Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines, vous avez adopté un projet de loi de finances rectificative visant à permettre un prêt de la France à la Grèce. Aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même vous présentons un nouveau projet de loi de finances rectificative, approuvé très récemment par l’Assemblée nationale, projet qui tend notamment à autoriser la France à participer au mécanisme européen de stabilité financière que les pays de la zone euro viennent d’adopter. Nous sommes très heureux de représenter le Gouvernement devant vous pour évoquer cet important sujet.
C’est à nous, membres de la zone euro, de donner à cette période complexe, faite de tensions, la marque que nous souhaitons lui imprimer. C’est donc à nous d’agir et de prouver la solidarité de la zone euro, en dépit du scepticisme de certains. En effet, les plus pessimistes considèrent peut-être cette période comme un obstacle majeur, voire un constat d’échec de la construction européenne. Mais ceux dont Christine Lagarde et moi-même, avec l’ensemble du Gouvernement, faisons partie pensent au contraire que cette épreuve est l’occasion d’un resserrement durable des liens entre les pays européens.
Certes, on constate des incertitudes et des faiblesses dans l’Europe que nous avons construite, mais nous ne devons pas pour autant nous décourager. Au contraire, nous devons saisir cette occasion, car c’est le fait de prendre conscience des difficultés qui permet d’avancer. L’histoire est jalonnée de telles crises, qui ont permis de renforcer la construction européenne.
Les tensions sur les marchés financiers menacent la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro. Le mécanisme que nous vous présentons aujourd’hui vise à les contrer. La France agit de façon solidaire, car attaquer un pays de la zone euro, c’est s’en prendre aux États membres dans leur ensemble et s’exposer à une réponse ferme et déterminée, ce que propose le plan.
Les difficultés rencontrées par la Grèce ont indiscutablement joué un rôle de révélateur, en mettant en évidence l’absence de dispositif permettant de venir en aide à un État membre de la zone euro en difficulté financière. Les marchés auraient pu spéculer sur une possible contagion de la crise grecque au sein de la zone euro. C’est la raison pour laquelle les États de la zone euro ont voulu avec force se prémunir d’une telle éventualité. Ne pouvant se contenter du sauvetage au cas par cas, ils ont donc adopté une approche globale et coordonnée.
C’est dans un esprit de responsabilité et d’exemplarité que les chefs d’État et de gouvernement européens ont agi. Début mai, ils ont choisi de doter l’Europe de moyens financiers importants, mobilisables en cas de besoin par l’ensemble des pays membres de la zone euro. La réponse européenne fait d’ailleurs partie d’un ensemble plus vaste de résolutions visant à tirer les leçons de la crise grecque. Les États membres sont ainsi convenus d’assurer rapidement la consolidation des finances publiques et la mise en œuvre de réformes structurelles. C’est donc tout un dispositif qui permettra à l’Union européenne d’améliorer la gouvernance économique européenne.
Comme Mme Christine Lagarde l’a évoqué tout à l’heure avec le talent qu’on lui connaît, nous avons souhaité que le mécanisme européen repose sur deux piliers, l’un communautaire et l’autre intergouvernemental. Par ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de tirer les conséquences de l’accord du G20 visant à octroyer de nouvelles capacités d’emprunt au FMI.
Des épisodes successifs de tensions sur les marchés financiers expliquent la mise en place de ce mécanisme européen de stabilisation financière. Le volet communautaire permettra à l’Union européenne de mobiliser jusqu’à 60 milliards d’euros, tandis que le volet intergouvernemental prendra la forme d’un fonds européen de stabilité financière.
Vous le savez, ce projet de loi vise aussi à octroyer de nouvelles capacités d’emprunt au FMI, pour lui permettre, en cas de besoin, de participer au mécanisme de stabilisation. À cet égard, je souhaite apporter une précision : il nous est apparu plus cohérent, politiquement plus sincère à l’égard de la représentation nationale et plus marquant de présenter conjointement le plan de soutien à la zone euro et le renforcement des ressources du Fonds monétaire international.
Par ailleurs, ce nouveau projet de loi de finances rectificative ne modifiera aucun des équilibres budgétaires fixés lors du dernier collectif. Les ressources et les charges de l’État demeurent inchangées ; le solde budgétaire reste par conséquent à son niveau actuel, soit moins 152 milliards d’euros. Toutefois, la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, que nous appliquons nous impose de passer par une loi de finances. Ainsi, une transparence totale sera assurée en ce qui concerne les engagements de l’État.
Par ailleurs, il n’y a pas de modification du tableau de financement, et donc pas de modification du programme d’émission français.
Plusieurs raisons expliquent cette absence d’impact budgétaire du projet de loi. Tout d’abord, le volet communautaire relève de l’Union européenne. Quant au fonds européen de stabilité financière, il s’agit d’une garantie, donc avant tout d’un dispositif de précaution à vocation dissuasive, dont la mise en œuvre devrait être exceptionnelle. Il ne pourrait y avoir d’impact budgétaire qu’en cas d’appel effectif de la garantie, c’est-à-dire en cas de défaut de remboursement d’un État bénéficiaire. Enfin, le relèvement de la contribution de la France au FMI, conformément aux Nouveaux accords d’emprunt, n’aura pas d’incidence sur le solde budgétaire. Des mécanismes de compensation entre l’État et la Banque de France permettent en effet d’assurer la neutralité de cette opération.
Je rappelle, en guise de conclusion, que l’Europe a déjà traversé nombre d’épreuves ; il a fallu beaucoup de recul, mais aussi de détermination pour y faire face. Il est évidemment de la responsabilité de la France, comme de celle des autres États membres, de continuer à tracer le chemin que nous avons encore à parcourir ensemble.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouirais de voir que ces convictions sont aussi les vôtres.