Intervention de Georges Mouly

Réunion du 22 janvier 2008 à 10h00
Avenir de la formation professionnelle en france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Georges MoulyGeorges Mouly :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour réaliser l'objectif de plein-emploi, la formation professionnelle initiale et continue constitue un élément primordial.

À une question écrite que j'ai adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi m'a apporté les éléments de réponse suivants : « la qualification des personnes est un des éléments clés pour permettre à la France de participer à la construction d'une zone économique plus compétitive ».

Dans cette optique, le système visant à la nécessaire qualification reste peut-être insuffisamment articulé sur les entreprises et sur leurs besoins. C'est bien connu - et, hélas ! ce n'est pas d'aujourd'hui - l'enseignement professionnel reste encore trop souvent une orientation par défaut.

D'autres handicaps existent : la spécialisation des titres et des diplômes face à la polyvalence requise par le marché du travail, l'éclatement de la gestion de la formation professionnelle entre sept ministères, le poids prépondérant que conserve le diplôme initial.

Comme tout commence par une orientation choisie, il est nécessaire d'améliorer la connaissance concrète des métiers que peuvent avoir les plus jeunes. Ainsi, monsieur Carle, vous avez évoqué, à juste titre, l'importance de la classe de troisième, de la découverte professionnelle, de l'information des élèves et des familles sur les débouchés des filières.

À ce stade de mon propos, je ne puis passer sous silence l'importance de l'apprentissage et, plus précisément, du préapprentissage. Celui-ci prend la forme de classes préparatoires à l'apprentissage, dont l'existence prendra fin au mois de juin prochain.

Je prendrai l'exemple d'un centre de formation d'apprentis de mon département, dont on peut tirer les chiffres suivants. Alors qu'environ 5 % des jeunes qui ont suivi une classe préparatoire à l'apprentissage mettent fin à leur contrat d'apprentissage, ce taux est de 10 % à 15 % en cas d'apprentissage direct, c'est-à-dire sans préapprentissage préalable.

Sur l'accès à la formation, l'une des critiques les plus souvent formulées - elle l'a été de nouveau ce matin - porte sur la difficulté d'accès des personnes à la formation, qui « doit s'articuler avec la politique de recherche », selon les termes mêmes de la réponse à la question écrite que j'ai déjà mentionnée.

Ainsi, l'inégalité d'accès à la formation est l'une des principales faiblesses du dispositif dédié aux salariés. Des chiffres ont déjà été cités, je ne les rappellerai pas.

J'en viens maintenant aux chômeurs. Les statistiques de l'ANPE indiquent que seulement 16 % des demandeurs d'emploi non qualifiés émettent un souhait de formation pendant l'entretien avec un conseiller, alors qu'une telle requête est le fait de 24 % des chômeurs les plus diplômés. La formation des chômeurs est bien emblématique de la complexité d'un système que les différentes personnalités auditionnées par la mission commune d'information sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle ont souvent comparé à un parcours d'obstacles. La réforme de l'ANPE pourrait y remédier.

Sur la question de l'apprentissage encore, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi précisent que la réforme « visera précisément à faire en sorte que les chômeurs, indemnisés ou non, bénéficient davantage de possibilités de se former pour améliorer leur capacité d'accès et de maintien dans l'emploi ».

En ce qui concerne les salariés, le mouvement a été lancé par l'accord national interprofessionnel relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle du 5 décembre 2003 et par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, qui ont créé à cette fin le droit individuel de formation, le DIF. Cet outil a été expressément construit afin de favoriser l'accès à la formation des salariés qui en sont le plus éloignés. Or le DIF est actuellement lié au contrat de travail et disparaît avec lui, sauf quand un accord de branche a prévu sa « transférabilité » à l'intérieur de la branche. J'insiste sur la portée limité du DIF, même si j'ai bien entendu les remarques que vous avez émises sur la place qu'il doit occuper, monsieur Carle.

L'offre des appareils de formation est diverse et hétéroclite. Principal organisme du secteur public, l'AFPA témoigne, selon moi, de l'effort de restructuration que le service public doit poursuivre.

