. L’Estonie continue à se préparer à devenir le dix-septième membre de la famille ; la Slovaquie, dernière arrivée, répète qu’elle se félicite de lui appartenir, et l’Islande aimerait presque pouvoir choisir l’euro sans l’Europe… La seule ombre à ce tableau, c’est la Suède, dont nous n’oublions pas qu’elle ne bénéficie pas d’une clause d’opting out, mais qui, elle, fait semblant de l’oublier.

Nous savons bien que la baisse de sa parité avec le dollar ne signifie pas la fin de l’euro. Relativisons : il est revenu pratiquement à son niveau de départ, après être descendu aux trois quarts de cette valeur, puis remonté bien au-dessus, les deux situations engendrant d’ailleurs symétriquement et successivement des alarmes tout aussi extrêmes.

Il est vrai qu’atteindre un niveau donné par le haut ou par le bas n’a pas la même signification, et qu’on s’est longtemps demandé si l’euro était surévalué ou le dollar sous-évalué… Alors, prenons les choses comme elles sont, en retenant le caractère premier des paramètres psychologiques et de la confiance.

L’euro, qui a pu prendre toute sa place et vivre plus de dix ans dans son statut de monnaie orpheline, n’ira pas plus loin sans État, non plus que l’Union économique et monétaire sans gouvernement économique.

Dans ce contexte, les décisions que nous allons ratifier paraissent aujourd’hui les bonnes. Sans doute eût-il été possible de frapper moins fort en intervenant plus tôt. Mais ce n’est plus la question. Consolons-nous en nous disant que, le mal s’étant creusé, les réformes de fond de la gouvernance européenne apparaissent maintenant incontournables et ne peuvent plus être refusées que par ceux qui refusent l’Europe elle-même.

L’analyse du détail de ce plan montre que la Commission va emprunter 60 milliards d’euros, consommant ainsi la totalité des possibilités de financement prévues à l’article 122, alinéa 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est opportun qu’elle soit ainsi appelée à « monter en ligne », ce qu’elle n’a pas suffisamment fait jusqu’à présent.

Nous retrouvons cependant ici un vrai sujet : le budget européen ne peut emprunter, sans doute parce que l’Union n’est pas un État. Cette vraie question se reposera lorsqu’on réfléchira à ce que devrait être un vrai budget pour l’Europe, un budget capable d’investir. La question a été évoquée par la COSAC, tout comme un autre vrai sujet : à l’heure où l’on cherche à consolider les institutions de l’Union, les 450 milliards d’euros de garantie européenne des dettes souveraines des États relèvent d’une décision intergouvernementale et non communautaire, justement parce que l’Union ne peut pas emprunter. Cette garantie européenne est en réalité une garantie inter-États, qui doit être mise en œuvre, par parties, par des votes de chacun de nos parlements nationaux.

Car l’Europe, ce sont bien nos parlements. L’Europe, c’est bien nous, les Européens !

Au passage, nous notons de nouveau la nécessité et la force d’une implication solidaire du Parlement européen et de nos parlements nationaux. Aujourd’hui, celle-ci ne semble plus poser les mêmes problèmes qu’hier. Nécessité fait loi, et c’est tant mieux !

J’indique à M. le président de la commission des finances que la COSAC a notamment accueilli avec faveur l’idée d’une structuration de groupes de travail réunissant des représentants de la commission des budgets du Parlement européen et de nos commissions des finances. On devrait pouvoir progresser assez vite sur ce point, ce qui me semble intéressant alors que s’ouvre le débat sur les perspectives financières.

Puisse l’Europe sortir de l’épreuve institutionnellement plus unie et politiquement plus forte ! Cela dépendra de la capacité à travailler ensemble que sauront montrer, dans les semaines qui viennent, la Commission, le Conseil, le Parlement européen, les gouvernements et les parlements nationaux. Nous nous posions, mes chers collègues, la question de savoir comment le Sénat français allait mettre en œuvre le contrôle de subsidiarité que nous confie le traité de Lisbonne. Nous sommes très vite allés beaucoup plus loin…

C’est, je pense, ce qu’attendent de nous les Européens lorsqu’ils voient dans les parlements de l’Union les forums rapprochés du débat européen.

C’est en pensant à eux, à tous les Européens, que je vous confirme, madame la ministre, le vote positif et sans états d’âme du groupe de l’Union Centriste.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette troisième loi de finances rectificative pour 2010 concrétise l’engagement de la France, qui fait suite à l’accord intergouvernemental intervenu au sein de l’Eurogroupe le 9 mai, après une semaine de tourmente où, comme aux pires moments de la crise financière de 2008, le marché interbancaire s’est grippé et les marchés d’actions ont chuté.

Lors de la discussion de la précédente loi de finances rectificative, où il était question d’être solidaires avec la Grèce, nous avions reproché l’attentisme des États de la zone euro qui avait, par sa durée, du 11 février au 23 avril, alimenté la spéculation. Cette fois, ces États ont réagi vite et conclu un accord à l’arraché qu’il nous faut transcrire dans la loi nationale.

Le groupe socialiste votera donc l’engagement de la France, qui porte sur une garantie de 111 milliards d’euros. Nous le voterons pour les mêmes raisons que nous avions voté le plan de solidarité avec la Grèce, au motif du respect de nos engagements européens et de la solidarité que nous devons exprimer aux pays de la zone euro qui seraient en difficulté pour refinancer leur dette.

Lors de ce débat, nous avions appelé à la constitution d’un fonds monétaire européen, une revendication partagée de longue date par tous les partis socio-démocrates européens. Nous n’y sommes pas encore, mais, si l’on est optimiste, le Fonds européen de stabilité financière, bien qu’il soit limité à trois ans, pourrait en être l’amorce, puisque sa vocation est avant tout préventive. Qui vivra, verra !

Par ailleurs, mais dans le même mouvement, la Banque centrale européenne reprend les titres des États, ce qu’elle avait déjà fait pour la Grèce – j’avais dit alors qu’elle avait franchi le Rubicon –, apportant ainsi de la liquidité aux banques.

Madame la ministre, je l’ai bien noté, alors qu’elles sont souvent vilipendées – pour de bonnes raisons, du reste -, les banques allemandes ont pris l’engagement de conserver les titres qu’elles détiennent sur la Grèce, et les banques françaises sont appelées à faire de même. Espérons qu’elles le feront aussi pour les autres pays où leur exposition est autrement plus importante ; je pense à l’Espagne et au Portugal.

Au passage, je relève tout de même qu’il s’agit d’une monétisation de la dette qui, en fonction de son ampleur, pourrait constituer une nouvelle « bulle » tout aussi dangereuse que celle que nous avons connue.

Cette garantie devrait être rémunérée mais, au moment où nous parlons, nous n’en connaissons pas le taux final. Sera-t-il aussi lourd que celui qui a été arrêté pour le prêt consenti à la Grèce ? Ce ne serait pas souhaitable, car à quoi bon fixer des taux élevés si les États en difficulté ne peuvent pas rembourser ? Si la situation ne s’arrangeait pas, il faudrait bien se poser la question du rééchelonnement et de la restructuration de la dette de certains États.

Au moment où nous débattons, les conditions d’application du mécanisme qui a été adopté le 9 mai sont en effet inconnues, mais nous savons qu’elles font l’objet d’âpres discussions, notamment avec nos partenaires allemands, à qui le Gouvernement français entend manifestement donner des gages de sérieux.

Au demeurant, les craintes des investisseurs ne se sont pas calmées après le 9 mai. S’il s’agissait de les rassurer, ce n’est pas totalement un succès. S’il s’agissait pour les États de conserver les notes qui leur ont été décernées par les agences de notation, cela n’a pas mieux fonctionné, au moins pour un des pays de la zone euro, l’Espagne, et je relève que notre ministre du budget lui-même a également parlé des tensions qui pesaient sur la note de la France.

Il est vrai qu’une dégradation de notre note pourrait nous coûter très cher. Ainsi, selon le rapport Champsaur-Cotis, une progression du taux d’emprunt à sept ans de 2, 5 % à 3 % coûterait 2 milliards d’euros de charges d’intérêt supplémentaires en 2010, 3 milliards d’euros en 2012 et 4 milliards en 2013. M. Fourcade, qui connaît tout cela par cœur, pourra nous confirmer ces chiffres.

Qui veut-on rassurer, finalement ? L’Allemagne, les marchés, les agences de notation ? Pour l’instant, les résultats se font attendre. Une chose est sûre, si j’en crois la lecture des indicateurs du moral des ménages, c’est que l’on ne rassure pas les Français…

En revanche, nous commençons à apercevoir les linéaments des contreparties attendues des États de la zone euro, qui apparaissaient moins clairement dans ce plan, et qui nous renvoient au débat national, et donc au Parlement.

Par petites touches, en effet, le Gouvernement nous propose, ni plus ni moins, une cure d’austérité. C’est bien le terme qu’il faut employer quand le Gouvernement confirme à la Commission européenne son engagement de ramener le déficit public à 3 % du PIB d’ici à 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Sans doute, monsieur le président de la commission des finances, mais encore faut-il que cet objectif soit réaliste et compatible avec nos difficultés de croissance.

La confirmation de cet engagement pris par le Gouvernement en début d’année doit être complétée par les annonces faites par Président de la République, notamment lors de la conférence sur les déficits publics du 20 mai. Je les rappelle : réduction de 10 % des dépenses d’intervention de l’État et gel en valeur des dotations aux collectivités locales.

Il s’agit donc bien d’une cure d’austérité, qui prend le risque de tuer toute éventuelle croissance, alors que celle que nous enregistrons est d’à peine 0, 1 % au premier trimestre. Le Gouvernement ne modifie d’ailleurs pas sa prévision de croissance à l’occasion de cette loi de finances rectificative, préférant attendre le résultat du deuxième trimestre. Mais, en tout état de cause, la croissance est très faible et la conjoncture inspire beaucoup de prudence, voire de l’inquiétude au consensus national des économistes.

En tout cas, les bourgeons de la reprise n’ont pas encore éclos.

Si tous les pays de la zone euro adoptaient des plans d’austérité, ce serait dramatique, car nous savons bien que les échanges intra-européens sont essentiels, pour l’Allemagne, qui réalise plus de 60 % des siens à l’intérieur de la zone euro, et pour la France, dont le chiffre est également très important. Si les flux commerciaux s’arrêtent, nous aurons à coup sûr une récession.

Par conséquent, nous devons à la fois continuer à soutenir l’économie par une politique ajustée et réduire nos déficits ; mais encore faut-il le faire progressivement. C’est pourquoi cette période de trois ans n’est pas réaliste : madame la ministre, cela tuera le malade !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Que le malade meure guéri est sans doute assez bon pour les médecins de Molière, monsieur le rapporteur général, mais vous savez très bien que la saignée n’est pas le meilleur des remèdes !

Le Président de la République a annoncé une nouvelle réforme constitutionnelle et nous aurons bientôt le débat d'orientation budgétaire où nous serons amenés à reparler des conditions dans lesquelles on peut raisonnablement restaurer nos finances publiques. Nous y sommes particulièrement attachés, nous l’avons déjà dit à cette tribune, et depuis longtemps.

Je rappelle, à cet égard, qu’il y a deux ans la Constitution a été révisée pour prévoir désormais que « la programmation des finances publiques s’inscrit dans l’objectif d’équilibre des comptes. »

Or, monsieur le rapporteur général, sans remonter très loin dans le temps – vous ne remontez pas avant 2002 -, je vous signale que, à peine adoptée, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, que vous avez adoptée en février 2009, n’a pas été respectée. Nous avons été amenés à le dire, elle est devenue caduque.

