Le projet de loi que nous examinons vise à autoriser l’État à garantir un dispositif opérationnel au plus vite. À cet égard, soulignons notre réactivité, puisque nous serons le deuxième État dont le Parlement approuvera ce plan de stabilité financière de l’Europe et de l’euro. L’Allemagne s’étant déjà livrée à cet exercice législatif, il nous appartient maintenant de le faire, pour que l’accord intergouvernemental du 9 mai dernier puisse se traduire dans les faits.
Vous avez bien voulu, madame, monsieur le ministre, nous présenter les grandes lignes de ce dispositif. Je rappelle que l’entité ad hoc pourrait émettre jusqu’au 30 juin 2013 et à concurrence de 440 milliards d’euros. Notre garantie, accordée à hauteur de 111 milliards d’euros, viendrait s’ajouter aux autres garanties déjà allouées, notamment celles qui ont été créées dans le cadre de la crise financière.
Permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, qu’au 31 décembre 2009, la dette garantie de la France s’élevait à 150 milliards d’euros, dont 108 milliards d’euros au titre des mesures de soutien à l’économie et au secteur financier adoptées en octobre 2008.
Le dispositif que vous nous proposez, madame, monsieur le ministre, est adapté aux circonstances. Il est surtout porteur d’un changement profond et indispensable de la gouvernance de la zone euro.
Les marchés, ces dernières semaines, se sont efforcés d’introduire des différenciations, d’enfoncer un coin entre les différents États membres de la zone euro. Normalement, celle-ci devrait être considérée comme un tout : l’euro est une seule et même monnaie, et les émissions de titres souverains des États membres de la zone devraient bénéficier d’une crédibilité unique.
Or le comportement des opérateurs et la réalité des marchés ont abouti ces dernières semaines à des différenciations croissantes, qui constituent une grave menace à laquelle il a fallu répondre sous la forme de l’accord intergouvernemental du 9 mai dernier, qui engendrera un changement profond. En effet, même si les États qui participent à l’accord intergouvernemental n’apportent pas de garanties conjointes et solidaires, il n’en reste pas moins que le principe de solidarité financière entre les États membres de la zone euro est réaffirmé. En d’autres termes, le « centre » se porte garant pour la « périphérie », celle-ci ayant vocation à converger avec le centre pour que la zone euro retrouve une seule et même crédibilité.
Nous le savons, madame le ministre, ce dispositif n’est pas encore parfait. Les éléments de mise en œuvre sont toujours en cours de négociations, mais il n’est pas indispensable de connaître la conclusion effective et juridique de ces dernières pour souscrire à la garantie qu’il nous est demandé d’autoriser.
J’en viens aux aspects un peu plus structurels de toute cette affaire. Je voudrais vous convier, mes chers collègues, à quelques instants de réflexion sur une double crise, celle de l’Europe, mais aussi celle de la confiance en l’Europe. Agissant comme un révélateur, elle est l’enfant de la crise financière et économique qui a commencé en 2007, avant de prendre le tour dramatique que nous connaissons en 2008. Elle projette une lumière crue qui renvoie les États membres à leurs responsabilités. Après avoir créé et assumé la zone euro et l’euro, ils ont pour mission de les faire vivre dans la durée.
Nous le savons bien, nous n’avons pas le choix : il nous faut redevenir totalement maîtres de notre monnaie et des conditions de sa crédibilité.
Il n’est pas acceptable que des intervenants de marché, des agences de notation soient en situation de sanctionner des États soit parce que ceux-ci sont trop laxistes, soit parce qu’ils sont trop rigoureux. Pour autant, je ne veux pas incriminer ces opérateurs, ces intermédiaires ou ces agences de notation, dont il sera question dans le projet de loi de régulation bancaire et financière que le Sénat examinera prochainement, car, aussi imparfait soit-il, le thermomètre n’est pas responsable de la température ! Les données qu’il affiche, si cruelles soient-elles, sont bien le signe d’un mal qu’il faut combattre.
C’est pourquoi nous devons veiller à rétablir ensemble les conditions d’une confiance qui nous permette d’aller de l’avant pour sortir de la crise. À cette fin, nous devons prendre rapidement des mesures concrètes et crédibles.
Incontestablement, les esprits évoluent. J’en veux pour preuve les propositions de la Commission européenne et du groupe Van Rompuy en faveur d’un « semestre européen ». Même si, sur le plan technique, on ne sait ce que recouvre très précisément cette notion, on devine néanmoins l’orientation qu’elle sous-tend.
Ces propositions font écho à nos débats internes sur la trajectoire des finances publiques et la crédibilité des engagements de la France.
Madame, monsieur le ministre, l’ensemble de ces éléments conduisent la commission des finances à réaffirmer quatre principes.
Premièrement, l’Eurogroupe doit être renforcé. S’il doit se doter d’un secrétariat susceptible de travailler en lien étroit avec la commission, encore convient-il de préciser que la zone euro est d’abord l’affaire des pays ayant adopté l’euro comme monnaie unique, et, très secondairement à mon sens, celle des autres États membres, c'est-à-dire de ceux qui n’ont pas voulu s’astreindre à cette discipline et à cette association.