Pour ce qui est des autres réseaux, le nombre d'organismes déclarés est impressionnant, alors que seuls quelques milliers d'entre eux sont actifs. Sans doute serait-il nécessaire d'instituer des garanties de solidité financière de ces organismes, mais c'est sans doute plus facile à dire qu'à mettre en oeuvre. Mon propos n'est pas aujourd'hui de dénoncer des lacunes ou des faiblesses.

Le financement de la formation professionnelle s'élève à 24 milliards d'euros, mais je n'entrerai pas dans le détail de sa répartition.

La réforme de l'apprentissage de 2005 s'est traduite par des prélèvements accrus et théoriquement mieux ciblés sur l'apprentissage. Il n'en reste pas moins que le circuit de cette taxe est particulièrement complexe. Ainsi, est-il désormais partiellement dirigé vers des régions fortement responsabilisées dans l'allocation des ressources de l'apprentissage.

Afin de simplifier le fonctionnement des entreprises, ne faudrait-il pas que celles-ci aient la possibilité de choisir librement un seul collecteur délégataire pour la collecte de l'obligation légale et de la taxe d'apprentissage ?

Par ailleurs, des économies d'échelle seraient souhaitables afin que chaque OPCA puisse proposer aux entreprises les services qu'elles sont en droit d'attendre, à commencer par une présence à l'échelon local. Par conséquent, ne serait-il pas utile de suggérer un mouvement de concentration des quatre-vingt-dix-huit OPCA ?

Avant de conclure, je tiens à évoquer le problème de la gouvernance. Sous le régime de la loi portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l'éducation permanente du 16 juillet 1971, la gouvernance de la politique de formation continue était assurée par l'État et les partenaires sociaux. La décentralisation engagée à partir de 1983 a ensuite fait émerger un nouvel acteur, la région. Après quelque vingt-cinq ans de décentralisation, peut-on estimer, à l'instar de Jacques Delors, initiateur de la loi de 1971, qu'il n'y a plus de pilote dans l'avion ?

Dans leurs relations avec l'État, les régions sont confrontées en amont aux impératifs de l'éducation nationale. Alors même qu'elles ont acquis des responsabilités croissantes dans le champ de l'enseignement, notamment pour la construction, l'équipement, l'accueil, l'entretien des lycées, elles se voient imposer la carte des formations professionnelles, ce qui se traduit par un défaut de rationalité. Parallèlement, elles doivent réaliser avec les partenaires sociaux la difficile conciliation entre logique territoriale et logique de branche, sans qu'une réelle structuration du dialogue social à l'échelon régional existe à l'heure actuelle.

Surgissent également des difficultés d'articulation avec d'autres collectivités territoriales, comme les départements, surtout depuis la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

Ces constats conduisent à distinguer trois échelons, l'État, la région, le département dans lequel se trouve le bassin d'emploi. Dans cette optique, il me semble élémentaire de rappeler que l'État doit veiller à la stricte égalité entre les différents points du territoire. Aux régions appartient la mise en cohérence des politiques de formation professionnelle et de leurs acteurs. À cette fin, il faut faire du plan régional de développement des formations professionnelles l'instrument de la stratégie globale de fondation à l'échelon régional, en associant à son élaboration l'ensemble des parties concernées.

Je conclurai mon propos en citant une dernière fois la réponse qui m'a été adressée : « La réforme de la formation professionnelle [...] fait partie des objectifs assignés par le Président de la République [...]. L'idée essentielle est de permettre que chaque Français ait la possibilité, à tout moment de sa vie professionnelle [...], de suivre une formation suffisamment longue pour lui permettre de changer de métier, de filière ou de qualification. La refonte des politiques de formation professionnelle constitue donc un chantier important pour 2008. Cette réforme devra prendre en compte les résultats des négociations des partenaires sociaux sur la modernisation du marché du travail et la sécurisation des parcours professionnels. »

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite que ma contribution, qui s'ajoute aux conclusions de la mission présidée par Jean-Claude Carle, que j'approuve, permette au Gouvernement de faire en sorte que cette politique de formation qu'il veut fermement élaborer ou parfaire devienne réalité, pour une meilleure santé de l'emploi.

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