M. le rapporteur général s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

La règle constitutionnelle n’a pas empêché cette dérive, vous avez continué. Je ne veux pas revenir sur le débat fiscal, mais tout de même… Voyez toutes les exonérations que vous avez consenties. Et vous envisagez même de constitutionnaliser les dépenses fiscales, auxquelles vous êtes maintenant très attachés. Je pense à la TVA sur la restauration. Je passe, tout le monde aura compris…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je n’ai jamais été partisan de la TVA à 5, 5 % dans la restauration, vous le savez !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous savez ce que c’est, la discipline, l’amitié…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Au demeurant, renforcer la normativité constitutionnelle n’est pas une mince affaire. Madame la ministre, j’ai lu le rapport d’étape du groupe Camdessus et nous attendons pour la fin juin le rapport final. On souligne dans ce document que toute norme doit comporter une marge de flexibilité pour affronter les crises. Les Allemands avaient dans leur Constitution une norme très forte, mais la digue s’est rompue quand la crise financière est arrivée.

Nous reviendrons ultérieurement à ce débat, il sera forcément très intéressant. Si je l’évoque aujourd'hui, c’est parce que cette promesse faite par le Président de la République à l’horizon 2012 et, sans doute, la réforme des retraites – on en reparlera – doivent, dans l’idée du Gouvernement, avoir non seulement auprès de la Commission européenne – la France fait tout de même l’objet d’une procédure –, mais aussi auprès des agences de notation, peut-être même aussi de l’Allemagne et des marchés, une fonction de réassurance.

Quand on regarde les périodes où les déficits se sont creusés et l’endettement s’est accru – et là on pourrait remonter avant 2002 – toute réassurance qui serait donnée par un gouvernement et une majorité parlementaire qui n’ont jamais, absolument jamais pourvu au désendettement dans les périodes de croissance ferait réfléchir, à défaut de pouvoir faire sourire.

Dans cette période tourmentée, il ne faut pas se tromper de remède. Le temps gagné sur la spéculation ne doit pas être du temps perdu pour la construction européenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… celle qui doit reprendre sur des bases nouvelles, car si l’on regarde les dernières années, cela n’a pas été très brillant.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ce travail doit reprendre au-delà de l’épreuve.

La gouvernance économique, si souvent réclamée par le groupe socialiste, ne se confond pas dans notre esprit avec une politique de réduction drastique de l’action publique au détriment des plus faibles.

Selon les chiffres communiqués par l’Organisation internationale du travail, si des cures d’austérité sont imposées partout dans le monde, ce sera dramatique, car plus de 100 millions de personnes seront abandonnées dans la crise, et nous pouvons nous faire du souci.

Par ailleurs, cette gouvernance économique ne doit pas se faire non plus au détriment des investissements nécessaires pour retrouver les chemins de la croissance.

Nous le ressentons tous, il ne s’agit pas aujourd’hui d’une énième crise venant succéder aux crises nombreuses qui ont jalonné la constitution de l’Europe depuis sa création : la présente crise peut être fondatrice comme elle peut signer notre déclin.

Voter ce plan de stabilisation financière nous fera gagner du temps ; il est nécessaire, mais il ne nous masque pas les choix de fond auxquels nous devons être attentifs.

Le choix de fond qui est posé concerne la méthode : on ne pourra pas continuer longtemps dans l’intergouvernemental, nous en sommes convaincus, et cela renvoie effectivement à un débat politique profond…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. … sur ce que nous voulons pour cette construction européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, moins d’un mois après la promulgation de la dernière loi de finances rectificative, qui visait à mettre en œuvre le plan français d’aide à la Grèce, le Sénat s’apprête à examiner le troisième collectif budgétaire de l’année 2010, qui est également, je le rappelle, le cinquième collectif lié à la crise financière.

Le précédent collectif répondait à une urgence liée à l’effondrement de l’économie grecque ; il visait par conséquent à réparer, à poser en quelque sorte une rustine sur la roue guidant le véhicule de l’Union sur le chemin parfois chaotique de la construction européenne.

Aujourd’hui, il s’agit non plus de réparer dans l’urgence mais de prévenir. Il s’agit non plus de poser des rustines mais de changer la roue devenue instable et d’éviter ainsi qu’elle n’entraîne dans sa chute tout le véhicule de la zone euro.

Tel est l’objet du plan européen de stabilisation financière, dont le présent collectif constitue le volet français.

Le plan européen a été décidé lors de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010, en réaction à la crise grecque et aux risques de contagion à d’autres États membres, susceptibles d’être à leur tour victimes de la spéculation financière, et plus largement, de déstabilisation de la zone euro dans son ensemble.

La réaction franco-allemande, en liaison avec la Commission européenne et le FMI, face à des marchés continuant de spéculer malgré le plan de sauvetage de la Grèce, a donc consisté à privilégier une approche globale, coordonnée et rapide, plutôt que d’en rester à des solutions au cas par cas qui ne décourageraient pas la spéculation.

Comme pour le plan de sauvetage de la Grèce, la France apparaît donc aux avant-postes parmi ceux qui ont réagi le plus rapidement, et je souhaiterais à cet égard, madame la ministre, saluer votre engagement personnel aux côtés du Président de la République, notamment pour réagir dans l’extrême urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Comme cela a été rappelé, le plan européen se décline en trois volets.

Premièrement, un volet communautaire : un État membre en difficulté pourra bénéficier de prêts garantis par le budget de l’Union européenne, à hauteur de 60 milliards d’euros. Ce volet résulte de l’application de l’article 122, alinéa 2, du Traité prévoyant une aide financière quand les difficultés de l’État sont dues à des circonstances exceptionnelles. Cette aide est donc indépendante du contrôle des États membres.

Deuxièmement, un volet intergouvernemental complète le volet communautaire, trop faible pour rassurer les marchés. Ainsi, 440 milliards d’euros seront garantis pendant trois ans sur une base non solidaire par les seize États membres de l’Eurogroupe, au Fonds européen de stabilité financière, un organisme ad hoc qui sera géré par la Banque européenne d’investissement et qui sera chargé de refinancer des États membres de la zone euro en difficulté.

À ce sujet, madame la ministre, pourquoi avoir limité les bonnes volontés aux seuls membres de la zone euro, alors que d’autres États, semble-t-il, comme la Suède et la Pologne, désiraient également apporter leur garantie au Fonds de stabilisation ?

Entre les volets communautaire et intergouvernemental, ce sont donc 500 milliards d’euros de garantie, fonctionnant comme une caution, qui vont permettre de lever des fonds sur les marchés financiers pour ensuite acheter de la dette publique de pays fragilisés.

À cela s’ajoute un troisième volet, correspondant à l’effort substantiel du FMI, à hauteur de 50 % de l’effort consenti par l’Union européenne et les États membres de la zone euro, soit 250 milliards d’euros.

Contrairement à certains qui véhiculent des rancœurs de voir ainsi l’Europe faire appel au FMI, nous devrions au contraire saluer cet effort coordonné sans précédent.

Et n’oublions pas que les États membres vont eux-mêmes renforcer les moyens d’intervention du Fonds monétaire international à hauteur de 500 milliards de dollars, suite à la décision du G20 de Londres et de Pittsburgh en 2009.

Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit ainsi un relèvement de la contribution française aux nouveaux accords d’emprunt qui lient le FMI et ses membres les plus solvables, à 18, 7 milliards d’euros.

Le collectif précise également la quote-part de la France au montant de garantie apporté au Fonds européen de stabilité financière, qui est proportionnelle au montant de sa participation dans le capital de la Banque centrale européenne, soit un plafond maximal de 111 milliards d’euros de prêts ou de lignes de crédit, en intégrant la majoration de 20 % décidée pour tenir compte de l’hypothèse d’une mobilisation du fonds en faveur d’un État membre défaillant, qui, par conséquent, ne pourrait plus lui-même apporter sa garantie.

Bien sûr, ces montants sont à cette heure hypothétiques et n’ont pas d’impact sur le solde, comme le rappelait M. le ministre du budget, tant qu’aucun appel effectif de la garantie n’est effectué par un État en difficulté.

Bref, nous le savons, la construction de l’Union passe par des crises, qui permettent souvent de l’accélérer.

Les difficultés rencontrées par la zone euro ont mis en lumière la nécessité d’une accélération de la construction européenne, qui passe, en premier lieu, par une meilleure coordination des politiques économiques et financières et par une meilleure gouvernance économique.

Présenter nos perspectives budgétaires à l’Eurogroupe ne suffira pas ; il faut un rapprochement des politiques économiques et des législations fiscales. Les pays de la zone euro doivent s’engager sur de nouvelles règles de gouvernance, avec un conseil de l’euro traitant de toutes les dimensions économique, financière et sociale, avec pourquoi pas, à terme, un pouvoir d’initiative et de régulation qui serait confié à la Commission européenne.

À cet égard, la politique de l’autruche n’est plus acceptable et les problèmes économiques doivent être posés sur la table.

Chacun doit faire un effort, notamment sur les déficits : la France est déficitaire depuis trente-cinq ans !

Saluons l’initiative du chef de l’État, qui a organisé cette conférence nationale sur les déficits, même si certains ont cru bon de ne pas y participer, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

« Certains » ont eu raison de ne pas y participer !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Non, parce que tout le monde doit participer à l’effort de réduction des déficits !

Saluons également la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet.

Le rôle du Parlement sera également primordial. La prochaine loi de finances sera décisive, d’autant plus si la réforme constitutionnelle annoncée permet de mettre en œuvre la volonté affichée que toutes les dispositions fiscales relèvent de la seule loi de finances. Nous y gagnerons en lisibilité et en maîtrise de nos dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Combien de niches n’ont-elles pas été créées dans des textes hors budget ?

À cet égard, la mobilisation européenne est salutaire. Misons aussi sur une mobilisation et une solidarité nationales en cette période de crise. Au-delà de nos clivages partisans, l’intérêt général doit primer, notamment pour l’équilibre budgétaire.

Mes chers collègues, l’Europe est née d’une crise majeure, celle de la guerre et de la confrontation de pays. Elle doit maintenant survivre à la confrontation des économies de ses États membres, à la mondialisation et au pouvoir des marchés.

La vocation du politique est de réagir : le Gouvernement l’a fait ; le Parlement l’a fait en votant le plan d’aide à la Grèce voilà quelques semaines. Désormais cependant, notre vocation n’est plus simplement de réagir, elle est d’agir. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Le chantier est immense, entre la réduction des niches fiscales et sociales, la réforme des retraites, la réforme de la dépendance, la responsabilisation de chacun des acteurs publics en matière de dépenses, l’approfondissement de la construction européenne et la régulation bancaire et financière.

Dans tous ces domaines, le groupe UMP du Sénat soutiendra bien sûr le Gouvernement en apportant sa part à ce vaste chantier.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Madame la ministre, mon collègue et ami Albéric de Montgolfier vient de vous apporter le témoignage de notre soutien et vous a indiqué que nous allions très largement voter le projet de loi de finances rectificative que vous nous proposez.

En effet, tout le monde admire l’effort que vous avez accompli pour parvenir à surmonter les difficultés qui nous assaillent et à nous présenter un texte qui, en ce qui concerne tant le fonds de soutien européen que les garanties qui l’accompagnent, ne bouleverse pas le budget que nous avons voté pour 2010 et se contente de confirmer ce qui a été prévu.

Or, c’est justement ce qui a été prévu qui nous inquiète. C’est pourquoi, tout en vous manifestant mon soutien personnel continu, je tiens à vous faire part – car c’est le rôle de la majorité que d’apporter un regard lucide – de trois observations sur notre situation budgétaire actuelle.

La dette de l’État, en 2010, dépassera 80 % du PIB, car elle croîtra encore de plus de 105 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

C’est en tout cas ce qui est prévu dans le texte, pour le moyen et long terme.

Néanmoins, comme le Parlement ne vote pas l’évolution du volume des bons du Trésor ni des engagements financiers à moins d’un an, toute modification des taux d’intérêt se traduira, comme l’a souligné tout à l’heure Mme Bricq, par une aggravation de la charge budgétaire de plusieurs milliards d’euros, ce qui va rendre difficile le retour à de meilleures conditions financières.

Donc, premier point, je souhaite, comme le rapporteur général, que l’on présente au Parlement non pas seulement l’augmentation de nos emprunts à court et moyen terme, mais aussi la variation en volume des bons du Trésor. Nous avons un stock de plus de 200 milliards d’euros de bons du Trésor, dont les taux sont très faibles : une augmentation de un point se traduirait immanquablement par une dépense budgétaire supplémentaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faudra préciser cela dans la programmation budgétaire, qui aura un caractère organique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Absolument ! C’est vraiment un point essentiel.

Par ailleurs, le rapporteur général a fait observer dans son très intéressant rapport que la composition de notre dette à court, à moyen et à long terme est de plus en plus orientée et supportée par des non-résidents et que la part des résidents s’affaiblit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Cela me paraît très grave dans la conjoncture actuelle et compte tenu de l’évolution des marchés financiers.

Si le Japon peut avoir une dette très forte – près de 200 % de son PIB ! –, c’est parce qu’elle est portée par les Japonais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Voilà deux ans, madame la ministre, je vous ai proposé de créer un nouvel instrument de collecte de l’épargne française, de l’épargne des résidents, pour éviter ce genre de difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Je crois, et c’est mon deuxième point, que le moment est venu. Il faut, autant que possible, créer des bons du Trésor à cinq et dix ans réservés aux résidents ; il faut que vous envoyiez des fonctionnaires de votre ministère au Japon afin de comprendre comment fait ce pays pour conserver une dette interne, de façon que nous puissions essayer de drainer, au bénéfice de notre budget, les excédents d’épargne qui existent.

C’est un problème de plus en plus crucial et, si nous sommes un jour obligés de recourir pour notre propre dette et notre propre budget aux garanties qui figurent dans le présent projet de loi de finances rectificative, on nous demandera pourquoi nous avons laissé à ce point nos emprunts « filer » à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est bien pourquoi je le répète de manière très forte : pour que le Trésor et sa ministre de tutelle nous écoutent !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

À l’heure actuelle, nos créanciers sont de plus en plus des créanciers internationaux. C’est extrêmement dangereux et, comme à la fin de 2010 notre dette dépassera 80 % de notre production intérieure – pour ne pas dire 81 % ou 82 % ! –, il est clair que nous devons rapidement prendre des mesures et mettre en place des instruments de mobilisation de l’épargne des ménages. C’est de cette manière que nous pourrons nous protéger face non pas à la spéculation, mais au jeu des marchés – puisque tout le monde aujourd’hui joue sur les marchés financiers.

Troisième point, nous avions prévu dans une loi de programmation des finances publiques un retour à un déficit public de 3 % en 2013.

Pour moi, le retour à 3 % n’est pas un objectif suffisamment crédible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade. L’objectif crédible auquel nous devons arriver, c’est le rétablissement de la situation dans laquelle nous étions en 2006 et en 2007 – il n’y a donc pas si longtemps ! –, quand le déficit budgétaire n’était dû qu’à la charge de la dette : le solde primaire, c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de l’État hors charge de la dette était, lui, équilibré. C’est cela l’objectif ! Car, dès qu’il sera atteint, nous pourrons envisager la stabilisation de notre dette, élément important pour notre crédibilité et pour la position de la France sur les marchés.

M. Jean-Louis Carrère applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

C’est donc, à mon avis, le retour au solde primaire que nous devons d’abord envisager, car c’est cela, la véritable mesure financière qui nous est nécessaire.

Madame la ministre, nous allons transmettre et nous continuerons de transmettre à la Commission et à l’Eurogroupe des prévisions de dépenses et de recettes et des prévisions de retour à l’équilibre.

Je n’entrerai pas dans le débat que certains ont voulu développer sur le point de savoir si le fait que beaucoup de pays européens prennent des mesures de réduction de leur déficit est attentatoire à la croissance ou non. Je me contenterai de souligner que, étant donné la mondialisation de l’économie, étant donné l’équilibre fragile, à l’heure actuelle, entre les États-Unis et la Chine sur la question du financement par la Chine des bons du Trésor américains, qui a des conséquences et sur l’euro, et sur la livre sterling, et sur le yen, il est clair que notre objectif de réduction du déficit n’est pas crédible, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Aussi, je me permets de le dire ici de manière claire : nous ne pouvons pas ne pas envisager à la fois une réduction des dépenses et une augmentation de la fiscalité pesant sur les revenus. Nous ne pouvons pas continuer à faire la politique de l’autruche et arguer du niveau élevé des prélèvements pour refuser une réforme de la fiscalité.

Certes, il ne serait pas bon de toucher à la TVA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général, s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est déjà prévu, mais ils ne veulent pas le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Mais aujourd’hui, en France, la fiscalité sur les revenus ressemble plus à celle d’un pays en développement qu’à celle d’un pays de l’OCDE !

Si nous voulons que les marchés croient à un retour à un équilibre budgétaire satisfaisant et à un bon pilotage économique, il est certain qu’il faut réduire la dépense, notamment la dépense fiscale, mais il est non moins certain que nous serons obligés de revoir la fiscalité des revenus de l’ensemble des citoyens français

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Non, pas de l’ensemble ! De certains plus que d’autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Il faut le dire de manière claire, parce que, si nous ne le disons pas, et malgré ce que racontent les chefs économistes des différentes banques, personne ne croira que nous pouvons ramener en quelques années notre déficit budgétaire de 8 % à 3 %.

Il faut dire la vérité, et il appartient à des gens qui ont l’expérience, madame la ministre, de vous la dire et de vous faire part de leurs inquiétudes.

Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, sans répondre à chacune des interventions de manière spécifique, je reviendrai sur quelques points particuliers.

Monsieur le rapporteur général, vous avez avancé certaines propositions, et vous avez d’abord évoqué les agences de notation, non sans faire référence au thermomètre et au malade.

Je rappellerai que, durant la présidence française de l’Union européenne, nous avions pris l’initiative, dès le mois de septembre 2008, de solliciter de nos partenaires européens une réglementation spécifique sur les agences. Celle-ci fait désormais l’objet d’un règlement européen qui entrera pleinement en vigueur à partir du 7 décembre 2010. Est donc en train de se mettre en place un mécanisme d’agrément et de contrôle des agences, d’indication très précise du mode d’élaboration des notations et d’identification des conflits d’intérêt pour permettre de séparer très strictement les opérations de notation des opérations de conseil.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je rappelle également que j’ai confié à l’Autorité des marchés financiers la tâche d’être l’organe auprès duquel les agences de notation déposeront leur demande d’agrément et qui surveillera par la suite leur fonctionnement.

Je suis tout à fait d’accord sur la nécessaire concurrence en la matière, point qui est d’ailleurs relevé dans votre rapport, car aujourd’hui, même s’il existe environ 150 agences de notation de par le monde, ce sont en réalité trois grands opérateurs qui font la note, quelles que soient les circonstances et les personnes, privées ou publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Plus il y en a, plus c’est cacophonique, donc la notation perd de son effet !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Nous soumettrons au commissaire Barnier un certain nombre d’idées pour qu’il puisse les prendre en compte dans ses perspectives d’approfondissement du régime applicable aux agences de notation.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Plusieurs d’entre vous ont évoqué plus particulièrement le renforcement d’un gouvernement économique au sein de la zone euro. Je ne saurais que vous conforter dans cette appréciation ! Ce renforcement est nécessaire, j’en veux pour preuve notre récente expérience de gestion de crise.

Il est clair que ce sont les pays unis au sein d’une même zone monétaire qui, étant directement concernés, sont les plus à même de prendre des mesures en matière de coordination des politiques économiques, de mutuelle surveillance – et non pas de tolérance ! – concernant les règles budgétaires internes et l’approbation par l’organe souverain national des budgets respectifs sur une base annuelle, pluriannuelle, ou quinquennale, selon les cas.

En tous les cas, c’est au sein de la zone euro, et non au niveau de l’Union européenne à vingt-sept, …

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

… où la solidarité est évidemment moins profonde et moins tangible, puisque la monnaie n’est pas partagée, que doit s’exercer le mécanisme du gouvernement économique. Je veux souligner que nos partenaires allemands y sont sensibles, dans la mesure où, par ailleurs, nous sommes prêts à renforcer le pacte de stabilité et de croissance, à lui donner une existence effective, étayée par des sanctions applicables et appliquées, et à y adjoindre, de mon point de vue, un examen attentif du critère de compétitivité entre les États membres. Car il me semble que l’Eurogroupe, dont les membres partagent la même monnaie, ne peut prospérer que dans la mesure où, au fil du temps, les écarts de compétitivité en son sein sont progressivement réduits.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué un organe européen de la comptabilité publique.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Il s’agirait d’une autorité à caractère probablement indépendant, et néanmoins parfaitement compétente pour définir des normes comptables publiques que l’ensemble des membres de l’Eurogroupe seraient évidemment prêts à respecter et dont le contrôle devrait être assuré par l’autorité elle-même, probablement, bien sûr, avec le concours d’un organe statistique du type Eurostat qui, lui aussi, serait en mesure de contrôler l’application de ces principes.

C’est un sujet très intéressant qu’il faut que nous élevions au niveau de la réflexion du groupe Van Rompuy, et je serais tout à fait désireuse de le faire. C’est effectivement une bonne proposition, en particulier dans le contexte de l’examen de statistiques, de normes comptables, de méthodes de chiffrage que nous avons pu tester dans le cas de la Grèce et qui auraient bien mérité d’être validées à l’étalon de normes comptables publiques européennes.

C’est donc une proposition, monsieur le rapporteur général, dont je vous remercie et à laquelle je donnerai suite.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je vous en prie, monsieur le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l’autorisation de Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il convient, là aussi, d’évaluer la gouvernance du pays concerné. En l’occurrence, dans le cas de la Grèce, personne n’ignorait que l’institut de la statistique grec, dont la déontologie exigeait qu’il soit indépendant du Trésor public grec, était précisément entre ses mains !

Ces situations doivent être correctement évaluées par les autorités européennes, en particulier par le Conseil de l’Union européenne, afin de mettre un terme à ce qui relève en définitive d’une véritable tricherie !

L’Europe ne peut pas être une maison de tolérance !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Pour éviter la tolérance à laquelle vous faisiez allusion, rien de tel que la surveillance, consentie, respectée, fondée sur la transparence et l’authenticité des chiffres.

D’ailleurs, comme vous l’avez noté, le gouvernement grec a soumis au Parlement un texte de loi tendant à donner son indépendance à la direction de la statistique, auparavant intégrée à la direction du Trésor.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Il ne suffit pas de prévoir cette disposition dans la Constitution pour que l’indépendance soit acquise !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Par ailleurs, vous êtes nombreux à souligner le risque d’un double langage et d’une possible discordance entre le langage budgétaire tenu devant les assemblées et celui des programmes de stabilité adressés à la Commission européenne et aux partenaires européens.

Comme vous le savez, le commissaire Olli Rehn a proposé, le 12 mai dernier, la mise en place d’un mécanisme itératif permettant aux parlements nationaux de s’approprier les programmes de stabilité et donnant à la Commission européenne, comme aux États membres de la zone euro, un droit de regard sur les documents budgétaires.

Il conviendra de déterminer avec soin la profondeur de cet examen ainsi que la nature des documents budgétaires qui y seront soumis afin que cet échange entre la Commission européenne et les États membres de la zone euro, d’une part, et les parlements nationaux, d’autre part, ne porte pas atteinte à la souveraineté des assemblées chargées de voter chaque année les budgets annuels dans leur globalité, en dépenses comme en recettes.

Il importe également de préciser le rôle que doivent jouer la Commission européenne et les États de la zone euro dans ce dispositif ainsi que la nature de l’examen en question, et de définir un calendrier permettant que cette mission de surveillance s’exerce non seulement ex post mais également, dans la mesure du possible, ex ante.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur Chevènement, vous m’avez interrogée sur la durée des prêts garantis qui pourraient être accordés au bénéfice de certains États nécessitant un soutien financier.

On a pu entendre, de la part d’analystes financiers un peu rapides, que le dispositif mis en place au service de la Grèce ne pouvait qu’être temporaire et nous amènerait selon toutes probabilités à une restructuration de la dette grecque, ou à tout le moins à un allongement des procédures.

En premier lieu, il n’est pas question d’envisager une quelconque restructuration, compte tenu de l’importance de ce plan financier et de la détermination du gouvernement grec comme du Parlement grec à mettre en place toutes les mesures nécessaires.

En second lieu, le dispositif prévu pour la Grèce est un prêt de cinq ans assorti d’une période de grâce de trois ans, pendant lesquelles le remboursement n’est pas exigé. Ces chiffres, qu’il faut garder à l’esprit, seront probablement ceux dont l’on s’inspirait si d’aventure un autre État membre avait besoin du soutien financier du Fonds européen de stabilité financière.

Certes, il faudra également tenir compte du programme mis en place par l’État concerné au titre de la conditionnalité, ainsi que de son plan de financement et de la qualité de sa dette. Mais, pour l’essentiel, nous reprendrions certainement le dispositif prévu pour la Grèce aujourd’hui, soit un prêt de cinq ans assorti d’une période de grâce, en l’occurrence de trois ans.

Je tiens également à rappeler qu’il n’y a pas, à proprement parler, de désaccord entre la France et l’Allemagne au sujet du Fonds européen de stabilité financière. Ce que souhaite vivement l’Allemagne, comme l’a indiqué mon collègue Wolfgang Schäuble devant son Parlement - il a en effet été le premier à faire voter par le Bundestag et le Bundesrat la partie allemande des garanties -, c’est un fonds à durée déterminée, soit une institution différente de ce à quoi nous consentons aujourd’hui.

L’Allemagne ne concevait pas ce fonds comme une institution permanente dotée de secrétariats et d’autres structures bureaucratiques qui l’aurait ancrée dans le cadre des institutions européennes traditionnelles. C’est ce compromis qui a présidé à la mise en place du Fonds européen de stabilité financière.

Il en va de même en ce qui concerne la vente à découvert, sujet sur lequel certains ont vu un désaccord entre la France et l’Allemagne, ou du moins une absence de coordination. Or la France a déjà mis en place un dispositif équivalent à celui de l’Allemagne. En effet, depuis le mois de septembre 2008, est interdite la vente à découvert à nu d’une quinzaine de valeurs financières. Cette interdiction n’a d’ailleurs jamais été levée.

Nous proposons par ailleurs de permettre à l’Autorité des marchés financiers d’interdire les ventes à découvert, dans certaines circonstances particulières, comme vous le verrez lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

C’est très partiel ! Il faut aller plus loin !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Or le projet de loi soumis hier au conseil des ministres allemand tend précisément à la mise en place d’une mesure de ce type.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Nous sommes donc sur la même ligne. Le projet allemand va cependant plus loin, puisqu’il interdit également les ventes à découvert à nu de certains CDS sur dette souveraine.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Nous devons avoir ce débat. J’espère toutefois que nous serons guidés par un souci de coordination européenne, afin de ne pas créer un univers européen fragmenté, à géométrie variable, bénéficiant au final à un certain nombre d’arbitragistes prompts à partir faire leur petite cuisine dans ceux des États membres qui n’auraient pas mis en place une telle réglementation.

J’appelle donc de mes vœux une réglementation à l’échelon européen, applicable dans les plus brefs délais. J’en ai fait part à Michel Barnier, qui, dans un entretien accordé à un quotidien du matin, semble d’accord sur le principe d’une accélération afin de parvenir à des règles harmonisées, coordonnées et ne privilégiant pas l’arbitrage, ce qui ne serait ni opérationnel, ni conforme à ce que nous souhaitons en termes de solidarité.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je partage l’analyse que vous venez de présenter, madame la ministre. Je souhaiterais toutefois souligner une difficulté.

Nous sommes aujourd’hui vingt-sept États membres au sein de l’Union européenne et les règles du jeu définies dans le domaine financier doivent l’être selon les procédures normales.

Ainsi, selon que l’on représente la City ou la place financière de Paris ou de Francfort, l’attitude diffère. Il semble parfaitement naturel que des États comme l’Allemagne ou la France soient en avance par rapport à d’autres pour la conception de règles, de mécanismes et de dispositifs assurant leur transparence.

Je regrette ainsi qu’une distance soit prise par rapport à la déclaration de la Chancelière, qui, certes, a pu apparaître peu coopérative mais qui, sur le fond, ne peut qu’être entièrement approuvée !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur le rapporteur, dans votre excellent rapport, vous préconisez la transparence, voire l’interdiction. Je crois en effet qu’il faut faire preuve de fermeté quant à la transparence. Cependant, les conséquences de l’interdiction, ainsi que les modalités dans lesquelles elle serait prononcée, doivent être examinées avec attention.

Ces principes me paraissent tout à fait opportuns. On ne peut qu’être d’accord avec le principe de transparence, de même qu’avec le principe d’interdiction, dans certaines circonstances.

Il convient toutefois d’être très attentif à la liquidité que requièrent ces marchés. Une combinaison de réglementations non coordonnées, dont l’impact n’aurait pas été correctement évalué, serait susceptible de créer un risque de tension supplémentaire.

Par ailleurs, je retiens votre remarque concernant les délais de la production législative européenne. Cela avait déjà été évoqué à propos des agences de notation. Il me semble néanmoins possible de s’inspirer de principes partagés par les États membres, sans attendre nécessairement la publication d’une directive ou d’un règlement.

Monsieur Bizet, je souhaitais vous remercier de votre soutien.

Sur la question des statistiques, il est nécessaire de disposer de chiffres fiables et d’évaluations crédibles. Nous vous rejoignons totalement sur la nécessité du renforcement d’Eurostat en termes tant de moyens que d’indépendance et d’efficacité des contrôles.

Je suis également d’accord sur la nécessité de renforcer la surveillance, comme je l’évoquais précédemment. Nous serons attentifs aux conclusions du groupe Van Rompuy, qui a décidé d’accélérer ses travaux pour remettre ses conclusions définitives au mois d’octobre.

J’ai suggéré au groupe d’adopter une démarche en deux temps, d’abord, à court terme et à traité constant, pour être certains de fournir des éléments le plus rapidement possible ; ensuite, à plus long terme, et éventuellement à droit non constant. Nous devons dès aujourd’hui renforcer la surveillance et la responsabilité des États les uns envers les autres et assurer une meilleure coordination des politiques économiques menées par les différents pays européens.

À cet égard, la mise en place d’un semestre économique européen, tel que proposé par le commissaire Rehn, ainsi que la création d’outils communs facilitant la mise en œuvre des politiques européennes, comme le tableau de bord, me paraissent des mesures tout à fait appropriées.

Quant à la question de savoir s’il serait opportun de renforcer le volet correctif, le réalisme s’impose. Nous devrions examiner les possibilités qui s’offrent à traité constant et en appliquant le pacte de stabilité et de croissance tel qu’il a été conçu, si j’ose dire, dans sa pureté originelle, afin de déterminer les sanctions applicables dès aujourd’hui.

Le dispositif actuel me paraît suffisant. Certes, des modifications peuvent être envisagées, par exemple des règlements relatifs aux fonds structurels ou aux fonds de cohésion. Ce sont en effet autant d’armes financières qui permettent d’appliquer des sanctions sans modifier le traité.

Monsieur Badré, je vous remercie de votre soutien et de la préoccupation qu’exprime votre groupe en faveur du renforcement de l’Union européenne et de la zone euro en son sein ainsi que de la consolidation budgétaire dans un certain nombre d’États.

Il me semble possible, en faisant preuve d’une extrême vigilance, de mener tout à la fois une politique de redressement des finances publiques, impératif absolu, et une politique de consolidation et de maintien de la croissance. Cette croissance est certes fragile, mais la France a l’avantage, comme deux autres pays au sein de l’Union européenne, d’en percevoir les aspects les plus tangibles et les plus solides.

En effet, les chiffres français des derniers trimestres nous permettent d’ores et déjà d’aborder l’année 2010 avec un acquis de croissance de 0, 7 %, ce qui nous place en assez bonne position, y compris par rapport à nos partenaires européens.

Le redressement de nos finances publiques, nécessaire pour éviter la formation de déficits et l’aggravation de la dette publique et cher à M. Fourcade, doit être mené parallèlement à une politique de soutien à la croissance, et à une croissance durable. C’est toute la difficulté de l’exercice !

Cette politique délicate doit être menée tant en 2010 qu’en 2011. Mais vous avez entendu la détermination du Président de la République, dont il a fait part lors de la conférence sur les déficits publics, et vous savez l’engagement du Gouvernement à réduire les déficits, et ce de la façon la plus efficace possible.

Cela signifie en premier lieu couper dans la dépense publique. C’est en ces termes que nous nous sommes exprimés auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne dans le programme de stabilité, en envisageant notamment la suppression de près de 6 milliards d’euros de niches fiscales. François Baroin et moi-même nous y attaquerons dès 2011, comme le Premier ministre nous l’a demandé dans le cadre de la préparation des documents budgétaires.

Madame Bricq, vous m’avez interrogée sur les banques françaises, en particulier sur l’engagement qu’elles ont pris de maintenir leur exposition, à l’instar des banques allemandes. Celles-ci se sont en effet engagées sur l’ensemble de leur exposition à la dette grecque, ce qui est très important compte tenu de la part qu’elles détiennent dans cette dette souveraine. Si d’aventure nous devions mettre en œuvre le mécanisme européen de stabilité financière pour venir en aide à d’autres pays, nous demanderions bien sûr aux banques nationales de faire le même exercice et de garantir leur exposition.

Différents aspects de la consolidation budgétaire ont été évoqués, je n’y reviendrai pas, car je me suis déjà exprimée sur ce sujet. Personne ne peut douter de notre détermination en matière de réduction des dépenses, qu’il s’agisse des dépenses opérationnelles ou des dépenses d’intervention. Le Premier ministre a pris des engagements à cet égard.

Un effort tout particulier sera fait en 2011 et jusqu'à la fin du cycle, soit jusqu’en 2013, afin de nous permettre d’atteindre nos objectifs, lesquels, monsieur Fourcade, vous avez raison, sont extrêmement ambitieux et reposent sur des hypothèses de croissance dont on nous dit parfois qu’elles sont un peu audacieuses.

J’ai considéré avec intérêt la réévaluation par l’OCDE de la perspective de croissance française pour l’année 2011 : le taux de croissance auquel elle aboutit se rapproche du nôtre. Alors que nous tablons sur un taux de 2, 5 %, l’OCDE envisage plutôt 2, 1 %. Je suis également attentive au consensus de place et à ce que nous disent les chief economists des différentes banques. Tous ne s’accordent pas sur le taux de 2, 5 %, mais tous les chiffres envisagés sont avoisinants. Nous devons évidemment nous efforcer par tous les moyens d’orienter notre croissance à la fois vers l’investissement, l’innovation et l’international, en mettant tous les talents dont dispose notre pays au service de la compétitivité française.

Je reviendrai maintenant très rapidement sur le panachage entre bons du Trésor, lesquels, par hypothèse, sont une dette à court terme, dette à moyen terme et dette à long terme. Je rappelle tout d’abord que les assemblées parlementaires approuvent chaque année les émissions du Trésor…

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je refuse, monsieur le rapporteur général, de laisser penser qu’il s’agit d’un mécanisme accessoire que l’on actionnerait telle une soupape et que l’on mettrait en œuvre en fraude des droits du Parlement.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le Parlement, je le répète, est appelé à examiner ces émissions.

Par ailleurs, notre objectif principal, à François Baroin et à moi-même, est évidemment de réduire la dette, très clairement dès l’année 2011, avant d’en rééquilibrer les composantes. §Notre second objectif – vos réflexions et vos observations à cet égard sont tout à fait pertinentes et je les ai entendues – est de réfléchir à la composition de notre dette.

Il nous faut à la fois faire preuve d’efficacité financière et budgétaire, ce à quoi est extrêmement et légitimement attachée la direction du Trésor, et préserver notre souveraineté et une certaine forme d’indépendance financière, ce qui nous conduit à faire détenir une partie de notre dette par des intérêts et des résidents nationaux.

Cet arbitrage est évidemment nécessaire, car la dette détenue par des résidents nationaux est bien souvent assortie d’un certain nombre d’engagements et d’incitations qui viennent en renchérir le coût.

Il faut donc véritablement arbitrer entre souveraineté et indépendance nationale, d’un côté, …

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

C’est en effet un arbitrage de nature politique, vous avez raison, monsieur le rapporteur général.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut donc procéder à la recherche d’un point d’équilibre entre souveraineté et indépendance nationale, d’un côté, et considérations techniques, de l’autre. Cet arbitrage est, en dernier ressort, de nature politique. Il doit permettre l’optimisation des facteurs d’endettement de notre pays, endettement que, par hypothèse et à titre prioritaire, nous souhaitons réduire.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°8.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (511, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le ministre grec des finances, M. Georges Papaconstantinou, a annoncé hier un vaste programme de privatisations sur trois ans dans les secteurs des transports, de la poste et de l’énergie, lequel devrait rapporter environ un milliard d’euros par an.

S’il fallait chercher ne serait-ce qu’une bonne raison de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée sur le troisième projet de loi de finances rectificative de l’année 2010, cette annonce, dont nous avons pris connaissance par une dépêche de l’Agence France-Presse, en serait une. Cette dépêche, par son caractère laconique, montre finalement bien à quoi correspond le plan de soutien à la Grèce qui a motivé l’adoption, il y a environ un mois, du précédent collectif budgétaire.

L’urgence était alors invoquée pour faire adopter la participation de la France au plan de soutien aux créanciers de la Grèce, mais, en réalité, il s’agissait non pas de protéger l’euro, mais bel et bien de préparer le terrain pour une modification des choix politiques attendus des Grecs eux-mêmes, si l’on en juge au vote de l’automne dernier.

En lieu et place d’une hausse des pensions et des traitements des fonctionnaires, c’est désormais la suppression des primes, le recul de l’âge de départ à la retraite et le gel de la progression indiciaire.

En lieu et place du renforcement du secteur public, indispensable à l’aménagement du territoire et à la cohésion sociale, ce sera, demain, la vente au secteur privé de quelques-unes des entreprises publiques, par cessions d’actifs successives pendant toute la durée du « plan de redressement » dicté par la Commission européenne.

Tout cela montre que l’on ne peut en aucun cas dissocier les choix de politique budgétaire opérés dans les pays de la zone euro de la manière dont on entend répondre, notamment par le dispositif de garantie, à la menace plus ou moins latente de crise obligataire qui plane sur les économies européennes.

Il n’est pas inutile de revenir sur les faits générateurs de cette crise obligataire.

Tous les États de la zone euro conduisent, depuis de nombreuses années, des politiques de concurrence fiscale et sociale allégeant de manière généralisée la fiscalité pesant sur les revenus et les patrimoines les plus importants, ainsi que sur les entreprises et les opérations financières.

Souvenons-nous de l’époque où l’on nous expliquait qu’il fallait supprimer l’impôt de bourse pour permettre à la place de Paris de devenir le cœur des activités financières en Europe et de créer, grâce au développement des activités de marché, des milliers d’emplois !

Madame la ministre, vous nous l’avez encore dit à la fin de l’année 2007, alors même que s’amoncelaient déjà les nuages de la crise systémique de 2008.

Souvenons-nous du jour où l’on a supprimé l’avoir fiscal pour le remplacer par un crédit d’impôt encore plus rentable.

Et que dire de la réforme des plus-values des entreprises, qui confine à la quasi-suppression de toute imposition sur ces opérations ?

Plus récemment encore, faut-il poser la question du crédit d’impôt recherche, dont le coût grandissant pour les finances publiques est inversement proportionnel au développement de l’activité des laboratoires universitaires ?

Oserai-je évoquer aussi la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a conduit à enregistrer, ces derniers mois, un nombre d’heures travaillées inférieur à celui qui était constaté avant la mise en place du dispositif ?

Enfin, que dire de la suppression de la taxe professionnelle, laquelle ne semble pas avoir ralenti la réduction des effectifs salariés dans le secteur privé, cette réduction s’étant poursuivie au cours du premier trimestre 2010, comme durant toute la seconde partie de l’année 2008 et la totalité de l’année 2009 ?

Toutes ces politiques sont aujourd’hui battues en brèche par les faits. Seuls trois des pays de la zone euro présentent aujourd’hui les conditions du respect des critères de convergence. En clair, la parité de l’euro est trompeuse eu égard à la réalité de la situation économique des participants.

À des degrés divers, les treize autres pays de l’Euroland sont hors des clous.

Ils sont hors des clous parce qu’il leur a fallu intervenir pour sauver chacun leurs établissements de crédit, confrontés à la crise financière systémique de 2008.

Ils sont hors des clous parce que le rationnement des dépenses publiques recommandé par la Commission européenne fait que la zone euro n’a pas pris le train de la relance économique et qu’elle a subi, bien plus que toute autre partie de la planète, les effets de la récession en 2009.

Sur ce point, l’ensemble des pays de l’Euroland ont présenté une récession globale dépassant 4 %, quand les États-Unis perdaient 2, 4 % et que le ralentissement de l’économie chinoise se traduisait par un taux de croissance limité à 8, 7 % !

Dans ce contexte, le Gouvernement ne cesse de répéter que nous nous en sommes mieux sortis, puisque la France n’aurait connu en 2009 qu’une récession de 2, 2 points, inférieure donc à celle de ses principaux partenaires et concurrents. Mais cette récession est aussi nettement supérieure à la récession moyenne de l’économie mondiale, limitée à six dixièmes de point.

Malheureusement, la zone euro ne risque pas de connaître de nouveau une croissance soutenue, d’après les premiers éléments de comparaison disponibles au niveau international.

Le risque est d’autant plus grand que les pays de l’Euroland sont tous frappés aujourd’hui par une vague de politiques d’austérité.

Nous avons dit ce qu’il en était pour la Grèce, première victime de la crise obligataire, excroissance de la crise systémique de l’été 2008, mais la situation est identique en Espagne, dont le gouvernement va réduire la rémunération des agents du secteur public, au Portugal, où le gouvernement allie suppressions d’emplois publics, gel des salaires et privatisations pour tenter de réduire dettes et déficit, et en Italie, autre pays placé près du cyclone de la crise obligataire. M. Berlusconi a, lui aussi, annoncé une réduction drastique – de 20 % – du traitement des fonctionnaires, ainsi qu’un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite.

Enfin, outre le cas de la Grande-Bretagne, qui n’est pas membre de la zone euro et dont le gouvernement est nouveau, il y a bien entendu celui de notre pays. Nous ne pouvons que nous interroger, car, entre l’article 3 et l’article 4 du présent projet de loi de finances rectificative, ce sont près de 130 milliards d’euros qui sont soit appelés en garantie, soit apportés au capital du Fonds monétaire international. Ils sont donc susceptibles d’être mobilisés pour « sauvegarder » la zone euro et, de manière plus générale, sauver l’actuelle construction européenne.

Que l’on ne s’y trompe pas : si les 111 milliards d’euros de garantie prévus par l’article 3 sont appelés – soit plus de 5 points de PIB –, ils constitueront un nouvel élément de la dette publique française. Or ils sont en réalité destinés à éviter aux banques et aux compagnies d’assurance, détentrices de créances sur l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande, de se retrouver avec du papier devenu sans valeur pour cause de défaut de paiement. Aucune de ces banques, aucune de ces compagnies d’assurance, dont on peut d’ailleurs aisément supposer qu’elles sont en grande partie françaises, n’est mise en demeure de prendre à son compte le risque obligataire des pays défaillants. En cas de défaut de l’un ou de l’autre, la France, l’Allemagne ou d’autres pays paieront !

Pour les banquiers, c’est donc une chance au grattage, une chance au tirage et c’est gagnant à tous les coups !

L’article prévoyant une recapitalisation du FMI ne vise nullement à permettre à des pays encore sous-développés de bénéficier de prêts peu onéreux pour créer de nouvelles infrastructures et répondre aux besoins impérieux en matière de santé, d’éducation, de développement rural ou d’aménagement des espaces urbains.

La vérité commande de dire que la Commission européenne et le Fonds monétaire international se sont réparti les rôles.

Avec le fonds de garantie, la Commission a pour mission de faire face aux éventuels défauts de paiement des pays de la zone euro. Quel que soit le prix à payer, il s’agira, selon la formule consacrée, de « rassurer les marchés financiers ».

Le Fonds monétaire international, quant à lui, a pour mission de soumettre les pays européens non membres de la zone euro et confrontés à la crise obligataire à l’un de ces plans d’ajustement structurel dont il a le secret et dont on sait qu’ils ont le plus souvent conduit nombre de pays en voie de développement dans l’impasse.

Les cibles désignées du FMI sont connues : ce sont les pays nouvellement associés à la construction européenne, c’est-à-dire, singulièrement, les pays de l’Est européen, qui avaient cru que l’accrochage de leur économie à l’Union allait leur permettre de progresser.

La philosophie générale qui sous-tend les politiques du FMI n’est guère différente de celle qui est à l’origine de la vague d’austérité se répandant dans la zone euro. Elle participe des mêmes errements monétaristes, des mêmes schémas libéraux et conduira immanquablement aux mêmes résultats, c’est-à-dire l’étouffement de la croissance, la montée des inégalités sociales, la progression et la persistance du chômage et de la précarité, la mise en cause du lien favorisé par des services publics performants.

La France a connu un dixième de point de croissance au premier trimestre de l’année 2010. Cela signifie que la production nationale a progressé d’environ 500 millions d’euros sur les trois premiers mois de l’année. Et l’on nous annonce une réduction des déficits de 30 milliards d’euros, la suppression de 30 000 à 40 000 emplois publics et le gel des dotations budgétaires aux collectivités locales.

Le vote de la participation de la France au fonds de soutien européen accompagne cette orientation des politiques publiques, révélatrice des priorités du pouvoir actuel.

Prenons la question des retraites. Au motif que la Caisse nationale d’assurance vieillesse est tenue d’équilibrer les comptes de quelques régimes de non-salariés gravement déficitaires et qu’elle fait face à une réduction de ses recettes due à la hausse du chômage et à la précarité de l’emploi, il est envisagé d’allonger la durée de cotisation de tous les régimes et de reporter l’âge de départ à la retraite.

Ce calcul oublie que les cotisations d’aujourd’hui sont les retraites d’aujourd’hui et que les sommes prélevées sur la valeur ajoutée créée par les uns constituent le revenu des autres.

En outre, si une telle opération vise à résoudre ponctuellement le déficit comptable de l’assurance vieillesse, elle risque, à coup sûr, de faire renaître, puis croître celui de l’assurance chômage.

Le recul de l’âge de départ en retraite, mesure qui participe des politiques d’accompagnement du plan de soutien, revient à « boucher un trou » en en creusant un autre !

D’ailleurs, mes chers collègues, nos concitoyens ont de plus en plus de mal à comprendre que l’on soit incapable de trouver 10 milliards ou même 20 milliards d’euros pour équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse, alors même que l’on arrive à trouver 130 milliards d’euros dans le présent collectif budgétaire pour nourrir les marchés financiers !

À compresser l’emploi public, à geler les concours aux collectivités locales, à mettre en cause le droit à la retraite, on crée les conditions d’un ralentissement de l’activité économique qui ne nous permettra pas de trouver les moyens de faire face, grâce aux recettes fiscales en découlant, à l’effort de réduction des déficits comme de la dette publique.

L’austérité est déjà là, dans notre pays. Elle imprègne ce collectif budgétaire et annonce les termes des prochaines lois de finances. Qu’il soit envisagé, sous la pression de Bruxelles et de Berlin, de la rendre « constitutionnelle », en faisant de la réduction des déficits l’orientation des futurs textes budgétaires n’est que l’aboutissement d’une telle soumission des politiques publiques aux injonctions des marchés !

Pour notre part, nous sommes d’avis de rendre au peuple français, comme à l’ensemble des peuples d’Europe, le droit et le pouvoir aujourd’hui confisqués.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, je voudrais rappeler à nos collègues que, aux termes de l’article 44 de notre règlement, la question préalable a pour objet « de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération. »

Or, ayant entendu les interventions des différents orateurs pendant la discussion générale, je pense que le Sénat n’a pas l’intention de s’opposer au présent projet de loi de finances rectificative. En effet, les représentants du groupe UMP, du groupe socialiste, du groupe RDSE – je fais référence à Jean-Pierre Chevènement –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. Chevènement n’a pas dit qu’il voterait le projet de loi de finances rectificative !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… et du groupe de l’Union centriste ont indiqué leur volonté de voter ce texte.

Vous voyez donc, mes chers collègues, que les conditions préalables à l’adoption d’une telle motion ne sont pas remplies et qu’il faut, par conséquent, la rejeter.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Avis défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Pour notre part, nous ne voterons pas la présente motion tendant à opposer la question préalable.

En effet, nous souhaitons répondre à la question qui nous est posée. Le projet de loi de finances rectificative a pour objet non pas le soutien à la politique d’austérité du Gouvernement – nous discuterons de ce point à l’occasion du prochain débat d’orientation budgétaire et de l’examen des futurs projets de loi de finances –, mais la mise en place d’un mécanisme de solidarité au sein de la zone euro, conformément aux engagements pris par la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer la question préalable, dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 218 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 1, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1°. - Le III est ainsi rédigé :

« III. - Le taux de la taxe est fixé à 0, 1% à compter du 1er mars 2010 ».

2°. - Le IV est abrogé.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cet amendement vise à rendre effective la taxation des transactions sur devises, transactions qui constituent, pour l’essentiel, la matrice de la spéculation financière sur la planète.

De notre point de vue, une telle proposition prend toute sa pertinence, notamment au regard de la situation présente, telle que nous l’avons décrite.

En effet, notre amendement prend en compte la réalité d’une spéculation monétaire que l’existence de l’euro ne semble aucunement avoir ralentie et paraît même avoir dynamisée.

En tout état de cause, les attaques dont la monnaie européenne est aujourd’hui l’objet montrent que l’instrument monétaire créé par le traité de Maastricht et confirmé par le traité de Lisbonne ne nous a aucunement permis d’échapper a la spéculation et à ses effets, bien au contraire.

C’est donc parce que cette spéculation doit être stigmatisée que nous avons déposé cet amendement.

L’autre motif est un peu plus prosaïque. Il s’agit pour nous de procéder à la perception de nouvelles recettes fiscales, indispensables à l’équilibre des comptes publics - autant mettre à contribution ceux qui se nourrissent souvent des déficits publics !- comme au financement de nombre de politiques d’intervention.

C’est donc un amendement de rendement que nous vous proposons d’adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement a déjà été soumis avec persévérance à notre Haute Assemblée et la commission émet habituellement un avis défavorable.

Dès lors, notre avis sera encore plus défavorable, à cette heure-ci et sur un tel texte.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec votre permission, je donnerai la position du Gouvernement sur cet amendement et j’anticiperai quelque peu sur les amendements suivants, qui visent également des principes de taxation.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, non pas par hostilité au principe de la taxation internationale, mais tout simplement parce qu’une telle taxation doit, selon nous, intervenir à l’échelon global, et non national.

D’ailleurs, c'est la raison pour laquelle la France est à l’origine de la création d’un groupe pilote sur les financements innovants qui a été constitué en 2009 et auquel participent à la fois le ministère des affaires étrangères et mon ministère.

C’est également pour cette raison que la France copréside un groupe de travail chargé d’examiner le sujet dans le cadre de l’examen de nouvelles ressources pour financer la lutte contre le changement climatique. En effet, comme vous le savez, si une telle taxation internationale était aujourd'hui instituée, ce que nous souhaitons, elle aurait pour objet de financer, d’une part, la lutte contre le changement climatique et, d’autre part, le développement. Par conséquent, le jour où ce dispositif sera mis en place, il y aura également un débat sur l’utilisation des fonds ainsi collectés.

Par ailleurs, puisque l’on a évoqué la taxation sur les établissements bancaires et financiers au sens large, je précise que l’arsenal français contient d’ores et déjà un certain nombre de mesures, qui ont été adoptées par le Parlement. Je pense notamment à la taxation sur la supervision, dont vous proposez d’augmenter le taux, monsieur le sénateur.

Or le niveau actuel de taxation correspond aux besoins de financement de la supervision du secteur bancaire et aux prévisions budgétaires. Nous ne souhaitons donc pas le majorer.

En revanche, la France est favorable à une taxation permettant d’éviter le risque systémique, encore une fois à l’échelon global, car c’est à cet échelon-là que nous devons raisonner. Comme vous le savez, des propositions européennes ont commencé à être discutées. La France entend évidemment jouer pleinement son rôle dans ce débat, avec le souci de mettre en place les mécanismes, y compris financiers, pour lutter contre le risque systémique.

Je tenais à apporter ces précisions, ce qui me permettra de répondre plus brièvement par la suite.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 2, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, inséré un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au IV de l'article 6 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, les mots : « 0, 40 et 0, 80 pour mille » sont remplacés par les mots : « 0, 80 et 1, 20 pour mille ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’un des faits générateurs de l’accroissement de la dette obligataire a été le soutien apporté par les États aux établissements de crédit en difficulté après la crise systémique de l’été 2008.

En France, comme au Royaume-Uni ou aux États-Unis, des sommes considérables – dans notre pays, il s’est agi, je le rappelle, de 360 milliards d’euros – ont été déclarées mobilisables pour faire face à la crise de confiance des opérateurs bancaires et aux effets désastreux de la restriction du crédit sur l’économie.

Cette dette obligataire nouvelle est aujourd’hui l’un des vecteurs de l’attaque des marchés financiers contre les États, par un retournement de l’histoire pour le moins surprenant.

Mais le fait est que nous avions déjà marqué à l’automne 2008 notre très grande circonspection quant à la manière dont avait été conçue l’action publique en la matière ; nous avions ainsi dénoncé un risque de crise obligataire latent.

La loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a décidé de mettre quelque peu à contribution les établissements de crédit, en prélevant une forme de cotisation mutuelle versée à la Banque de France dont nous pouvons penser qu’elle est destinée à couvrir les risques systémiques futurs dans le secteur financier.

D’ailleurs, une telle démarche, qui doit selon nous être confortée, participe d’une nécessaire prévention des risques par les acteurs des marchés eux-mêmes, en évitant autant que faire se peut le recours à l’intervention publique, une intervention publique que l’on s’empresse en général de faire payer au prix fort au contribuable ; nous l’avons rappelé voilà un instant.

À l’évidence, cet article de la loi de finances n’aurait pas trouvé de raison d’être sans la profonde interrogation, pour ne pas dire plus, de l’opinion publique devant la valse aux milliards qui a accompagné un temps l’annonce des plans de sauvetage des banques.

Le rapport public thématique de la Cour des comptes sur les concours publics aux établissements de crédit ne dit d’ailleurs pas autre chose.

Ainsi, parmi les propositions formulées dans ce rapport, figure, entre autres, la nécessité d’« augmenter la contribution des banques à la garantie des dépôts des épargnants » et celle d’« étudier les conditions de mise en œuvre d’un prélèvement exceptionnel sur les banques visant à réduire les comportements risqués ».

Je ne peux donc que vous inviter à adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La contribution dont il est ici question a été créée en loi de finances pour 2010 et les taux ont été fixés à cette occasion.

Cette contribution pour frais de contrôle est affectée à la nouvelle autorité de contrôle prudentiel des banques. Son produit doit correspondre aux dépenses à engager par cette autorité.

Il est beaucoup trop tôt pour revenir sur la détermination de ce taux. Il faudra apprécier le moment venu, et au vu des demandes qui pourraient être formulées par l’Autorité de contrôle prudentiel, si le taux voté à titre prévisionnel dans la loi de finances initiale pour 2010 a été fixé au bon niveau. Nous ne disposons pas aujourd'hui des éléments d’information qui nous permettraient de modifier les taux fixés en loi de finances.

Il convient donc, à ce stade, de rejeter cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 3, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les bénéfices obtenus grâce à la détention ou à la commercialisation de produits financiers dérivés, semblables aux couvertures de défaillance, sont imposés au taux de 95 %.

La parole est à M. Bernard Vera.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

Les opérations sur produits dérivés ont été l’une des causes essentielles de la crise financière systémique de l’été 2008.

Elles ont d’ailleurs continué à faire ressentir leurs effets dans la crise obligataire grecque, puisque la notation de la Grèce a été si fortement dégradée que certains ont tenté de trouver leur compte en spéculant sur le risque de défaut de la république hellénique.

Il y aurait, ici, beaucoup à dire sur les agences de notation, sur leurs liens avec nombre d’opérateurs de marché, sur leur rigueur pour le moins sélective.

Au demeurant, malgré certaines affirmations « bravaches » de 2008 où l’on annonçait le retour de la vraie économie, la fin de la financiarisation, la levée du secret bancaire, la lutte déterminée contre les paradis fiscaux et, surtout, la moralisation du capitalisme, force est de constater que pas grand-chose ne s’est passé pour le moment !

La crise obligataire que nous vivons le montre.

Pour autant, voilà que le gouvernement allemand s’apprête à interdire purement et simplement les opérations sur les CDS, ces Credit Default Swaps qui ont entre autres particularités celle de ne pas se dérouler sur un marché financier « transparent » et réglementé, mais de se produire dans le cadre d’opérations de gré à gré, c’est-à-dire d’acheteur à vendeur.

Pour ce qui est du gouvernement américain, il a, dans le cadre de la réforme des marchés financiers promue par le président Obama et par le secrétaire américain au Trésor, M. Geithner, décidé de rendre ces opérations transparentes, c’est-à-dire de les réglementer.

Pouvons-nous, en France, faire moins que ce que va faire, dans le cadre d’un texte de loi précis, le gouvernement Allemand ? Pourquoi ne pas nous inspirer de l’exemple américain ?

Sans interdire, nous pouvons au moins décourager !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons évoqué, au cours de la discussion générale, la question des produits dérivés, plus spécialement celle des contrats d’échange sur défaut – si je me hasarde à une traduction en français du CDS.

Sourires

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Ce n’est pas mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faudrait que nous revenions sur tous ces sujets à l’occasion de la discussion du texte sur la régulation financière, qui sera examiné très prochainement.

Je ne crois pas que l’approche fiscale qui est proposée ici soit la plus pertinente. La question est de savoir quelle place doit être accordée à ces contrats. Dans quelle mesure peuvent-ils et doivent-ils être admis par nos législations financières et par le droit communautaire ?

Il me semble, cher collègue, que la taxation que vous proposez est défaitiste puisque vous prenez le marché tel qu’il est. Or il serait souhaitable que le marché évolue et que les instruments qui s’y échangent puissent obéir à une discipline, discipline qui n’existe pas complètement aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nos collègues, en présentant cet amendement, soulèvent une vraie question qui a déjà été abordée dans la discussion générale : la position de la France sur les CDS.

Un de nos collègues, Pierre-Yves Collombat, vous avait posé une question d’actualité sur ce sujet, madame la ministre, il y a environ quinze jours, à la suite de la décision prise par l’Allemagne de passer en force.

Vous lui aviez répondu que la France, finalement, n’était pas en désaccord avec l’Allemagne, puisque notre pays avait également adopté des dispositions similaires. Vous nous l’avez confirmé tout à l’heure. Néanmoins, si des dispositions ont bien été prises, elles sont partielles et ne concernent que quelques titres de société.

Le dossier est donc sur la table. J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale, notamment sur les ventes à découvert. Il me semble que le projet de loi de régulation bancaire et financière ne résoudra pas le problème. Je ne comprends pas pourquoi nous n’avançons pas dans la direction d’une suspension de ce type d’activité.

Je ne fais pas partie des gens qui veulent jeter le bébé avec l’eau du bain ; certains produits dérivés peuvent être utiles, à condition qu’ils soient contrôlés.

Cependant, une spéculation de ce type n’est pas acceptable et doit être à tout le moins très fortement réglementée…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

… – je ne pense pas que nous en prenions le chemin –, voire carrément suspendue.

Je voterai donc cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 4, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 200-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 200-0 A. - Le total des réductions et crédits d'impôt sur le revenu ne peut pas procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 20 000 euros.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »

La parole est à M. Bernard Vera.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Vera

« La hausse des impôts, inévitable en France » a titré en première page un quotidien du soir dans son numéro daté de ce jour.

La situation des comptes publics, profondément dégradée par l’aggravation de la conjoncture économique et par les choix d’allégements jusqu’ici mis en œuvre, est si préoccupante qu’il convient de se poser la question et de trouver une réponse au plus près possible du principe d’égalité devant l’impôt.

Or si quelque chose met en cause le principe d’égalité devant l’impôt, c’est bien l’existence dans notre législation d’un nombre sans cesse grandissant de niches fiscales et sociales, dont le coût budgétaire total, difficile à chiffrer, doit sans doute être assez proche de la réalité du déficit courant…

Le débat sur le plafonnement des niches fiscales a été mené à plusieurs reprises dans cette assemblée, surtout depuis qu’il a été fait part de la volonté de les « plafonner ». Il s’agit, d’ailleurs, d’un plafonnement dont l’efficacité est pour le moins sujette à caution puisqu’il se limiterait à 200 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à 0, 5 % du coût mesurable et mesuré de toutes les mesures corrigeant l’application du barème de cet impôt.

Avec cet amendement, nous proposons d’aller plus loin en procédant à l’instauration d’un plafonnement unique de 20 000 euros de réductions et crédits d’impôt par foyer fiscal, sans référence aucune au niveau du revenu.

Une telle limite, dégageant plusieurs centaines de millions d’euros de rendement, pourrait représenter six à huit fois la cotisation moyenne de chaque redevable de l’impôt sur le revenu et un montant proche du revenu moyen des foyers fiscaux de notre pays.

Sans modifier, par conséquent, le barème de l’impôt sur le revenu, nous pourrions répondre aux exigences d’égalité devant l’impôt de manière plus pertinente qu’aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel beau débat en perspective !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous avez parfaitement raison, cher collègue : la réduction de la dépense fiscale est un levier essentiel sur la voie vers l’équilibre. La commission des finances du Sénat milite en ce sens depuis déjà longtemps.

Néanmoins, il n’est pas possible, à ce stade, surtout sur la base de la formule que vous proposez, de traiter cette question.

Nous pourrions, d’ailleurs, nous interroger sur la faveur que vous faites à certaines niches. Nous savons qu’échappent au plafonnement actuel certains avantages, comme les cotisations aux organisations syndicales, l’acquisition de certains équipements pour l’habitation principale, les emprunts souscrits pour la reprise d’une entreprise, l’adhésion à un organisme de gestion agréé, et évidemment la liste n’est pas exhaustive.

Abaisser le plafond est une bonne idée, mais celui-ci pourrait être encore plus « englobant ». On peut aller encore plus loin…

Nous débattrons de ces sujets en temps utile. Je vous remercie de cette initiative, qui contribue à nous sensibiliser sur cette question, mais je préconise le rejet de l’amendement n° 4.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de la rémunération de services instituée par le décret n° 2010-471 du 11 mai 2010 portant modification du décret n° 2006-1810 du 23 décembre 2006 instituant des redevances pour services rendus par la direction générale de l’aviation civile.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

I. – Pour 2010, l’évaluation des ressources et les plafonds des charges de l’État demeurent inchangés depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010. Il en est de même de l’équilibre budgétaire en résultant.

II. – Pour 2010 :

1° L’évaluation des ressources et des charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier demeure inchangée ;

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

III. – Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vais mettre aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Je rappelle que, en application de l’article 47 bis du règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie d’un projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

La première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010 est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 5, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1465 A du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai dans le même temps les amendements n° 6 et 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je vous en prie, mon cher collègue.

L'amendement n° 6, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 78 de la loi n° 20091673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est ainsi modifié :

1° Le II du 2.2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux départements éligibles en 2009 à la dotation définie à l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales. » ;

2° Le II du 2.3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne sont pas applicables aux régions visées à l'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales. »

L'amendement n° 7, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au III de l'article 1599 quater B du code général des impôts, le montant : « 12 € » est remplacé par le montant : « 11 € ».

II. - Au III de l'article 1519 H du code général des impôts, le montant : « 1530 € » est remplacé par le montant : « 2050 € ».

III. - Pour l'année 2010, la perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

IV. – À compter de l'année 2011, la perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une augmentation des taxes locales.

Veuillez poursuivre, cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Ces trois amendements soulèvent le problème du devenir des finances locales.

Ils visent à poser une question qui ne figure pas dans le présent projet de loi de finances rectificative, celle de la taxe professionnelle, notamment de l’activation de la fameuse « clause de revoyure », qui a été utilisée par le Gouvernement pour faire accepter la suppression du principal outil fiscal à la disposition des élus locaux.

Depuis le début de l’année, nous en sommes à trois collectifs budgétaires, mais aucune des dispositions prévues n’a porté sur les finances locales !

Le premier de ces amendements vise à supprimer une disposition dont l’obsolescence semble avérée avec la disparition de la taxe professionnelle, à savoir le droit pour une entreprise implantée en zone de revitalisation rurale de bénéficier, sauf opposition des élus, d’une exonération de taxe professionnelle.

L’objet fiscal ayant disparu, le droit à exonération s’applique maintenant à la cotisation foncière. Le rendement moindre de cette taxe ne nous paraît aucunement justifier le maintien d’un tel dispositif.

Le deuxième de ces amendements porte sur le problème du fonctionnement des fonds nationaux de garantie des ressources des départements et des régions.

La lecture des simulations fournies par le ministère lui-même est sans équivoque : si, sans surprise, certains départements d’Île-de-France, ou la région elle-même, sont placés en situation de contributeurs nets des fonds de garantie, ce qui peut se comprendre, par exemple, pour Paris ou pour les Hauts-de-Seine, on découvre aussi que certains départements ou certaines régions sont mis à contribution alors même que leur situation financière est loin d’être très positive.

C’est notamment le cas de la Martinique et de la Réunion, en qualité de départements, et de la Réunion, en qualité de région. C’est également le cas de départements métropolitains ; je pense à la Lozère, dont les finances sont écrêtées à hauteur de 2, 2 millions d’euros, comme d’ailleurs celles de la quasi-totalité de ses EPCI.

On aboutit à une situation paradoxale où la faiblesse des ressources de taxe professionnelle, que les élus locaux ont pu parfois compenser par des prélèvements plus significatifs sur les impôts dits « ménages », se trouve doublement pénalisante puisqu’elle engendre un écrêtement des ressources cumulées.

Nous proposons donc que les départements d’outre-mer et les autres départements et régions éligibles aux dotations de péréquation soient exemptés de tout concours aux fonds de garantie.

Enfin, le troisième amendement de notre groupe pose la question de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER. Le rapport de la mission Durieux, commandité dans la perspective de la mise en jeu de la clause de revoyure, est d’ailleurs très précis sur ce point. Il révèle en effet que l’essentiel de l’imposition forfaitaire exigible du secteur des télécommunications est supporté par le seul réseau fixe, qui s’avère pourtant le segment le moins dynamique au regard du chiffre d’affaires des opérateurs.

En effet, sur un produit fiscal attendu de 546 millions d’euros au titre de l’IFER due par le secteur des télécommunications, 402 millions d’euros, soit près de 75 % du total, sont prélevés sur la « boucle locale cuivre » et, en pratique, supportés essentiellement par l’opérateur historique. Cet amendement a donc pour objet de rééquilibrer la fiscalité, notamment au regard du chiffre d’affaires de chaque segment d’activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ces amendements relèvent d’une heureuse initiative, même si je n’en préconise pas l’adoption, parce qu’ils mettent l’accent sur la clause de rendez-vous. Beaucoup d’entre nous, mes chers collègues, n’auraient pas voté la réforme de la taxe professionnelle en l’absence d’une telle clause.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendez ma chute, ma chère collègue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Un article de la loi de finances initiale pour 2010 prévoyait l’intervention d’un véhicule législatif en cours d’année. Nous l’avions voté tout en sachant que la nouvelle cotisation foncière et la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, perçues provisoirement cette année par l’État pour le compte des collectivités territoriales, se mettraient en place progressivement et que les chiffres réels sur la base desquels des ajustements devront être effectués ne sont pas encore connus, du moins selon une série suffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

La péréquation, ce n’est pas un ajustement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour raisonner en termes de péréquation, il faut disposer des chiffres bruts.

Grâce à la présentation des amendements du groupe CRC-SPG, le Gouvernement va pouvoir répondre aux préoccupations exprimées par un grand nombre d’entre nous. En effet, madame la ministre, nous avons besoin d’y voir clair, tant sur la méthode que sur la date du rendez-vous. La commission des finances du Sénat est particulièrement attentive à cette question. Elle l’a montré en organisant plusieurs tables rondes sur certains sujets relatifs à la mise en place de la réforme de la taxe professionnelle et elle n’exclut d’ailleurs nullement de proposer des modifications significatives de cette réforme lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011.

En conclusion, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements, mais elle est très favorable à ce que Mme la ministre nous apporte des éclaircissements !

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur ces trois amendements.

Le rapport Durieux m’a été remis le 27 mai dernier. Il a été soumis avant-hier au Comité consultatif des finances locales, qui a émis un avis favorable. La semaine prochaine, je remettrai aux deux assemblées le rapport du Gouvernement établi sur la base des analyses et des simulations élaborées sous l’autorité de M. Durieux. À la lumière de ce rapport, nous aurons donc l’occasion d’examiner, lors du débat d’orientation budgétaire, les conclusions et appréciations de la commission des finances. Peu après ce débat, les six parlementaires en mission qui avaient été désignés par le Premier ministre déposeront leur rapport. Leurs conclusions permettront d’éclairer la représentation nationale, sachant qu’ils ont effectué un véritable tour de France pour consulter les élus de terrain et travaillé sur la base des données statistiques et factuelles qui figurent en annexe au rapport Durieux.

Tel est donc le calendrier que nous avons prévu.

Les conclusions du rapport Durieux sont assez positives dans l’ensemble quant à la réalisation des objectifs de la réforme. S’il souligne un certain nombre d’insuffisances, notamment en matière de péréquation, il suggère également des méthodes pour progresser dans cette voie.

J’ajoute que les chiffres communiqués par un journal économique du matin ne reflètent nullement une erreur d’appréciation de mes services.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Ils ne me surprennent d’ailleurs pas outre mesure et n’attestent pas d’une quelconque légèreté dans le chiffrage effectué. En effet, après le vote du Parlement sur la réforme de la taxe professionnelle, le Conseil constitutionnel a invalidé certaines dispositions de la loi de finances relatives aux bénéfices non commerciaux, ce qui a eu pour conséquence d’alourdir de 800 millions d’euros le coût de la réforme pour l’État.

Par ailleurs, l’Inspection générale des finances a réalisé ses travaux sur la base des déclarations au titre de 2009, alors que l’ensemble de nos calculs se fondaient sur les chiffres de 2008.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Nous avons rectifié nos évaluations au fur et à mesure, mais nous ne disposions pas des déclarations pour 2009. Je vous annonce d’ores et déjà que ces chiffrages ne sont pas définitifs et seront probablement réexaminés sur la base des déclarations au titre de 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

M. le rapporteur général, fidèle à son habitude, a ouvert une porte, dans laquelle nous ne saurions manquer de nous engouffrer ! Nous avions mis en garde nos collègues de la majorité, en soulignant que la clause de revoyure dont l’instauration conditionnait leur vote n’était qu’un leurre. Madame la ministre, vous venez de confirmer que l’engagement scellé dans la loi de finances initiale pour 2010 ne sera pas tenu par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Christine Lagarde, ministre

Je n’ai pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mais si ! Vous nous annoncez des rapports, des communications, mais le calendrier ne permettra pas que nous ayons un rendez-vous avant le 31 juillet, pour la bonne raison que les entreprises ont obtenu le report au 15 juin du dépôt de leur déclaration pour l’une des contributions qui se substituent à la taxe professionnelle. On ne voit donc pas comment vous pourriez tenir l’engagement pris dans la loi de finances, que vous n’avez du reste pas confirmé.

Il serait pourtant urgent de revoir les choses, notamment au regard de la péréquation. En effet, le nouveau dispositif, comme l’a montré le Conseil des prélèvements obligatoires, est très défavorable aux communes et aux départements pauvres, ainsi qu’à une partie des régions. Compte tenu des orientations budgétaires données par le Gouvernement – vous avez confirmé, madame la ministre, que le projet de loi de finances pour 2011 mettra principalement l’accent sur la réduction drastique de la dépense publique –, on ne voit pas comment la question des impôts de remplacement de la taxe professionnelle pourrait être réglée. La visibilité ne sera donc pas meilleure pour les collectivités locales en 2011, malgré tous les travaux effectués par la commission des finances et les différentes missions auxquelles vous avez fait référence.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

I. – Dans les conditions mentionnées au présent article, le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État, au titre de la quote-part de la France dans le dispositif de stabilisation dont la création a été décidée à l’occasion de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010 et dans la limite d’un plafond de 111 milliards d’euros, à une entité ad hoc ayant pour objet d’apporter un financement ou de consentir des prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro, ainsi qu’aux financements obtenus par cette entité.

II. – La garantie de l’État mentionnée au I peut faire l’objet d’une rémunération.

III. – La garantie de l’État mentionnée au I ne peut pas être octroyée après le 30 juin 2013.

IV. – Lorsqu’il octroie la garantie de l’État en application du présent article et lorsque l’entité ad hoc mentionnée au I apporte un financement ou consent des prêts, le ministre chargé de l’économie informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. –

Adopté.

Le 5° de l’article 2 de la loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création d’un Fonds monétaire international et d’une Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement est ainsi rédigé :

« 5° Dans la limite d’un montant équivalent en euros à 18 658 millions de droits de tirage spéciaux, une somme correspondant à des prêts remboursables, dans les conditions prévues au i de la section 1 de l’article VII des statuts du fonds et par les décisions des administrateurs du fonds des 5 janvier 1962, 24 février 1983, 27 janvier 1997 et 12 avril 2010 concernant l’application de cet article. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2010, je donne la parole à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Nous sommes en train de changer de système. Jusqu’à présent, les Européens croyaient dans la possibilité de séparer les domaines économique, financier et monétaire. Or nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui sur une question relevant très clairement de la politique monétaire. En ce qui me concerne, cette évolution ne m’étonne pas trop, car dès l’instant où l’on a inventé le crédit, on a inventé la monnaie, et la contrepartie de l’évolution monétaire, ce sont toujours des crédits et des financements.

Madame le ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, auquel j’apporte mon total soutien, est donc un texte monétaire, même si le mot n’est pas utilisé.

Cela ne va pas sans poser de problèmes, car le même type de dispositif doit être adopté dans l’ensemble des pays constituant la zone euro, puisqu’ils ont la même monnaie. À cet égard, vous nous avez rassurés, madame le ministre, sur le comportement de l’Allemagne et sur certaines divergences d’appréciation sur les dispositifs concernant les opérations à terme.

Puisque nous sommes en train de changer de système, un déséquilibre ne risque-t-il pas d’apparaître à un moment donné ? Nos institutions nous permettent-elles de bien supporter cette évolution ? Ne devons-nous pas aller plus loin dans l’adaptation de nos dispositifs, parce qu’une monnaie unique suppose une politique monétaire unique et, si possible, des politiques budgétaires très cohérentes ? À l’image de la femme de César, l’euro doit être insoupçonnable : pour cela, il faut que les pays dont il est la monnaie mettent en œuvre des dispositifs communs.

En tout état de cause, nous voterons bien évidemment ce projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je partage la plupart des réserves émises par mon collègue Jean-Pierre Chevènement. Entre la nécessaire sagesse budgétaire et l’austérité, comment trouver le point d’équilibre ? Alors que la reprise économique s’esquissait à peine, les plans de rigueur pourraient s’avérer contre-productifs. De plus, de quelles garanties disposons-nous contre les risques futurs de défaut de paiement des pays aidés ?

Certes, l’urgence commande de mettre en place une succession de plans de sauvetage, mais nous ne sortirons pas de ce cycle infernal si l’Europe n’instaure pas une véritable gouvernance économique. Je me réjouis de constater que cette idée fait son chemin depuis quelque temps.

La mondialisation commande à l’Union européenne de se comporter en véritable puissance, mais si la coordination des politiques économiques se dessine aujourd’hui de façon plus concrète, elle consiste pour le moment en une réponse au coup par coup aux crises successives. Il nous faudrait donc aujourd’hui l’ériger en véritable projet politique afin de mieux armer l’Union européenne dans ce monde globalisé.

Rappelons que la coordination des politiques économiques en Europe est inscrite dans le traité fondateur de l’Union. Il aura malheureusement fallu attendre une crise d’une gravité exceptionnelle pour que cette voie soit concrètement explorée. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans un rapport d’information quelque peu prémonitoire rédigé au nom de la délégation du Sénat pour la planification avec mon collègue Joël Bourdin, trop souvent les politiques budgétaires des États membres ne sont pas coordonnées, allant même jusqu’à être antagonistes, ainsi que le révèlent des réponses différentes à des chocs pourtant communs. La concurrence fiscale est la manifestation la plus spectaculaire de cet état de choses.

L’antagonisme se retrouve aussi dans le partage de la valeur ajoutée. Les experts économiques l’ont démontré, le choix de la désinflation compétitive de l’Allemagne, en particulier, a coûté 0, 4 point de produit intérieur brut à la France entre 2001 et 2005. Une coordination des politiques économiques et budgétaires éviterait de prolonger dangereusement ces approches divergentes, qui jouent à terme contre l’Europe et qui, de surcroît, n’ont aucun sens dans le cadre d’une monnaie commune.

Je crois, mes chers collègues, que ces crises à répétition – douloureuses, ne l’oublions pas, pour beaucoup de nos concitoyens frappés par le chômage – doivent servir de leçon. Je n’évoquerai pas, à cet instant, les réticences allemandes, qui se sont encore exprimées par la voix d’Axel Weber, le président de la Deutsche Bundesbank, contestant les décisions de la BCE. Je le répète, la coordination est la seule issue pour donner à l’Europe les moyens de participer au mouvement de reprise économique qui se fait jour hors de la zone euro.

En attendant des jours meilleurs, la majorité des membres du RDSE votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2010, tandis que les autres manifesteront leurs réserves par une abstention positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je confirme que nous voterons contre ce texte. Le présent collectif budgétaire et celui qui l’a précédé, auquel nous nous étions également opposés, sont les deux faces d’une même médaille. L’austérité qui est aujourd’hui imposée aux Grecs le sera demain aux autres peuples européens, à commencer par le peuple français. Les marchés financiers sont rassurés par un tel texte. Quant aux Français, ils vont pouvoir travailler jusqu’à 63 ans !

Nous ne pouvons évidemment disjoindre les deux aspects de la question et séparer ce que l’on continue d’appeler abusivement « plan de soutien à l’euro » de l’épidémie d’austérité qui gagne désormais les États de l’Union européenne. D’ailleurs, nous venons d’apprendre que le tout nouveau gouvernement de centre droit de la République tchèque a décidé de se conformer aux logiques à l’œuvre sur le continent !

Pour notre part, nous persistons à attendre des collectifs budgétaires qu’ils manifestent enfin les inflexions politiques nécessaires en matière de dépenses publiques et de politiques publiques.

Madame la ministre, un moment viendra où il faudra dire la vérité aux Français, notamment lorsque vous devrez, de toutes les manières possibles, accroître les impôts sans renforcer l’action publique, à moins que vous ne décidiez de rompre avec la logique interne d’une construction européenne au bord de l’implosion, destructrice des acquis sociaux et collectifs.

Nous rejetons sans ambiguïté ce collectif budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

J’ai déjà exposé les raisons pour lesquelles mon groupe votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Comme le dispositif sera mis en place par tranches, le IV de l’article 3 prévoit que le Gouvernement informera les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances lorsqu’il octroiera la garantie de l’État.

Prévoir une simple information me semble quelque peu léger… J’aurais préféré, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, que nous fussions consultés. Il me paraîtrait en effet important que les commissions chargées des finances puissent émettre un avis ; cela va d’ailleurs dans le sens de la revalorisation du rôle du Parlement.

Par ailleurs, lors d’une récente séance de questions d’actualité, vous avez indiqué à un de mes collègues, madame la ministre, que le programme de stabilité avait été transmis aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour ce qui me concerne, bien que membre de la commission des finances du Sénat, je n’ai pas eu communication de ce document.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du scrutin n° 219 :

Le Sénat a adopté définitivement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.